30/07/2007
Présomption d’innocence : une régression de plus.
Le « Télégramme » est un journal parmi d’autres, une écharde de l’arbre des quotidiens du groupe Dassault après en avoir été une du groupe Hersant. La direction opérationnelle de cette publication ordinaire est assumée par les héritiers de ses fondateurs, les frères Coudurier.
Sur place, en Bretagne, Ouest-France a la réputation d’être lu par la gauche et cette forme de la gauche que constitue pour la vraie droite le centre droit et le centre. Les réac raffolent du « Télégramme » qui n’est pourtant qu’une publication un peu plus laïque qu’Ouest-France, avec une ligne éditoriale ondoyante, orientée vers Sarkozy comme presque toute la presse écrite depuis deux ans.
Ce journal ne mériterait aucun commentaire s’il ne venait de consacrer toute sa une, d’un coup, à la photo d’un tyran déchu, surchargé d’une formule sans appel : « La chute de “Néron“ ». Néron est, une phrase le signale un peu plus bas, le surnom donné, paraît-il, par Mme Chirac à Dominique de Villepin.
Voici donc Villepin tombé.
Quand ?
Jamais.
Eh non : il vient d’être mis en examen et, pour autant que l’on ait compris les événements récents, c’est en résultat de ses propres manœuvres qu’il l’a été : il avait refusé de s’exprimer avant d’avoir pris connaissance de son dossier ; or pour avoir cette connaissance, il fallait qu’il fût en examen. C’est une règle de procédure qui a conduit d’autres personnalités à la même solution dans le passé ; donc rien d’extrême.
D’ailleurs, même s’il avait subi cette inculpation, Villepin n’aurait pas été coupable pour autant ; voilà le principe de la présomption d’innocence : tant qu’un juge ne l’a pas déclaré coupable, cet homme est innocent.
Où donc est sa chute ?
À la une du « Télégramme ».
C’est un pur scandale. Une honte. Notre presse n’en finit pas de se vautrer dans sa propre boue.
Quant au fond de l’affaire, on doit remarquer que la petite affaire, celle de la dénonciation calomnieuse (une scène de mauvaise opérette, une guignolade pathétique), a complètement obéré la vraie, celle du rôle que pourrait effectivement jouer l’organisme Clearstream dans le blanchiment d’argent mafieux.
Reparlons de Denis Robert, n’oublions pas de nous étonner pour la millième fois de l’étrange acharnement qu’il subit de la part d’institutions de notre État français et interrogeons-nous sur la définition même d’une mafia : une collusion d’intérêts qui englobe des brigands « officiels » et toutes sortes d’infiltrés et de corrompus dans tous les rouages de l’État. Les acharnés contre Denis Robert seraient-ils aussi les infiltrés de la mafia dans l’État ?
Mais alors, se pourrait-il que fût vraie la rumeur qui court et qui affirme que, parmi les vrais mis en cause de la première affaire Clearstream (celle dont un jour Villepin ministre a été informé par un esprit attentif), il y ait eu de ces fameux hauts fonctionnaires qui entrent dans la définition même de l’organisation mafieuse ?
Et dès lors, la défense de Villepin, qui a indiscutablement mis en branle une mécanique d’enquête parallèle aux institutions normales de l’État, cette défense ne serait-elle pas justifiée et pertinente ?
Et si c’était vrai ?
Et s’il avait vraiment contourné les voies ordinaires pour éviter que son enquête ne passât par les mains de ceux qui avaient pour but évident de la combattre ?
Pourquoi cet aspect de l’affaire n’est-il jamais évoqué ?
Je n’ai pas d’actions chez Villepin, je n’aurais certainement pas voté pour lui s’il avait été candidat à la présidence, mais je trouve indigne de notre république, et tout à fait suspect, que l’on ne s’exprime qu’à charge contre lui.
La dénonciation calomnieuse de Sarkozy est l’une des anecdotes politiques les plus pitoyables que j’aie lues et entendues. La manie du « général » Rondot de garder des traces (authentiques ? - pourquoi pose-t-on si rarement cette question ?) de ses conversations officieuses, l’effervescence primesautière de M. Gergorin qui se proclame corbeau, puis accuse (sa parole…) Villepin d’avoir nourri sa correspondance, après avoir été l’un des rouages d’un prétendu complot aberrant et puéril, invraisemblable à ce point de ridicule, mais prétendument monté par le même Villepin, tout cela est digne d’un roman pour tout petits enfants tordus.
Et peut-on croire que Sarkozy n’ait rien su ? Bien sûr que si, il savait, dit-on par ailleurs. Alors, et si c’était lui qui avait tendu un piège à Villepin en lui soufflant (faisant souffler) l’idée de cette machination grotesque ? Et si c’était lui qui avait poussé la roue vers le précipice ?
Après tout, tout est possible.
C’est pourquoi, dans cette nébulosité persistante, la prudence devrait inspirer nos journalistes et si leurs employeurs n’étaient pas mus par la plus manifeste servilité et ne les incitaient à trahir leur mission de militants de l’info, ce serait un grand repos.
Je voudrais qu’ils s’intéressent un peu plus à la vraie affaire Clerstream et un peu moins à la pantalonnade qui déshonore notre classe politique depuis des mois.
16:55 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique, Mouvement démocrate, sarkozy, presse, villepin, liberté | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Et puis aussi à l'affaire des frégates de Taïwan. Si Clearstream a si bien pris dans l'opinion, c'est que les cinq milliards de commissions occultes ne refont pas surface. Pourquoi Fabius a 't'il donné un avis défavorable au déclassement secret défense des documents comptables de la transaction des frégates ? Apparemment quelques réponses doivent se trouver à Bercy où notre cher Sarko a trainé également ses guêtres.
Écrit par : Nef | 30/07/2007
"Et tout ça parce-que les requins tuent
Vingt-cinq personnes tous les ans
Tout ça parce-que les requins
De temps en temps se font les dents
Tout ça je l'ai toujours su en lisant
Le Télégramme de Brest
Tout ça je le saurai toujours
Quand je lirai le Télégramme de Brest oh yeah
Quand je lirai le Télégramme de Brest
En lisant le Télégramme de Brest"
Les Wampas, 2003
Les médias et l'opinion publique marchent dans tous les panneaux depuis la campagne électorale.
Il n'y a que sur Internet - et encore - où l'on puisse trouver le filtre salutaire de l'esprit critique. Sans quoi toute cette rhétorique et tous ces sophismes sarko-populistes feraient office de parole d'Evangile.
J'ai peu d'estime pour l'homme dont l'orgueil démesuré a mis tout un pays au bord de la paralysie à l'époque du CPE, pour celui qui a tenté de privatiser la SNCM au profit d'un "copain", pour celui qui a privatisé des mannes financières de l'Etat ... mais il est évident que dans toutes les manipulations de l'affaire Clearstream d'autres responsabilités resteront cachées.
Il me paraît d'ailleurs peu vraisemblable que les réseaux de N. S. (encore très actifs à l'Intérieur, même après le remaniement ministériel causé par son élection à la présidence de l'UMP) n'en aient pas eu vent d'une manière ou une autre.
Qui a réellement truqué les listings ? Peu de chance que la vérité toute nue sorte du puits avant 2012 ...
Écrit par : Ledru-Rollin 2007 | 30/07/2007
Je me souviens, il y a un peu plus d'un an d'une Une de Libé avec la photo d'un Villepin morose et ce titre : "Coulé !".
Entre la presse "de droite" asservie au Sarkozysme et la presse de "gauche" qui prend ses désirs pour des réalités et recycle sans cesse ses vieilles inepties ...
Écrit par : Ledru-Rollin 2007 | 30/07/2007
J'avoue pour ma part n'avoir jamais rien compris (malgré la pédagogie d'Hervé) à cette usine à gaz de Clearstream.
J'avoue aussi conserver à Dominique de Villepin ma considération pour son discours à l'ONU avant la guerre d'Irak.
Et surtout je me souviens que c'est le RPR qui a fait chuter Michel Noir, maire de Lyon (excellent maire) pour des détournements de fonds qui étaient des clopinettes à côté de ceux de la Mairie de Paris.
Donc je pense que ça sent vraiment le règlement de comptes et la planche savonnée par un savon très spécial au parfum élyséen.
Écrit par : Rosa | 30/07/2007
L'affaire clearstream n'est pas une affaire majeure au sens financier mais majeur au sens politique.Les fregates sont une affaire financiere majeure ou a mon avis la gauche et la droite sont impliqués sinon cette affaire serait sortie avec le jeu des alternances gauche-droite.Qui peut faire sortir l'affaire des frégates? J'en sais rien mais on peut faire sauter un secret défense quand méme. Ulm pierre
Écrit par : ulm pierre | 30/07/2007
L'affaire clearstream n'est pas une affaire majeure au sens financier mais majeur au sens politique.Les fregates sont une affaire financiere majeure ou a mon avis la gauche et la droite sont impliqués sinon cette affaire serait sortie avec le jeu des alternances gauche-droite.Qui peut faire sortir l'affaire des frégates? J'en sais rien mais on peut faire sauter un secret défense quand méme. Ulm pierre
Écrit par : ulm pierre | 30/07/2007
@Hervé
Oui je ne suis pas loin de penser que tout ceci arrange bien Mr Sarkozy. Je n'ai pas d'estime particulière pour Mr de Villepin, et dans le genre bourdes, il en a fait d'autres (conseiller la dissolution de 97). Mais effectivement, selon l'adage "à qui profite le crime ?", Mr Sarkozy tire pleine gloire de cet épisode. Mais finalement tout ceci m'intéresse peu. Pendant ce temps des lois sont votées qui ne vont pas dans le sens du redressement du pays et d'un minimum d'équité :
- autonomie des universités (confert l'intervention de François Bayrou lors des débats à l'assemblée),
- service minimum, alors qu'une expérimentation de Christian Blanc, largement mise en place par Anne-Marie Idrac à la RATP donnait de bons résultats.
- Paquet fiscal qui va encore agrandir le fossé entre très riches et revenus modestes (sans compter la part importante d'augmentation de la dette)
- Franchise de la sécurité sociale qui gênera encore les revenus moyens et modestes, mais pas les plus riches. Et ce, même pas pour boucher le trou de la Sécurité Sociale !
Et bien d'autres choes encore. Alors, l'affaire Villepin - Clearstream est encore là pour détourner l'attention.
Mais je remercierai toujours Dominique de Villepin de son discours à l'ONU. Je n'ai jamais apprécié Chirac et Villepin, mais au moins je leur suis reconnaissant d'avoir su défendre des valeurs humanistes à ce moment là. Bien d'autres se sont tu ou ont ravallé leurs positions (Mr Sarkozy entre autre...)
Écrit par : Michel Hinard | 01/08/2007
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