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13/04/2011

Les banques, le Revenu universel et la réindustrialisation

Selon l'opinion commune, il y a désormais une partie de l'espèce humaine qui mérite des baffes du matin au soir et du soir au matin, ce sont les banquiers. Ils l'ont bien cherché, car on n'a jamais assez d'argent pour les sauver, alors qu'on en manque lorsqu'il s'agit d'empêcher les humbles de tomber dans la précarité. Cela étant, il faut relativiser, puisque les banques françaises n'ont finalement pas été sauvées aux frais du contribuable, qu'on les a seulement garanties, et qu'elles ont remboursé les garanties.

Un tel système de garantie ne pourrait-il pas être mis en place pour les habitants modestes de notre pays ? Quelque chose comme une procédure de surendettement un peu plus musclée encore ?

J'ai été très frappé que, aux États-Unis, le président Obama a prié poliment mais fermement les actionnaires et les créanciers de General Motors de s'asseoir sur leurs créances et sur leurs actions, et que c'est ainsi, en effaçant la part des banques, qu'il a sauvé l'entreprise. Pourquoi une telle procédure n'a-t-elle pas pu être mise en place pour les millions d'Américains qui ont subi la saisie et la misère ? Mystère, ou plutôt injustice.

Cette solution me paraîtrait, en France comme aux États-Unis, plus réaliste que le Revenu Universel soutenu aujourd'hui par M. de Villepin. Certes, cette idée (qui doit bien avoir un fond catho) figurait dans le programme de feu le CDS à l'époque de Jacques Barrot et de Pierre Méhaignerie, mais on y a finalement renoncé pour la simple raison qu'elle est immensément onéreuse : 850 Euros par mois font 10000 Euros par an, multipliés par environ 40 millions d'adultes, cela fait 400 milliards d'Euros par an, soit plus de 15% du PIB. C'est soviétique. J'ai l'impression que cela amènerait autour de 30 ou 40 % du PIB marchand. Il serait plus simple d'abolir la monnaie. On sent qu'il y a là une arnaque politique et une ignorance faramineuse des mécanismes de la monnaie. Rendez-nous Raymond Barre.

De surcroît, 850 Euros ne sont pas suffisants pour permettre vraiment aux gens de vivre dignement, donc l'objectif qui est de prétendre que les gens auront le choix de travailler ou non est faux.

Enfin, il y a une éthique qui me plaît par exemple dans le commerce équitable, qui consiste à permettre aux gens de vivre dignement de leur travail. Vivre dignement de leur travail. Ce débat éthique ne me paraît pas superflu. Évidemment, si Internet permettait de construire une Société du don, ce serait différent, mais on se place là dans un débat encore autre.

Enfin, si l'on intégrait les dépenses de santé couvertes par la Sécu, on s'apercevrait que, dès à présent, ce seuil de 850 Euros est déjà atteint pour tout le monde, sauf pour certains allocataires du rsa, les étudiants et pour des gens en bonne santé qui n'ont pas d'enfants. Cela signifie qu'on propose de supprimer la Sécu obligatoire pour les travailleurs et de donner le choix aux gens de se soigner ou non, puisque le produit des prélèvements ne serait plus versé sous forme de remboursement de soins, mais sous forme d'argent. Libre à ceux qui le font, mais les États-Unis pratiquent ce second système depuis toujours et il a fait chez eux des dégâts humains considérables.

De toutes façons, il y a moyen de faire autrement. Thierry Crouzet, par exemple, avant de se déconnecter, a proposé un "dividende universel" qui rejoint par certains côtés l'analyse du Revenu Universel, notamment en ce qu'il pointe le fait que les banques sont les seules créatrices de monnaie et que le flux monétaire qui en résulte ne bénéficie que d'une façon marginale aux particuliers.

On peut discuter de l'effet indirect du financement de l'économie par les banques, mais il est indéniable que depuis la financiarisation à outrance de l'économie, les banques sont devenues prédatrices de l'économie réelle, ce qui nuit à celle-ci comme le démontre très bien, par exemple, le récent film The Company Men. Pour elles, le financement de l'économie n'est plus qu'une activité marginale, tandis que la spéculation est l'activité principale.

Pour ramener la production de monnaie vers la production tout court, Crouzet propose en substance de déverrouiller ce qu'on appelle les "actes de banque", c'est-à-dire de permettre à vous et moi d'en faire et de créer de la monnaie pour financer des microactivités. En complément, certains monopoles, comme celui de la production d'énergie, seraient abolis. Vous et moi pourrions augmenter notre revenu en produisant de l'énergie et en se finançant non pas auprès des banques captieuses et sourcilleuses, mais auprès de ceux qui le voudraient bien. Je trouve cette seconde option plus séduisante que le soviétique Revenu Universel qui ressemble aux grosses machines empesées du XXe siècle.

Enfin, en finançant des activités de petite taille, ce modèle contribuerait d'une façon vertueuse à la réindustrialisation de la France.

Cela étant, que la Société se fixe comme objectif que nul adulte ne touche, sous une forme ou sous une autre, moins de 850 Euros par mois me paraît sain et réaliste. Il faut seulement éviter d'agiter des miroirs aux alouettes devant les pauvres qui sont aussi les plus vulnérables aux grandes illusions politiques. La désillusion est cruelle, alors que de vraies réalisations sont possibles.

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Commentaires

Comme tu le dis, ce débat est avant tout technique.

Quand tu parles de 400 milliards d'Euros par an (à la louche), il faut déjà retrancher de cette somme ce qui est versé actuellement pour le RSA et autres allocations du même type. Donc, la somme serait moins importante, mais, de toute façon, assez importante quand même, sans savoir, également, quels effets pervers peut impliquer ce type de mesure.

Mais, partons de ce qui existe déjà: le RSA, le SMIC. Que reste-t-il une fois déduites les dépenses obligées?
Et, si on monte un peu vers les revenus proches du revenu médian, que reste-t-il, une fois déduites les dépenses et les impôts?

Bref, le débat sur le revenu universel (qui est souhaitable, parce que jusqu'à présent on marche sur la tête en considérant que les débats importants c'est comment alléger l'ISF ou les impôts des entreprises du CAC40) doit être replacé dans le cadre général d'un débat sur la fiscalité, qui concerne tout le monde.

Enfin, plus globalement (et tu as raison de débuter en parlant des banques), il y a un sujet que les politiques feignent de ne pas voir (ou ils le voient mais je ne l'ai pas remarqué), c'est le poids de plus en plus faible du travail dans la création de valeur. Il y a de moins en moins de travail pour de moins en moins de personnes. Une tendance qui peut peut-être s'inverser, mais on ne voit pas comment.
Et, finalement, l'actuel président a trouvé la solution (sa solution): parler de tout sauf des sujets important, vivre dans une une fausse France et essayer d'embarquer tout le monde avec lui...

Écrit par : Eric | 17/04/2011

@ Eric

Ne trouves-tu pas qu'il y a une contradiction à estimer que, d'un côté, la part du travail dans la création de richesse est trop faible, et de l'autre côté, vouloir un revenu universel distribué seulement par l'État ?

Écrit par : Hervé Torchet | 17/04/2011

Tu veux dire que cela ne devrait pas être le rôle seul de l’État? Tu penses à des idées comme la taxe Tobin?

Écrit par : Eric | 17/04/2011

@ Eric

La taxe Tobin est une taxe mondiale, je la crois indispensable à la restauration des États.

Mais ici, comme je l'explique dans l'article, je pense plutôt à l'idée de dividende universel de Crouzet, p ex, ou à ce qui permet de faire que les choses se passent sans déranger l'État qui a des tas d'autres chats à fouetter (pauvres bêtes, soit dit en passant).

Écrit par : Hervé Torchet | 17/04/2011

@Eric,

Oui, l'idée de dividende universel est à creuser. Rappelons que Christine Boutin avait proposé, la première, cette idée à l'Assemblée. Mais son dividende était vraiment universel mais limité à 300€ par tête de pipe. Ce qui nous fait la charité à pas lourd...

Écrit par : Eric | 18/04/2011

@ Eric

Non, non, je le répète, le CDS de Méhaignerie avait déjà fait des propositions ds les années 1980, qui aboutirent à une expérimentation dans deux départements alors dirigés par des centristes : l'Ille et Vilaine de Pierre Méhaignerie et le Bas-Rhin d'Adrien Zeller. Cette expérimentation a ensuite été couronnée par le PS qu en a fait le RMI, la solution la plus équilibrée à l'époque contre la montée de la grande pauvreté.

Écrit par : Hervé Torchet | 18/04/2011

Voilà, je suis tombé par hasard sur un billet qui dit en gros (et mieux que moi) ce que j'essayais de dire dans ces commentaires http://lecercle.lesechos.fr/node/34631

Écrit par : Eric | 20/04/2011

@Hervé / Eric

En fait le "Revenu de Vie", revient à accepter de rémunérer plusieurs activités non monétarisées dans le système financier actuel.

1) l'activité de consommation.
2) le travail associatif
3) les travaux ménagers (au moins 30% du PIB non pris en compte en France, par exemple !!)

En gros au lieu d'avoir une décomposition de la société en
1) Travailleurs
2) Actionnaires

On aurait une image plus fidèle:

1) Consommateurs
2) Travailleurs
3) Entrepreneurs
4) Actionnaires

La protection sociale serait supprimée. Celle-ci serait alors laissée aux citoyens, priés de s'organiser pour le travail non-marchand.
Le travail ne serait plus taxé, mais en contre-partie, il n'existerait plus de "salaire minimum".
L'entrepreneuriat serait favorisé, puisqu'il y aurait possibilité de prendre des risques à moyen et long termes sans conséquences directes.
Je rejoins Hervé sur le fait que mettre arbitrairement le seuil n'aurait pas beaucoup de sens. Il conviendrait d'indexer ce salaire, non pas sur l'inflation, mais sur les "dépenses contraintes".

En clair, ce RU aurait pour intérêt de séparer toute la protection sociale en trois piliers:
Pilier 1: l'essentiel, garanti par l'Etat.
Pilier 2: le collectif, assuré soit par des structures associatives, mutualistes ou actionnariales.
Pilier 3: Individuel. Chacun étant invité à penser à son futur pour pouvoir le rendre aussi beau que possible.

Ce système aurait le mérite de la simplicité, et serait extrêmement peu coûteux en pratique. Enfin, en régime établi. Car comme je ne cesse de l'expliquer, en phase transitoire, il y aurait beaucoup de problèmes. Quid des personnels devenus inutiles ? Un gel de leurs salaires sur 15ans ne serait pas suffisant à les ramener à ce niveau. Quid des personnes ayant cotisées pour un régime de retraite à qui on annonce que désormais seulement 850€ seront versés par mois par l'Etat ? Bref, beaucoup de problèmes "politiques" que d'aucuns ont tendance à bien trop négliger.

S'agissant du dividende universel, il pose une question beaucoup plus profonde. Pourquoi et à quel titre les banques auraient le monopole de l'émission monétaire ? Puisque celle-ci ne pose aucun risque, je pense qu'il serait plus efficace de distribuer à tous les citoyens/consommateurs de la zone ce dividende (le RU arrivant en déduction).

Écrit par : Fabrice_BLR | 25/04/2011

@ Fabrice

Si, l'émission monétaire pose au contraire un risque colossal, celui du ratio masse monétaire / production . Le déséquilibre de ce ratio à l'échelle mondiale sur une période déjà longue est la cause réelle de la crise de 2008, ou plutôt la crise de 2008 n'est que le symptôme de ce déséquilibre profond. Mais dans la formule de Crouzet, ce risque me paraît pris en compte.

Écrit par : Hervé Torchet | 25/04/2011

Sous le terme banque, que désignez-vous? Hervé?
Car de nos jours, il est devenu générique, les banques désignées comme telles, ( et encore il y a celles qui "frappent la monnaie" et les autres) mais aussi les assurances font de la banque, certaines entreprises plus ou moins directement et bien d'autres encore...
Alors, réitère ma question...?
En certains domaines j'aime avoir l'avis d'experts, ainsi Claudio fut mon préféré sur ces sujets mais aussi un autre...
Bonne soirée

Écrit par : Martine | 25/04/2011

@ Martine

Je ne suis pas un expert, mais pour les banques, c'est très simple, vu qu'il existe un ensemble de réglementations très strictes qui indiquent les organismes capables de faire légalement des actes de banque. C'est l'objet de la proposition du dividende universel.

Écrit par : Hervé Torchet | 25/04/2011

Vous n'avez pas répondu...Jolie pirouette.

Écrit par : Martine | 25/04/2011

@ Martine

J'ai répondu : sont des banques les institutions habilitées légalement à faire des actes de banque.

Écrit par : Hervé Torchet | 25/04/2011

@Hervé
Pas compris la remarque :-)
Je suis le premier à dénoncer la stupidité de la croyance qu'un établissement financier peut se développer plus vite que l'activité économique moyenne sur laquelle il opère (pour des raisons assez évidentes pour un physicien, mais pas pour un financier, il semblerait...).
D'un point de vue macro-économique, c'est du vol.
C'est très subtil, mais visiblement peu de gens comprennent vraiment où est le problème...

@Martine
une banque = entreprise financière (=effectuant des opérations financières) ayant un agrément bancaire, obtenu auprès de l'organisme de régulation.
En Europe, les agréments sont délivrés nationalement. A titre d'illustration, c'est l'ACP (Autorité de Contrôle Prudentiel) qui effectue cette mission (et bien d'autres, notamment la surveillance du secteur bancaire).
Ceci-dit, ces réglementations n'empêchent pas de voir se développer des établissements hors-contrôle ("shadow banking"), afin de se soustraire à toutes les contraintes encadrant l'activité.
Si cela n'est pas assez précis, n'hésitez pas à me relancer sur ce sujet.

Écrit par : Fabrice_BLR | 25/04/2011

@Fabrice,
Bah semblerait que vous ayez compris la remarque, certains établissements "shadow banking" se vantent de faire pression sur les banques officielles pour obtenir des taux de rendement supérieur, m'enfin leur argumentation de vente^^^ en ai croisé un qui essayait absolutely de me con-vaincre ;o)) j'avais moyennement apprécié ses interventions musclées auprès d'un de mes enfants mineurs via le portable...
Bonne soirée à vous

Écrit par : Martine | 26/04/2011

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