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21/03/2009

Je n'oublierai jamais ce titre : "NO COMMENT". Juin 2007.

Pendant les dernières semaines de la campagne présidentielle, Quitterie se plaignait sur son blog du traitement qui lui était infligé par des gens du siège de ce qui était alors encore l'UDF, rue de l'Université. Je ne voulais pas la croire, je pensais que c'était une coquetterie. Mais le soir du premier tour, lorsque, enfin libéré de ma présidence de bureau de vote, j'arrivai rue de l'Université, je vis la tension à vif, la violence qui montait.

Il vint même un moment où je dus m'interposer physiquement. Il faut l'avoir vu pour le croire : physiquement. Car une furie se jetait sur elle. Cette furie, je la connaissais depuis vingt ans, je ne l'avais pas vue évoluer et c'est seulement par la suite que j'ai constaté les stigmates d'un pourrissement, lorsqu'elle m'a dit, un jour "moi, ils ne peuvent pas me virer, j'en sais beauoup trop". Ah bon, on ne peut pas la virer, c'est donc qu'il y a beaucoup à savoir. Tiens, tiens... et c'est vrai, qu'il y a beaucoup à savoir et à dire.

Toujours est-il que, ce soir-là, ma pauvre Quitterie était au bord du drame. Quitterie, toute nue, ne doit pas peser plus de quarante-cinq kilos. L'autre en fait le double, tout en rage. Elle empoignait Quitterie par le bras et la secouait presque contre le mur, j'ai cru que la tête de Quitterie allait heurter le mur. Alors, comme je connaissais cette brute depuis vingt ans, j'ai tendu le bras entre elle et Quitterie. Je n'ai pas eu à la toucher : l'interposition a suffi. Elle n'osa pas s'en prendre à moi.

D'autant moins d'ailleurs que le directeur des services de l'UDF passait par là et nous soutenait, Quitterie et moi. Quelques semaines plus tard, il était remercié, lui, et pas la brute. Quand on en sait trop, c'est encore mieux que d'être délégué syndical.

La période qui suit est confuse dans mon souvenir. Il y eut des séances de travail au siège, le soir, quand la brute n'y était pas, et je voyais Quitterie, invariablement active et sereine, préparer ses législatives dans le XIIIe arrondissement, celui où elle vit. Le soir du premier tour de la présidentielle, elle cherchait un local de campagne, ensuite il y eut d'autres détails. Je savais que les gens chargées des investitures se réunissaient dans la confusion, en raison d'un grand nombre de désistements de candidats écoeurés par l'attente qu'on leur avait infligée et par la profonde impréparation du siège à ces législatives.

Je savais, car c'était une règle invariable de fonctionnement de l'entourage bayrouiste, qu'il fallait que quelqu'un citât le nom de Quitterie lorsque le tour de table concernerait les circonscriptions parisiennes. Compte tenu de la proximité de Quitterie avec Virginie Votier (dont la mère est très associée à Bariani), je pensais que ce serait Bariani, puisque Sarnez avait des raisons de ne pas présenter sa candidature elle-même.

Quitterie, elle, était sûre de son bon droit : on l'avait laissée arpenter tous les plateaux de télé et tout Internet pendant des mois avec un écriteau invariable et jamais démenti "Candidate dans la Xe circo de Paris", ce qui faisait que les gens de son quartier avaient fini par la repérer, elle avait fait venir rue de l'Université des commerçants du grand marché du XIIIe, elle avait son équipe militante, bref, tout avait évidemment été planifié par Bayrou et les siens pour lui permettre de bonnes législatives, faire un score dans son quartier.

C'était d'ailleurs logique.

Mais Bayrou et les siens n'ont jamais fonctionné comme ça. Miser sur un candidat, le préparer en lui offrant des médias et de l'entraînement, vous n'y pensez pas, à l'UDF c'est chacun pour soi et je ne veux voir qu'une seule tête : la mienne.

J'ai soupçonné dès cette époque que l'éloignement de Quitterie par Sarnez n'était pas seulement dû au fait que cette dernière ne voulait pas qu'on lui fît de l'ombre sur son terrain, mais que Delanoë avait sans doute trouvé que cette jeune femme encombrait un peu un arrondissement qu'il comptait voir rester dans son escarcelle. Se peut-il qu'il y ait eu un deal entre Delanoë et Sarnez pour écarter Quitterie ? Ce n'est pas impossible. Si c'est le cas Sarnez en a été bien punie par les municipales suivantes.

Je crois sincèrement (et je ne suis pas le seul) que Quitterie avait plus qu'une chance d'emporter la Xe circonscription lors de ces législatives de 2007.

Quoi qu'il en soit, j'ai fini par interroger Quitterie : qui allait parler pour elle lorsque se réunirait le groupe des investitures ? Qui lui avait dit vouloir le faire ? Marielle ? Bariani ? Bayrou ?

Mais non, elle n'avait aucun nom, et comme elle n'assistait à aucune réunion de préparation, je sentais monter le coup fourré. Car lorsqu'une liste se prépare, lorsqu'une élection se prépare, si l'on commence à approcher du scrutin et si vous en êtes encore à vous demander si vous serez "sur la liste", sachez que c'est certainement que vous n'y êtes pas : les gens qui y sont le savent, ils participent à des concilicabules.

L'évidence de sa candidature comme un acte de justice faisait que, parce qu'elle croyait dans la droiture de Bayrou et de Sarnez, elle n'imaginait même pas qu'on pût ne pas l'investir.

Il y eut la convention de l'UDF qui décida la création du Mouvement Démocrate, à la Mutualité, où je vis clairement que Quitterie allait être écartée. je m'en ouvris à celui qui, je le vis à ce moment-là seulement, avait été le premier à la trahir. Il en a été ensuite puni.

Quelques jours passèrent encore. Comme rien de bon n'apparaissait, j'intervins. Éric Azière, mon vieux copain, était en charge des investitures en tandem (et en rivalité) avec Bernard Lehideux. Il était injoignable au téléphone et invisible (c'est une façon de se protéger contre les trop nombreuses sollicitations qu'il pouvait subir en période d'investiture). Je lui adressai donc quatre SMS successifs en deux heures, portant le même message : "Il faut investir Quitterie". Après le quatrième, j'obtins une réponse laconique : "À Paris, je ne peux rien faire, je suis désolé".

J'adressai un mail à Sarnez, portant la même phrase. On annonçait quelqu'un d'autre que Quitterie dans la Xe de Paris, c'était quasi-officiel. Marielle me répondit "Il paraît que les militants n'en veulent pas". C'était absolument faux (j'en suis témoin), mais ça signait la trahison.

J'écrivis pour la première fois un mail à Bayrou, lui aussi intouchable. Il ne répondit pas. Il fit cette proposition absurde d'un exil à Boulogne-sur-Mer, une candidature qu'il jugeait médiatique contre Jack Lang. L'une des idées les plus ridicules qu'il ait jamais eues. C'est seulement en novembre, lors du café démocrate où Quitterie l'a reçu, que Bayrou a paru évoquer avec embarras ce mail qu'il avait reçu.

Enfin, la nouvelle fut officielle et définitive : Quitterie n'avait pas l'investiture, ce qui fit un bruit énorme sur la Toile. Il suffit de taper Quitterie Delmas sur Google ou sur Yahoo pour s'en rendre compte, deux ans plus tard encore : les blogs qui avaient exprimé de la sympathie pour Bayrou, en particulier, ont été innombrables à s'insurger contre ce qu'ils jugeaient être une trahison de tous les idéaux de la netcampagne de Bayrou.

Et le titre apparut tout en haut du blog de Quitterie : NO COMMENT.

Rien, pas une protestation, pas un cri. Le silence. La douleur.

Stoïque, Quitterie alla jusqu'à adouber la candidate investie à sa place.

Mais nous, ses amis, nous n'acceptions pas l'injustice qu'elle subissait. Et nous l'avons fait savoir. Quand il y eut le feu, dans la matinée cruciale où il restait encore quelques heures pour modifier les investitures, j'ai moi-même été déposer des commentaires désespérés sur des dizaines et des dizaines de blogs avec lesquels on avait dialogué pendant la campagne. J'allumai partout la révolte. Et la révolte se leva.

Quitterie n'étant pas investie, l'UDF lui accorda des vacances. En fait, on cessa de la payer. Et elle eut ensuite toutes les peines à obtenir les justificatifs nécessaires à son chômage. Ils ont été affreusement rats.

Lorsqu'il y eut le lancement du MoDem, à Bercy, Quitterie n'osait pas y aller. Elle pensait qu'elle allait se faire déchiqueter. Mais je lui proposai d'être près d'elle. "Tant que je serai près de toi, tu verras, il ne t'arrivera rien", lui dis-je. Elle accepta. Et c'était vrai. Je vis les regards haineux de gens dont je n'ai pas envie de prononcer le nom. Mais personne n'osa rien, Quitterie put faire son tour, voir ses amis, je vis qui ils étaient. Nombreux.

Je vis aussi, alors que tout était fini et qu'il restait de moins en moins de monde, la haine éclater. Cette haine était dans le regard, dans les gestes, dans les glapissements de Sarnez, qui n'osait pas s'approcher de trop près, mais qui hurlait "c'est fini, vous n'avez plus rien à faire là !"

Rien de ces moments-là ne pourra jamais s'effacer de ma mémoire, et il est temps d'en tirer les conclusions.

02:04 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, quitterie, législatives 2007 | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Quel message entez-vous faire passer à travers ce billet ?
Quitterie n'a t-elle pas fait campagne avec De Sarnez pour les élections internes ?

Écrit par : Orange Sanguine | 21/03/2009

@ OS

Depuis l'erreur qui a été commise au printemps 2007, Quitterie n'a plus jamais été la même.

Écrit par : Hervé Torchet | 21/03/2009

C'est ce qui s'appelle se frotter aux contingences d'une forme de politique. Il paraît que cela tanne le cuir, mais que cela alimente la désillusion...

Écrit par : Le veilleur | 22/03/2009

BONJOUR !

Vous écrivez :

" Quitterie n'étant pas investie, l'UDF lui accorda des vacances. En fait, on cessa de la payer. Et elle eut ensuite toutes les peines à obtenir les justificatifs nécessaires à son chômage. Ils ont été affreusement rats "

Pour des raisons d'économie ( un peu bêtes d'ailleurs .. et d'ailleurs ne se justifiant pas .. après coup), j'avais arrêté internet pendant 3 mois.

En juin 07, j'ai découvert la présence de UDF-MD sur le net et celle de Quitterie.

- donc, j'en déduis qu'elle travaillait au siège ( rue Université).
Si "ils" ont temporisé pour remplir la " feuille jaune" destinée aux ASSEDICS, c'est en effet un comportement de pingre ou de gens non efficaces !

- comité BERTHIER ??? ça avait été inutile je crois ..

- à force de réflexion, je ne suis pas du tout certain que FB puisse être un jour Pdt de Républik !

- ai l'impression que le siège est un espèce de petit comité, de " petits bras".. pratiquant soit oligarchie, soit la " culture du secret" etc..

- nous avions de l'or dans les mains pourtant ...

Écrit par : Alain 61 (dit Goethe) | 23/03/2009

Les commentaires sont fermés.