19/11/2010
Karachigate : un rappel crucial
Je me permets de donner de nouveau un article que j'avais publié ici même en mai 2007 sur Patrice Molle et Hervé Morin, qui vient en complément de celui indiqué sur Twitter par @tlanoy.
On y voit aussi les liens malsains établis entre Goasguen et Delanoë, qui expliquent sans doute pourquoi Delanoë s'est si mal conduit contre le MoDem en mars 2008.
Bonne lecture :
Un mot sur Patrice Molle, directeur de cabinet du ministre de la Défense.
Il m'est arrivé d'être élu dans le 16e arrondissement de Paris. Ce fut en me rapprochant d'un centriste atypique, depuis lors passé à l'UMP, Claude Goasguen, récent porte-parole de Nicolas Sarkozy.
Le même Goasguen appartenait à la mouvance des milieux sénatoriaux, étant notamment passé par le cabinet de René Monory.
Avant d'être élu député, Claude Goasguen avait été désigné en 1995 adjoint au maire de Paris (Jean Tiberi) chargé des affaires scolaires. Contre la tradition établie sous Jacques Chirac, il avait à cette occasion obtenu délégation de signature du maire, alors que Chirac maire ne déléguait sa signature qu'aux administratifs, les directeurs d'administration centrale de la Ville de Paris, au détriment des élus, condamnés à faire tapisserie au mieux gesticulatoire (pratique que Sarkozy semble ressusciter au gouvernement).
La direction des affaires scolaires (DASCO) de la Ville de Paris était la mieux dotée (3 milliards de Francs à l'époque) et donc la plus
puissante des admlnistrations centrales de la Ville.
puissante des admlnistrations centrales de la Ville.
Le directeur avait survécu au départ de Chirac. Son autorité fondée sur son ancienneté déplaisait fort à Goasguen qui aurait voulu régner sans partage sur son domaine de gestion.
On vit donc pendant deux ans Claude Goasguen dénoncer en toutes et fréquentes occasions les aberrants devis de travaux obtenus par l'administration dans ses écoles. Il y était question de cloisons en plâtre mesurant deux mètres quinze de haut sur cinq mètres de long et quinze centimètres d'épaisseur, évaluées avant travaux à ... cent cinquante mille Francs, ou quelque chose d'aussi faramineux.
À force de se répéter, Goasguen finit par imprégner tout le monde de l'idée que les travaux dans les écoles étaient nettement surfacturés, d'autant plus qu'il arrivait régulièrement que la Ville ne fît pas jouer la garantie décennale contre les malfaçons dans ces bâtiments.
Je possède encore de ces devis étranges dont les prix surprennent en effet.
Enfin, il parvint à son but : le directeur des affaires scolaires fut remplacé par ... Patrice Molle qui vient d'être désigné directeur de cabinet du ministre de la Défense, ex-ami de Bayrou.
Du jour au lendemain, Goasguen cessa de se plaindre du prix des travaux dans les équipements de la Ville.
Mais on n'entendit parler ni d'une baisse du montant du budget global des affaires scolaires de la Ville, ni d'une augmentation du nombre de projets de travaux, si bien qu'on supposa que les prix devaient rester les mêmes.
À vrai dire, à cette époque, j'avais moins de contacts avec Goasguen : il avait quitté Bayrou.
Mais je représentais la Ville de Paris dans plusieurs écoles et il m'arrivait d'assister à ce qu'on nomme des visites d'architecture ; en général, les devis n'y étaient pas mentionnés devant moi.
Pourtant, une fois, ce fut le cas : j'entendis parler d'un tout petit lavabo d'encoignure, vingt centimètres sur vingt, le long d'une colonne montante et d'une colonne descendante, à peu près l'équivalent de quinze euros de lavabo, deux euros de tuyauterie et une journée de travail au plus d'un plombier, mettons cinq cents euros pour être généreux, le tout à six cent cinquante euros. Et le devis qu'on a mentionné devant moi s'élevait à ... mille huit cents euros (douze mille Francs à l'époque).
Ce montant était tellement extravagant que je crus qu'on se payait ma tête, juste pour me faire sursauter.
Oh, ce serait facile à vérifier.
Voilà en tout cas ce que je sais de Patrice Molle.
Il est resté en poste à la Ville jusqu'en 2003, puis directeur de l'administration pénitentiaire de l'État, et préfet des Vosges, le département ... du président du Sénat, ce qui suggère que ses allégeances sénatoriales sont les mêmes que celles de Goasguen.
Espérons qu'on ne lui confiera pas les devis du nouveau porte-avions, sinon il faudra vendre le château de Versailles pour pouvoir le payer !
Et je me demande tout de même ce qui pouvait rendre les devis scolaires de la Ville si élevés. Des commissions occultes ? Qui peut le penser ?
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