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06/03/2007

Théophile Gautier fumait la moquette.

Théophile Gautier est l'un des romantiques les plus libres et les plus baroques.

Né en 1811 (à Tarbes), il est le vrai benjamin de la bataille d'Hernani en février 1830. Il connaît alors Victor Hugo depuis un peu plus de six mois.

On ne rappellera jamais assez à quel point cette aventure fut aussi celle de la jeunesse.

On dit que lors de la fameuse soirée où les têtes chevelues ont fait danser les perruques, le jeune Gautier arborait un gilet rouge. On imagine une soie carmin, une écarlate, mais l'examen a révélé que le rouge tirait plutôt sur la couleur crevette.

Dans la foulée, tout auréolé du succès auquel il a contribué avec ses nombreux amis jeunes peintres échappés de tous les ateliers de Paris, il décide de publier son premier recueil de poèmes. Il n'a pas de chance : l'ouvrage paraît le 28 juillet 1830, au beau milieu des Trois Glorieuses de la révolution qui renverse le vieux Charles X : le livre passe absolument inaperçu.

Il ne se décourage cependant pas et c'est plutôt dans le roman qu'il va se faire un nom.

On connaît encore l'expression "Jeunes France", mais on ignore que c'est le titre de l'une de ses oeuvres. On a parfois encore "Mademoiselle de Maupin" dans l'oreille, et c'est aussi de lui (un vrai scandale à l'époque, d'ailleurs). Bien sûr, on se régale rien qu'au titre du "Capitaine Fracasse", et c'est encore de lui.

Pourtant l'homme n'est guère connu et si je n'avais pas longtemps habité une avenue Théophile Gautier, je n'y serais sans doute pas sensibilisé.

Il faut dire que, très versé en peinture, qu'il a étudiée et pratiquée, Gautier a consacré l'essentiel de son activité littéraire à la critique. Il est même devenu, en ce domaine, l'arbitre, le donneur de brevet de romantisme.

Si un peintre adopte quelques-unes des caractéristiques de l'esprit pictural romantique, Gautier l'encense. Si au contraire, il se cambre dans le classicisme, Gautier l'ignore. Il y a parfois du dogmatisme dans ses choix. Tant pis. Il continue à produire sa myriade d'articles sur la peinture.

Ayant sans doute épuisé la résistance de ses concurrents dans ce domaine et exterminé tous les peintres qui ne lui plaisaient pas par des phrases acides, il finit par obtenir la présidence de la société des Beaux-Arts, l'organe alors le plus prestigieux en ce domaine.

Voici donc un homme de pouvoir, installé, considéré.

Comme Dumas, la défaite de 1870 lui porte un coup fatal, mais il faudra près de deux ans à Gautier (il est vrai plus jeune que Dumas) pour s'éteindre, en 1872.

Ses recueils de poèmes, comme sa prose, sont des modèles de simplicité et de clarté, mais les thèmes dont il raffole sont parfois si fantastiques, que leur force se perd dans la fumée de ses rêveries.

Ah oui, parce que j'oubliais de vous dire le plus croustillant : en 1844, Théophile Gautier a fondé un club très spécialisé : le club des Haschischins, consacré à l'étude ... du cannabis. On imagine que l'étude devait être très appliquée dès qu'elle passait aux travaux pratiques...

Il ne faut donc pas s'étonner si l'oeuvre de ce romancier, poète et critique d'art, a parfois paru fumeuse.

21:10 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Très intéressant ! Bravo !

Écrit par : Boulon | 07/03/2007

Hervé, quel formidable billettiste tu es ! J'adore ces escarmouches délicates et délicieuses, savoureuses et inattendues à chaque fois ! Merci d'écrire encore et toujours. Voilà une plume qui compte. Et libre, en plus ! Amitié. Christophe

Écrit par : bertin | 07/03/2007

Pas tout à fait cher Hervé...
Dans le clud des Hachichin le hachich se consomme comme une confiture
"Le docteur était debout près d'un buffet sur lequel se trouvait un plateau chargé de petites soucoupes de porcelaine du Japon. Un morceau de pâte ou confiture verdâtre, gros à peu près comme le pousse, était tiré par lui au moyen d'une spatule d'un vase de cristal, et posé, à côté d'une cuillère de vermeil, sur chaque soucoupe.
(...)
"Ceci vous est défalqué sur votre portion de paradis", me dit-il en me tendant la dose qui me revenait."
On est loin du chichon...
Quant aux effets produits :
"Je vis la chambre pleine de gens vêtus de noir, qui s'abordaient d'un air triste et se serraient la main avec une cordialité mélancolique, comme des personnes affligées d'une douleur commune.
Ils disaient :
Le TEmps est mort ; désormais il n'y aura plus ni années, ni mois, ni heures.
Le Temps est mort et nous allons à son convoi.
-Il est vrai qu'il était bien vieux..."
Et la suite aussi délicieuse
Et ça c'est vrai le H tue le temps...
Gautier est l'un des plus merveilleux auteurs de récits fantastiques...
Le meilleur Avatar où un amoureux transi s'installe dans le corps du mari de celle qu'il aime...
Mais aussi "La Cafetière" un bijou romantique...

Écrit par : Rosa | 07/03/2007

Mais c'est beaucoup plus amusant en imaginant la fumette.

Cela dit, les effets actuels du mode de consommation sont bien moindres, les gens consomment avec une sage modération.

Écrit par : Hervé Torchet | 07/03/2007

Je ne trouve pas...
Je préfère le paisible dessert de famille ( la confiture, dont je suis très friande) transformé en hallucinogène...
Je pense que ce sera plus facile à introduire dans ma maison de retraite que les joints... Sauf si Bayrou dépénalise d'ici là ... Au moins pour les vieux...

Écrit par : Rosa | 08/03/2007

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