15/02/2012
François Bayrou rejette le volet numérique d'ACTA
Internet a des inconvénients. C'est pénible à écrire, car nous aimons bien l'idée d'un nouveau monde dessiné peu à peu par la grande Toile. Mais il faut le dire : internet a des inconvénients. Parmi ceux-ci, le premier, c'est d'être un instrument de surveillance de la population, et des gens un par un, d'une efficacité qu'aucun autre moyen humain n'avait fourni jusqu'ici.
Cette surveillance, Richard Stallman l'a dénoncée dans le principe de Facebook récemment. Cette surveillance, nous l'avons dénoncée dans le principe et dans les modalités d'Hadopi. Cette surveillance, elle constitue un danger pour la liberté individuelle comme aucune autre jusqu'ici.
Les droits d'auteur, on peut en discuter, leur hypertrophie dans des domaines comme les sciences de la vie peut aboutir à des monstruosités dans le domaine agricole, voire dans le domaine médical. Trop souvent aussi, dans les domaines artistiques, ils bénéficient plus au producteur qu'à l'auteur lui-même, trop souvent ils ne sont qu'un instrument contre le public au lieu de tisser un lien entre celui-ci et les auteurs. Dans le monde de l'industrie culturelle d'aujourd'hui, on oublie le vieil adage selon lequel le public à toujours raison. Les majors s'engraissent au détriment des auteurs et du public.
Mais les droits d'auteur sont aussi le moyen pour des artistes de vivre de leur art avec la plus grande indépendance que l'on ait trouvée pour eux jusqu'ici. Bien sûr, cette indépendance n'est jamais suffisante, et le manque de liberté des artistes est l'un des maux de notre société, seulement, on n'a pas trouvé de mode de rémunération plus efficace jusqu'ici, à moins que le mécénat global, imaginé par Francis Muguet, ne soit finalement la solution, au moins pour la partie numérique de la commercialisation des œuvres. Encore faudrait-il qu'on l'expérimente.
Donc si nous ne rejetons pas en bloc les droits d'auteur (mais en bloc au contraire leur abus scandaleux par des multinationales milliardaires), nous ne pouvons pas accepter qu'ils servent de fondement à des instruments de flicage généralisé d'internet, à des instruments de filtrage, de blocage de sites, d'une part, mais surtout à des instruments de surveillance individuelle, intrusive, des internautes.
Dans notre monde technologique, notre univers familier n'est plus étanche. L'Union Soviétique, si chère aux communistes dont M. Hollande vient de louer les valeurs, organisait le flicage à l'intérieur des foyers en faisant pratiquer la dénonciation et l'aveu par les différents membres du foyer les uns contre les autres. Avec internet, plus besoin de ces moyens rustiques qui ont prouvé finalement leur insuffisant pouvoir : il suffit de s'introduire dans les ordinateurs à distance, il suffit de dépouiller les courriels au passage, il suffit d'un dispositif comme la Hadopi de M. Sarkozy. Or cette intrusion, cette surveillance, le traité ACTA en fait un principe de taille internationale, un principe mondial, global, universel, le principe d'un monde fou sans autorité politique constituée, où des officines privées pourront à tout instant s'introduire légalement sans mandat chez n'importe qui.
Voilà pourquoi François Bayrou a raison, en marge de sa campagne présidentielle, de rejeter le volet numérique du traité ACTA. Qu'il en soit remercié. Le parlement européen, jusqu'ici, a toujours voté contre les dispositifs qui lui paraissaient abusifs des droits privés. À mon avis, l'exigence que les eurodéputés ont formulée contre des dispositifs de type Hadopi était insuffisante, puisque si le dispositif de sanction a été allégé à juste titre et placé sous la garantie du juge, protecteur naturel des droits individuels, la partie surveillance du dispositif Hadopi s'est, elle, épanouie en toute légalité. Il est temps pour les parlementaires européens d'aller plus loin, de rejeter ACTA et d'exiger la suppression de tous les dispositifs de surveillance légale et individualisée.
Et à l'échelle de notre pays, la France, nous devons tout faire pour l'abrogation pure et simple de la loi Hadopi, pour la suppression de la Hadopi, et s'il peut exister des dispositifs légaux de sanction des infractions aux droits d'auteurs culturels sur internet, ceux-ci doivent tenir compte du droit à l'échange gratuit (exactement semblable au droit à la copie privée, internet n'étant ici qu'un véhicule, une nouvelle définition de l'espace matériel), ils doivent être proportionnés au dommage occasionné par l'infraction, et ils ne doivent en aucun cas reposer sur une institution dont la mission soit la surveillance individualisée des internautes. Aucune institution de type Hadopi ne doit exister en France. Ce sera un pas important vers la neutralité du Net.
EDIT : voici le lien vers la très intéressante vidéo du débat sur le numérique qui s'est tenu au siège de la campagne de François Bayrou, à noter tout particulièrement ce que Frabrice Epelboin dit sur Loppsi 2 et le cri du cœur de Bayrou sur la menace qui pèse sur le pluralisme en France, sur la disproportion des moyens et sur les conséquences qu'aurait la disparition du pluralisme sur la qualité de notre démocratie.
08:49 | Lien permanent | Commentaires (17) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
En phase avec ton billet, notamment sur la derive du droit d'auteur, tant dans le domaine culturel que dans celui du vivant. Le positionnement clair de François Bayrou sur ce sujet est appréciable.
Pour dépasser le droit d'auteur pour permettre aux artistes de vivre de leur art, il y a aussi le revenu de base inconditionnel, qui permet à chacun de vivre, et d'exercer une activité de son choix (ici l'art).
Bonne journée
Écrit par : Jeff Renault | 15/02/2012
@ Jeff
Oui, c'est vrai, mais un revenu de base de 500 Euros par mois et par adulte (ce n'est pas gras), augmenté d'un principe forfaitaire de 50% de couverture sociale (une partie des retraites étant garantie par le minimum commun), soit 750 Euros par mois, 9000 Euros par an, multipliés par environ 40 millions d'adultes donne un total de 360 milliards d'Euros, dont une partie consiste en redéploiement de dépenses déjà existantes (pour tous les pensionnés, retraités, rsa, minimum vieillesse, handicapés etc), c'est vrai, mais dont au moins 200 milliards devraient être financés par des ressources nouvelles, le tout pour un revenu plus que modique, car si l'on passe au SMIC, ce sont 400 milliards, 20% du PIB. Cela, si on l'applique à toute la population (principe d'égalité).
Maintenant, si on l'applique seulement aux volontaires, il s'agit donc de revenir au dispositif RMI (ôtant donc les conditions d'heures travaillées et les primes d'heures travailles) sans la condition d'âge (donc dès 16 ou 18 ans) ou d'en créer un encore plus simple, cela deviendra certainement un alibi, comme cela se fait au Royaume-Uni, un alibi pour que l'État cesse de se préoccuper des gens. Il y a un côté positif évident (malgré un coût à mon avis imprévisible), mais le côté négatif, c'est la création de ghettos de gens à qui l'on mendiera de quoi vivre, qu'on n'enverra plus à l'école, et qui seront les bêta du Meilleur des Mondes d'Orwell. Cela ne me paraît pas humaniste.
Je préfère une hypothèse où chacun a le droit de gagner sa vie honnêtement et où les pouvoirs publics veillent à ce que la Société permette à chacun de financer sa vie dignement par son travail.
Cela étant, je ne suis pas fermé à l'hypothèse du revenu universel, je pense que cela devrait être expérimenté à échelle suffisante.
Écrit par : Hervé Torchet | 15/02/2012
Le revenu de base doit être inconditionnel. C'est essentiel pour ne pas tomber dans les travers que tu décris (ou ceux d'aujourd'hui d'ailleurs). La conditionnalité alourdit le système (coût additionnel) et stigmatise les bénéficiaires.
Le revenu de base n'est pas incompatible avec une activité rémunérée dont le salaire vient s'ajouter au revenu de base. Chacun peut choisir son activité (marchande ou non, rémunérée ou non) et développer sa créativité.
Le gros intérêt du revenu de base est de dissocier les notions d'activité et de revenu. Gagner sa vie en travaillant : pourquoi ? N'a-t-on pas le droit de vivre si on ne travaille pas ? Pourtant, chaque citoyen est membre de la même communauté. Il n'est pas normal qu'on ne puisse subvenir à ses besoins essentiels (manger, se vêtir, avoir un toit, s'éduquer...) qu'en contrepartie d'un travail, surtout quand on sait la période de chômage de masse que l'on connaît, et que par ailleurs le plein emploi est une chimère (la productivité et le progrès technique aidant).
Dans un système avec revenu de base inconditionnel, tout le monde peut évidemment choisir de travailler pour compléter son revenu et augmenter son niveau de vie.
Tu as raison, une expérimentation serait intéressante (il y en a eu dans certains pays).
Écrit par : Jeff Renault | 15/02/2012
@ Jeff
À mon avis, ton système aboutit à légitimer l'exploitation du travailleur, mais je peux me tromper et il est vrai que la liberté du choix a un sens, mais bon, espérons l'expérimentation.
Écrit par : Hervé Torchet | 15/02/2012
Tiens, justement : TerraEco publie aujourd'hui un article qui dresse un état des lieux sur le revenu de base et la position des candidats à la présidentielle : http://bit.ly/A2G7Lj
Écrit par : Jeff Renault | 15/02/2012
@ Jeff Renault
Je crois qu'il faut arrêter de donner dans la démagogie la plus absurde, même si on est artiste. Ne rien foutre pour un revenu citoyen assuré, c'est clairement se foutre de la tronche des autres. Et c'est malsain. Vous n'avez qu'à trouver un mécène si vous êtes si doué! Mois je vous le dis, et je vous le dirais face à face si l'occasion se présentait.
Il y a deux dispositifs qui existent à l'heure actuelle:
- le RSA socle pour ceux qui n'ont aucun revenu. C'est pas lourd, vous allez me dire, mais c'est normal parce que l'encouragement (même s'il est forcé) permet de passer à autre chose. Parce qu'avec le RSA socle on vit, mais on vit très mal, voire on ne vit même pas.
- Le RSA actif, qui donne un supplément de revenus, très dégressif reconnaissons-le, à ceux qui travaillent à temps partiel. C'est un petit plus qui corrige l'effet purement "binaire" du RMI précédent.
Ces systèmes me semblent être bons (merci M. Hirsch), parce qu'ils encouragent au travail sans trop plomber les plus démunis. Hervé nous a fait récemment les confidences de ses revenus en tant qu'auteur, un SMIC nous a t-il dit, alors j'espère que vous ne voudriez quand même pas autant sans rien foutre?!
Personnellement, j'ai été au RSA actif, je me suis ensuite passé du RSA actif, et aujourd'hui vue la conjoncture, je suis revenu au RSA actif( avec une indemnisation qui est d'un peu plus d'une centaine d'euros par mois), en espérant me passer totalement du RSA si l'optimisme collectif reprend. Je trouve que ce système est très bien fait, parce que d'une part il encourage au travail et que d'autre part il permet quand il y a une baisse de régime (je suis aujourd'hui un peu profession libérale) de ré-obtenir une aide aussi minime soit-elle.
Et je crois par dessus-tout que ce système est sain.
@ Hervé
On parle toujours, lorsqu'on parle d'Hadopi notamment, de protection des droits d'auteurs. Mais jamais on ne les chiffre. Connais-tu le montant des droits d'auteurs sur un disque? Sur un DVD? Sur un livre?
On nous prive totalement d'informations, et ceux qui piratent on les fait passer pour des délinquants, au nom des droits d'auteurs justement.
Ces chiffres, les connais-tu et pourrais-tu nous les divulguer?
Écrit par : JF le démocrate | 16/02/2012
@ JF
Sur un livre, cela dépend de la catégorie de livres. Pour les manuels et autres ouvrages très techniques, on peut descendre à 5% de droits d'auteurs. Pour la littérature générale et chez les éditeurs connus (Flammarion, Gallimard, Le Seuil, Fayard, Grasset et toute la bande), les droits d'auteurs sont compris en principe entre 7,5% et 15% du prix de vente. La marge de l'éditeur est à peu près du même montant. La profession gourmande, dans ce secteur, ce sont les diffuseurs : la diffusion globale coûte entre 55% et 60%, dont les libraires prennent entre 30 et 35%, ce qui laisse au moins 25% aux diffuseurs. Certains éditeurs vivent très bien parce qu'ils sont aussi diffuseurs. Intégrer la filière, c'est le secret. Par ailleurs, ce système est un peu fou, car les libraires achètent les livres au comptant et récupèrent une partie de leur argent s'ils les renvoient à l'éditeur. L'édition vit donc dans une atmosphère de cavalerie perpétuelle, ce qui encourage à griller les livres à la même allure que les cigarettes, pour faire tourner les liquidités. L'auteur est donc sacrifié et ne peut pas s'installer dans la longueur.
Dans le domaine du livre numérique, que je connais depuis que j'en ai publié un cette année chez Numériklivres, la rémunération est en principe de 30%, ce qui revient à peu près au même montant que les 7,5% des éditeurs traditionnels, si l'on pratique un prix modeste (4 Euros p ex). Mais les ventes sont encore confidentielles pour la plupart des livres numériques, si bien qu'en pratique, la rémunération est fantomatique, je n'ai pas été payé pour le moment, le montant des droits étant de quelques dizaines d'Euros.
Sur un DVD, cela dépend de l'époque de réalisation du film. S'il a été réalisé avant l'apparition des VHS, aucune clause du contrat n'a prévu ces droits dérivés-là et la rétribution du ou des auteurs du film (voire de ses acteurs s'ils sont associés à la recette) est entièrement fonction du bon vouloir soit du producteur détenteur des droits, soit de l'éditeur des DVD. Je connais des réalisateurs prestigieux qui ne touchent rien sur les DVD qu'on tire de leurs films. Pour les films plus récents, les contrats prévoient une rétribution, mais il est extrêmement difficile pour les réalisateurs et autres ayants-droits de mesurer la sincérité de l'éditeur des DVD, et l'on a vu fréquemment des diffusions de DVD à bas prix où il est évident qu'aucun auteur n'a touché un centime. Il y a quelqu'un qui dispose du droit sur les DVD, un producteur ou un détenteur de catalogue, qui fait ce qu'il veut.
Sur les CD et les chanteurs, c'est encore différent, car il est fréquent qu'ils soient mensualisés et que les choses soient un peu confuses. On dit que les chanteurs touchent autour de 8% du prix du disque, ce qui correspond à une logique proche de celle du livre. En réalité, dans ce métier-là, ce qui rapporte, à mon avis, c'est la scène. Donc on voit à quel point la filière est gourmande et les auteurs marginalisés.
Écrit par : Hervé Torchet | 16/02/2012
@JF >
Dommage que tu adoptes un ton si cassant dans un débat. Pourquoi l'idée du revenu de base inconditionnel provoque-t-elle une réaction si vive ? Je respecte que tu puisses ne pas y adhérer, mais pourquoi en parler serait-il démagogique ? En quoi est-ce "se foutre de la tronche des autres" ?
J'ai commencé à m'intéresser au Revenu de Base inconditionnel il y a environ un an, et il est vrai que de prime abord cela m'a paru incongru, tant cela sort du cadre des recettes habituelles. Je me suis informé, j'ai beaucoup lu, et il me semble aujourd'hui qu'il s'agit d'une proposition très pertinente, que d'ailleurs d'éminents économistes promeuvent.
Je ne saurais trop te conseiller de faire des recherches, et tu découvriras que le revenu de base inconditionnel ne consiste pas à "payer les gens à rien foutre", mais à dissocier la notion de revenu et d'activité. C'est sans doute ce qui te heurte à lire ton éloge du RSA, mais il va bien falloir prendre en compte que le plein emploi n'est qu'une chimère.
Pour le reste, je ne suis pas concerné par les droits d'auteur, et ne parle pas en mon nom. Tes accusations me concernant et laissant penser que je prône un système qui m'avantagerait ne sont donc pas fondées, je suis au regret de te le dire.
Pour revenir au sujet du billet d'Hervé, cette tribune interessante de Jean Zin : http://bit.ly/wSFRtD
Écrit par : Jeff Renault | 16/02/2012
@ jeff
Merci de ces liens. J'invite les lecteurs qui passent ici à les suivre pour nourrir leur réflexion personnelle.
Il y a un mouvement profond contre le droit d'auteur en ce moment, sa légitimité est très contestée. Il faut pourtant rappeler qu'à l'origine, il est né comme une résistance des auteurs contre la pression des éditeurs. Je crois qu'avant ce système, les auteurs étaient au forfait : l'éditeur proposait un contrat, en théorie pour un certain nombre d'exemplaires, et l'auteur devait accepter la somme prévue, les éditeurs n'étant pas très nombreux, la concurrence jouait peu. Pour eux-mêmes, et surtout pour les petits poètes qui cachetonnaient mais dont les œuvres nourrissaient les catalogues des éditeurs, Victor Hugo et Honoré de Balzac (rien que ça) ont donc décidé de créer un syndicat qui existe encore, et qui s'appelle la Société des Gens De Lettre (SGDL). Cette société (au sens d'association) épaulait les auteurs dans leurs négociations contre les éditeurs (qui n'étaient parfois que des marchands de soupe à cette époque-là). On voit donc que ceux qui s'opposent au système des droits d'auteurs risquent de servir non pas l'auteur, mais les fameuses majors contre lesquelles ils pensent se battre. C'est pourquoi je suis prudent sur les modalités, mais très remonté pour défendre les auteurs qui doivent continuer à résister et à tenter d'abattre les monopoles des trop grande structures.
Cela étant, on a le droit de rêver à une société de partage où l'argent n'existerait plus et où personne n'aurait besoin de défendre son droit, même d'auteur.
Écrit par : Hervé Torchet | 16/02/2012
@Hervé >
J'abonde dans le sens de ta conclusion :)
Pour le reste, ce qui change énormément aujourd'hui, c'est évidemment que la diffusion/distribution/mise à disposition des œuvres ne requiert plus pour l'artiste de dépendre d'un tiers dont c'est la fonction. Et il me semble que ça change tout...
Écrit par : Jeff Renault | 16/02/2012
@ jeff
Oui et non, parce que la Toile est si vaste qu'il est difficile de s'y faire entendre, d'une part, et d'autre part, un éditeur peut n'être pas qu'un diffuseur, une enseigne commerciale, c'est aussi parfois un interlocuteur maïeutique qui permet à un auteur d'accoucher d'un livre. Donc ce n'est pas si simple de se passer d'un éditeur quand il fait vraiment son métier (on se souvient de Françoise Verny, p ex).
Mais en effet, une part du prix est désormais usurpée : celle de la diffusion. Il y a un problème nouveau, d'ailleurs, car on peut souhaiter la disparition pure et simple des libraires, mais j'aime bien les miens, aussi bien comme acheteur que comme petit éditeur autodiffusé (j'économise les 25% qui ne sont pas obligatoires), et j'ai l'impression que le monde des livres y perdrait en humanité. En tout cas, le système actuel des messageries devient chaque jour plus bancal et, pour la vente par internet, il est carrément une usurpation, étant donné que les acteurs dans ce domaine peuvent parfaitement fonctionner à flux tendu, et donc on pourrait parfaitement supprimer les 25% du diffuseur pour les ventes par internet de livres papier, mais cela signifierait évidemment la mort immédiate du système des messageries, et de ce fait, on reviendrait à un système assez opaque où les librairies commanderaient elles aussi en fonction de leurs besoins, au fur et à mesure, ce qui rendrait plus difficile la tenue des statistiques de l'OJD (qui mesure les ventes donc les droits d'auteur). Bref, en réalité, on devrait avoir des livres papier au moins 35% moins chers (voire plus, car il paraît qu'Amazon ne prend que 10% du prix de vente, ce qui permettrait de ramener le prix des livres à 50% du prix actuel, le lecteur y gagnerait beaucoup), mais on verrait assez vite disparaître de nombreuses librairies et cela pourrait aboutir à une nouvelle forme dangereuse de concentration du marché au profit des géants de la vente en ligne. Et la rémunération des auteurs reposerait sur des statistiques plus opaques s'ils ne s'autopubliaient pas. Peut-être faudra-t-il finalement monter à terme des coopératives d'auteur employant des éditeurs professionnels. De cette façon, on conserverait la maîtrise des ventes tout en bénéficiant de l'aide précieuse de l'éditeur. Mais attention à ce que la pression actuelle sur le marché et sur ses acteurs économiques ne soit pas destinée à tuer les acteurs actuels pour les remplacer par d'autres émanant de mutinationales comme dans le disque (où Universal est quasi-monopolistique alors qu'il y avait bcp de labels voici qq décennies)
Évidemment, il y a des cas, comme Marc-Édouard Nabe qui s'autopublie sur papier et vend beaucoup maintenant par internet après avoir été bridé par le système, mais ces cas sont rares et il a derrière lui vingt ans de médias avec une stratégie de contre-courant (parfois sulfureuse).
La nouvelle médiatisation est la clef de la vente par internet.
Perso, je vois assez bien un système mixte, comme celui que je pratique actuellement. Je vends des livres sur papier, cher, avec un taux de marge fixe qui, progressivement, avec l'augmentation du volume et de la valeur du stock, procure de plus en plus de revenu (un peu plus de 1000 Euros par mois en moyenne actuellement, mais c'est une base solidifiée comme dirait Bayrou, donc un palier). À côté de ce travail rémunérateur qui dure depuis 10 ans (un très gros effort), je mets gratuitement mon expérience de paléographe à la disposition de tous sur un site ( http://www.laperenne-zine.com ) où je publie des documents très anciens (plusieurs centaines) que la plupart des gens ne pourraient pas déchiffrer et qu'ils trouvent en libre accès, et sur un yahoogroupe (il y a un lien qui, je crois, fonctionne, dans la colonne de droite) d'entr'aide sur la généalogie de la noblesse bretonne (tous les Bretons ont une arrière-grand-mère noble pq la noblesse, depuis le Moyen Âge et jusqu'à la Révolution, représentait plus de 5% de la population) où je dialogue avec ceux qui lisent et utilisent mes livres, et où je rends de menus services. Je crois que la coexistence de la vente (il faut bien vivre tant qu'on n'est pas dans la société du partage) et du libre va permettre aux auteurs d'entretenir un lien nouveau avec leurs lecteurs, et d'ailleurs, comme auteur désormais de romans, il faudrait probablement que je crée un blog sécialisé, mais je suppose que cela devra attendre la fin de la campagne présidentielle.
Écrit par : Hervé Torchet | 16/02/2012
Dslée, Jeff
Les idées que vous essayez de développer ne représentent pour moi qu'une nouvelle forme de servage...
'tit cadeau:
"
"Quand un peuple n’est pas libre, c’est encore une chose précieuse que l’opinion qu’il a de sa liberté ; il avait cette opinion, il fallait la lui laisser ; à présent il est esclave, et il le sent et il le voit ; aussi n’en attendez plus rien de grand ni à la guerre, ni dans les sciences, ni dans les lettres, ni dans les arts."
Denis Diderot
Bien le bonsoir chez vous et à Voltaire.
Denis Diderot
Écrit par : Martine | 16/02/2012
@Hervé >
Ton exposé est très intéressant. Merci de le partager avec nous. En réalité, il est très difficile de savoir où on va aller. Par nature, l'avenir est incertain. Certaines professions disparaitront-elles ? Sans doute. Celles qu'on aimerait voir disparaitre ou celles qu'on voudrait voir continuer ? C'est là que le bât blesse. L'histoire est jalonnée de métiers disparus et apparus. Aussi, on peut prédire que même des métiers qu'on aime pourront être appelés à disparaitre. C'est ainsi.
Je pense que les choses vont évoluer vers plus de partage, et que la préoccupation sera d'accéder plutôt que de posséder. La communication va devenir moins pyramidale (du haut vers le bas en particulier) et plus transversale. Il en sera probablement de même pour l'éducation. La génération Y fonctionne déjà comme ça. Elle ne se soucie pas d'avoir quelque chose. Quand elle en a besoin, elle se demande comment elle peut y accéder.
Bien entendu, je peux totalement me tromper. C'est très intuitif comme approche.
@Martine >
Je n'ai pas compris les idées auxquelles tu fais allusion qui seraient une nouvelle forme de servage. Peux-tu préciser ?
Qu'il s'agisse du droit d'auteur et de son éventuel disparition, ou bien du revenu de base inconditionnel, je ne vois pas ce qui serait privatif de Liberté (bien au contraire).
Écrit par : Jeff Renault | 16/02/2012
@ jeff
Richard Stallman, à juste titre à mon avis, a souligné les dangers d'un livre qui ne serait plus que numérique. Il faut reconstruire la réflexion sur le livre et sur son économie autour de cette préoccupation que le livre papier offre des garanties de liberté du texte et de partage gratuit que le livre numérique n'offre pas à coup sûr. Je ne prétends pas résoudre tout ici, la machine de développement d'internet roulera de toute façon selon ses propres moteurs, mais rien n'interdit de penser, encore heureux.
Écrit par : Hervé Torchet | 16/02/2012
@Jeff,
Je crois au contraire que vous avez parfaitement compris, tant Hervé que JF, vous ont apporté des réponses. Voila, pour le premier point.
La citation pour mon plaisir mais pas seulement...Très d'actualité à mon sens.
Voila, pour le second.
Bien le bonsoir à vous et à Voltaire.
Écrit par : Martine | 16/02/2012
@ Martine
Si vous préférez l'ignorance à la liberté, je vous plains.
Écrit par : Hervé Torchet | 17/02/2012
Comme d'habitude Hervé, vous ne comprenez pas le sens de mes commentaires ou à retardement^^^.
Pourquoi?
Votre problème, pas le mien!
Écrit par : Martine | 18/02/2012
Les commentaires sont fermés.