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05/07/2011

Livre électronique : les retards français persistent

Voici déjà plus de quatre ans, je m'étonnais, au Salon du Livre de Paris et sur mon blog, de l'absence de regard porté sur l'évolution du support littéraire, le papier devait être relayé par l'électronique et il me semblait que des marges de croissance énormes existaient dans ce domaine du livre électronique, alors même que l'édition française (hors BD) traversait une crise profonde.

Cette crise n'a jamais fini, elle connaît parfois des rémissions, mais elle est permanente. Pourtant, les efforts des éditeurs pour explorer la piste électronique demeurent faibles. Au contraire, le vote de la loi sur le prix unique du livre électronique, en mai dernier, semble avoir été fait pour protéger les acteurs actuels du marché littéraire, au détriment à la fois de l'innovation et surtout de l'émergence de nouvelles pratiques de diffusion, plus favorables aux auteurs comme aux lecteurs. Avec cela sans doute, on craint moins le développement d'une jungle "amazonienne" dans les lettres françaises. Protection sans doute illusoire, ligne Maginot, disent les mauvaises langues qui ont parfois raison.

L'édition française constate, satisfaite; "le livre papier résiste", et elle fait tout pour encourager cette résistance qui conforte les vieilles positions acquises. Dans le même temps, les nouveaux acteurs expliquent qu'ils rémunèrent mieux leurs auteurs que les anciens, et ils sont capables de proposer des textes à 3 ou 6 Euros, ce que le livre papier ne peut faire. De fait, le convoyage des livres vers les livraires coûte environ 20% du prix de vente, et l'impression, peut-être 5% en moyenne (souvent plus, notamment pour les petits tirages). Bien entendu, le tiers du prix de vente, réservé aux libraires, est la question la plus épineuse, puisque la suppression du prix unique signifie l'accélération de la disparition des librairies. En tout, la diffusion absorbe entre 55 et 58 % du prix de vente du livre papier.

Si je prends un livre à 20 Euros, enlevons donc 11 Euros ou 11,60 Euros de diffusion. Restent 8,40 ou 9 Euros à se partager entre auteurs, maquettistes, éditeurs et imprimeurs. Les auteurs ont entre 5 et 15 %, entre 0,40 et 1,30 Euro.

En revanche, sur un livre numérique, une plateforme comme publie.net annonce rémunérer ses auteurs à hauteur de 50 %, soit au moins 1,50 Euro par exemplaire vendu, 3 Euros étant une part plausible. Et le livre, resserré sur son contenu, coûte beaucoup moins cher au lecteur, ce qui est indéniable et qoit être mis en valeur, car notre but, en tant qu'auteurs et en tant que promoteurs de la pensée, est que celle-ci puisse toucher le public le plus large, donc au moindre coût pour lui. Il est vrai que le prix d'achat des "liseuses" reste élevé et qu'il faut un grand nombre de livres numériques pour l'amortir : si la différence de prix entre un livre papier et un ebook est de 10 Euros, il faut lire plus d'une quinzaine de livres par an pour que le coût global soit le même, sans parler d'éventuelles économies pour le lecteur. Il est vrai que la liseuse permet de lire aussi des livres gratuits, ce qui redresse le différentiel à l'avantage du numérique.

De toutes façons, les études pratiquées sur les plus jeunes générations démontrent que le développement du livre numérique est inéluctable, ce n'est pas une spéculation, c'est un fait futur. Nous sommes donc devant le choix suivant : protéger le monde actuel coûte que coûte, quitte à en faire une ville d'Ys vouée à une inexorable submersion par des acteurs de même nature, mais plus puissants, et étrangers, américains ou allemands (donc autres que ceux que le dispositif est supposé protéger), ou au contraire favoriser le développement d'une pépinière d'acteurs indépendants capables de faire vivre la langue et la pensée.

Personnellement, j'ai choisi, tant pis pour Gallimard (que la Ville de Paris vient de décorer d'un mausolée significatif), Hachette et les autres, vive les nouveaux, vive les expérimentateurs.

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Commentaires

Ah Hervé, le papier... Grand accusé de notre déforestation.

Pourtant je dois avouer que j'adore tourner les pages d'un livre. Tiens je viens d'aller chercher dans ma bibliothèque la bible que j'avais reçue en cadeau pour ma confirmation. C'est ce papier si fin et pourtant si solide qui me plaisait bien. Il me semblait infiniment raffiné, luxueux... Le même que certains dictionnaires ou encyclopédies. Ce papier qui a son toucher lisse et son bruit sec bien à lui. J'ai reçu un jour un livre en liège... Curieuse sensation que le toucher d'une page "molle" et complètement "insonore". Presque frustrant.

J'aime bien les vieux livres malgré leurs odeurs ou leurs couleurs plus ou moins altérées. Par exemple j'adore relire les livres de la collection Nelson hérités de mon grand-père. La plupart d'entre eux ont un hors-texte, c'est à dire une page "en plus" d'une illustration ne comptant pas dans la pagination et rien que ça, ça me plaisait beaucoup...
Et puis régulièrement je vais aux archives de ma ville pour consulter avec précaution certains documents anciens. Ce sont des témoignages importants de notre histoire. Les livres électroniques sauront-ils restituer aussi fidèlement notre vie à nos descendants ?! Je ne le crois pas pour ma part. ;-)
"Objets inanimés, avez-donc une âme ?!" Une âme peut-être pas mais une personnalité porteuse de nos souvenirs c'est sûr.

Écrit par : Françoise Boulanger | 05/07/2011

@ Françoise

La question n'est pas la disparition du support papier, j'ai signalé l'autre jour que Richard Stallman estimait que les deux supports continueraient à exister, mais faut-il sacrifier le support émergent qui va prendre une part considérable du marché ? C'est cela la question, avec les implications que j'ai dites.

Écrit par : Hervé Torchet | 05/07/2011

J'ajoute qu'avant d'être écrite sur papier, la bible l'a été d'abord sur papyrus, puis sur parchemin, et que l'on sait bien qu'elle a été écrite à la main pendant plus de 1400 ans avant d'être enfin imprimée depuis plus de 500 ans.

Écrit par : Hervé Torchet | 05/07/2011

Je suis également favorable à un mix entre papier et électronique : ce qui est historiquement sur papier peut être numériser et ce qui est numérique peut être imprimer. J'ajouterais que certains livres - notamment des manuels - ne peuvent pas se passer de la version papier à moins que les ebooks deviennent tactile et que l'on puisse écrire dessus avec un matériel à un coût abordable pour tous.

D'ailleurs, si on reste sur les manuels scolaires, j'aimerai bien savoir de combien serait l'écart entre les livres papiers et les ebook. Cela notamment dans le cadre où le département ou la région fournit gratuitement les livres (ex : le Loiret et la Région Centre).

Écrit par : Maxime FIALON | 05/07/2011

Le thème est plus complexe en ce qui concerne les ouvrages anciens...
Bon sur ce, retourne hiberner dans ma caverne.

Écrit par : Martine | 07/07/2011

Les commentaires sont fermés.