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22/02/2012

La droite et la gauche face à elles-mêmes

Non, je n'ai pas écrit "face à face", la droite et la gauche face à face. Car on n'a pas d'autre adversaire que soi-même, Bayrou l'a très justement dit dès le début de la campagne : ne cherchons pas d'autre responsable de nos défauts et de nos échecs que nous-mêmes. Et donc, dans cette nouvelle phase de la campagne qui commence, la droite n'a pas d'autre adversaire qu'elle-même, la gauche n'a pas d'autre adversaire qu'elle-même, la France, notre vieux pays, n'a pas d'autre adversaire que lui-même. Voyons cela.

Droite : la France défigurée

"La France défigurée", c'était une émission des années 1970, du temps où la télévision signifiait encore quelque chose, qui militait pour les paysages et pour le patrimoine, en rappel sur ce dernier point d'une autre émission : "Chefs d'œuvres en péril". Les deux titres résument assez bien ce qu'est devenue la droite française : un paysage défiguré sur lequel planent les fantômes de chefs-d'œuvres en péril.

Depuis l'apparition du Front National au cœur du débat politique, dans les années 1980, j'ai toujours trouvé que les idées de ce mouvement contredisaient les objectifs qu'il affichait : une nation est par nature rassembleuse, la nation française s'est constituée par des milliers d'années de migrations, sans remonter même jusqu'au paléolithique, on peut considérer l'assèchement du Sahara et la remontée des populations méditerranéennes au mésolithique et surtout au néolithique, l'arrivée des populations celtiques à l'âge du bronze, des Grecs et les Romains à l'âge du fer, puis les grandes invasions, et enfin les grandes migrations tout au long du XXe siècle, la nation s'est bâtie sur ces mélanges que l'on retrouve dans la toponymie de la France de l'intérieur où se coudoient des noms de lieux d'origine gauloise, d'origine romaine, d'origine francique, ou autres. La France pratique le droit du sol depuis toujours. Par conséquent, mettre en exergue une identité plus française que les autres sur le territoire français, c'était créer une fracture dans la nation, inventer une communauté parmi d'autres communautés au lieu de faire de la nation la communauté unie, voire uniforme, qu'elle est par nature. Le nationalisme en mode Le Pen est un communautarisme, il contredit tout ce qui a fait notre histoire depuis Clovis, il est antifrançais.

Or la droite française, dont l'honneur a toujours été de défendre l'armée, la patrie, la nation, l'Histoire commune, les héros nationaux, a fini par céder sous les assauts barbares de l'Anti-France en se rangeant à la vision communautariste de la francité qui fait du Français un étranger parmi d'autres sur le sol de France, au lieu d'y faire de l'étranger un Français parmi d'autres. Nathalie Kosciusko-Morizet semble d'ailleurs l'avoir compris si elle a choisi elle-même le titre de son livre ("le front anti-national") que je n'ai pas lu, mais que diable n'en a-t-elle pas profité pour en tirer les conséquences logiques !

C'est ce dilemme central qui habite donc désormais la droite française : qu'est-ce qu'être de droite en France ? et non pas qu'est-ce qu'être français ? qui est une fausse question, un moyen de ne pas se poser la vraie, un prétexte. Le président Sarkozy a répondu à cette question à la façon sévère qu'ont les gens du peuple parfois : il faut de l'ordre dans la cuisine. Le général de Gaulle résumait cette vision en s'appropriant la devise du Brésil : "ordre et progrès". L'ordre, c'était que Madame n'aimait pas que ses enfants mettent les pieds sur la table dans sa cuisine, le progrès c'était qu'il y avait un réfrigérateur et une machine à laver dans cette cuisine (on pardonnera l'archaïsme de cette vision d'un autre temps). Le progrès ayant disparu des écrans radar de la droite, il y reste l'ordre, l'ordre pour l'ordre, avec un chapelet de boucs-émissaires de l'échec du progrès. La simple désignation de ces boucs-émissaires parmi les étrangers prouve l'appartenance de ceux-ci à la communauté nationale, puisque nous n'avons jamais d'autre ennemi que nous-mêmes.

Mais dès lors que la nation est fractionnée, dès lors qu'elle est ennemie d'elle-même, quel but le pouvoir peut-il donc avoir pour la droite ? C'est de n'avoir pas su répondre à cette question qu'est morte l'idée du quinquennat Sarkozy. Le pouvoir n'a eu d'autre but que lui-même et la routine des prévarications ordinaires. C'est peu. On ne peut pas tout effacer de ce quinquennat, mais son résultat est globalement négatif et ses rares réussites sont noyées dans l'étendue liquide de ses erreurs.

Gauche : le pouvoir pour le pouvoir ?

Il y a des moments où tout vole en éclats, où toutes les barrières tombent, où rien ne compte plus que le but, à tout prix. La gauche française en est arrivée là. Elle caracole dans les sondages d'intentions de vote : avant l'entrée de M. Sarkozy en lice, la moyenne des sondages en question lui donnait 58-42 au second tour, après la déclaration et le début de campagne de M. Sarkozy, la même moyenne donne 57-43, une avance plus que confortable.

Dès lors, avec une certaine logique, la gauche, M. Hollande, gère son avance en épicier de brousse, avec parcimonie. Qui pourrait aller l'inquiéter sur son Olympe ? Comment pourrait-elle perdre ? Et pour conforter son avance, elle marque le président actuel à la culotte, en particulier sur les sujets internationaux, et le candidat Bayrou à la culotte aussi, sachant que l'électorat centriste place la vertu budgétaire au-dessus de toute autre.

Or la dépense, la gauche, c'est son point faible, et c'est son point faible parce qu'elle aime dépenser et que, d'une part, philosophiquement, elle considère que la puissance publique doit distribuer l'argent (encore plus que le redistribuer), et que, au fond, l'État doit décider de tout, les acteurs économiques sont faits pour obéir, et que, d'autre part, elle a la même obligation que la droite envers un certain nombre de lobbys qui vivent aux crochets de la dépense publique.

Donc bien évidemment, elle s'apprête à dépenser. Elle ne pourra pas s'en empêcher. Mais elle veut tellement le pouvoir et elle a tellement peur du centre, qu'elle ment sur ses intentions. Elle ment comme des politicards d'arrière-cour. Elle choisit l'illusion en oubliant que la désillusion va vite et qu'il n'a pas fallu un an après la présidentielle de 2007 pour que la droite morde violemment la poussière aux municipales de 2008. 2014 sera évidemment une hécatombe pour les municipalités de gauche, à cause du mensonge de 2012. Mais cela, comme le reste, la gauche ne veut pas le voir.

Elle n'a aucune vraie solution pour enrayer le pillage actuel de notre économie, elle n'a aucune vraie solution pour rétablir notre compétitivité, sauf, à la marge, et pour une brève période, l'amélioration de notre compétitivité hors coûts. Les solutions qu'elle préconise sont conformes à la gestion des villes de gauche : impôts qui s'envolent, endettement qui se creuse, asphyxie financière, et fréquemment la corruption. Bah, se dit la gauche, en prenant le pouvoir, nous étoufferons les dossiers de corruption. Or là encore, la gauche se trompe. Oui, quand elle ne se ment pas, elle se trompe. Et c'est cette double erreur qui la fragilise, c'est cette double erreur, et elle seule, qui peut la faire perdre, car prendre le pouvoir pour la seule jouissance de le détenir, c'est toujours la promesse non seulement de l'échec, mais de la débandade.

Pour le moment, elle a tous les pouvoirs : presque toutes les grandes villes, presque tous les départements, presque toutes les régions, le sénat, il ne lui manque plus que l'Élysée et l'Assemblée nationale pour disposer de tous les pouvoirs, pour être en quelque sorte le parti unique du pays. Elle ne se rend pas compte que ce sera alors son chant du cygne et qu'elle finira par s'écraser sous son propre poids, qu'à l'état de supernova succède celui de naine blanche, puis de trou noir.

France : un pays en susrsis ?

Il y a au moins quatre cents ans que la France ne s'est pas trouvée dans une situation aussi dramatique. Bien sûr, il y a eu les deux guerres mondiales, et l'Occupation, mais la substance de la France résistait. Aujourd'hui, elle s'étiole. La France est un pays d'immigration, c'est son histoire, son naturel. Depuis une quinzaine d'années, elle est devenue un pays d'émigration. Et son économie se vide peu à peu de sa sève au même rythme, les entreprises productives sont de moins en moins nombreuses, les productions françaises résistent encore dans quelques domaines, comme le luxe, mais ont disparu des écrans radar du commerce international dans beaucoup de secteurs où elles étaient encore dynamiques voici quinze ou vingt ans. Il y a belle lurette que la plupart des fleurons français appartiennent à des mains étrangères, le cas le plus récent se trouvant être L'Oréal, sur lequel l'entreprise américano-suisse Nestlé ne cesse d'accentuer sa pression.

L'Allemagne traite désormais la France comme une vassale, un nain familier. L'Amérique continue à s'y servir. Et chacun y va de son coup de canif, la francophonie est battue en brèche, l'image du pays se brouille et disparaît.

Pendant que le bateau coule, les passagers dansent et l'équipage se dispute, selon l'image très juste donnée par Bayrou. Il faudrait s'unir, mais on ne pense qu'à soi. C'est le signe des grands naufrages. Il faudrait offrir à tous ces gens un DVD du film "La fille du puisatier", de Pagnol, qui montre qu'on ne peut s'en sortir que si chacun y met du sien, que si chacun accepte d'abandonner un peu de son quant-à-soi.

À droite, on hésite entre sauve-qui-peut et fatalisme. Une partie de la droite souhaite la défaite de son camp. Après tout, mai 1981, on y a survécu, et, en 2017, ce sera mon tour. Ton tour de quoi, pauvre crétin ?

À gauche, le PS veut le pouvoir, tout le pouvoir. Comme c'est frustrant, dix ans d'opposition.

Au centre, on doute. Jean-François Kahn trouve que Bayrou a tort d'exclure les extrêmes de l'union nationale qu'il espère. D'autres baissent seulement les bras, accablés par les sondages, ou louchant vers des reclassements.

Et pourtant, je vous le dis, je vous l'annonce : Bayrou rebondira.

 

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Commentaires

Au moins voilà quelqu'un qui a le courage de ses opinions... Et c'est un portrait malheureusement criant de vérité, de réalité. J'ai beaucoup voyagé, oserais-je dire beaucoup vécu ? Mais dans tous les pays que j'ai habités, je n'aurais pas pu faire la moitié de ce que je vois faire par de nouveaux arrivants... Nous sommes en avance pour l'accueil ? Nous serons aussi en avance pour l'internationalisation de notre sol patriotique. Je signale aux lecteurs que le mot "patriotique n'est pas inconvenant, ce n'est pas une injure , ni un excès. Il exprime un sentiment d'appartenance. Trop d'accueil tue l'accueil.

Écrit par : christine machureau | 22/02/2012

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