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03/05/2011

La discrimination, nouveau marqueur de droite

Après avoit écrit mon dernier article sur Villepin, j'ai eu des débats très vifs sur Twitter, et même ici, sur mon blog, sur la citoyenneté, la nationalité, la préférence nationale. Je rappelle que, dans son projet, Villepin, propose de créer un revenu réservé aux citoyens français, forfaitaire à 850 Euros par mois. Ce revenu est le complément d'obligations "citoyennes" ou civiques, notamment celle de voter, mais aussi une année de service de l'intérêt général (service civique), etc., une vision au fond spartiate.

Avant d'évoquer dans un autre article la question du revenu, des retards de revenus qu'ont nos concitoyens (c'est vrai et cela m'a été judieusement rappelé par les commentaires de ce précédent article), je vais revenir sur cette question de la citoyenneté, car l'affaire Mediapart de ce week-end a révélé ou souligné très crument la terrible maladie de la discrimination qui, peu à peu, se répand dans les milieux de la droite en France.

Commençons par la citoyenneté.

Citoyennetés, notions variables selon les branches du droit

Dominique de Villepin est un diplomate, du moins c'est sa profession. De ce fait, il porte sur certaines notions le regard diplomatique, celui du droit international. En droit international, la citoyenneté est un lien juridique qui unit une personne à un État. Ce lien est matérialisé par un passeport délivré par les autorités de cet État, dont les autorités consulaires pour les passeports délivrés hors de l'État en question.

Quand Villepin rencontre donc le mot "citoyen", issu du vocable révolutionnaire français dans notre langage politique courant, il le passe à la moulinette diplomatique, et voilà que notre citoyen devient notre ressortissant français, défini par son passeport. Il se trouve que le droit constitutionnel, le droit administratif, la science politique, et le langage courant donnent de tout autres contours au citoyen, en y attachant le paiement des impôts, la participation à la vie de la cité, des aspects plus à hauteur d'homme, le citoyen, en France, n'est pas seulement le Français, la citoyenneté est devenue en droit interne une notion complexe et ramifiée, à géométrie variable, détachée de la nationalité, d'autant plus que "citoyen" désigne avant tout l'habitant de la cité, donc de la ville, localement, et non pas de l'État comme le croit le droit international.

Assez curieusement, on m'a toujours expliqué que le passeport, outil marqueur en droit international, ne prouve pas la nationalité. Il prouve un lien de protection entre l'État et le détenteur du passeport, mais, en droit français, ce qui prouve la nationalité, c'est la carte d'identité. Donc le détenteur d'un passeport, s'il est en droit international un indiscutable citoyen français, n'est en rien un indiscutable citoyen français au regard du droit français.

Cette précision un peu sémantique m'amène tout droit à poser une question qui m'est venue à l'esprit en réfléchissant sur ce sujet : à qui le revenu "citoyen" s'applique-t-il ? Bonne question, beaucoup moins simple qu'il n'y paraît.

La preuve de la discrimination

Selon le libellé du projet Villepin, le revenu s'applique à tous les "citoyens", ce qui revient en pratique à dire à tous ceux auxquels la loi appliquera aussi un ensemble de sujétions déjà mentionnées, en particulier le service civique et le vote obligatoire.

Je n'entre pas dans le détail qui fait le premier hic, qui est que donner 850 Euros à chaque adulte revient à faire transiter 400 milliards d'Euros par an par les caisses de l'État, avec ce que cela suppose de coûts, de déperditions, malgré les éliminations d'autres allocations ou mesures sociales. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler, et il faudra certainement le refaire, car la gauche veut s'emparer de ce sujet pour 2012 et en faire un cheval de bataille, un cheval fou, soit dit en passant.

Je n'entre pas non plus dans le détail de ce en quoi ce projet rejoint celui des décroissants qui voudraient permettre aux gens de ne plus travailler s'ils en font le choix en leur garantissant ce minimum de vie. J'aurai l'occasion une prochaine fois de dire pourquoi cette intention, dont je comprends la bonne volonté, me paraît conduire à une ignominie.

Non, ce qui m'occupe, c'est pour le moment que ce revenu ne sera versé qu'aux "citoyens". À tous ? Cela voudra-t-il dire que les détenteurs d'un passeport français qui résident à l'étranger devront faire un service civique (en France ?) mais qu'en contrepartie, ils pourront percevoir les 850 euros aussi ? Et s'ils ne remplissent pas leurs obligations "citoyennes", conserveront-ils leur passeport ? Quelle sera la conséquence ? Cet enjeu n'est pas anodin, maintenant que les "Français de l'étranger" vont être représentés à l'Assemblée Nationale.

Revenons sur le territoire national. Nous avons maintenant deux voisins de palier. Aujourd'hui, ils sont tous deux au RSA socle, ils touchent environ 500 Euros par mois, ils bénéficient en outre de la même allocation logement et de la même CMU. Ils votent aux élections locales, aux municipales, aux cantonales, aux régionales, et aux européennes. Il y a deux élections où un seul des deux vote : la législative et la présidentielle. L'un est français, l'autre espagnol (par hypothèse, ou portugais, ou allemand, peu importe).

Maintenant, reprenons les mêmes voisins, après le dispositif Villepin. L'un touche 850 Euros, mais n'a plus d'allocation logement, puisque ses aides sociales ont été "écrêtées". Il consacre ou consacrera une année de sa vie au service de la collectivité (sauf s'il entre dans l'une des exceptions qui ne tarderont pas à fleurir). Il a l'obligation d'aller voter (sinon on lui retire sa pension) et comme ça l'agace, il vote systématiquement pour le FN, "pour les faire chier", et en se disant qu'en râlant beaucoup, on finira bien par attacher d'autres avantages à son privilège de national. L'autre touche toujours ses 500 Euros et son allocation logement. Il a peut-être fait une année de service militaire ou civique dans son pays, il continue à voter quand il veut.

On voit qu'avant le dispositif, la réalité tendait vers l'égalité, et qu'après, elle tend vers l'inégalité, vers la différence. Et quel est le moteur de cette différenciation croissante ? La nationalité. La nationalité est le moteur de la discrimination, le projet Villepin est donc lepéniste, cqfd. Je ne dis plus villepinistes, je dis vils lepénistes et je le regrette, car il en est de bien qui devraient s'en démarquer.

La discrimination, ralliez-vous à mon panache "blanc"

Il ne faut pas prendre l'ancien premier ministre pour plus imbécile qu'il n'est. Il est évident qu'il a choisi d'introduire cette discrimination dans son discours. Pourquoi ? Parce qu'il voulait tendre la main à Sarkozy. Il n'est pas le premier, rappelons-nous l"époque où feu Pascal Sevran trouvait que les Africains creusaient leur tombe avec leur bite, et celle où Chirac, se promenant benoîtement avec Juppé sur un chemin des environs de Bordeaux, tint des propos sur un "Bordelais de vieille souche" qui auraient envoyé n'importe qui d'autre que lui en correctionnelle. Juppé est désormais ministre.

C'est donc ainsi, quand on veut se faire bien voir en haut lieu, on dérape sur quelque chose d'ethnique ou de racial. C'est le signe de ralliement. "Ralliez-vous à mon panache blanc", où le mot "blanc" prend soudain un tour sinistre.

Sans doute faut-il évaluer à cette aune la crise ouverte par le site Médiapart dans les instances fédérales du football français. Depuis que Le Pen, en 1996, avait fusillé l'équipe de France dans le dos sur le thème du "ramassis de nègres", et que feu Frêche avait claironné qu'il y avait "trop de noirs dans l'équipe de France", il était devenu évident pour les racialistes qui sont depuis venus au gouvernement que le taux de sang noir devait baisser dans les vestiaires des équipes de France, en particulier celle de football. On suppose qu'ils l'ont fait savoir à qui de droit, qui a donc cherché le moyen de réduire cette coloration et d'"enfariner" le bec de nos joueurs.

Le recours à la question de la double nationalité pourrait entrer dans ce cadre. Selon un mécanisme très sarkozyste, on prend un biais assez vicieux pour faire passer une petite dose de "blanchissage". Chirac n'avait d'ailleurs pas fait autre chose lorsque, dans les années 1980, il avait "blanchi" les rangs des balayeurs et éboueurs de la Ville de Paris par une astuce juridique alors imparable : il avait exigé qu'ils aient le bac.

L'intervention de Lilian Thuram (dont les ambitions sur la fédération sont connues depuis déjà plusieurs mois) en contrepoint de l'affaire révélée par Médiapart souligne en fait la politisation de cette affaire, Thuram étant notoirement engagé à gauche. De ce fait, elle confirme que le recours aux propos racistes n'a été, pour l'équipe dirigeante actuelle du football français, qu'un signal politique d'obédience gouvernementale.

Il faudra donc s'y faire, et voir se multiplier ces mots d'ordre discriminatoires et racistes, et nous n'aurons jamais assez de forces pour nous y opposer, d'autant moins qu'il faudra s'opposer aussi à d'autres dérives, moins fondamentales certes mais non moins dramatiques, de la gauche.

De partout, nous entendrons hurler les loups de la race. Mais enfin, se rendent-ils compte de ce qu'ils font ? Et avec quel feu ils jouent ?


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Commentaires

Euh... Al Quitab dit: blanc=noir=rouge.

Écrit par : Martine | 03/05/2011

Bonjour, je ne saisis pas comment vous passez de la préférence nationale (discutable, mais non raciale puisque la nationalité française ne possède pas de fondement racial) au dérapage "sur quelque chose de racial".

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03/05/2011

@Hervé

La France ne s'est toujours pas mis en conformité avec le droit européen.
Un étranger communautaire ne peut voter que pour les municipales et les européennes, même si normalement cela devrait aussi être le cas pour les cantonales et les régionales.

Écrit par : Fabrice_BLR | 03/05/2011

@ Laurent de Boissieu

La nationalité est un concept ethnique, sur le modèle des cercles concentriques, dans la pensée de ces gens-là :
1° les "vrais" Français (Auvergnats p ex), 2° les Français "de couleur" de souche ancienne, 3° les Français "incomplets" ou binationaux (au moins un aïeul étranger, cela ressort p ex ds le débat de la Fédération Française de Football), 4° les naturalisés (rappelons-nous les naturalisations humanitaires ou politiques des années 1930 annulées par Vichy), 5° les étrangers.

J'attire votre attention sur le fait que depuis toujours les skinheads et autres néonazis suivent le FN, avec leurs "idées" racistes. C'est en effet que la préférence raciale gît en sommeil dans la préférence nationale. Que la seconde l'emporte, et la première s'éveillera implacablement.

@ Fabrice

S'il fallait faire la liste des retards français pour les mises en conformité avec le droit européen, il faudrait un bottin entier ;)

Écrit par : Hervé Torchet | 03/05/2011

@Hervé Torchet
J'ai effectivement moi-même rappelé dans plusieurs articles que l'expression "Français de souche" utilisée par le FN est par nature incompatible avec la définition républicaine de la communauté nationale: combinée à la préférence nationale, vous avez raison en ce qui concerne le FN. Mais il manque selon moi cette précision dans votre note, car, contrairement à ce que vous semblez dire, il est tout à fait possible d'être favorable à la préférence nationale sans aucune connotation raciale, comme c'est le cas pour Dominique de Villepin (idem pour Édouard Balladur en 1998). D'une certaine façon, la préférence nationale existe d'ailleurs déjà (accès à certains emplois publics, droit de vote).

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03/05/2011

@ Laurent de Boissieu

Réserver les prestations sociales aux nationaux français est l'une des plus anciennes revendications du FN. Rappelons-nous que c'est d'ailleurs là-dessus que Bompard, maire d'Orange, a été condamné : il a créé des allocations réservées aux nationaux français. Il a été (à juste titre à mon avis) condamné en correctionnelle.

Au-delà de ça, le problème de la position de Villepin, c'est qu'elle contribue à légitimer les thèses du FN. Je me fiche que Villepin soit ou non raciste, qu'il soit ou non nationaliste, je me fiche de ce que les gens sont, ce qui m'importe, c'est ce qu"ils font. Or le projet en question introduit de la discrimination là où il n'y en avait pas. Il est donc bien discriminatoire et, volontairement ou involontairement, il contient en germe des dérives que l'Histoire nous a montrées, avec leur cortège d'ombres, comme aurait dit Malraux.

Le projet de revenu citoyen se veut plus malin que tout le monde, mais en fait, il tombe dans le piège de la lepénisation des esprits.

Écrit par : Hervé Torchet | 03/05/2011

@Hervé Torchet.
La différence essentielle à mes yeux, c'est que proposer une discrimination fondée sur la nationalité (et, encore une fois, il en existe déjà: accès à certains emplois publics ou droit de vote et d'éligibilité réservés aux citoyens) peut rentrer dans le débat démocratique républicain (qu'on soit personnellement pour ou contre), tandis que proposer une discrimination fondée sur l'origine ("Français de souche"), la couleur de peau ou la religion disqualifie du débat démocratique républicain (ce n'est pas une opinion acceptable dans le débat démocratique républicain). Ce qui justifie le cordon sanitaire autour du FN, ce n'est pas la préférence nationale, mais c'est la préférence nationale combinée à une conception antirépublicaine de la communauté nationale.
Bref, on peut critiquer le "revenu citoyen" de Dominique de Villepin pour mille raisons, on peut critiquer la préférence nationale pour mille raisons (je crois d'ailleurs avoir été le premier sur mon blog à établir le lien entre les deux), mais on ne peut pas critiquer la préférence nationale ou le "revenu citoyen" au nom de l'antiracisme.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03/05/2011

@ Laurent de Boissieu

L'antiracisme est une posture stupide. L'objet de mon article n'est pas de dénoncer, mais de contribuer à révéler le lien sémantique qui unit diverses expressions publiques et la signification de cette sémantique.

Réserver le revenu aux nationaux (on imagine que ce sont ceux qui résident en France), c'est prôner la discrimination sur un sujet qui n'en tolère pas, qui est l'aide sociale. Et la discrimination n'est pas divisible. Le racisme établit une hiérarchie entre les races (ce que Le Pen fait publiquement). Le nationalisme appliqué au revenu social établit une hiérarchie entre les nationalités. Cela est-il républicain ? Depuis 1945, la réponse est non. L'Histoire sert notamment à enseigner quelles sont les conséquences de nos actes, quelles sont les conséquences de nos choix politiques. Le racisme est un engrenage, les discriminations sont les rouages de cet engrenage. Tel quel, le revenu citoyen n'est pas raciste, donc il est vrai qu'on ne peut pas le traiter de raciste, mais il porte en lui la discrimination suprême qu'est le racisme. En politique, les principes ne sont pas divisibles.

La déclaration des droits de l'Homme ET du citoyen porte :
"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits". "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune".

Ne pas voir que la marche vers l'égalité est la dynamique ultime de l'idée républicaine, c'est n'y rien comprendre. Il a fallu du temps, après 1789, pour inclure les anciens esclaves dans ce concept d'homme. Il en a fallu ensuite pour y inclure la femme. Depuis 1945, nous avons veillé à "lisser" les différences entre les nationaux et les autres résidents, car c'était la condition de la fraternité.

Depuis trente ans, une force puissante combat cette démarche profondément républicaine. Qu'on le veuille ou non, le projet Villepin se joint à cette force puissante pour entraver l'idée de 1789. Ce que propose DDV aurait peut-être été juste en 1795, ça ne l'est plus depuis 1945. Il y a des temps historiques, et chacun a sa pertinence.

Il y a encore des différences sur notre territoire entre les nationaux et les autres (un peu moins avec les autres européens). Mais j'attire votre attention sur le fait que la fonction publique s'ouvre peu à peu aux ressortissants des pays de l'Union Européenne (on s'en rend compte à la BNF p ex). L'égalité progresse.

Nous avons réservé le vote aux élections "nationales" aux électeurs "nationaux".
Sans doute. C'est le prolongement du passé. C'est un prolongement légitime. C'est une discrimination ? Oui, elle subsiste. Mais comme je l'ai expliqué plus haut, il est question de dynamiques, et la dynamique républicaine la plus profonde, celle qui nous soulève dans notre identité historique majeure, c'est celle qui réduit les discriminations, les "distinctions sociales", non pas celle qui en invente de nouvelles.

Donc de la même façon que j'ai combattu de toutes mes forces le RPR de Chirac quand Pasqua y était aux commandes, je condamne avec la plus énergique fermeté l'ensemble des principes qui sous-tendent le revenu "citoyen" qui n'est qu'un revenu "national".

La nation française, s'il faut l'invoquer, n'a pas besoin de ce nouveau déshonneur.

Écrit par : Hervé Torchet | 03/05/2011

@Hervé Torchet.

"Réserver le revenu aux nationaux, c'est prôner la discrimination sur un sujet qui n'en tolère pas, qui est l'aide sociale": effectivement, le Conseil constitutionnel estime que les seules limitations admissibles des droits économiques et sociaux concernent les étrangers en situation irrégulière. Il n'en demeure pas moins que mon propos, encore une fois, n'est pas de défendre la préférence nationale mais de dire qu'il est intellectuellement malhonnête d'assimiler par nature la préférence nationale au racisme (ce que vous faites dans votre note, d'où mon premier commentaire).

Pour le reste, je viens de comprendre en lisant votre précédent billet ce qui, fondamentalement, nous oppose: je me suis littéralement étranglé en lisant qu'"en assimilant les citoyens aux seuls nationaux, M. de Villepin fait du Le Pen à l'état brut". Je n'ai malheureusement pas le temps de rédiger un long exposé de droit ou de philosophie politique, mais, en vous suivant, c'est la France républicaine, où la citoyenneté est historiquement liée à la détention de la nationalité, qui ferait depuis des siècles "du Le Pen à l'état brut"! De ce fait, vous lui délivrez là un bien beau - et désolant - brevet de républicanisme...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03/05/2011

@ L de B

Je n'assimile pas l'une à l'autre, je dis que désormais, la seconde est en germe dans la première. Ce n'est ni un absolu, ni une vérité de tous les temps, c'est tout simplement que Le Pen a installé un mécanisme de cliquets. Une fois qu'on a passé le cap idéologique de la préférence nationale telle qu'il l'a libellée, il n'y a pas de retour en arrière, mais comme la préférence nationale ne résout en vérité aucun problème, il n'y a pas d'autre horizon après la préférence nationale que la fuite en avant. Vers où, à votre avis ?

Sur le citoyen, je maintiens ce que j'écris, la notion de citoyenneté a évolué et elle évoluera encore. Le critère même de la citoyenneté que vous évoquez (le droit de vote) est en cours de métamorphose sous l'impulsion de la construction européenne. Les ressortissants des autres pays de l'UE sont des citoyens en France selon le critère même que vous invoquez, car ils votent aux scrutins municipaux (et ils devraient le faire pour d'autres).

Je ne suis pas nationaliste, je ne l'ai jamais été et ne le serai jamais, ce qui ne m'empêche pas d'être patriote, de plusieurs façons d'ailleurs, car ma vraie patrie, c'est la langue française, que nous partageons avec bien des peuples qui n'ont pas votre satanée citoyenneté. Cette patrie-là me semble infiniment plus importante que toutes les ronchonneries étriquées des nationalistes.

Vous avez admis que le revenu "citoyen", en ce qu'il est un droit économique et social, est discriminatoire, je veux vien admettre ce que vous voulez en échange.

Cependant, sur le suffrage, je me permets de vous rappeler qu'il n'est devenu vraiment universel qu'en 1945, ce qui ne fait pas des siècles. Non, encore une fois, ce qui, dans la citoyenneté, a été suborfonné à l'obtention de la nationalité, c'est le passeport. Vingt millions de femmes avaient en 1935 la natonalité française, mais pas le droit de vote. Il n'y avait donc pas de coïncidence des deux notions. On pouvait largement être français sans être électeur. Est-ce à dire pour autant que les femmes n'étaient pas des citoyennes, qu'elles ne détenaient aucun des attrivuts liés à la citoyenneté ? Bien sûr que non. C'est pourquoi je dis que la citoyenneté n'est pas un simple, mais une notion complexe, qui se démembre et se détient incomplètement depuis longtemps.

Je me permets de ous rappeler que, sous la Révolution, on appelait tout le monde "citoyen", alors que seuls les contribuables (une faible minorité) votaient.

Mais pour vous donner raison tout de même en quelque point, il est vrai qu'en droit pénal, ce qu'on nomme "privation des droits civiques" est avant tout (mais pas seulement) privation du droit de vote.

Écrit par : Hervé Torchet | 03/05/2011

@Hervé Torchet.

Sur la préférence nationale, je trouve que vous faites un procès d'intention en estimant que le racisme "est en germe" dans la préférence nationale voulue de fait par Dominique de Villepin. Pour pousser plus loin, un vrai nationaliste français ne devrait d'ailleurs pas pouvoir être raciste vu que la nationalité française n'a pas de fondement racial et que les supposées races transcendent les nations (les racistes sont forcément supranationalistes).

Sur le revenu citoyen, encore une fois, j'ai été le premier (avant Mediapart) à analyser sur mon blog que c'était de fait de la préférence nationale (http://www.ipolitique.fr/archive/2011/04/14/projet-villepin.html). Ce n'est donc pas nouveau de ma part de l'écrire!

Sur la citoyenneté et la nationalité: au-delà de l'emploi historique du mot, en République française la nationalité est une condition nécessaire mais non suffisante de la nationalité; dit autrement, tous les citoyens doivent être des nationaux, mais tous les nationaux ne sont pas des citoyens (tous ceux qui ne jouissent pas de leurs droits civils et politiques: mineurs, majeurs sous tutelle ou déchus de leurs droits par les tribunaux). Vous avez parfaitement le droit d'inventer une nouvelle définition aux mots, mais cela ne fait généralement pas avancer le débat! La dynamique historique, c'est de faire coïncider les deux notions (ce qui n'était effectivement pas le cas en raison du suffrage non universel - exclusion des femmes - et de la colonisation).
Là où vous avez raison, c'est que l'émergence d'une citoyenneté européenne constitue une rupture (je ne juge pas ici de son caractère bon ou mauvais, je constate) avec cette tradition républicaine française.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 04/05/2011

@ L de B

Il y a eu d'autres ruptures, et depuis longtemps. Si vous voulez bien admettre que les "droits civiques" évoqués dans mon précédent commentaire sont les droits de citoyenneté, outre le droit de vote, il y a par exemple le droit de porter des décorations françaises, qui est ouvert aux étrangers depuis belle lurette. Mon propos sur ce point est de souligner que la citoyenneté ne peut être réduite ni au droit de vote, ni à la nationalité, c'est une notion complexe, dans laquelle certes le droit de vote et la nationalité tiennent une place de choix.

Sur l'antériorité du constat fait en lisant le projet Villepin, je vous la donne bien volontiers. Pour ma part, je n'ai pas voulu y croire, et il a fallu le débat tv entre DDV et ATD où le premier a revendiqué sa préférence nationale pour que je fasse ma première note sur ce sujet, effaré.

Sur le procès d'intention, je ne crois pas qu'il y ait d'intention raciste chez DDV (je suis même sûr du contraire), c'est justement pourquoi j'estime nécessaire de tirer le signal d'alarme. Car Le Pen a réussi à défigurer le vieux nationalisme français. Les gesticulations du pouvoir actuel prouvent ce changement de contour, voire de nature. Il est vrai que la tradition nationaliste française est assimilatrice (jusqu'à la guerre d'Algérie, en fait).

Écrit par : Hervé Torchet | 04/05/2011

"Thuram étant notoirement engagé à gauche".

C'est un mythe!

Par exemple, en 2007, il n'a pas voulu appeler à voter Royal.
Et il a pris position pour une candidate UMP aux municipales de 2008, Jeannette Bougrab. http://fr.wikipedia.org/wiki/Lilian_Thuram

Ce n'est qu'un détail, mais...

Écrit par : Eric | 04/05/2011

Franchement, les sources wiki^^^

Écrit par : Martine | 04/05/2011

@ Eric

Thuram s'est exprimé très durement contre Sarkozy en 2007 et toutes ses dernières apparitions dans la sphère politique (notamment à propos de ce qu'on nomme la pluricitoyenneté) l'ont rapproché de gens de gauche. Yannick Noah, qui a soutenu Royal en 2007, a apporté son soutien à Thuram.

@ Martine

Wikipedia est une source globalement fiable.

Écrit par : Hervé Torchet | 05/05/2011

@Hervé,

Ce serait une question à creuser! Oui, Thuram est un militant, un humaniste. Mais de là à le situer politiquement: j'attends de voir!

Écrit par : Eric | 05/05/2011

@ Eric

Il y a un point aussi en complément de ce que tu dis. C'est que cette affaire a révélé (ou rappelé) des tensions ethniques très anciennes dans l'équipe de France.

Écrit par : Hervé Torchet | 06/05/2011

"Il a fallu du temps, après 1789, pour inclure les anciens esclaves dans ce concept d'homme. Il en a fallu ensuite pour y inclure la femme. Depuis 1945, nous avons veillé à "lisser" les différences entre les nationaux et les autres résidents, car c'était la condition de la fraternité."

Ta référence, Hervé, à l'arrivée des esclaves "puis" des... femmes parmi les citoyens (légitimes ?) est très importante. Avant même de parler de nationalité. ;-)
Actuellement je pense aussi aux personnes que nous nommons SDF... Ou à toutes celles qui se trouvent réduites à devoir aller aux restau du coeur, ou bénéficier de la CMU...
A Dax, il y a une jeune femme, récente ex-SDF bénéficiant de prestations sociales mais évidemment sans emploi, qui vient spontanément me faire la bise. Franchement, pour recevoir la bise de pratiquement toutes les huiles du coin, c'est bien de celle-là dont je suis la plus fière !

Sinon, je suis entièrement d'accord avec toi sur ceci :
"Je ne suis pas nationaliste, je ne l'ai jamais été et ne le serai jamais, ce qui ne m'empêche pas d'être patriote, de plusieurs façons d'ailleurs, car ma vraie patrie, c'est la langue française, que nous partageons avec bien des peuples qui n'ont pas votre satanée citoyenneté. Cette patrie-là me semble infiniment plus importante que toutes les ronchonneries étriquées des nationalistes."
Lorsque l'on vit longuement hors de France c'est fou comme rencontrer quelqu'un qui parle sa langue rend heureux : algériens, libanais, djiboutiens, chinois, britanniques... peu importe la couleur de peau. Si les "français de souche" savaient comme on s'en balance ! :-)

Écrit par : Françoise Boulanger | 06/05/2011

Tiens, doit y avoir des allus paradem candidats en interne, dès fois que cela serve leurs affaires...
Pas mon cas, candidate à rien du tout du tout...L'ai fait autrefois pour aider (pas pour me faire emmmerd..) à la vue de ce qu'ont fait ceux que...En ce qui me concerne, la page tournée.

Écrit par : Martine | 06/05/2011

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