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14/03/2011

Nucléaire : pas d'hypocrisie

Au moment d'écrire sur le drame japonais, j'ai une pensée pour les milliers de personnes qui y ont trouvé la mort et pour les centaines de milliers d'autres qui, aujourd'hui déplacés loin des centrales de Fukushima, tremblent pour leur avenir, dont on ne sait combien développeront des maladies liées aux radiations.

Maintenant, il faut dire que les cris d'orfraie des écologistes professionnels m'ont un peu agacé. Je n'oublie pas que, tout frais élus du parlement européen en 2009, ils (EELV) ont voté une résolution sur le sommet de Copenhague qui incluait le nucléaire comme part de la solution contre le réchauffement climatique. Aujourd'hui, ils peuvent crier autant qu'ils veulent, certains comme moi ont de la mémoire. Et d'ailleurs, peut-être était-ce leur vote d'alors qui était juste, mais ils devraient avoir l'honnêteté minimale de l'assumer.

Même Mme Lepage, qui a très justement réclamé une information plus explicite aux acteurs industriels du nucléaire civil, n'était-elle pas ministre lorsque, dans l'été 1995, le président Chirac décida la reprise des essais nucléaires dans l'atoll de Mururoa ? A-t-elle alors démissionné ? Non, pas plus que son ami Lalonde qui, en son temps, n'avait pas hésité à plonger dans le lagon pour prouver l'inocuité desdits essais, pourtant démentie par beaucoup d'études depuis.

Je pourrais ajouter l'hypocrisie des Allemands qui sont contre le nucléaire chez eux, mais qui ne seraient pas gêné d'en envahir les autres, mais au fond, là n'est pas l'essentiel.

François Bayrou a réclamé aujourd'hui de la "transparence" dans l'installation et dans le fonctionnement des centrales nucléaires. Il a raison, car la première de toutes les hypocrisies est celle de l'industrie nucléaire elle-même, qui verrouille systématiquement l'information sur les incidents et sur les effets ordinaires de la production d'énergie nucléaire. Le nuage de Tchernobyl ayant été francophile n'a pas, c'est bien connu, survolé la France, sauf que je connaissais des producteurs d'herbes aromatiques de la Drôme qui, à cette époque, ont vu leur production affoler les compteurs Geiger.

Maintenant, il faut lever une autre hypocrisie. La position exprimée par Bayrou aujourd'hui se calque exactement sur la résolution du parlement européen : le nucléaire est utile contre la production de CO2. Oui, on peut être pour l'utilisation modérée et prudente de l'outil de production énergétique nucléaire, à une condition : c'est de pouvoir évaluer par nous-mêmes le bilan coût-avantage de cette énergie.

En vérité, nous pouvons améliorer le fonctionnement de nos vies. Nous pouvons consommer moins d'électricité, moins d'énergie, et nous pouvons aussi en produire autrement, par l'énergie renouvelable. Mais selon les études que j'ai vues, on estime que l'installation de panneaux photovoltaïques sur nos villes ne dépasserait pas 15% de couverture de nos besoins actuels, ce serait pourtant des millions de mètres carrés. Et une partie des énergies renouvelables a un bilan carbone désastreux. Même en réduisant drastiquement nos besoins, il ne peut être envisagé qu'il faille produire  moins de 50% de notre énergie par des moyens lourds. Dans un contexte de raréfaction des énergies fossiles, l'uranium et les autres combustibles nucléaires présentent l'avantage de réserves encore fortes (la production au Niger doit devenir propre et profitable aux Nigériens).

Enfin, il faut admettre que ceux qui croient que l'on peut vivre tous comme autrefois se trompent. Nous mangeons peut-être du cancer à tous les repas, mais nos arrière-arrière-grands parents vivaient 45 ans. Nous vivons peut-être dans un environnement plus malsain, mais nous vivons nettement plus vieux en bonne santé. C'est la vérité. Quant au prétendu épuisement de l'humus terrestre, je crois que c'est un faux problème. Nous n'avons pas plus de surfaces cultivées que voici deux siècles en France, mais les affamés sont bien moins nombreux qu'alors, nous produisons bien plus, et ce n'est pas seulement en maltraitant le sol (l'assolement triennal a été inventé pour pallier ce type d'inconvénients bien avant l'utilisation des engrais et pesticides, soit dit en passant), c'est surtout par le développement de notre science. Ah bien sûr, si je dégaine la science, je ne dois pas oublier, c'est juste, d'ajouter que les semences de progrès, si elles sortent des laboratoires, ne doivent en aucun cas être brevetées, et pouvoir au contraire circuler librement.

Donc il faut assumer sans hypocrisie d'être de notre temps et déjà penchés vers notre futur, ce qui passe peut-être par du nucléaire (pas n'importe où, pas n'importe comment). Donc pas de cris d'orfraie mais, comme dirait Bayrou, de la transparence.

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Commentaires

Ca fait enfin plaisir de lire un billet censé... Merci...

Écrit par : falconhill | 14/03/2011

Très bien dit. Merci.

Écrit par : l'hérétique | 14/03/2011

Ah si les politiques pouvaient tenir le même discours. Bravo.

Écrit par : Vlad | 14/03/2011

J'ai beaucoup apprécié ton billet, plein d'intelligence et de bon sens. Je n'apprécie pas non plus la posture de Corinne Lepage, qui veut faire de cet accident un atout politique. Pour autant, il y a bel et bien accident - peut-être même qu'il y a eu et qu'il y a d'ailleurs toujours si on ne change pas notre philosophie risque insensé de construire des centrales nucléaires sur des zones potentiellement sismiques -.

La solution de la "transparence absolue" me semble aussi la meilleure. Le nucléaire est une formidable source d'énergie, peu polluante - hors déchets -, mais on ne peut pas faire n'importe quoi n'importe où. Ou alors, il faut oser le dire en toute franchise...

Écrit par : JF le démocrate | 15/03/2011

@ JF

Si les industriels pratiquent la transparence (à la fois sur les effets réels en fonctionnement normal et sur les risques et les effets gradués selon les risques en fonctionnement anotmal ou en accident), il sera possible de dire si la solution reste acceptable, si les avantages sont plus grands que les inconvénients, si le jeu en vaut la chandelle.

Écrit par : Hervé Torchet | 15/03/2011

Joli billet Hervé,
Remettre les choses à leur juste place me parait nécessaire avant tout débat pour qu'il puisse etre constructif.
Débattre n'est pas hurler plus fort que l'autre. Les "Castafiores" et autres sirènes semblent etre à nouveau de sorties, pfiouou.

Écrit par : Martine | 15/03/2011

Soyons un peu réaliste... Vous parlez du rapport avantage/inconvénient. J'ai 33 ans, j'ai connu 3 accidents nucléaires dans ma vie, dont deux condamnent pour des siècles des territoires. Quelques dizaines d'années de bien-être pour quelques siècles de radioactivité. Combien d'autres accidents connaitrons-nous ? Si le Japon n'est pas capable de faire face à l'inimaginable sans catastrophe nucléaire, quant est-il de l'Europe ? Qui peut nous garantir que tout ira toujours bien ? Le drame que vit le Japon nous montre qu'en cas de catastrophe naturelle majeure qui toucherait des centrales, on ne sait pas contrôler cette énergie.

Et le Niger finira comme le Limousin. Les mines seront refermées sans que l'ont sache avec quoi elles ont été comblées, la radioactivité sera considérée comme étant naturelle même si elle est au dessus des normes.

Moi, ce soir, j'irai me recueillir pour les victimes japonaises de cette double catastrophe naturelle et nucléaire, et aussi pour les victimes à venir. Car je ne me fais pas d'illusion, le nucléaire et les accidents continueront.

Et ne vous en faites pas, malgré le bruit que font les écologistes, rien ne changera. Il suffit d'être patient et d'attendre que les médias oublient ce drame et ces victimes comme on a oublié celles de Tchernobyl (et ce qui s'y passe encore aujourd'hui).

Écrit par : Maime | 15/03/2011

@ Maime

Il n'est pas vrai qu'on ne puisse pas décontaminer les espaces contaminés. Il y a des gens nombreuses qui vivent normalement à Hiroshima et Nagasaki.

Je vois que le réseau Sortir du Nucléaire propose de rouvrir les centrales à charbon. Vous savez combien de centaines de milliers de morts a fait la silicose ? Et la fumée du charbon ? N'est-elle pas cancérigène ? Allons, il faut assumer notre production d'énergie, ce qui ne signifie pas qu'il faille miser sur le tout-nucléaire, mais qu'il ne faut pas écarter d'emblée cette énergie.

Il faut de la transparence pour se déterminer sur l'éventualité de la poursuite de la productiion d'énergie nucléaire.

Écrit par : Hervé Torchet | 15/03/2011

Peut-être serait-il temps de penser un peu plus loin que "le nucléaire c'est (pas) bien, il (ne) faut (pas) produire de l'énergie nucléaire", etc, etc... et commencer à se poser les bonnes questions à savoir d'une part comment développer les autres sources d'énergies renouvelables, et d'autre part comment recycler les déchets nucléaires.
Faire du politico (pas) correct sous prétexte de défendre les intérêts d'on ne sait qui, c'est un peu fort de café...

Se faire mousser sur le dos des japonais victimes d'une catastrophe naturelle à la base et qui devient une catastrophe tout ce qu'il y a de pas naturel, ça en devient "indécent" et franchement lamentable.

Les politiciens me donnent envie de vomir, qu'ils soient d'un bord ou de l'autre, car ils n'ont toujours pas compris que nous étions tous sur la même planète et que, jusqu'à preuve du contraire, il n'y en a qu'une seule comme celle là !!!
Alors remettez vous un peu plus sérieusement au boulot, enfilez vos gants et allez donc aidez à la reconstruction, messieurs les politiciens en costume 3 pièces...

Écrit par : YAM | 15/03/2011

@Hervé

Comparons ce qui est comparable. On ne parle pas de bombe atomique qui explose et des conséquences sur la santé humaine. On parle de centrale nucléaire défaillante. On a qu'un cas pour le moment, celui de Tchernobyl : zone de sécurité de 30km inhabités autour de la centrale jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'activités du coeur. La zone est aujourd'hui de 40 km autour de Fukushima, il me semble. Je crains que ce ne soit définitif pour plusieurs siècles.

Désolé, je ne peux pas m'empêcher d'être cynique... Oui, il faut un débat pour choisir la cause de nos futurs cancers ! Charbon ou nucléaire ? Aucune énergie n'est exempte de risques, ils sont pourtant à des échelles différentes. Un des problèmes est aussi le niveau de consommation d'énergie. Faut-il vraiment avoir ce niveau là ? Sommes-nous prêt à payer le même prix que les Japonais pour notre confort ? Une chose me semble sûr : les politiques ne sont pas prêt à investir le niveau d'argent investit dans le nucléaire dans d'autres technologies.

Autre chose. L'énergie nucléaire est la seule qui est intimement lié à une arme de destruction massive. Est-ce qu'on soulèverait des montagnes diplomatiques si l'Iran voulait construire des éoliennes partout sur ces montagnes ? Parce qu'il ne faut pas oublier qu'on ne vends des centrales qu'aux Etats dignes d'en avoir. L'énergie nucléaire n'est que pour les Etats dont les occidentaux sont sûrs, maintenant qu'il n'y a plus trop les Russes pour en construire partout.

Sinon concernant le vote des eurodéputés d'EELV, je suis d'accord. Ils se foutent de nous. En tant que militant écolo (ca se voit un peu, je sais), si j'adhère plutôt au discours d'EELV, je suis toujours assez déçu par leurs actions une fois élu. Du coup, je ne vote que rarement pour eux. Et je pense que, globalement, je risque de moins en moins voter.

Écrit par : Maime | 15/03/2011

@ Maime

Si vous voulez comparer ce qui est comparable, ne comparez pas les ukrainiens de la fin de l'ère soviétique avec les Japonais d'aujourd'hui qui sont un peuple de haute technologie. Attendons que les choses se soient décantées avant d'affirmer.

Écrit par : Hervé Torchet | 15/03/2011

Il me semble n'avoir rien affirmer d'autre que ce qu'on sait à l'heure actuelle de la situation. La haute-technologie du peuple japonais ne les a pas mis à l'abri de l'impensable. Attendons la fin des séismes et la stabilisation des centrales, oui. Pour tout oublier.

En attendant, on va entendre longtemps des gens dire : "ouais les écolos, ils profitent de la situation, votez pas pour eux, votez pour nous".

Pour info, moi, je n'ai rien a gagné, je n'ai que mes convictions, mes craintes face à l'aveuglement de mes contemporains. Et ma tristesse pour le peuple japonais.

Écrit par : Maime | 15/03/2011

@ Maime

Il faut attendre la fin de la phase active de la catastrophe pour parler en termes politiques plus précis que je ne l'ai fait. En attendant, chacun se recueille pour les Japonais.

Écrit par : Hervé Torchet | 15/03/2011

@hervé : Désolé de ne point me recueillir : je suis athée. A la fois religieusement, économiquement, et industriellement, si tu vois ce que je veux dire... je ne partage pas ton avis, et te remercie de me permettre de le dire, et l'écrire...

je suis las de ces débats dichotomiques qui visent à démontrer que c'est soi le nucléaire soit la lampe à huile. Tout cela est ridicule. Si nous nous y mettions tous, experts ou pas, et contribuions par notre apport, même modeste, nous construirions peut-être un monde un peu moins irrespirable. Ce n'est pas difficile, quand on voit ce que les experts de tous poils en ont fait , cela ne risque pas d'être pire... Ainsi, avoir confié notre avenir économique à des Minc ou Attali ne nous a pas vraiment réussi... Pareil pour le nucléaire.

Un autre monde est possible.

PS : va lire intox2007 (lien sur mon billet sur lequel tu as laissé un com...) : il me semble dresser un portrait équilibré des possibilités en termes d'énergies alternatives.

Mais il y a de telles forces économiques en jeu qu'elles ont beau jeu de manipuler les médias et les politiques vers leurs seuls intérêts et leur survie... au détriment de celle de l 'humanité ?

Écrit par : GdeC | 17/03/2011

@ GdC

Justement, Intox2007 est loin d'exclure le nucléaire a priori et relève que l'alternative ptoposée par le réseau Sortir du Nucléaire, ce sont les centrales à charbon et à pétrole, ce qui, pour un monde moins irrespirable, lui paraît inadapté autant qu'à moi. On ne peut pas tout miser sur le nucléaire, mais il est improbable qu'on puisse faire sans.

Écrit par : Hervé Torchet | 17/03/2011

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