09/09/2008
Lettre ouverte à Patrick Roger sur le Mouvement Démocrate.
Le journaliste du "Monde", Patrick Roger, suit François Bayrou depuis assez longtemps. Dans l'ensemble, il lui consacre des articles de bonne qualité, pas forcément complaisants, mais de vrais articles de journaliste et comme il l'a dit lors de l'Université de Rentrée, un journaliste est quelqu'un dont le rôle est entre autres d'expliquer, d'indiquer les vrais enjeux d'une situation, de décortiquer un calcul. C'est un métier remarquable, nécessaire à la démocratie, que Bayrou a décrit comme de plus en plus difficile à exercer lorsqu'il a animé une table-ronde dont j'ai fait le direct sur mon blog.
Dans son "papier" du 4 ou du 5 septembre, avant de partir pour Cap Estérel où j'ai eu l'occasion de le saluer, Patrick Roger a développé une idée-force : le MoDem est une machine à transformer des voix de droite en voix de gauche.
Cette idée provient des résultats d'une étude conduite par l'IFOP, selon laquelle les électeurs de François Bayrou proviendraient en majorité de la moitié droite de l'électorat, mais se reporteraient désormais au deuxième tour sur le candidat de gauche plus volontiers que sur celui de droite.
Isolons les éléments de ce raisonnement : tout d'abord, le MoDem est-il comme feu le MRP, parti dont on disait qu'il avait "un électorat à droite, mais des élus à gauche" ? Ce n'est pas si simple. Le détail de l'étude électorale montre qu'en moyenne, les candidats du MoDem ont "fait", aux élections cantonales de mars dernier, 13,9 %, montant à 21% en moyenne lorsqu'ils n'affrontaient pas de candidat de droite, retombant à 10,n% lorsqu'ils en combattaient un, cependant qu'ils atteignaient 15% en l'absence de candidat de gauche, 13% (presque la moyenne générale) quand il y en avait un.
On voit bien, en effet, que la présence d'un candidat de gauche n'affecte qu'assez peu le score de nos candidats, cependant que celle d'un candidat de droite le divise par deux.
Et au second tour, les reports se font majoritairement à gauche.
C'est donc, conclut Patrick Roger, que le Mouvement Démocrate transforme des voix de droite en voix de gauche.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette conclusion. En effet, il me semble qu'avec l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la république, le curseur s'est déplacé : si l'on totalise les scores de Sarkozy et de Le Pen, on obtient 41,6 %, à mettre en regard avec les 37 % totalisés par Chirac et Le Pen en 2002, et même si l'on ajoute Mégret à Le Pen en 2002 et Villiers au même en 2007, on obtient encore une progression de plus de 3 points des droites proprement dites. Le curseur s'est donc déplacé d'autant et des électeurs qui se pensent toujours au centre droit sont désormais, par cet effet mécanique, au centre gauche. C'est une nouvelle réalité politique que les électeurs concernés eux-mêmes n'intègrent que très progressivement.
Si l'on dissèque les chiffres donnés par l'IFOP, on peut évaluer la répartition des 14 % du score des Démocrates de la façon suivante : "centre droit" (tel qu'il est défini par les sondeurs sur la base du passé) : 6 %, centre extrême (et non-centristes) : 5 %, centre gauche : 3 %. Si l'on estime que le curseur s'est déplacé de 3 %, on trouvera la répartition suivante : centre droit 3 %, centre extrême 5 %, centre gauche 6 %, soit la proportion exactement inverse. Disons qu'il y a 3 points, un peu plus d'un cinquième, des électeurs du MoDem, qui "flottent". Or ces 3 % correspondent à peu près à la proportion du report de voix qui a fait élire Sarkozy. Car sur 18,6 % comptabilisés par Bayrou au premier tour, selon les études, ce sont 7,5 environ de ces 18,6 qui ont voté Sarkozy au second. Si on les ajoute aux 44 % représentés par le total des droites (avec la nuance qu'il y a eu des électeurs d'extrême droite qui se sont reportés à gauche et des électeurs d'extrême gauche qui l'ont fait à droite, et d'autres des deux camps qui se sont abstenus), on obtient 51,5. Ces 1,5 au-delà de 50 représentent un mouvement de 3 % dans un sens ou l'autre. Il apparaît donc probable que des électeurs de Bayrou, jusqu'ici catalogables au centre droit, et ayant reporté leurs voix machinalement à droite lors de la dernière présidentielle, aient pris conscience de la nouvelle réalité politique.
Enfin, Patrick Roger conclut en estimant que le Mouvement Démocrate a un périmètre comparable à celui de feue l'UDF, mais "moins d'influence". J'avoue ne pas très bien comprendre en quoi nous avons moins d'influence que feue l'UDF. Est-ce seulement parce que nous avons moins de parlementaires ? Cela mériterait explication, car il me semble au contraire que notre indépendance nous donne bien plus d'influence dans la société civile, qui est le vrai lieu de l'influence. Notre voix porte plus loin.
Et d'ailleurs, 14 %, ce ne sont pas les 12 % "faits" par l'UDF en 2004 aux Européennes et aux régionales, score que nous avons bon espoir d'améliorer nettement lors des prochains scrutins, mais ceci est une autre histoire.
11:18 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : modem, patrick roger, le monde | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Merci hervé pour ces analyses, celle de Patrick ROGER et la tienne, qui ne me semblent pas contradictoires.
Il est exact que les militants et électeurs de l'ancienne UDF, plutôt à droite, et qui sont restés au MoDem, se retrouvent maintenant au centre gauche, sans points communs avec la droite plutocrate et ultra libérale de SARKOZY.
Sur la perte d'influence, il est vrai que la perte des parlementaires nous a affaibli et il sera interessant de voir les suites des élections sénatoriales, dans deux semaines.
Écrit par : Guillaume A | 09/09/2008
Merci de ces remarques :-) J'ai eu l'occasion de bloguer à côté de toi à Cap Estérel, je dois dire que tu tapes très vite avec peu de doigts... chapeau.
Donc pour revenir à ton article, je pense que tu analyses bien l'analyse de Patrick Roger et le commentaire de Guillaume A. :
"Il est vrai que la perte des parlementaires nous a affaibli et il sera interessant de voir les suites des élections sénatoriales, dans deux semaines."
m'interpelle également. Je lui répondrais que je ne pense pas que la pertes des parlementaires nous affaiblissent - financièrement c'est le cas, mais rien n'est irrémédiable - mais certainement pas dans la population, car notre liberté de parole nous permet de toucher davantage de gens, je le constate tous les jours.
Écrit par : Danièle Douet | 09/09/2008
Mouais. Je ne comprends pas bien l'intérêt de toutes ces interminables discussions sur la gauche et la droite. En tous cas vous avez fait une inversion sur la "machine à transformer des voix" la première fois que vous employez l'expression dans le deuxième paragraphe ;-)
Écrit par : florent | 09/09/2008
@ florent
C'est juste : il s'agit de voix de droite en voix de gauche. Lapsus linguae.
Écrit par : Hervé Torchet | 09/09/2008
Il me semblait qu'un des objectifs était de s'affranchir au mieux de ces notions de Droite/Gauche, pour répondre aux préoccupations d'une majorité de Français en dépassant les clivages et les idéologies. Sinon, pour la majorité des journalistes, il n'y a que les stars qui existent en politique comme ailleurs, avec toutes les dérives que cela implique. Mais je pense aussi que cela peut-être une force auprès de l'électorat.
Sans vouloir approfondir les calculs, entre 2007 et 2012, il y aura une nouvelle génération d'électeurs qu'il ne faudrait pas négliger.
Écrit par : jihemnet | 09/09/2008
Cet article comme tous ceux de Patrick Roger était passionnant . On peut rejeter les clivages droite gauche et porter intérêt à cette analyse socio-politique d'après l'enquête de l'IFOP. Je crois cependant que PRoger dans son papier faisait une analyse inverse à celle que tu rapportes . Le Modem transformerait des voix de droite en voix de gauche et non l'inverse ! C'est l'idée d'un SAS pour un électorat de droite anti sarkozyste vers un projet socialisant... le Modem aiderait ainsi la gauche plus que la droite. La conclusion est surtout que l'électorat Modem prend corps et que à mon avis l'alternative sociale-démocrate (ou un autre mot si cela choque certains) proposée de facto par FB peut séduire bien au delà de l'électorat du 1er tour de 2007 .
Écrit par : juste milieu | 09/09/2008
@ juste milieu
Tu avais l'air en forme à Cap Estérel, suffisamment en tout cas pour lire les autres commentaires avant de donner le tien et, donc, tu pourrais avoir noté que ce demi-lapsus a été relevé et mis au point. Cela étant, pour plus de clarté, tant pis pour les commentaires, je corrige le texte.
Écrit par : Hervé Torchet | 09/09/2008
Hervé, je suis l'exemple vivant de cette thèse contradictoire...
Donc, je suis un "vieux" militant UDF (tendance CDS) qui votait toujours au Centre Droit (UDF et parfois UDF/RPR puis UMP/UDF).
EN 2007, aux Présidentielles, j'ai voté Bayrou au 1er Tour puis Bayrou (un bulletin conservé du 2è tour) au 2ème tour (donc nul).
Aux Législatives 07, à Paris où je réside ds le XVè, j'ai voté UDF-MODEM puis PS. Enfin, aux Municipales, où j'étais candidat sur la liste d'Eric A. dans le XIIIè en 39è position, j'ai voté MODEM puis PS, d'autant que Delanoe avait un bon bilan et que Panafieu a toujours eu le charisme d'une huitre morte du bassin d'Arcachon.
Ceci étant, le PS étant, par sa médiocrité en tant qu'opposition, devenu l'allié objectif de l'UMP par son effet répulsif, je me verrais mal revoter PS à des scrutins nationaux ultérieurs.
Donc, ds des électiopns à 2 tours, j'orienterais désormais plus volontiers mon vote sur le MODEM et, s'il n'est pas présent au 2è Tour, sur un vote nul. Car aujourd'hui, voter PS, c'est voter UMP. C'est là que l'analyse de M. Roger marque le pas : il n'y a aucune systématisme à ce que le Modem transforme une voix de droite en voix de gauche, de l'instant où le PS est aussi consternant...
Pour les Européennes, le vote MODEM est une évidence qd on es issu de la (vieille) famille CDS, comme moi.
Écrit par : bertin | 10/09/2008
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