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25/05/2010

BNF, Google, faudra-t-il appeler à la grève du dépôt légal ?

L'obligation du dépôt légal date de près d'un demi-millénaire en France. Elle a permis à la bibliothèque nationale de France (BNF) d'être l'une des toutes premières bibliothèques du monde, selon le critère de la quantité et de la qualité des ouvrages imprimés qu'elle détient.

Le dépôt légal constitue un avantage colossal pour elle : elle acquiert ainsi des centaines de milliers de titres nouveaux chaque année sans débourser un centime. Ce dépôt légal, du point de vue des auteurs et plus encore des éditeurs n'a d'autre logique que le fait du prince, devenu l'autorité de la puissance publique.

La BNF, de ce point de vue, incarne le pouvoir du peuple sur ses créateurs littéraires et intellectuels, la pensée est œuvre collective, elle appartient en commun à l'ensemble du peuple français qui en conserve la trace dans sa bibliothèque nationale, une bibliothèque publique par essence. Retirez l'esprit public, il ne reste rien, il n'en reste rien, la bibliothèque disparaît.

Ajoutons d'ailleurs que l'honneur de ce service public est de mettre à la disposition des chercheurs du monde entier, sans distinction, ses extraordinaires collections.

En face de cette quintessence de l'esprit public, Google.

Au début, Google s'est avancé masqué, une bande de potes sympa qui voulait rendre service à tout le monde. Bon, certes, on disait un peu que Google était soutenu par le Pentagone et par l'armée américaine, ayant débuté d'ailleurs comme cela sa seconde vie après l'intranet originel des scientifiques. Mais ce n'était pas si grave, on ricanait que c'était encore des fanatiques de la théorie du complot qui lançaient ça et blablabla.

Puis on s'est aperçu que Google ne rendait pas service aux sites d'une façon neutre : il y avait effet de pouvoir dans ses algorithmes, et ceux dont l'existence dépend d'Internet ont compris qu'ils étaient désormais prisonniers de la grande gare de triage des autoroutes de l'information.

Alors, on a cherché dans Facebook et dans Twitter des moyens de contourner la puissance de Google. Mais y est-on parvenu ?

Et maintenant, Google ne se cache plus : cette entreprise privée veut devenir maître du monde et contrôler et aiguiller la totalité des flux d'info dans le monde, rien que ça.

Et on a appris voici quelques mois que les autorités françaises, pour mégoter des bouts de chandelles, envisageaient de confier à Google la numérisation de ses exceptinnelles collections. Le dépôt légal, le fait du prince, mis au service de la domination du monde par des intérêts privés (et américains).

Le débat s'est vite envenimé et le gouvernement a dû faire marche arrière, mais on sent bien qu'il guette le moment où il pourrait de nouveau satisfaire son goût de la mise du public au service du privé (de préférence du privé américain).

Il faut qu'il le sache, il faut qu'on leur dise, à tous ces petits marquis d'un soir : s'ils maquereautent notre bibliothèque commune, s'ils sacrifient notre bien commun à leur lucre avili, nous ne ferons plus le dépôt légal, nous ne donnerons plus nos livres à ces marchands de sujétion.

Nous créerons peut-être notre bibliothèque publique à nous, numérique et autre, et nos livres que nous donnerons, nous ne les donnerons plus que là. S'il n'y a plus d'esprit public, il n'y a plus de dépôt légal obligatoire, vive la liberté.

Demain 26 mai en fin d'après-midi se tiendra au site Mitterrand de la BNF, quai Mauriac dans le XIIIe, un débat dont le titre est transparent : Google Livres et l'avenir des bibliothèques numériques. J'irai participer à ce débat si on daigne y laisser la parole à la salle, et je leur dirai, en face, cette vérité.

10/05/2010

La couverture de mon prochain livre.

Je ferai paraître très prochainement un livre de 256 pp (format in 8°) contenant ce qui reste des comptes des trésoriers et receveurs généraux de Bretagne pour la période 1420 - 1433. Les historiens Dom Hyacinthe Morice et Dom Guy-Alexis Lobineau ont publié voici trois siècles de courts fragments de leur source. Cette publication permettra à tout un chacun d'avoir un accès à des documents qui, jusqu'ici, sont cantonnés à l'état de manuscrits de la Bibliothèque nationale de France.

L'ouvrage coûtera 20 Euros et sera principalement vendu par Internet. On pourra aussi télécharger une version sous pdf dans des conditions auxquelles je réfléchis encore.

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21/12/2009

Différentiel de TVA sur le livre entre la France et la Belgique : aïe.

En France, le livre (à juste titre à mon avis) est considéré comme un bien de première nécessité, et donc taxé à 5,5 %. Entre nous soit dit, vu le rôle joué par Internet en matière éducative, le  taux réduit de TVA devrait lui être appliqué aussi. Ce n'est pas le sujet de mon article d'aujourd'hui. En France, donc, c'est l'ensemble de la filière livre qui est taxé à 5,5 % : quand je fais imprimer un livre, je paie 5,5 % de TVA. Ce taux n'est pas uniforme pour l'imprimerie, puisque si je fais imprimer un livret publicitaire, je paierai 19,6 % de TVA,la pub étant tout sauf nécessaire.

En Belgique, le taux appliqué à la fabrication et à la vente diffère : à la fabrication, il se monte à 21 % ; à la vente, à 6 %. Et ça change tout.

Ainsi, lorsque je fais imprimer 300 gros livres pour 12000 Euros, vais-je payer autour de 2400 Euros de TVA en plus en Belgique. Si je vends ces livres 250 Euros pièce sans intermédiaire, je percevrai environ 20 Euros (c'est schématique) par livre. Pour récupérer mes 2400 Euros de TVA versée, il faudra donc que je vende vite 120 exemplaires sur 300.

En France, en sus des mêmes 12000 Euros, je vais payer un peu plus de 600 Euros de TVA. Si je vends mes livres dans les mêmes conditions 250 Euros, percevant environ 20 Euros pièce, il me suffira de vendre 30 exemplaires pour couvrir la TVA versée à l'imprimeur.

On voit donc que le modèle belge de TVA sur le livre pousse l'éditeur à vendre plus et plus vite, tandis que le modèle français permet à l'éditeur de petites collections de suivre son chemin sans subir le même effet de stock. Il y a cependant d'autres règles qui peuvent entraver cet appétit pour les faibles tirages et l'écoulement lent des stocks, mais ces règles sont remédiables.

Je ne suis pas en mesure de détermner si ce dispositif belge de TVA a un effet sur les coûts de fabrication, un effet à la baisse. En revanche, on peut imaginer que son effet sur les prix hors taxe soit massif, puisque l'éditeur, pour retrouver son degré de risque malgré l'effet très pénalisant de la TVA, aura besoin de frais de fabrication hors taxe moins élevés. Je puis témoigner que le devis hors taxe de mon éditeur français (qui n'est déjà pas cher par rapport à un précédent, de l'ordre de 25 %) est encore 25 % plus élevé que celui de mon imprimeur belge. Évidemment, cette différence est en partie compensée par le surcroît de TVA en Belgique, il se trouve cependant que cette TVA, je dois en faire l'avance, mais qu'elle me sera entièrement remboursée. À l'arrivée, je vais bénéficier à la fois des prix bas suscités par l'organisation belge de la TVA et de la faible pression exercée sur mes activités par le système français de TVA. Comme entrepreneur, je ne peux que m'en réjouir, mais est-ce juste ? Sans doute pas, c'est pourquoi (je suis coincé pour cet exemplaire-ci dont l'économie est maintenant verrouillée) j'ai entrepris de modifier mon organisation de production dès mes prochaines parutions. cela ne siginifiera pas forcément que je ne recourrai pas aux travaux belges, ar cet imprimeur travaille bien, mais que je m'organiserai autrement.

Au passage, je signale que la question de l'application du taux réduit de TVA au livre numérique continue à être débattue.

26/11/2009

Dorothy de Warzée, droits d'auteur, numérisation, réédition sur papier.

Le nom de Dorothy de Warzée ne vous dit sans doute rien. Cette femme a été l'auteure d'un seul livre, "Peeps into Persia", paru en 1913 chez Hurst et Blackett, un éditeur londonien. À l'époque, ce livre est passé plutôt inaperçu, tiré à peu d'exemplaires. Depuis ce temps, et jusqu'en 2008, il n'avait jamais été réédité. Mais avec le temps, et avec l'intérêt qui a grandi sur l'Iran (enconre dénommé Perse en 1913), il est devenu un document, une sorte de classique introuvable, qui a fait qu'en 2008, Kessinger publishing en a fait ce qu'on nomme un "reprint", c'est-à-dire un fac-similé. Dans le même temps, l'université de Californie à Los Angeles, mieux connue sous le sigle UCLA, l'a mis en ligne dans le projet Archive.org (j'ouvre une fenêtre de lecture en bas de cet article), très bien numérisé (bien mieux que par Google, soit dit en passant).

Pourquoi j'en parle ? Il se trouve que Dorothy de Warzée est mon arrière-grand-mère, qu'elle est morte en 1963, et que son ouvrage n'est pas dans le domaine public, ce qui ouvre évidemment des perspectives sur le fait que les ayants-droits n'aient jamais été consultés sur les opérations de réédition, ni de numérisation...

Commençons par le commencement.

Dorothy de Warzée, née Davis

Dorothy de Warzée, qui s'intitule "baroness" (baronne) d'Hermalle, est née Dorothy Davis en janvier 1880 à Marylebone, un district de Londres, fille d'un avocat, James Davis. Celui-ci, peu d'années plus tard, fit un pari avec un journaliste et devint ainsi un librettiste d'opérette très renommé, Owen Hall, et pour ceux qui ne savent pas ce qu'est un librettiste d'opérette, je précise que c'est celui qui écrit les lvrets, les textes, des opérettes. Owen Hall était l'un des librettistes les plus en vue à Londres vers 1900, et il faut comparer ce métier avec celui des scénaristes de cinéma à succès d'aujourd'hui : c'était très rémunérateur et très glorieux. Owen Hall se ruinait de temps à autre avec son écurie de courses de chevaux, mais il se refaisait aussitôt avec une nouvelle opérette.

En 1902, la famille passe ses vacances sur la Côte d'Azur, en France. On joue au tennis. Il y a là un couple de Belges. Lui est "directeur des jeux de la reine (des Belges) à Spa", c'est-à-dire qu'il dirige le casino de Spa. La couronne belge l'a nommé à ce poste parce que ça lui interdisait de jouer au casino, et qu'il avait tendance à se ruiner au casino... La femme de ce directeur, nommé Léon le Maire, est née Noémi de Warzée d'Hermalle, fills du baron de Warzée d'Hermalle.

Sans entrer dans trop de détails, disons que la famille de Warzée remonte à Païen de Warzée qui fut compagnon de Godefroi de Bouillon lors de la première croisade, en 1096. Le château de Warzée laisse de vagues ruines quelque part dans le Brabant wallon, je crois. Une branche cadette de ces Warzée s'est installée à Liège vers la fin du XIIIe siècle sous le patronyme Payen de Warzée. À la fin du XVe, elle a abandonné Payen pour ne garder que de Warzée, s'établissant à Huy, une ville alors prospère. Au XVIIIe siècle, deux branches se sont formées. L'aîné de l'aînée était bâtonnier de l'ordre des avocats de Liège en 1789. Ses descendants ont été créés barons de Warzée d'Hermalle par le roi des Pays-Bas, titre confirmé par le roi des Belges lorsque la Belgique a fait sécession en 1831. Le père de Noémie de Warzée d'Hermalle était l'avant-dernier baron, il était un peu excentrique et dilapida sa fortune, ne laissant qu'un dernier baron et Noémi. Le dernier baron fit ce qu'on nomme une adoption simple pour transmettre son patronyme aux fils de sa sœur. Les fils en question se prénommaient Léon et Willy, Willy le Maire de Warzée d'Hermalle fut souventes fois champion de Belgique de tennis (un peu plus que selon la notice wikipedia) et même finaliste en double à Wimbledon en 1918.

Femme de diplomate

Dorothy trouva Léon le Maire de Warzée d'Hermalle séduisant, il fumait le cigare, jouait au poker et pratiquait un humour assez caustique. Elle se laissa donc enlever, on ne sait pas pourquoi les parents ne voulaient pas de cette union, sans doute pour des raisons religieuses. Bref, Dorothy et Léon se marièrent rapidement, puis Léon passa un concours de la fonction publique belge du roi Léopold II et devint consul de Belgique. Le couple alla à Lima, au Pérou, où ma grand-mère est née en 1903, puis revint en Méditerranée (je crois que c'est là qu'est né leur fils Guy, père de l'acteur Michel de Warzée), puis une première fois à Téhéran, dans le pays qu'on appelait encore la Perse, où la Belgique avait obtenu de nombreux marchés publics.

De là, ils allèrent pour quelques mois à Sofia, en Bulgarie. C'est alors qu'on apprit que Léopold II était mort. Léon, Dorothy et leurs enfants revinrent précipitamment à Bruxelles : Léopold II ne voulait pas développer le corps diplomatique de son pays, il se souciait d'économie et ne travaillait que le corps consulaire. Avec sa mort, le corps diplomatique allait pouvoir reprendre de l'étoffe, et Léon tenait à y entrer. Il consacra donc six mois à Bruxelles à préparer le concours, qu'il réussit haut la main. Il repartit aussitôt pour Téhéran dans le corps diplomatique, je pense qu'il devait être premier secrétaire de la légation, à moins qu'il n'ait été directement ministre (c'est-à-dire ambassadeur) de Belgique à Téhéran.

C'est ce second voyage surtout qui a inspiré "Peeps into Persia", le livre de Dorothy.

Le couple Warzée (par commodité et pour répondre au vœu du dernier baron de Warzée d'Hermalle, on utilisait son nom, comme aujourd'hui Galouzeau de Villepin est appelé Villepin dans la vie courante) passa trois ans supplémentaires à Téhéran, de 1910 à 1913, ce qui lui en faisait cinq en tout. Lorsque parut "Peeps into Persia", en 1913, Dorothy ne put rentrer faire la promotion du livre à Londres : son mari venait d'être nommé ministre de Belgique auprès de l'empereur du Japon. Les Warzée remontèrent jusqu'à Moscou, où ils prirent le Transsibérien qui les mena jusqu'à la côte pacifique de l'Asie, en fait jusqu'à la Mer du Japon, qu'ils traversèrent en bateau.

Ils passèrent huit ans au Japon, de 1913 à 1921, notamment toute la Première Guerre Mondiale pendant laquelle Léon ne reçut plus son traitement et vécut un peu de son poker. Contemporain de ma grand-mère, le jeune Hiro Hito, qui fit plus tard trembler l'Amérique pendant la Seconde Guerre Mondiale, fut alors son camarade de jeux...

Du Japon, les Warzée allèrent à Washington pour une conférence importante, puis à Cuba où l'activité principale était le poker, ce qui réjouit Léon. Enfin, pour la première fois depuis douze ans, ils revirent l'Europe. Léon avait été fait baron le Maire de Warzée d'Hermalle par le roi Albert Ier. Signalons au passage que lorsqu'elle s'intitule baronne, en 1913, Dorothy anticipe un peu sur les événements. Licence poétique...

Le dernier poste de Léon fut Pékin. Les Warzée y arrivèrent en 1923 et y demeurèrent jusqu'à la mort de Léon, en poste, en 1931. Dorothy mena alors une vie de veuve itinérante, courant le monde, allant chez des cousins ou chez des amis. Ayant quelque ascendance juive, elle s'éloigna d'Europe autant qu'elle le put pendant la Seconde Guerre Mondiale, qu'elle passa en Afrique du Sud. Elle est morte à Nice en septembre 1963.

Les Davis

Elle avait une nombreuse famille dans les arts au Royaume Uni : l'une des sœurs de son père, Julia, était devenue romancière sous le pseudonyme de Frank Danby, de qui sont nés Gilbert Frankau, Ronald Frankau et même Pamela Frankau (fille de Ronald).

Hyman Davis, père d'Owen Hall (et donc grand-père de Dorothy, avait été circoncis sous le nom de Haim HaLevi. Il avait débuté comme peintre puis, ayant enlevé sa femme (une tradition familiale), il avait dû se trouver une occupation plus rémunératrice, s'était d'abord installé à Dublin, puis était revenu à Londres, où il avait été l'un des tout premiers photographes. La National Portrait Gallery, de Londres, conserve des portraits photographiques réalisé par lui à cette époque, parmi lesquels on remarque des chanteurs d'opéra qui, peut-être, ont contribué à l'essor d'Owen Hall.

Curieusement, Hyman et sa femme Bella avaient confié l'éducation de leurs enfants à une nurse à domicile qui n'était autre que Mme Lafargue, la fille de ... Karl Marx.

Encore plus curieusement, cette éducation n'avait pas empêché le jeune James Davis qui n'était pas encore Owen Hall de s'enrôler dans le Parti Conservateur, et d'y être même investi pour des législatives auxquelles il renonça d'ailleurs à se présenter. Par compensation, Owen Hall était ami du paria Oscar Wilde et de quelques autres artistes moins conservateurs...

La question juridique

Une directive européenne a unifié le principe de la durée de la protection des droits patrimoniaux des ayants-droits, à 70 ans après le décès de l'auteur. Comme on le sait, des tentatives récentes ont voulu porter cette durée à 100 ans, ce qui reviendrait en pratique à cantonner le domaine public aux œuvres passées dans la postérité. Il y a par exemple moins de cent ans que Proust est mort, comme Apollinaire. Dans le domaine phonographique, 100 ans reviendrait à annihiler purement et simplement tout domaine public. Dans la peinture, Monet, mort en 1926, rentrerait dans le champ de l'exploitation patrimoniale dont il est sorti depuis longtemps, ce qui ferait sortir des œuvres des années 1860 (!) du domaine public. On croit rêver. Si un lecteur a la gentillesse de placer un lien pour préciser où en est cette question de la durée, il en sera remercié.

Selon le droit actuel, l'œuvre modeste de Dorothy de Warzée est protégée jusqu'en 2033, ce qui n'est déjà pas mal, son livre étant paru en 1913.

Les ayants-droits sont ma mère, sa sœur, quelques-uns de leurs neveux et nièces, et leurs trois cousins germains belges. C'est évidemment beaucoup de monde pour de maigres droits d'auteur.

Il n'est évidemment envisageable pour personne d'interdire ni la diffusion gratuite du livre sur Internet (c'est un document en soi, un texte un peu dispersé mais charmant, oscillant entre les considérations ethnographiques, les potins mondains, le shopping minutieux, et diverses autres perspectives), ni sa réédition, au contraire, c'est merveilleux que ce texte trouve une vie si longtemps après être paru et oublié.

Au passage, je signale le projet Archive.org, qui semble être une alternative assez efficace à la numérisation par Google, non sans défaut cependant.

Alors ? que faire ? rien ? ou devons-nous, par respect pour notre aïeule, manifester notre existence ? Je le crois.

 

15/03/2009

La réalisation des livres électroniques.

Il faudra que je change de statut pour un prochain salon : je me promène machinalement avec mon badge d'éditeur et les gens s'adressent plus au professionnel qu'au blogueur...

Comme j'ai appris que les blogueurs littéraires pouvaient être accrédités en tant que tels au Salon, je crois que ce sera l'occasion pour moi de compléter mon panel avec un blog strictement littéraire.

Je réalise moi-même ma compo et mes mises en page sous pdf qui est suffisante pour faire un livre électronique. Je ne suis donc pas client des intermédiaires qui existent. Il se trouve que l'un d'entre eux est cependant présent sur la Salon : la société Immanens. Une jeune femme nous dit quelques mots de son activité :

 

14/03/2009

Libérez le livre numérique.

L'an dernier, j'assistais à une table ronde qui relatait les balbutiements des premiers livres numériques en France. Deux produits étaient disponibles depuis peu : l'Irex et Bookeen, ce dernier étant un produit de conception française, sauf un élément, l'écran, puisque celui-ci est frabriqué pour tous les acteurs du marché par un seul fabricant, une société taïwanaise. au passage, il est amusant de noter que la Chine, qui a inventé ce qu'on nomme necore l'encre de Chine, reste en pointe de l'encre avec le premier support d'e-ink, d'encre numérique.

Aujourd'hui, nouvelle table ronde.

L'Irex est le plus complet mais aussi le plus onéreux des supports disponibles, mais très tourné vers le journal numérique, l'e-paper. Et Bookeen se proclame le plus implanté, puisque présent dans une quarantaine de pays et plusieurs langues, dont le russe et le chinois.

Sony vient de lancer son propre produit (son "reader") simultanément au Royaume-Uni et en France, puis depuis quelques jours en Allemagne et c'est assez cocasse d'avoir vu cet après-midi, au Salon du Livre où ce sujet était traité, le cofondateur de Bookeen donner des info sur le développement de Sony sur ce marché au représentant de Sony France...

De fait, on sent bien que Bookeen se sent sous pression en raison de l'apparition d'un mastodonte comme Sony sur un marché qui demeure un segment étroit, alors qu'Amazon a déjà développé son propre "reader" (le Kindle) aux États-Unis et qu'on est certain qu'il va l'adapter au français, et qu'Apple numérise des livres à tours de bras, ce qui signifie qu'il va aussi prendre une position sur ce marché. L'indépendant Bookeen résistera-t-il au combat des mammouths ?

Toujours est-il que le marché s'organise autour de deux pôles : les contenus libres, d'une part, et les contenus sous DRM d'autre part.

C'est la société Adobe qui a, apparemment, développé un format plus complet que le pdf, qui permet d'introduire une clef créant le DRM. Les éditeurs ont la possibilité d'y recourir pour une somme qui est présentée comme modique (donc non pénalisante pour les petits éditeurs). Cela étant, dans le cadre du contenu libre, le format pdf est lu par les livres numériques présentés aujourd'hui.

Dans le cadre des contenus sous DRM, il faut cependant préciser que l'interopérabilité des contenus n'est pas encore faite : Amazon a son propre support dont la compatibilité restreinte lui permet de fonctionner sous forme d'exclusivité pour son support. Vous voulez lire le prochain Harry Potter ? Achetez un Amazon Kindle serait la philosophie de cette démarche. On a vu récemment à propos d'Apple et d'Orange que les tribunaux français répugnaient à entrer dans ce genre de logiques, mais il faut savoir que l'appétit de domination des géants envisage sérieusement ce chemin.

Pour contrer la stratégie très monopolistique d'Amazon, les différents supports présents actuellement en France se sont organisés autour de la formule imaginée par Adobe et parrainée par la FNAC. C'est encore la FNAC qui va faire le lobbying pour que la TVA sur le livre numérique rejoigne celle du livre papier, car la première est actuellement à 19,6 %, et la seconde à 5,5 %. Franchement, cette égalisation paraît juste. Pour le moment, le différentiel entre le livre numérique et le livre sur papier n'est que de 10 à 15 %, alors qu'il est de 25 % aux États-Unis. Si la TVA baissait, la correction serait la même. On voit que le lobby du papier se défend, mais étant donnée la pollution occasionnée par cette industrie, on ne voit réellement pas ce qui justifie qu'elle prenne le lecteur en otage.

Les trois produits présentés (hors l'Irex qui est plus tourné vers l'e-paper et des usages plus "pointus", écran réinscriptible etc) sont dans la fourchette de 250 à 300 Euros. Deux seulement sont disponibles en France actuellement : Bookeen (280) et Sony (299), les deux ayant des caractéritiques d'usages forcément assez proches, puisque l'écran provient du même fabricant et que c'est seulement l'ergonomie et l'esthétique qui diffèrent.

Voici une vidéo prise hier où M. Colin présente l'activité de la société 4D Concept, dont la diffusion des Irex et des Bookeen :

 

13/03/2009

Salon du Livre de Paris : premières impressions.

Le Parc des Expositions de la porte de Versailles, à Paris, est totalement vétuste et, à chaque fois que je m'y rends, je regrette que Delanoë perde son temps avec son idée sotte de tours au lieu de s'atteler à la modernisation de cet équipement qui existe et qui laisse à désirer. Il est visible que les déperditions d'énergie y sont énormes, c'est un calvaire pour l'environnement, c'est aussi une série de hangars tous moins inventifs les uns que les autres, l'espace y est mal utilisé, sans ingéniosité, la place perdue n'y sert à rien alors qu'elle pourrait être rendue utile à bon escient. Bref, il faudrait raser et reconstruire pièce par pièce le Parc des Expo, qui est un endroit réellement rébarbatif et désuet.

Les premiers salons du Livre, voici une trentaine d'années, avaient le charme du désordre, ils se déroulaient au Grand Palais, qui est l'endroit le moins fait pour ce genre d'événements, les stands serpentaient dans les coursives et se bousculaient à l'orchestre, c'était coudoyant et fiévreux à souhait. Depuis bien des années, c'est au Parc des Expo, les allées sont orthogonales, tout respire l'ordre sage et une forme d'ennui, sauf pour les mioches pour qui tout est toujours neuf.

Quoi qu'il en soit, c'est une délectation d'y retrouver chaque année des monceaux de livres.

Pas de grande innovation en 2009, seulement des économies visibles.

Je rendrai compte dans une seconde note d'une conférence sur les encyclopédies en ligne à laquelle j'ai assisté et dont j'ai pris des extraits vidéo.

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06/01/2009

Tagué

Mirabelle m'a tagué, voici vite fait 6 livres :

Notre-Dame de Paris, parce que c'est le meilleur.

L'or de Cendrars parce que cela a été le premier.

Les Antimémoires de Malraux parce que c'est un magnifique tissu de mensonges.

L'Histoire de Bretagne de Bertrand d'Argentré parce qu'elle a été censurée et parce que je suis le premier en plus de 400 ans à avoir réussi à la rééditer.

L'éducation europénne de Gary parce que c'est mordant et tendre.

L'Histoire des Girondins de Lamartine, parce que tout ce qui se penche sur les prémices de la révolution fait plaisir à Quitterie Delmas.

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10/12/2008

Terminer.

Il y a bientôt deux ans que j'ai ouvert ce blog, le 9 janvier 2007. À ce moment-là, je terminais difficilement mon précédent livre qui, à une édition de l'Histoire de Bretagne de Bertrand d'Argentré (historien censuré en 1582 et pas réédité jusque-là), ajoutait une substantielle introduction (équivalente à un livre de 150 pages de format courant), sur laquelle je calais.

En me permettant d'écrire en liberté, le blog a alors libéré ma plume, il m'a aidé à terminer ce livre. Quelques semaines après avoir ouvert le blog, j'ai fait une note évoquant la difficulté qu'il y a à terminer un ouvrage et la joie que j'avais d'avoir pu le faire. Je suppose que c'est comme le coup de grâce pour un torero ou la balle de match pour un joueur de tennis : ce n'est pas un coup d'épée comme les autres, ce n'est pas une balle comme les autres. Il faut savoir terminer, c'est un acte d'énergie.

On se souvient de Yannick Noah, lors de la finale de Roland-Garros qu'il a remportée, qui répétait "Je peux gagner, je peux gagner", en serrant le poing d'un air crispé. La victoire, ça s'assume.

Terminer un livre, sans vous inciter à relire ma note du premier trimestre 2007 que j'aurais du mal à retrouver, c'est porter une estocade et c'est redoutable comme de se jeter dans un précipice.

Le livre que je dois terminer a été commencé dans l'été 2007, trois mois après la parution du précédent, trois mois de l'après-présidentielle. Depuis près de dix-huit mois, il m'a constamment accompagné. La première partie du travail qu'il a représenté fut extrêmement fastidieuse, comme les trois premiers tomes de ce recensement des Bretons que je publie depuis la fin 2001 : collecter des masses de petites informations en dépouillant des milliers de parchemins médiévaux.

J'ai tant fouillé dans les chartriers, depuis douze ans (début de ce travail), qu'il m'est arrivé plusieurs fois de devoir couper les ficelles d'un séquestre révolutionnaire, les documents n'ayant jamais été interrogés depuis qu'ils avaient été pris chez un Émigré en 1792. Au début, je passais des journées entières dans les bibliothèques et les dépôts d'archives à relever les info à la main, sur des feuilles de papier, j'en ai cinquante classeurs de notes. Ensuite est venue l'informatique, puis l'appareil de photo numérique, qui me permet de dépouiller les documents chez moi plutôt que dans les dépôts. L'inconvénient est qu'alors que dans la période précédente, ma journée de travail actif se terminait avec la fermeture des bibliothèques, maintenant, je n'ai plus d'heure ni de jour.

C'est pourquoi il m'a fallu diluer ce travail très minutieux dans le temps, ménager des repos et des plages d'inaction pour laisser les informations se décanter. Car mon travail ne consiste pas seulement à relever des info, mais à les connecter, cela va de soi.

Une fois terminée la collecte des info, il faut digérer une masse énorme de documentation. Puis rédiger une synthèse qui prend la forme de l'introduction. En faisant cette synthèse, en général, le document change du tout au tout et des idées nouvelles apparaissent. Il y a à cela une condition : la concentration, l'imprégnation profonde, intime, dans le document. C'est là, à ce stade de métamorphose, que je me trouve encore, dans la phase décisive, pour laquelle je m'éloigne.

Il restera ensuite à peaufiner l'aspect du livre, choisir cent à cent cinquante illustrations parmi des milliers que j'ai glanées ou réalisées en diverses occasions durant ces mois passés, puis viendront les ultimes détails techniques, et je pourrai soumettre l'ensemble à l'appétit des lecteurs.

Voilà, vous savez tout.

Alors ? le passé a-t-il un avenir ?

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12/06/2008

PPDA a préfacé un de mes livres.

Lorsque fin 2001 je suis entré dans la phase opérationnelle de l'édition du premier tome de la Réformation des Fouages de 1426, un recensement qui a concerné les Bretons (et seulement deux) dans les années 1426 et suivantes, je me suis dit "après tout, PPDA s'annonce un peu breton, je lui envoie un extrait du livre, on verra bien".
 
Quelques jours plus tard, j'étais à Quimper chez un des rares libraires de bibliophilie (mes livres sont des documents mais aussi des livres rares, sur beau papier, des objets de collection) de Bretagne, lorsque, en remontant dans ma voiture, je trouvai un message sur le répondeur de mon portable que j'avais laissé là pendant que je bavardais.
 
- Bonjour, ici Patrick Le Lay...
 
Quelqu'un se présentant comme Patrick Le Lay me laissait un numéro de portable à rappeler, au sujet du livre. Je composai ce numéro, laissai à mon tour un message, indiquant quand et où on pouvait me rappeler. Le soir même, j'avais effectivement Patrick Le Lay en ligne, qui voulait m'acheter des exemplaires du livre (il en a pris trois à plus de 200 Euros pièce). Poivre d'Arvor avait transmis les éléments que je lui avais adressés à son patron.
 
Par la suite, j'ai eu l'occasion de le rencontrer, il avait été convenu que je participerais à l'une de ses émissions, celle du samedi après-midi, sur LCI, mais finalement, ça ne s'est pas fait.
 
Son travail est admirablement organisé : son asistante, Marie-Hélène, est au courant de tout, prête à rendre service, et m'a mis en contact avec Sylvie Pradères qui gérait les affaires de PPDA pour ses deux émissions (celle de LCI et "Vol de Nuit"). Une fois, comme une de mes amies était invitée à "Vol de Nuit", j'ai eu envie de lui faire la surprise de m'y trouver. J'appelai Sylvie Pradères qui me donna la marche à suivre et je vins, un mardi matin, à la maison de la Radio, près de chez moi, quai Kennedy à Paris, dans les coulisses de cette émission.
 
En fait de coulisses, il s'agissait d'un petit salon, doté d'un bar, de tables et de sièges, où les gens bavardaient. En général, c'était un peu cloisonné : pendant l'enregistrement de la première émission, les auteurs de la seconde discutaient nerveusement avec leur éditeur ou leur attaché(e) de presse. Mais parfois les cloisons tombaient.
 
Comme pour détendre l'atmosphère, il flottait une odeur étrange, des relents qui ressemblaient à du cannabis, mais je suppose que c'était mon imagination.
 
Poivre d'Arvor lui-même, qui a la réputation d'être colérique, est en tout cas très attentif avec ses interlocuteurs, toujours bienveillant et disponible. Il a un contact très simple. Quand je le sollicitai de préfacer le troisième tome de la Réformation, il fit un très gentil et très pertinent petit texte. Du point de vue commercial, je crois que ça a été contreproductif ; tant pis, c'est le témoignage de moments chaleureux.
 
Il m'a rendu service et je ne l'oublie pas. 

20/03/2008

L'économie du livre au seuil d'un cataclysme.

En France, on lit de plus en plus. Mais on achète de moins en moins de livres. Que lit-on ? Internet.
 
Internet, c'est le grand retour de l'écrit : avant Internet, on avait cessé de s'écrire, on se téléphonait. Avec Internet, on s'écrit, on s'écrit dans le double sens : on écrit à l'autre et on écrit sur soi. De mail en blog, en passant par divers formes de messages et de grafiti sur les murs de facebook, on écrit et on lit sans cesse. Des messages souvent courts, certes, mais des textes.
 
Est-ce pourquoi l'on achète de moins en moins de livres ? Peut-être.
 
Quelques segments du marché ont déjà pris plus qu'un énorme coup dans les gencives : le livre de collection, par exemple. D'une part, parce que les gens n'ont pas d'argent, donc pas de fonds pour collectionner, mais aussi parce que des ouvrages jusqu'ici introuvables sont disponibles gratuitement sur Gallica, la version numérique de la BNF.
 
Tant mieux pour les lecteurs, me direz-vous, mais c'est un secteur commercial sinistré : il y avait une bonne demi-douzaine de librairies de livres de collection en Bretagne voici dix ans (outre le "nid" à Bécherel, ville qui s'est dédiée au livre), il n'en reste plus qu'une ou deux.
 
De la même façon, il n'y a plus, dans le Finistère (plus de 800 000 habitants), que deux librairies qui ne soient pas en outre Maisons de la Presse : une à Brest et une à Quimper. Et qu'arrivera-t-il quand les gens auront des journaux électroniques téléchargeables par Internet ?
 
Et qu'arrivera-t-il quand, à force de refuser de s'intéresser au livre numérique, les éditeurs seront complètement dépassés ? C'est ce que leur disait un intervenant lors d'une table ronde lors du Salon du Livre : longtemps, l'industrie musicale a refusé de se pencher sur le numérique et l'évolution qu'il imposerait à leur commercialisation. Un jour, tout leur est tombé dessus en même temps. À force de pratiquer la politique de l'autruche, ils ont fini par prendre tout de plein fouet.
 
Face à un marché en difficulté et à une mutation rampante, les principaux acteurs du marché du livre se sont lancés dans une course à l'autruche : c'est à qui sera le plus autiste.
 
Le livre de classe, à mon avis, ne gardera qu'une très faible part de marché sur papier et se concentrera sur l'électronique, avec d'ailleurs sans doute des formats html, voire combinant différentes technologies vidéo, audio, WiFi, et autres, qui en feront des outils pédagogiques de très haut niveau.
 
Le "beau livre" a beaucoup souffert de la contraction du marché. Sous l'impulsion de Taschen et maintenant de La Martinière, il a dû baisser considérablement ses prix pour conserver une existence. Sans doute y aura-t-il toujours des clients pour de jolies photos sur tous les supports (donc aussi papier). Seul le livre de très haut de gamme, présentant un contenu exceptionnel (comme les miens) durera sur papier sans décliner (voire même en mangeant peu à peu le marché du faux prestige).
 
Certains secteurs du livre, longtemps florissants, ont perdu de la croissance : c'est le cas du livre pour enfants, qui fut une véritable rente, une croissance exponentielle durant une très longue période. Les éditeurs du secteur semblent avoir pris la mesure des choses en se lançant hardiment dans le multimédia et paraissent en être récompensés.
 
Le livre de littérature (essai ou roman) va diversifier aussi ses supports. Je crois que c'est le roman qui subsistera le plus sur papier : difficile de se protéger du soleil à la plage en se couvrant le visage avec un livre électronique ! tandis qu'en ouvrant un roman de gare, c'est divin...
 
Plus sérieusement, l'objet livre est quelque chose en soi, une sorte de fétiche. Mais à une époque où les gens ont de moins en moins de place chez eux, on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils n'aient que des livres de papier.
 
On voit donc que je suis plutôt optimiste sur l'avenir. Oui, mais.
 
Les ventes de livres ne sont pas bonnes depuis plusieurs années. Pour faire face aux difficultés de trésorerie que cette dégradation leur cause, nombre de maisons d'édition ont choisi la fuite en avant, comme l'indiquait le blogueur Gillou le fou lors de la première table ronde du Salon : faire paraître un livre, c'est le livrer à son diffuseur. Celui-ci le livre à son tour au libraire ; le libraire le paie assez vite. Au bout d'un temps, s'il ne l'a pas vendu, il le rend au diffuseur et celui-ci le rend à l'éditeur qui rend l'argent. Durant le temps qui sépare cette dernière opération de la première, l'éditeur s'est fait de la trésorerie. La fuite en avant consiste à sortir de nouveaux livres pour ouvrir une compensation qui permet à l'éditeur de ne pas avoir à rembourser le libraire. C'est ce qu'on nomme de la cavalerie budgétaire, formellement interdit dans tout autre métier, mais vertement encouragé dans celui de l'édition.
 
Cette fuite en avant, comme toute autre, n'aura qu'un temps : la réalité finit toujours par triompher.
 
Car les premières années, on pouvait imaginer qu'elle eût un sens : gagner du temps en attendant le redressement du marché. Aujourd'hui, on sait que le marché ne se redresse pas et ne se redressera pas tel qu'il a été : entre-temps, il aura changé et, faute de s'y être adaptés, les acteurs du marché subiront de plein fouet et concomitamment l'émergence du nouveau marché et l'aboutissement de leur folie cavalière.
 
Je crois dans l'émergence progressive des acteurs du livre numérique. Les formules de manuscrit.com et de Lulu.com ont certainement de beaux jours devant elles et les autres éditeurs plus traditionnels finiront par s'y mettre, d'autant plus que c'est très compatible avec l'activité du libraire, dont le conseil est la plus-value commerciale, une sorte de critique littéraire de proximité.
 
En revanche, l'émergence du numérique va pénaliser lourdement un acteur et c'est sans doute pourquoi les poids-lourds freinent à l'évolution : ils dépendent de cet acteur. Cet acteur, c'est le diffuseur, celui qui achemine le livre de l'éditeur au libraire.
 
Il a un double rôle : celui de la promotion des livres (à travers des représentants) et celui du routage.
 
C'est un métier qui a déjà changé de nature depuis que les grandes surfaces généralistes contrôlent la majeure part du marché. Car le représentant n'a plus guère d'influence, moins en tout cas qu'auprès du libraire de quartier.
 
Ici comme ailleurs, la concentration excessive du marché vide les organisations commerciales de leur sens.
 
Mais c'est tout de même un métier encore, une branche qui, à l'instar des centrales d'achat du secteur généraliste, est très concentrée et encadrée sur un mode corporatiste. Les éditeurs sont très dépendants des diffuseurs.
 
D'autant plus que grâce à la loi Lang de 1981, le prix du livre reste encadré : s'il était libre, les diffuseurs perdraient leur pouvoir au profit des centrales d'achat et sans doute, les libraires de proximité perdraient une très grande part de marché, soit au profit des hyper ordinaires, soit au profit des structures de type FNAC, Virgin ou Espace Culturel Leclerc.
 
En tout cas, le numérique est le moyen pour les éditeurs de retrouver de fortes marges, parce qu'il permet des coûts très bas et un catalogue très diversifié (qui il est vrai pose le problème de la rémunération des auteurs).
 
Ne pas comprendre cette baisse des coûts et ce pluralisme expose les acteurs du secteur au dépérissement au profit des pionniers que je salue avec gourmandise. 

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14/03/2008

Le salon du Livre s'entr'ouvre au numérique.

Depuis que Sarkozy est devenu président, on est fliqué partout. On pourrait s'attendre à ce qu'au salon du Livre de Paris, événement plutôt anodin du point de vue politique et gangstérien, on trouve un havre de liberté. Hélas, avec l'invitation d'honneur de l'État d'Israël, le salon est devenu un bunker, avec contrôles renforcés et longues files d'attente à l'entrée.
 
Pourtant, aux dires d'un blogueur amusé dont je parlerai dans un instant, le salon est resté hier après-midi ouvert à tous les vents et sans le moindre contrôle... pendant plusieurs heures... N'ilmporte quoi, donc, comme d'habitude.
 
Cependant, j'y viens toujours avec la gourmandise d'un gamin qu'on lâche dans une confiserie, les yeux écarquillés devant tous ces trésors qu'on nomme livres.
 
Cette année, outre une réorganisation spatiale et un relookage que je trouve heureux l'une comme l'autre, l'événement est l'irruption du numérique : une web TV disponible sur le site du salon et un cycle de conférences sur les différents aspects de l'évolution de l'édition vers le numérique.
 
J'ai assisté aujourd'hui à deux débats.
 
Le premier, en fin de matinée, rassemblait quatre blogueurs autour d'une jeune femme d'Arte. J'ignore l'identité de l'un des blogueurs. Le second est le spécialiste français du livre numérique, il porte un nom italien et, après avoir longtemps tenu un blog sur le roman japonais, se cantonne désormais à un blog lié à son activité professionnelle (lassé d'un blog lui coûtait un temps considérable sans lui rapporter rien). La troisième est une sorte de Quitterie Delmas de droite de la blogosphère littéraire, prénommée Florence, très mondaine, qui s'enorgueillit de 4000 visiteurs par jour sur son blog personnel, qu'elle cumule avec un blog professsionnel qui est destiné à un travail d'amélioration de logiciels avec les blogueurs utilisateurs. Le quatrième prénommé Gilles (je pense que son patronyme est Cohen-Solal) est le blogueur des éditions Héloïse d'Ormesson. Il a 300 lecteurs par jour, beaucoup moins donc, et qui laissent très peu de commentaires, ce qui ne dépayse personne.
 
Il défend la culture Internet tout en avouant n'y comprendre rien, ne pas savoir inclure un lien dans un texte, bref, ne pas être du sérail, mais il veut croire dans l'esprit. Il note cependant que Guy Birenbaum, qui a publié le livre du blogueur vedette Ron l'Infirmier, n'a vendu que 2000 exemplaires du livre, ce qui est un tout petit chiffre dans l'édition, alors qu'il était une grande vedette de la blogosphère. Lui-même avoue cependant dire exactement ce qu'il pense sans se retenir sur le blog et espère qu'ainsi une forme de critique libre peut progresser et faire progresser un marché de l'édition dévoré par la cavalerie budgétaire et la corruption. Hélas, la Quitterie de droite lance que, selon elle, la blogosphère littéraire est très corrompue aussi. C'est donc sans espoir, se lamente le blogueur.
 
Avant ce premier débat, j'avais assisté en direct et d'une façon apparemment transparente, aux trois derniers tours de scrutin du prix Essai France Télévisions, décerné à "Une enfance algérienne" (piquant, une année où, en raison de l'invitation de l'État d'Israël, la plupart des écrivains et éditeurs venus du monde musulman sont absents, ce que je regrette, autant d'ailleurs que le tri sélectif d'auteurs israéliens par les autorités de ce pays dénoncé par Haaretz, j'ajoute que j'ai beaucoup d'estime pour Shimon Peres, militant infatigable de la paix équitable).
 
Le deuxième débat, l'après-midi, était beaucoup moins directement littéraire, mais posait d'une façon beaucoup plus crue la question des évolutions technologiques et de l'avenir de l'économie de l'édition.
 
Trois intervenants seulement autour de la même jeune femme : Serge Delloye, représentant Hachette et le Guide du Routard (je crois que c'est un parent de la fille d'Ingrid Betancourt), un inconnu qui a proclamé ne pas exister et n'avoir pas d'autre interlocuteur que des médias spéciaux (il a présenté un logiciel étonnant qui permet de sonoriser un texte mot à mot), et un autre inconnu chargé de vanter les nouveautés technologiques (pas toutes inintéressantes d'ailleurs) de la méthode Assimil.
 
Le point de rencontre des trois était le tourisme. Une représentante des guides Gallimard s'était d'ailleurs placée dans le public pour pouvoir débiter son contre-couplet en temps opportun.
 
Delloye défend le guide papier, estimant que dans de nombreuses circonstances, il sera soit plus complet soit plus facile à transporter et à utiliser qu'un modèle numérique. Je lui ai concédé que je crois comme lui que le livre papier, d'une manière générale, va conserver une place.
 
Mais j'ai été désagréablement surpris de constater que la conférence s'est transformée en plaidoyer contre le modèle gratuit, en mise en cause du téléchargement au nom de logiques économiques. Et je dois dire qu'en fin de compte, c'est sans doute le point faible de l'entr'ouverture du salon au numérique : prendre le modèle gratuit comme un adversaire frontal. Comme un symbole, le stand de Médiapart est accolé à l'espace où ont lieu les conférences sur le numérique.
 
Je ne veux aucun mal à Médiapart (soutenu par Quitterie Delmas), mais cliver en pro- et contre le modèle gratuit ne rend service à personne.
 
J'ai tenté de défendre l'articulation des deux modèles, mais on ne m'a pas donné la parole. Je le fais donc ici :
 
Dans "Notre-Dame de Paris" de Victor Hugo, il y a un long passage intitulé "Ceci tuera cela". Il s'agit de dire que le livre tuera la fonction pédagogique du monument religieux. De dait, c'est arrivé, mais le monument a perduré, puisque cette fonction n'était qu'un accessoire de sa vocation.
 
De la même façon, on disait que la télévision tuerait le cinéma. Ce n'est pas arrivé. Un certain type de films a disparu, le cinéma a perdu des parts de marché, mais il existe fort.
 
Et ainsi de suite.
 
C'est pourquoi je ne crois pas que le modèle gratuit détruira le modèle payant, même la fraude ne détruira rien. En vérité, tout continuera d'exister, de se superposer, de se juxtaposer, chaque chose trouvant sa fonction. C'est bien là que je crois que Delloye a raison de défendre la pérennité de ses guides papier bien que l'on dise que, désormais, 60% des gens se renseignent sur Internet pour leurs activités touristiques.
 
Et donc il est ridicule que le modèle payant cherche à écraser le modèle gratuit comme je l'ai entendu vouloir cet après-midi.
 
Et voilà, je suis reparti pour pouvoir écouter Quitterie Delmas à la radio.

14/07/2007

Jean Giono, l’ombre féconde de Pagnol

C’est l’été, tout le monde se précipite vers le Midi pour trouver enfin un peu de soleil, et il faudrait, pour être cohérent, relire Giono.

Vous allez me dire que moi, je suis en Bretagne, et qu’un équivalent breton de Giono serait pertinent, mais j’ai beaucoup parlé de la Bretagne ces jours-ci, voici une occasion de faire un tour ailleurs. C’est bien à quoi l’écriture sert.

De Giono, deux textes par exemple : « Colline », presque une nouvelle, sur un incendie de garrigue, image familière de l’été, un moment rude ; et « Le hussard sur le toit », malheureusement mal servi par son cinéaste voici quelques années en dépit des efforts de la belle et triste Juliette Binoche et du vigoureux Olivier Martinez.

Le Hussard est un roman suffocant, tout entier envahi par une célèbre épidémie de choléra qui a sévi dans le sud de la France au XIXe siècle. On y est happé dès la première page et, un bon paquet plus loin, on referme la dernière avec le sentiment d’un malaise interminable et profond. Le réalisme de l’histoire est très déstabilisant et l’angoisse, que les gens devaient éprouver devant cette maladie ultra-contagieuse et mortelle presque à coup sûr, est palpable. On en sort claustrophobe et brûlé.

Si l’on se connecte sur un site de téléchargement de films, on pourra aussi voir ou revoir le cinéma de Pagnol dans lequel Giono joue un grand rôle ; la plupart des profondeurs de Pagnol, comme dans la « fille du puisatier » sont dues à l’inspiration de Giono.

Voilà de quoi oublier un moment l’effervescence inquiétante du chef de l’État.

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07/07/2007

Le découvreur oublié de l’Australie était breton.

Louis XVI adorait parrainer des expéditions d’exploration maritime. Il y consacrait un fort budget qui donne l’occasion de rappeler que son règne est l’une des deux périodes de l’Histoire où la France disposa de la première flotte de guerre du monde.

Parmi les capitaines dont le nom survit, on connaît bien entendu Kerguélen, celui qui a donné son nom à l’archipel de l’océan Indien où la Marine nationale entretient l’une de ses bases les plus méridionales et les plus excentrées.

Ce Kerguélen, originaire de Quimper, était par ailleurs un franc-maçon engagé dans la loge quimpéroise où il retrouvait la plupart des officiers de justice locaux et une bonne part de la noblesse, surtout des cadets.

Parmi ses lieutenants liés à ce double milieu maçonnique et quimpérois figurait un personnage absolument méconnu dont le patronyme avait pourtant toutes les qualités pour inspirer Dumas : Alleno de Saint-Alouarn.

Ce Saint-Alouarn, particulièrement obstiné, poursuivit une exploration jusqu’à une terre jusque-là inconnue, qui ne recevrait que plus tard le nom d’Australie.

Pour tout savoir sur lui, on peut lire un bel album rédigé par son descendant Tudgual de Kerros (qui ne s’attarde guère sur ses préférences philosophiques) aux éditions “Les Portes du Large“, une parfaite lecture de vacances.

16:13 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Bretagne, histoire, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook