23/05/2008
Tintin par Spielberg, numéro zéro.
Comme beaucoup d'observateurs l'ont noté, le nouveau film de Steven Spielberg, sans doute le testament d'Indiana Jones, est très marqué par la préparation du cycle que Spielberg consacrera bientôt à Tintin, le "jeune reporter" d'Hergé.
Indiana Jones, en un seul film, traverse toute l'aventure de Tintin : il se bat contre les Soviets, il va chercher une boule de cristal en forme de crâne, dans un temple du soleil, il finit par rencontrer des extra-terrestres qui communiquent par transmission de pensée comme dans "Vol 714 pour Sydney". La prochaine fois, il s'en ira chercher de l'or noir au Congo sur un navire chargé d'esclaves en stock et tripotera nerveusement les bijoux d'une cantatrice.
Quoiqu'il en soit, j'avoue que je n'ai guère été enthousiasmé par ce film, pas plus que ses fans cannois, paraît-il. Il faut attendre la vingtième minute pour la première trouvaille de mise en scène et Spielberg, maître incontesté du cinéma d'action, développe une intrigue très "guerre froide", avec des semelles de plomb, certes pas manichéenne : l'ennemi est non seulement soviétique (après tout, c'est désormais une étape de l'Histoire des États-Unis), mais aussi l'hystérie paranoïaque que la guerre froide a imposée aux États-Unis et qui, selon Spielberg qui s'exprime toujours en vrai humaniste, est une forme de défaite intellectuelle et morale, comme si le plan de Staline avait été justement de saper la société américaine en y répandant cet esprit paranoïaque. Bien entendu, la métaphore avec le terrorisme et l'erreur du tout-sécuritaire s'impose aussitôt.
Indiana Jones a vieilli, c'est le propos du film, c'est aussi son constat : il ne roule plus des yeux effarés, il n'y croit plus comme avant. La magie d'enfance a disparu du cycle. D'ailleurs, le chapelet de références aux films précédents, indispensables pour un personnage-culte, scelle l'innocence perdue et la nostalgie de cette enfance évanouie. Karen Allen, éclatante et furieusement belle voici trente ans, a forcément trente ans de plus. Le vieux Charles Brody, qui traversait encore le temple de la "dernière croisade" voici vingt ans, est mort, dans la vie comme dans le film, où il est statufié, il y a comme un parfum de fleur fânée dans tout ça, de mélancolie.
Les deux derniers films de Spielberg que je suis allé voir avant cet Indy fripé étaient la Liste de Schindler et Munich, deux films redoutables. Au moment de la Liste, on reprochait encore à Spielberg de ne pas savoir s'extraire de l'enfance. Cette fois, on se demande s'il est encore capable d'y revenir.
Mais si l'on ne trouve plus le même plaisir de l'action, la même gouaille, le même humour espiègle et impertinent que dans les Indiana Jones des années 1980, reste la leçon d'humanisme, la conviction d'un "croyant" qu'est Spielberg, non pas d'un religieux, d'un "croyant", pour qui la cupidité sera toujours une perte et la seule vraie valeur : le savoir.
10:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Les commentaires sont fermés.