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07/02/2012

Nous, les fauchés

Depuis que j'ai terminé mon mandat d'élu, c'est-à-dire depuis dix ans, mon activité principale est la publication de documents d'Histoire médiévale bretonne. Ce sont des livres onéreux, mais de très haute spécialité et de très bon rapport qualité matérielle / prix (un papier excellent, avec un fort grammage). Il s'en vend. En fait, il ne s'en vend pas assez. Depuis que la gauche a pris la région administrative Bretagne (qui n'est pas la région historique), ce type de culture n'a plus la cote là-bas. Trop cher, trop élitiste. J'en vends moitié moins qu'avant. Mais moi, si je publie cela à petit prix (j'ai essayé) c'est encore moins rentable. Il y a donc belle lurette que j'aurais dû arrêter.

Pourtant, je continue. Pourquoi ? Parce que je crois dans la nécessité de ce que je fais, je crois que, dans un monde où la haute culture est méprisée, combattue, étouffée, ceux qui peuvent se battre en ont le devoir. Mourir peut-être, mais mourir debout.

En tout, ces livres me laissent un peu plus de 1000 Euros par mois. J'habite Paris, ce n'est pas gras. Oh, j'en connais qui ont moins, notamment parmi nos amis blogueurs, il y en a qui galèrent ferme, qui sont au RSA, ou qui cachetonnent. Je ne me plains pas, finalement, mais de temps à autre, les virées au Fouquet's ou chez Laurent m'écœurent.

Et de temps à autre, je voudrais que nos politiques, pour une fois, oui, une fois dans leur vie, deviennent honnêtes, qu'ils cessent de nous mentir, qu'ils cessent de dilapider l'argent public, qu'ils cessent de piocher dans la caisse. Je voudrais que nous soyons bien gouvernés, que les finances publiques aient bonne mine, que notre pays jouisse d'un bon renom, que nous participions à l'élaboration du monde nouveau avec dignité et rectitude.

Je voudrais que nos politiques se soucient de la détresse des démunis, qu'ils y pensent à chaque instant, et qu'en même temps, ils n'oublient pas que tout ne peut leur appartenir, que la prospérité est le seul vrai remède de la misère, qu'elle est faite de créativité, et qu'il n'y a de créativité que dans la liberté. Je voudrais qu'ils aient pour ambition de nous libérer, et non pas de nous enchaîner à la dépendance de leurs prétendus bienfaits.

Mais ce qui pourrait paraître peu est encore trop demander.

J'ai de la peine pour des élus de droite qui font leur travail sérieusement, avec conscience, qui font du bon boulot sur le terrain, et qui, parce que leurs dirigeants suivent des chemins aberrants, vont bientôt sans doute se voir désavoués d'une façon cinglante et massive par les électeurs en colère. Et j'ai de la peine pour les élus de gauche, actuels ou futurs, qui s'apprêtent à traverser la cruelle épreuve de la désillusion post-électorale. Ils incarnent tant d'espoir en ce moment d'un peuple qui a été tellement meurtri par ses dirigeants actuels, qu'il ne faudrait pas très longtemps pour que le reflux des espérances leur fasse connaître d'abord l'angoisse, puis la colère, et enfin la chute.

Les erreurs passées de la droite sont bien connues : pour l'économie, une politique informe, incohérente, illisible. Pour le sociétal, un racisme d'État intolérable, insupportable. Pour le social, un manque de vision et une propension au démantèlement, non pas du superflu, mais de l'essentiel. Hélas, la gauche ment. elle veut le pouvoir, avec féorcité, avec gloutonnerie, et ses mensonges, gros de tous les reniements futurs, sont à la hauteur de sa férocité.

Dans tout ce qu'elle propose, et qui est loin devant dans les sondages, il n'y a rien que la continuité des erreurs actuelles, sauf pour le sociétal (c'est un soulagement), il n'y a pas l'empathie pour ces gens qui souffrent et qui se recroquevillent dans la dureté du temps.

Bayrou a dit "Je serai le porte-voix des sans voix". Populisme ! a-t-on accusé. Populisme ? il ne le dit plus. Et, de ce fait, de ces gens qui ont mal à chaque cellule de leur corps et à chaque heure du jour, on ne parle plus. On les a fait taire. Les beaux messieurs, les bobos qui votent Hollande, qui roulent en 4x4, qui déjeunent chez Laurent, ça n'aime pas que les pauvres parlent de leur misère, ça dérange leur digestion.

Il y a des gens qui meurent de faim et de froid, dans notre pays, parce que des entreprises, par formalisme encore plus que par cupidité, leur ferment la porte ou le service. Il y en a qui meurent parce que la voracité des financiers a détruit des tissus productifs. Il y en a aussi qui meurent parce que de mauvaises politiques industrielles font que notre pays s'appauvrit dans ses profondeurs. Or ces mauvaises politiques industrielles, cette gestion cossarde, nous la trouvons à droite comme à gauche, et dans le programme du futur candidat Sarkozy comme dans celui du candidat Hollande, les deux, les deux faces de la même politique d'impuissance.

J'ai de la peine pour mon pays, j'en ai tellement. En 2007, je gardais un espoir, cela valait la peine de se battre, cinq ans, c'est long, mais aujourd'hui, je ne porterai pas cinq années supplémentaires. Parce que pour les gens qui ont un emploi garanti, pour les fonctionnaires, pour les politiques, pour les milliardaires, tous ces événements ne sont que des péripéties, mais pour les gens qui rament, chaque erreur nouvelle à la tête du pays est l'annonce d'un drame nouveau, et de ces drames, je suis fatigué.

C'est ma dernière campagne électorale comme acteur, comme politique. Elle me déçoit. Terriblement.

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Commentaires

Cher monsieur

en tant qu'acheteur de quelques uns de vos ouvrages, je me permets de réagir sur l'introduction de votre article. Je ne saurais dire si "ce genre de culture n'a plus la côte" en Bretagne et encore moins si c'est de la faute à une tendance politique. Mais, dans tous les cas, et veuillez m'en pardonner à l'avance, tout n'est pas dans l'oeil du client éventuel.
Je suis l'heureux possesseur de votre réformation des fouages (évéché de Léon). Concrètement, il s'agit d'un travail monumental et en tout point remarquable. Et j'incite ceux qui le peuvent à en faire l'acquisition. Cela représente un investissement relativement important : environ 240 euros pour l'ouvrage et au moins (environ) 200 euros pour la reliure. La question du choix du support est donc aussi importante que le contenu en termes de prix.

Personnellement, je suis monté à 270 (toutes options, tout cuir) pour la reliure, que j'ai faite faire par l'atelier de reliure de l'Abbaye de Limon, dont j'ai trouvé le travail d'une qualité parfaite, sans doute le reflet de la foi qu'y apportent les soeurs. Je profite de l'occasion pour leur faire un peu de publicité
(site : http://www.aulivreinacheve.com/)

Au final, entre votre travail et celui de l'atelier dirigé par soeur Claire Elisabeth, je considère posséder une véritable oeuvre d'art.

Hélas, en ces temps de début de 21ème siècle, il semble que cela réduise vos oeuvres à un marché très réduit. Par rapport à la situation d'il y a 50 ans, combien savent immédiatement ce que veut dire le format bibliophile ? La lecture n'est peut être pas en baisse, mais de quelle lecture s'agit-il ? De plus, les supports électroniques prennent doucement leur place. Au final, un changement d'époque semble se faire.

Pourtant, quand je vois le rayon "Bretagne" de la librairie Dialogues à Brest (qui vend vos ouvrages), je n'ai pas l'impression qu'il y ait une baisse de production dans ce domaine culturel. Par contre, je note une réédition dans un format presque "bas de gamme" de l'ouvrage de Potier de Courcy "Nobiliaire et Armorial de Bretagne". Je note également qu'à Brest, se situe une antenne du Centre Généalogique du Finistère, un des plus importants de France, et que ce "hobby culturel" est en constante augmentation en Bretagne, et en France en général. A l'époque où les mouvements de population continuent, où les repères semblent s'estomper dans un monde de relations virtuelles, où le lien intergénérationnel est souvent rompu par la vie en famille monocellulaire, l'envie de connaître d'où et de qui l'on vient semble être une réaction naturelle.

Et, sous réserve éventuelle de permettre l'accès à un plus grand nombre, ceux que cela intéressent achèteraient peut être plus facilement un outil de recherche qu'une oeuvre d'art. Dans cet esprit, votre ouvrage sur la réformation de Léon n'a rien à envier à l'ouvrage de de Courcy. Je trouve notamment la note sur la Famille de Kersauson particulièrement intéressante.

Bien cordialement.

Écrit par : Rémi de Kersauson | 07/02/2012

@ Rémi

Comme je l'ai expliqué dans l'article, j'ai tenté l'expérience, mais plus les livres sont chers, plus ils rapportent, car il n'y a pas 10000 ou 20000 exemplaires à en vendre bon marché. Les généalogistes, que j'estime beaucoup, pratiquent une grande politique d'entr'aide et consomment le plus possible d'info gratuite, car ils consomment énormément d'info. C'est d'ailleurs pourquoi je veille à ce que mes ouvrages soient toujours consultables gratuitement dans les bibliothèques.

Écrit par : Hervé Torchet | 07/02/2012

Heureusement que la campagne n'a pas encore commencé! ;-)

Écrit par : Eric | 07/02/2012

@ Eric

Heureusement qu'elle n'est pas encore terminée non plus ! ;)

Écrit par : Hervé Torchet | 07/02/2012

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