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10/12/2008

Terminer.

Il y a bientôt deux ans que j'ai ouvert ce blog, le 9 janvier 2007. À ce moment-là, je terminais difficilement mon précédent livre qui, à une édition de l'Histoire de Bretagne de Bertrand d'Argentré (historien censuré en 1582 et pas réédité jusque-là), ajoutait une substantielle introduction (équivalente à un livre de 150 pages de format courant), sur laquelle je calais.

En me permettant d'écrire en liberté, le blog a alors libéré ma plume, il m'a aidé à terminer ce livre. Quelques semaines après avoir ouvert le blog, j'ai fait une note évoquant la difficulté qu'il y a à terminer un ouvrage et la joie que j'avais d'avoir pu le faire. Je suppose que c'est comme le coup de grâce pour un torero ou la balle de match pour un joueur de tennis : ce n'est pas un coup d'épée comme les autres, ce n'est pas une balle comme les autres. Il faut savoir terminer, c'est un acte d'énergie.

On se souvient de Yannick Noah, lors de la finale de Roland-Garros qu'il a remportée, qui répétait "Je peux gagner, je peux gagner", en serrant le poing d'un air crispé. La victoire, ça s'assume.

Terminer un livre, sans vous inciter à relire ma note du premier trimestre 2007 que j'aurais du mal à retrouver, c'est porter une estocade et c'est redoutable comme de se jeter dans un précipice.

Le livre que je dois terminer a été commencé dans l'été 2007, trois mois après la parution du précédent, trois mois de l'après-présidentielle. Depuis près de dix-huit mois, il m'a constamment accompagné. La première partie du travail qu'il a représenté fut extrêmement fastidieuse, comme les trois premiers tomes de ce recensement des Bretons que je publie depuis la fin 2001 : collecter des masses de petites informations en dépouillant des milliers de parchemins médiévaux.

J'ai tant fouillé dans les chartriers, depuis douze ans (début de ce travail), qu'il m'est arrivé plusieurs fois de devoir couper les ficelles d'un séquestre révolutionnaire, les documents n'ayant jamais été interrogés depuis qu'ils avaient été pris chez un Émigré en 1792. Au début, je passais des journées entières dans les bibliothèques et les dépôts d'archives à relever les info à la main, sur des feuilles de papier, j'en ai cinquante classeurs de notes. Ensuite est venue l'informatique, puis l'appareil de photo numérique, qui me permet de dépouiller les documents chez moi plutôt que dans les dépôts. L'inconvénient est qu'alors que dans la période précédente, ma journée de travail actif se terminait avec la fermeture des bibliothèques, maintenant, je n'ai plus d'heure ni de jour.

C'est pourquoi il m'a fallu diluer ce travail très minutieux dans le temps, ménager des repos et des plages d'inaction pour laisser les informations se décanter. Car mon travail ne consiste pas seulement à relever des info, mais à les connecter, cela va de soi.

Une fois terminée la collecte des info, il faut digérer une masse énorme de documentation. Puis rédiger une synthèse qui prend la forme de l'introduction. En faisant cette synthèse, en général, le document change du tout au tout et des idées nouvelles apparaissent. Il y a à cela une condition : la concentration, l'imprégnation profonde, intime, dans le document. C'est là, à ce stade de métamorphose, que je me trouve encore, dans la phase décisive, pour laquelle je m'éloigne.

Il restera ensuite à peaufiner l'aspect du livre, choisir cent à cent cinquante illustrations parmi des milliers que j'ai glanées ou réalisées en diverses occasions durant ces mois passés, puis viendront les ultimes détails techniques, et je pourrai soumettre l'ensemble à l'appétit des lecteurs.

Voilà, vous savez tout.

Alors ? le passé a-t-il un avenir ?

23:24 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : écriture, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Très belle description du métier de l'historien.
Bonne continuation dans le cadre de ta thébaïde bretonne pour la poursuite de la rédaction de ton oeuvre.
Amicalement

Écrit par : Thierry P. | 10/12/2008

Similaire en description aux stades de développement d'un papillon... je suis certaine qu'il sera magnifique. :)

Écrit par : Martine | 11/12/2008

passé, présent, avenir ... ou le temps a-t-il un sens ?

Écrit par : Mirabelle | 11/12/2008

"choisir cent à cent cinquante illustrations parmi des milliers que j'ai glanées"

Faites attention tout de même à ne pas piocher par erreur dans les photos de Q !

Écrit par : X | 11/12/2008

@ X

Si je m'écoutais, j'en glisserais partout et je suis sûr que ça doperait les ventes... ;p

Écrit par : Hervé Torchet | 11/12/2008

Vous connaissez la formule?
Je crois qu'elle est d'Engels: "Le Passé explique le Présent et présage de l'Avenir"

Écrit par : Jean Marie | 11/12/2008

Une chanson qu'on jurerait écrite pour Hervé Torchet:

Vray dieu d'amours - Matthaeus Pipelare

http://films7.com/mp3/vray-dieu-damours-matthaeus-pipelare

Vray dieu d’amours, confortez l’amoureux
Qui nuit et jour vit en très grand martyr
Pour la belle au gent corps et gracieux
Qui ne me veut de joye ou jeux nantir.

Pour vray vous dit sans en rien mentir
Si vous requiers que j’ai allègement
Joye et soulas au lieu de grief tourments
Donnez secours, ne soyez égarée
Car j’ai douleur plein de gémissements
Deuil angoisseux, rage démesurée.

S’il advenoit que fusse il heureux
Qu’à mon désir puississe parvenir
Oncques amant ne fust si vertueux
S’amour vouloit à mon faict convenir
Mais il me faict angoisse soutenir

N’avoir ne puis repos aucunement
Pour la belle qui me point ardamment
Et enflammoit jouant à despérée
Pour elle j’ai desconfort asprement
Deuil angoisseux, rage démesurée.

Son doux regard très plaisant et joyeux
Et son gent corps me font grand desplaisir
Quand je la vois je suis assez songeux
De l’honnourer pour lui faire plaisir
Puis la servir quand j’ai temps et loisir.

Je veux mais suis sans quelque esbatement
Triste, pensif, dolent entièrement.
Qui me point fort, c’est dure destinée
O dieu d’amours, ostez-moi brièvement
Deuil angoisseux, rage démesurée.

Prince d’amour, je requiers humblement
Qu’on voit priant que ma très destrée
Veuille en chasser de moi hastivement
Deuil angoisseux, rage démesurée.

Écrit par : X | 11/12/2008

Beau témoignage. Le moment de doute où l'on a tant accumulé qu'on se sent surchargé, fatigué, mal à l'aise avec un sujet qui vous écrase, c'est, je crois, le moment d'y aller, parce que tout est là, d'écrire d'un trait.

Écrit par : FrédéricLN | 11/12/2008

Courage Hervé, c'est en effet la période la plus facile que tu viens de traverser, celle de la joie de l'accumulation avant la pensée, avant la réflexion.
moi aussi je préférais les journées rythmées par le temps de la bibliothèque, maintenant il n'y a plus de frontières et tout se dilue, le temps, le travail, le loisir...
lors de mes séjours romains, j'allais tous les matins à l'ouverture de la bibliothèque du vatican et, bien qu'arrivée toujours dans les premiers, il fallait laisser s'inscrire en n°1 le Cardinal Ratzinger. le premier arrivé ne pouvait qu'être n°2 (l'ordre étant important pour une bonne place dans la salle des manuscrits notamment car une fois un certain nombre atteint, plus d'entrée), elle fermait très tôt mais il est vrai que cette rigidité du temps nous poussait à la concentration intellectuelle et que du coup, tous les jours après la collecte nous avions du temps pour l'analyse.
travaille bien (moi aussi je peux faire l'oncle paul d'une autre famille!) mais tu vas nous manquer

Écrit par : FB | 11/12/2008

Une belle description en effet. C'est un peu comme cela que j'envisage les choses pour ma thèse aussi. Le moment venu, je devrais peut-être penser à louer une cabane d'ermite pour, comme vous, me contraindre à ne pas bloguer et rester concentré...

Écrit par : florent | 12/12/2008

Je me souviens des débuts de ce blogue avec nostalgie, nous avions commencé à la même époque.
J'aimais beaucoup vos billets littéraires qui se terminaient par "libre"
puis la politique vous a occupé à temps plein et je l'ai toujours regretté.
Car pour quoi finalement ?

Écrit par : Rosa | 13/12/2008

Les commentaires sont fermés.