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09/03/2009

"La Vague" : un film nihiliste ?

Si vous avez l'intention de voir ce film, il vaut mieux lire ma note après seulement.

Et avant d'en venir au fond, je signale que ce film est précédé d'un long texte en allemand qui doit aller à l'encontre de ce que nous défendons, car il se termine par la référence à un site Internet dont l'intitulé se termine par anti-piraterie (en allemand dans le texte).

C'est assez paradoxal, car, venant d'un film dont l'ambition est avant tout pédagogique, on s'attendrait plutôt à un encouragement à sa diffusion partout et par tous les moyens.

En fait, cette ambiguïté initiale se prolonge tout au long du film et l'irrigue au point qu'on pourrait facilement le croire nihiliste : toutes les solutions qu'il explore aboutissent à des catastrophes, rien n'ouvre la moindre fenêtre sur le moindre espoir.

Si l'on cherche dans la démocratie représentative, on trouvera une criritique cinglante de la corruption et de l'inconséquence du personnel politique, et cependant, on ne peut pas se laisser aller à dénoncer ces travers, car la méfiance contre les politiciens est l'une des armes des apprentis-dicateurs. Si l'on cherche dans l'anarchie, on verra les anar agressifs et intolérants, voire violents. Si l'on se replie sur les réseaux, on découvrira qu'ils portent en germe, par leur propension naturelle à l'expansion, le fanatisme et l'oppression interne et externe. Si l'on se borne à la solidarité, on s'aperçoit qu'elle porte elle aussi en germe les travers de l'esprit de groupe. Si l'on pratique la décision par vote d'un petit groupe, les choses n'avancent pas. Et si l'un du groupe hausse le ton et fait preuve d'autorité, les choses redémarrent mais sur la pente de l'autoritarisme.

Le mécanisme qui sert d'argument au film a été assez bien expliqué dans sa phase de promotion : un prof, à qui son lycée demande de faire de la propagande active pour le jeu démocratique traditionnel en développant un atelier sur l'autocratie pendant une semaine, entraîne ses élèves vers le fanatisme et l'autocratie.

Le point de départ est explicitement de défendre la démocratie représentative. Et de fait, alors que le prof, dans l'histoire, se voit plutôt en anarchiste, la dénonciation très virulente qu'il fait de la démocratie actuelle lorsqu'il coiffue son chapeau d'autocrate, à la fin, renvoie plutôt à conforter le jeu actuel. Cependant, les arguments qu'il emploie sonnent si juste et sont si virulents, qu'on hésite à conclure en faveur de la démocratie.

Les étapes pour amener un groupe de jeunes élèves (de terminale) du statut de jeunes un peu blasés à celui de zélés membres de leur clan commun sont tout en douceur : d'abord on vote pour désigner un chef, c'est le prof, puis on adopte un uniforme, un emblème, un geste de reconnaissance... Dans une certaine mesure, les méthodes employées sont celles de la formation du contingent lors du service militaire.

Les jeunes, très individualistes, découvrent les charmes de la solidarité, de l'unanimisme, de l'uniformité, du don de soi à ce qui, peu à peu, apparaît comme une cause supérieure.

L'esprit d'équipe, a priori, c'est plutôt sympathique. Mais lorsqu'il se change en chauvinisme et lorsqu'il fait sombrer un match de water-polo dans le pugilat, ça ne va plus du tout.

Le sens du réseau, a priori, c'est bien, mais lorsque le réseau se met à exercer des pressions sur ceux qui n'en sont pas membres et à pratiquer l'exclusion, cela ne va plus du tout.

Et puis, le chemin intérieur parcouru par les élèves va révéler leurs fragilités, flatter leurs penchants les plus troubles, ce qui aboutit au drame.

Personnellement, j'aurais trouvé le film meilleur s'il s'était arrêté juste après la scène de la piscine, juste après le match qui tourne en bagarre et où le sang est versé. Alors, la dénonciation aurait été le fanatisme et le spectateur se serait senti interpellé personnellement contre le fanatisme.

Seulement il y a, d'une part, l'anecdote authentique qui sert de trame au film et, d'autre part, le fichu impératif pédagogique qui ramène vers la démonstration qu'après tout, la démocratie est (comme disait Churchill qui n'est cependant pas cité dans le film) "le pire de tous les système à l'exception de tous les autres".

Alors, après la scène de la piscine, l'attention est ramenée vers le professeur : au fond, c'est lui le seul responsable, les élèves n'ont eté que ses jouets, rendormez-vous braves gens, ce sont vos prof et vos dirigeants qui sont seuls responsables de votre situation. Bien sûr, le fait que les prof soient ainsi interpellés sur leur responsabilité non seulement pédagogique, mais finalement politique, n'est pas mauvais, mais la portée du film en souffre et perd en envergure. Les élèves ne sont donc que des jouets, jouets de leurs penchants, de leurs prof, des situations... ils ne sont pas considérés comme des être libres (et pourtant beaucoup sont majeurs) et donc le spectateur non plus.

De même, la scène finale et le suicide, au bout du pathos cathartique, est assez lourde et, en offrant un bouc-émissaire, une victime expiatoire, au drame qui s'est joué, aboutit à en effacer la dimension collective pour en concentrer les débordements sur la divagation d'un esprit que l'on sait dérangé. Là encore, l'histoire se termine mais, au fond, on n'a pas avancé. Tout ce qui a été démontré, c'est que le retour d'une dictature est possible mais puisque toutes les autres solutions explorées mènent au drame ou à l'impasse, quelle autre solution peut-on proposer ?

Silence du film.

Un mot n'est pas prononcé, et c'est dommage, puisqu'il est en fait la clef de l'ensemble. Ce mot, c'est "conscience".

15:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, cinéma, la vague | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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