20/04/2007
François Bayrou : l'homme qui va gagner.
Le voici. Dans la foule de Bercy, du haut de l'immense tribune, il salue vingt mille personnes. Il rayonne. Dans un instant, il va descendre en fendant la masse humaine.
La vague orange est là. Sage avant de déferler.
Ils sont venus, quelques-uns de loin, la plupart de Paris et de son pourtour. Calme, essoufflé, parfois écrasé, il descend, marche par marche, en serrant les mains.
Voici la ferveur. Voici l'enthousiasme.
Les doigts se tendent, les appareils photo flashent. Les gardes du corps contiennent mal la joie des gens. Marielle de Sarnez, directrice de campagne, hésite entre sourire et rictus en franchissant les obstacles sous une pression inouïe.
Bayrou disparaît parfois, comme englouti, puis il se relève. Il repousse les caméras de télévision. Le voici presque dans la fosse. Une marée d'êtres humains l'attend. Il prend un moment pour saluer encore la salle, cette halle où s'est massée la population d'une ville pour l'acclamer.
Il fait un grand signe de la main. Regard circulaire. Toute sa personne pivote. Il s'offre au regard. Il est heureux. Bercy est archi-comble. Il a gagné son pari fou. Il a rempli l'incroyable mission. Ils sont venus. Pour lui. Il pourrait en pleurer. Il les salue inlassablement. Comment les remercier ?
Il descend jusqu'au sol. Le bain de foule est indicible.
Les caméras fraient le chemin. Bayrou avance. Il s'arrête, parle un moment à quelqu'un, continue à serrer les mains qu'on lui tend. c'est homérique. Voici Achille devant l'armée troyenne, mais l'armée est venue pour le porter en triomphe.
On ne sait pas qui il est. On s'en moque. On n'a pas vu sa bobine dans Gala, on n'a pas glosé sur les frasques de sa famille ni sur on ne sait quelle amitié qu'il aurait dans le monde des pipoles.
Mais on sait qu'il veut changer la France. Qu'il veut que la France change le monde. Qu'il veut que le paysan africain puisse vivre de sa propre récolte sans se retrouver en concurrence sur son propre marché avec des produits américains ou européens de si bas prix qu'il ne peut lutter contre eux, de si bas prix par le seul effet des subventions.
Qu'il veut que des groupes puissants qui vivent des commandes de l'État ne puissent plus posséder les moyens d'info.
Qu'il veut que les institutions se soucient plus des petites entreprises que des grandes qui ont bien assez de moyens pour se défendre seules.
Qu'il veut que l'intelligence s'épanouisse et obtienne sa récompense juste.
Qu'il veut que les grandes surfaces ferment le dimanche et que la vie des caissières ne soit pas sacrifiée au confort des clients qui peuvent trouver service ailleurs.
Qu'il veut que l'école de la République redevienne l'excellence de la démocratie.
Qu'il veut un État sobre.
Qu'il veut une justice efficace, libre, et fortement dotée pour débusquer la corruption du système.
Qu'il veut bâtir des dizaines de milliers de logements hypersociaux pour les démunis et pour ceux qui, gagnant pourtant le SMIC, ne trouvent pas de toit à leur prix.
Qu'il veut augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs en rémunérant mieux les heures supplémentaires sans surcoût pour l'entreprise, qu'il veut augmenter le pouvoir d'achat des rmistes si démunis en leur proposant une activité au service public moyennant complément de leur RMI.
Qu'il veut redresser l'État pour rétablir sa capacité d'agir au service des humbles comme à celui des grandes missions de la France.
Qu'il veut partout, toujours, sans cesse, tisser du lien, unir, fédérer, rassembler, faire travailler ensemble les différents et les contraires.
Qu'il veut une France où le citoyen ne soit plus noyé dans la masse du pouvoir. Une France où le faible ne soit plus à la merci du fort.
Qu'il veut en somme rendre le pouvoir au peuple.
On sait tout cela et on lui fait confiance.
Pourquoi ?
Parce qu'il dit la vérité. La vérité. Bon sang, la vérité, il fallait y penser.
À cet instant, il a sans doute une pensée pour son ami Alain Etchegoyen qui, voici treize ans, a publié un essai crucial : "La démocratie malade du mensonge", son ami qui vient de mourir, si peu de temps avant le grand politologue René Rémond.
Démocratie où l'on fausse toutes les statistiques, de celles du chômage à celles du pouvoir d'achat.
Démocratie semblable à la Russie de la Grande Catherine où, lorsque cette impératrice déambulait dans sa campagne, on bâtissait à la hâte un village radieux, tout en carton pâte, pour qu'elle crût que son peuple vivait bien.
Seulement l'impératrice qu'on trompe, aujourd'hui, c'est le peuple. Le peuple qui le sait et qui n'en peut plus du mensonge. Le peuple prisonnier qui veut en sortir. Le peuple sans espoir, le peuple sans révolte, le peuple effaré. Mais aujourd'hui, le peuple qui se réveille.
Le voici, il est là, ils sont là, ils sont vingt mille, ils sont soixante millions, tous dressés pour lui, tous vers lui.
Il s'installe à la tribune.
Il leur adresse un sourire ému. Il cherche un mot. Il le trouve :
"Merci".
Libre.
00:45 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : présidentielle, udf, bayrou, sarkozy, royal | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Si il n'est pas présent au second tour, pour qui voterez-vous dans l'hypothèse Ségo/Sarko?
Merci de votre réponse....
Écrit par : Olivier Tirat | 20/04/2007
@Olivier Tirat
pourquoi devoir choisir entre la peste et le choléra ? L'abstention est aussi une expression. On peut légitimement refuser le système politique umps qui fait de l'électeur non pas un citoyen libre mais un votant assisté, ce qui est indigne. A titre perso, si M. Bayrou était absent du 2è tour, je me refuserais à choisir entre ces deux personnalités médiocres et dont les programmes sont à la fois irréalistes et susceptibles de diviser les Français définitivement.
Écrit par : bertin | 20/04/2007
@Olivier Tirat
Je me pose cette question (après tout légitime), et je me dis, comme Bertin, que notre vote Bayrou n'a rien à voir avec le vote Royal ou Sarkozy. Voter pour eux, c'est choisir un camp contre un autre. Bon, parfois, il y a des choix à faire. Mais il y a des choses graves en France en ce moment : la France est divisée et opposée, car on l'a divisée et opposée. Sarkozy et Royal moquent Bayrou qui veut rassembler de part et d'autre, mais si vous écoutez bien leur programme, ils disent tous deux qu'ils veulent rassembler bien au-delà de leur propre parti. Par contre, quand c'est l'UDF qui le propose, c'est de la haute trahison...
Sur le fond, Royal et Sarkozy pensent la même chose, mais à tout prendre, j'ai envie de me souvenir de cette intrview remarquable de Sarkozy que j'entendais il y a quelques mois sur France-Info où il expliquait qu'il voulait gagner l'élection présidentielle, non pour faire gagner la France, non, rassurez-vous ! mais pour "gravir le seul échelon qu'il n'avait pas encore gravi". Et on me parle d'un homme désintéressé ? Oh, je ne dis pas que Royal est sans ambition, on ne se présente pas à une élection présidentielle sans un ego assez large et sans ambition. Mais réduire à ce point sa candidature à une frustration, je ne crois pas ça très bon. Et puis je n'ai pas aimé qu'il dise qu'il n'avait pas honte de l'histoire de France, car "nous, nous n'avons pas inventé la solution finale". C'est exactement sur le contraire de ce genre de phrases que s'est construite l'Europe, c'est parce que Schumann et Monet ont dit "non" à ces remarques méchantes que l'Europe a pu voir le jour. Alors, en cas de second tour NS-SR, j'hésiterai sûrement jusque dans l'isoloir, mais la balance penche déjà un peu...
Écrit par : Laurent | 20/04/2007
C'est ce qui nous sépare Hervé
Si je vote Bayrou au premier tour c'est pour éviter Sarko : un peu de respect pour les sympathisants de Royal qui font l'effort de voter Bayrou au 1er tour en ne la traitant pas de personnalité médiocre et en ne la mettant pas dans le même sac que Sarko, sinon je vais avoir des états d'âme dimanche !
Écrit par : Rosa | 20/04/2007
@ Rosa
Bayrou sera au second tour.
Écrit par : Hervé Torchet | 20/04/2007
@ Rosa
Il fera son programme d'union nationale.
Écrit par : Hervé Torchet | 20/04/2007
Il n'empêche que vous m'avez ébranlée étant donné que beaucoup de mes amis ségolistes pensent que le "tout sauf Sarko" est une erreur comme le "tout sauf Le Pen" de 2002
Écrit par : Rosa | 20/04/2007
@ Rosa
Comprenez bien qu'il n'y a aucune ambiguïté dans le discours de Bayrou.
Ce que nous voulons, c'est déverrouiller le système.
Il y a des bastilles à prendre dans la France d'aujourd'hui. Quand on voit les cadeaux énormes que la majorité de gauche du Conseil de Paris a faits à Lagardère qui soutient Sarko et quand on voit qu'ensuite le JDD, journal de Lagardère, a fait tant de unes pour soutenir Ségo, on est en droit d'hésiter. Nous ne disons rien de plus.
Il y a un doute aussi.
C'est pourquoi bien des gens de gauche qui veulent déverrouiller le système se portent sur Bayrou pour permettre à une gauche plus intègre et plus moderne de percer.
Renseignez-vous.
Voter Bayrou, c'est jeter à bas une certaine logique politique.
Invoquez Mendès, invoquez les grands noms.
Et dites à vos amis de gauche qu'ils ne seront pas volés en votant Bayrou.
Écrit par : Hervé Torchet | 20/04/2007
C est ce qui s appelle vendre la peau de l ours avant de l avoir tué !
Choisir entre la peste et el choléra , ce serait voir le scénario du 21 avril 2002 se renouveller !
Il y aura des surprises de taille diamanche soir !!!
J annonce Le pen - Sarko au 2ième tour
Et j annonce Royal en 3ième et Bayrou en 4ième position ...
Qui vivra verra !
C est ce qui circule à sciences po Paris (ils se sont rarement trompés)
Pour moi, c est Ségo ! un vrai vote de gauche assumé !
Voter Bayrou, c est un vote de droite non assumé !
Je préfère le vote Sarko !
Écrit par : marijo | 20/04/2007
Si par malheur on a encore un second tour Le Pen/Sarko, je vote Le Pen pour éviter le 85%
Écrit par : Rosa | 20/04/2007
Le vote qui évite la victoire de Sarko, c'est le vote Bayrou.
Je comprends votre TSS, Rosa.
Il vaut mieux prévenir que guérir : Bayrou dès le premier tour.
Écrit par : Hervé Torchet | 20/04/2007
Après tout, l'écoute attentive des discussions de "café du commerce, de l'agriculture et de l'industrie réunis" vaut bien tous les protocoles de sondage : c'est ce que pratiquent depuis longtemps les Renseignements Généraux ; et leurs échantillons, à défaut d'être sociologiquement représentatifs, sont quantitativement plus larges...
Hier soir, au "Café du Commerce" local, je bois un verre avec deux cinquantenaires (donc, nous sommes trois) : mes acolytes (houps ! attention au lapsus linguae) étaient encore tout près à voter socialiste il y a peu (moi, j'ai viré ma cuti depuis longtemps, quand Tonton a commencé à chausser les cothurnes de Louis XIV, tendance putassier comme l'eût dit Saint-Simon qui ne pratiquait pas la langue de bois) ; mais hier soir, ils m'annoncent qu'ils vont voter utile, c'est-à-dire Bayrou.
Je me dis : sans doute un effet prismatique qui m'encourage à ne voir que ce que je veux voir ; or, je viens de parcourir à l'instant sur Yahoo les réponses des Internautes à une question sur le thème : "vous les indécis, pour qui allez-vous finalement voter ?" et les réponses semblent aller éloquemment dans le même sens : Bayrou, de bon ou de mauvais gré...
Écrit par : andre_yves_bourges | 20/04/2007
Cher André-Yves,
devant tant de messages sympa qui m'encouragent dans ma résolution de battre Sarko, je vous suis reconnaissant.
Écrit par : Hervé Torchet | 20/04/2007
Votre lyrisme se retourne contre votre candidat cher Hervé.
Ce candidat qui se veut mesuré a en vous un bien étrange porte-parole! Ou peut-être suis-je définitivement allergique à ce militantisme qui frôle l'indécence. Je voudrais savoir comment on devient un militant si actif... Peut-être est-ce pour combler une vie sans vie?
Esther
Écrit par : esther | 20/04/2007
Cher Hervé, Si votre candidat est aussi malhonnête que vous, la France est en danger: qu'avezvous fait du commentaire envoyé tout à l'heure dans lequel je vous demandais quel était cette vie sans vie que vous menez pour en être à ce point de fanatisme...
En évinçant mon commentaire de votre blog dont lemot clef est "libre" (lol), Bayrou a perdu ma voix et celle de toutes les personnes que je pourrai influencer d'ici dimanche.
Esther (déçue)
Écrit par : esther | 20/04/2007
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