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17/11/2010

Le centre, indépendant et libre.

Je suis un peu abasourdi : il paraît que des ministres centristes considèrent comme une brimade d'avoir été blackboulés du nouveau gouvernement. Franchement, pour moi, ce qui serait une brimade, ce serait de faire partie d'un gouvernement aux côtés de Brice Hortefeux, seul ministre de la république française à avoir jamais été condamné pour des propos racistes.

Et d'ailleurs, après l'incitation à la haine ethnique, sinon raciale, faite par le président de la république contre les Tziganes cet été, je trouve impensable qu'on ait pu se porter candidat à devenir son premier ministre. Le paradoxe, dans ce domaine, est que celui qui s'est le plus ouvertement insurgé contre le dérapage présidentiel, c'est celui qui vient d'être reconduit comme premier ministre... Toius ceux qui auraient dû l'ouvrir pour protester se sont tus, parce que tous savaient que leur place dans le nouveau gouvernement dépendait de celui qui avait bavé. Pour paraphraser Churchill, ils avaient le choix entre le déshonneur et la guerre, eh bien, finalement, beaucoup d'entre eux ont eu à la fois le déshonneur et la guerre, en particulier certains autoprocalmés centristes qui se sont copieusement tus et dont aucun n'a spontanément démissionné. Tant pis pour eux.

Voilà maintenant que ces centristes sont devant le Rubicon. Nous verrons bien ce qu'ils feront la semaine prochaine : combien d'entre eux oseront refuser de voter la confiance au gouvernement ? C'est là qu'il faut saluer, quand même, chez Bayrou, la stratégie de la cohérence, il n'a jamais voté la confiance à un gouvernement depuis 2007 (et même avant).

Cela étant dit, voici quelques réflexions qui me sont venues.

La bulle verte a-t-elle commencé à éclater ?

Depuis le début, je trouvais assez cocasse le vocable de "croissance verte", qui est un évident oxymore : les Verts sont pour la décroissance. Que serait une croissance décroissante ? À peu près ce qu'est une vie morte ou une journée nocturne. Le concept de croissance verte est vide ou plutôt il est dissimulateur. Ce qui est plus grave, c'est qu'il soit le germe d'une "bulle' comparable à la bulle internet qui a éclaté en 2000, ou comme la bulle immobilière américaine qui a éclaté en 2007-2008.

Or c'est l'opinion d'Oliver Stone. Vous allez me dire que je ne cite pas là un grand spécialiste de la Tribune, mais dans son récent film Wall Street 2, Stone fait dire au vieux requin Gekko, que l'économie verte est la prochaine bulle, et qu'il est malin d'y investir (sous-entendu : pour profiter de la hausse irrationnelle avant de sortir discrètement juste avant l'explosion). Et je dois dire que cette phrase, pour ceux qui se trouvaient dans la salle du cinéma en même temps que moi, a résonné très fort, avec la puissance de l'évidence. Au fond, quand on a vu le gouvernement céder au lobbying de l'EDF et amputer gravement le prix de rachat de l'énergie photovoltaïque, c'est bien une bulle qui a éclaté : la courbe d'achat de panneaux photvoltaïque était vertigineusement ascendante. La voici sans doute brisée.

Et en politique, la bulle écolo de 2008 a-t-elle commencé à éclater ? Peut-être. En tout cas, je ne voterai pas pour Mme Joly. elle donne des leçons à tout le monde, mais sa meilleure amie, qu'elle a faite députée européenne, est la juge d'instruction qui a clos le dossier Boulin, dont tout le monde sait qu'il reposait sur une instruction baclée, mensongère, truquée. Quand on veut donner des leçons, il faut commencer par balayer devant sa porte.

Du reste, la prise de contrôle de l'écologie par l'appareil vert ne peut aboutir qu'à renvoyer l'écologie politique à ses anciennes erreurs.

Il y a évidemment un regret à avoir pour ceux qui ont cru à l'utopie de la coopérative. Seulement, il me semble qu'il y a deux raisons au moins qui font que le repli prévisible de l'écologie en termes de résultats électoraux peut avoir des effets utiles.

La première c'est que les verts font de telles contorsions pour conserver le socle électoral acquis par la campagne européenne, qu'on en a mal pour eux. ce n'est pas bon de se mentir pour obtenir les faveurs du public. en vérité, les électeurs sont prêts à pardonner à peu près tout aux candidats, à excuser voire à gober à peu près toutes les opinions, toutes les convictions, pourvu qu'ils aient la conviction que les candidats sont sincères, qu'ils pensent ce qu'ils disent, même si ce qu'ils disent est énorme. Dès lors que l'électorat a l'impression que le candidat n'est plus sincère, il le jette.

La rétraction des verts leur permettrait de retrouver leur sincérité.

La deuxième raison, c'est le concept même de coopérative, ou du moins l'image qui en transparaît actuellement.

Bien entendu, une entité qui serait entièrement informelle, un réseau de réseaux qui n'aurait ni centre ni sommet, ni objectif électoral ni expression centralisée, mais seulement des circuits de formation et de circulation de l'opinion, une sorte de vague qui se lèverait en houle quand, de ses profondeurs, monterait l'indignation ou l'enthousiasme, ce pourrait être bien. Il y aurait à cela deux conditions  : ne pas se laisser enfermer dans la voix de la populace (les "tricoteuses" de la Terreur) et maintenir l'absence de structure institutionnelle.

À partir du moment où l'institutionnel se mêle au réseau, il y a forcément un grain de sable dans la mécanique, parce que l'institutionnel sans la représentativité, c'est dangereux. De Gaulle, en 1969, avait eu l'idée de remplacer le Sénat par une nouvelle institution qui qui regrouperait le Sénat avec le Conseil Économique et Social. Cette institution aurait eu un grand poids dans la République. Inconvénient : elle aurait incarné la fin de l'un des principes les plus importants de la Révolution française : la fin des corporations.

Sous l'Ancien Régime, les corporations bridaient l'émancipation des individus et le développement de la Société. elles formaient un écran étanche entre le pouvoir politique et les gens. Elles décidaient à la place (et de la place) de chacun. Conférer un rôle institutionnel aux réseaux et aux ONG, c'est revenir à la logique des corporations, c'est dangereux.

Je n'irai pas jusqu'à relever que l'organisation de la Société par les réseaux était la pyramide fasciste au XXe siècle,  car ce serait excessif, mais je crois que rappeler ce fait historique souligne la part de risque qui réside dans le rapprochement trop fort entre les réseaux et la logique institutionnelle (sans parler d'ailleurs des risques évidents de conflits d'intérêt). Chacun chez soi, comme on dit, et les vaches seront bien gardées. Gardées, d'ailleurs, par la vigilance des réseaux de la Société civile, particulièrement nécessaires à notre époque où le pouvoir politique, en raison d'une erreur manifeste, est devenu bien trop concentré.

Cette erreur, c'est l'inversion du calendrier, qui a entraîné une profonde confusion des pouvoirs, et finalement, le triomphe des principes contre lesquels la Ve république a été fondée.

Le retour des partis politiques

La séquence qui vient de s'achever par la reconduction de françois Fillon à Matignon a traduit et matérialisé un réel affaiblissement de la fonction présidentielle. Talleyrand a dit ou écrit un jour : "Tout ce qui est excessif est insignifiant". Aujourd'hui, il dirait plutôt : "Tout ce quie est excessif est contreproductif". La stratégie de l'hyperprésidence a affaibli considérablement la présidence, parce qu'elle a échoué.

En symétrique, le maintien de Fillon a été voulu et décidé par le contingent parlementaire de la majorité. Ce sont les députés et sénateurs qui ont plébiscité Fillon et qui l'ont imposé au président de la république, à charge pour ce dernier de "se soumettre ou de se démettre", comme on a dit en d'autre temps. Or se soumettre, c'est aussi se démettre. Il avait le choix entre le déshonneur et la guerre, la soumission et la démission, il s'est soumis et il sera probablement démis par la prochaine élection présidentielle. Enfermé dans l'étreinte asphyxiante de Fillon ("ce monstre doucereux qui dévore en caressant", a écrit en d'autres temps Robespierre), il va à l'abattoir et Fillon, à peu près comme Barre en 1981, guigne déjà vers l'élection présidentielle siuivante, 2017. À moins que, dès 2012...

En face, le Parti Socialiste a repris le contrôle. Exit les trublions, Frêche est mort, Royal s'est soumise, il reste les croque-morts, vivant fantôme de la SFIO, la main déjà posée sur la porte du pouvoir.

De Gaulle avait conçu l'élection présidentielle comme une rencontre d'un homme (ou d'une femme) devant la France et devant l'Histoire. Finalement, avec l'inversion du calendrier et le regroupement des suffrages présidentiel et législatif, la présidentielle n'est plus que la première étape de la désignation de la majorité parlementaire. De là le fait qu'en défintivie, ce sont les partis politiques qui ont repris les commandes, car les législatives sont leur scrutin naturel.

On a donc fini d'enterrer de Gaulle.

Et, de ce point de vue, le plus gaullien des candidats est aujourd'hui Bayrou, Il désteste tant les partis politiques qu'il a tué tous ceux qu'il a présidés et/ou créés. C'est un serial killer de partis. La tâche présidentielle, pour lui, se complique de la reprise en main de l'élection par des logiques strictement partisanes, reprise en mains d'ailleurs très parfaitement incarnée par la prise de contrôle d'EE par l'appareil des Verts.

Les institutions triomphent.

Une fois de plus, c'est Barre qui avaut raison : il disait "un seul mandat". On élit le président de la République pour un mandat non renouvelable, ce qui lui évite de s'obnubiler sur sa réélection. Et il maintenait le septennat, ce qui détachait définitivement et décisivement le président de la logique partisane. À chacun son rôle.

Ainsi libéré, le chef de l'État peut évoluer dans son milieu naturel, l'Histoire, et tutoyer sa chère concubine, la France.

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Commentaires

Bonjour Hervé,
Borloo était tellement en accord avec la politique de Nicolas Sarkozy qu'il voulait absolument être le Premier Ministre qui allait mener cette politique jusqu'à faire de Sakozy un super candidat pour 2012... eh oui... la facette cachée du personnage Borloo est stuféfiante. Qu'importe le fauteuil pourvu qu'on est l'ivresse du pouvoir.

Écrit par : Dany de Fanal Safran | 17/11/2010

IOUppppss qu'on "ait" l'ivresse du pouvoir... quoique est... ;)

Écrit par : Dany de Fanal Safran | 17/11/2010

J'aime beaucoup ce billet, avec une nuance sur le triomphe que tu prêtes à François Fillon. Il me semble en effet qu'il devra le rendre très rapidement, et que de cantonales en présidentielles, son ambition de sortir la France de la crise financière a peu de chances de se concrétiser.

Écrit par : FRédéricLN | 19/11/2010

Les commentaires sont fermés.