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15/05/2008

Le mythe du centre.

Beaucoup de sociétés archaïques croyaient que le monde avait un nombril, non seulement un centre géométrique, mais un pôle mystique. Et bien entendu, ce pôle mystique leur était étroitement lié. Dans une certaine mesure, Rome joue encore ce rôle (en concurrence avec Jérusalem) pour le catholicisme et La Mecque pour l'islam.
 
À cette même idée pouvait se rattacher l'idée que la terre se situait au centre de l'univers, pour laquelle on a fait des procès en inquisition à la Renaissance. Pour que l'Homme fût au centre de la Création, il fallait qu'il fût apparu sur la planète-phare du cosmos, celle autour de quoi tout le reste gravitait.
 
En somme, l'égocentrisme féroce, identique à celui des petits enfants, se posait en pensée cosmique et en dogme intouchable.
 
Il y a quelque chose de tout cela dans la conception que l'on a, en France, du centre en politique. Bien sûr, c'est d'abord une aire, un domaine d'idée et de comportement, situé entre l'espace dévolu à la droite et celui que s'octroie la gauche. Mais c'est aussi, croit-on souvent, un pôle, le pôle de convergence des opinions des autres. Et plus encore, le pôle de convergence des attributs de la Raison.
 
De fait, le centre, en politique, a un réel rôle structurant, les tendances politiques sont souvent centripètes ou centrifuges. Autour du centre et à sa proximité, on se laisse volontiers aller aux forces centripètes. Plus on s'en éloigne, plus l'énergie dominante est centrifuge, elle croît plus que proportionnellement à son éloignement du centre proprement dit.
 
En fait, ceux qui croient au centre en politique le conçoivent comme l'espace de pensée qui rend les conflits inutiles, parce qu'il fait de la politique une science exacte.
 
En somme, l'idéal, la perfection. Sans doute trop.
 
Car le centre peine à se matérialiser dans une structure politique : il reste un espace. Cet espace a des valeurs, ou plutôt des valeurs lui sont étroitement liées, celles qui sont compatibles avec celles des autres, ou celles qui transcendent la polarité générale.
 
De toutes les valeurs de l'espace central, la bonne gouvernance et la bonne gestion sont les plus fortes, les plus visibles, les plus authentiquement centristes. C'est sur elles que Raymond Barre avait fait reposer sa campagne en 1988. Il y en a d'autres, en particulier l'intérêt général, qui ne peut être que centriste puisque par nature il conteste la pertinence des opinions des deux fractions de droite et de gauche.
 
C'est sur ce socle : bonne gouvernance, bonne gestion, intérêt général, que Bayrou a fait reposer sa percée d'avril 2007. Il faut dire qu'il était seul sur ces créneaux, seul dans l'espace central. Si je devais chiffrer la performance qu'il en a tirée, je dirais le score de Barre, 16,5%. Les deux points supplémentaires qu'il a obtenus, il les doit à d'autres thèmes, eux polarisés, sur lesquels il a su s'imposer, comme par exemple les logements hypersociaux qui ont eu un fort effet d'attraction sur des quantités de gens qui rêvent d'améliorer leur vie. On peut d'ailleurs regretter que, depuis la campagne présidentielle, il n'en ait plus fait mention.
 
Et donc, pour la prochaine fois, il lui reviendra d'accomplir une manoeuvre en deux temps : d'abord consolider son électorat naturel en rappelant les valeurs fortes (bonne gouvernance, bonne gestion, intérêt général), puis partir à la conquête d'autres électorats, soit également à droite et à gauche, soit un peu plus d'un bord que de l'autre, et pour cela, s'approprier des thèmes ordinairement polarisés. Il doit sans doute ajouter dix points à ses 16,5 naturels. Il y a donc beaucoup de travail, mais c'est possible et les deux campagnes intermédiaires (européenne et régionale) peuvent y servir, et conforter sa crédibilité s'il parvient à retrouver des scores puissants, ce qui est à sa portée pourvu qu'il choisisse bien ses candidat(e)s.
 
En n'oubliant pas que l'éventail des thématiques n'est pas le même pour ces scrutins que pour la présidentielle.
 
On voit que je ne suis pas très inquiet des tentatives élyséennes de diluer l'identité des Démocrates dans une émulsion de centrismes bigarrés.
 
Je le suis d'autant moins que, s'il est vrai que le MoDem est solidement ancré dans les valeurs centrales, il porte un fond d'âme qui, lui, n'est pas centriste et qui constitue son vrai moteur, à des milliers d'années lumière de la conception surannée qui embourbe les neurones élyséens.
 
Il y a bien une nouvelle façon d'être de gauche avec la solidité des valeurs centrales : c'est celle des Démocrates. 

20:20 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, modem, bayrou, centre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

J'aime beaucoup ce billet Hervé. non seulement je le trouve bien écrit mais en plus, il me semble que pour une fois, en ne faisant référence qu'à toi-même, il est totalement authentique :)
Et puis, je le trouve tout à fait optimiste et serein et je t'en remercie.

Écrit par : marie laure | 15/05/2008

C'est étrange. Je n'ai jamais considéré le centre sous l'angle de la puissance magnétique! J'ai du mal d'ailleurs à le voir comme un espace. Ce qui m'enthousiasme dans le centre, ce n'est pas la recherche de l'équilibre, mais le levier qui rend possible une révolution!

Le bipolaire est en effet, l'organisation la plus évidente qui soit pour se représenter le monde.
Le dépassement de la dialectique et la synthèse me paraissent être les principes constitutifs d'une modification, d'un élargissement de la conscience: en pensant au centre, il me semble qu'on complexifie (c'est peut-être ce que tu appelles le fond d'âme) et qu'on permet ainsi l'avènement d'une autre possibilité pour la pensée... Un peu comme la recherche du paradoxe ou celle du point d'achoppement qui nécessite le retournement.

Ce qui me plaît dans le centre ce n'est pas sa capacité de se vêtir des attributs de la raison, au contraire, il y a au centre, une force d'irraison qui n'a rien de commun avec l'extrémisme radical en ce qu'elle ne cherche pas le dépassement sur un bord seulement, mais le projet de conciliation des contraires condense une force et une synergie peu rationnelle au fond, du moins dont la rationalité n'est pas très cartésienne. C'est peut-être pour cela qu'on peut parler de messianisme chez Bayrou. Dans son texte du Centre au Projet démocrate, il y a quelque chose de cette conversion-là qui révèle la pensée politique du XXIème siècle.

Écrit par : Mapie | 15/05/2008

magnifique billet, ce n'est que le titre qui ne va pas avec le contenu

Écrit par : Le Petit Grognard | 16/05/2008

franchement ça vaut bien des articles de journaliste et même des articles universitaire s'il y a avait qlq référence en plus

Écrit par : Le Petit Grognard | 16/05/2008

Les commentaires sont fermés.