15/03/2012
L'enjeu de la présidentielle
Il apparaît clairement que l'enjeu de la présidentielle d'avril et mai prochains (qui approche), c'est d'éliminer le sortant le plus certainement et au mieux. Dans ces deux critères de certitude et d'efficacité se cachent toutes les questions que l'électorat se pose et qui expliquent des flottements de l'opinion.
Quand on dit "certainement", on va au plus virulent, qui est aujourd'hui Mélenchon, lequel Mélenchon récupère pleinement la dimension protestateire de ce scrutin, abandonnée à la fois par Le Pen et par Bayrou. Le Pen a fait jusqu'ici une campagne très en demi-teinte, marquée par des erreurs de néophyte. Il semble qu'il soit un peu tard pour qu'elle redresse la barre et il est possible que les sondages la surestiment un peu (sauf que, évidemment, la forte abstention a toujours profité, depuis trente ans, au vote frontiste). Mélenchon profite aussi de la très grande colère partagée par la population contre le système bancaire et financier. Là encore, Bayrou a renoncé à cette protestation. Le communisme punitif s'épanouit donc dans une critique frontale du système dont il a beau jeu de dénoncer la rapacité.
Mais quand on dit certainement, on dit aussi Hollande, puisque le candidat du PS garde toujours une avance très confortable dans les sondages : parmi ceux qui peuvent mettre fin à la dangereuse expérience sarkozyste, il est de loin le mieux placé. S'il baisse un peu dans les récents sondages, c'est en fonction du second critère : "au mieux".
Toutes les enquêtes d'opinion montrent que Bayrou a présenté le programme que l'électorat juge le plus adapté à la situation. Mais quand on l'a vu rejoint par d'ex-sarkozystes, l'électorat s'est méfié. Avec le temps, il se méfie moins, et il admet la sincérité de notre candidat, ce qui explique la solidité de son socle électoral. Et par ailleurs, un électorat de droite, avec prudence, a commencé à se reporter sur lui à la fois pour sanctionner le pouvoir sortant et pour pousser la solution alternative qu'il juge la plus proche de ses préoccupations.
La stratégie de Sarkozt, au milieu de tout cela, est claire : siphonner autant que possible l'électorat sur sa propre droite de façon à assurer son ticket pour le second tour. Ensuite, on fera avec les moyens dont on disposera. Or ces moyens sont assez pauvres : on ménage le centre pour récupérer le maximum de ses électeurs et on favorise Mélenchon pour pousser au maximum la tension entre le centre et celui-ci dans la cristallisation d'une majorité autour du Parti Socialiste. On voit que la stratégie sarkozyste fait abstraction du fait que le moteur de l'élection est d'éliminer son champion coûte que coûte.
La stratégie du PS passe aussi par la case "j'assure mon ticket pour le second tour" et "je ménage le centre". Les insatisfactions que cause cette stratégie à l'électorat sont pour le moment exprimées par Mélenchon.
Tel est actuellement le sens pris par l'élection, selon les sondages. Mais si l'on ne voit guère de rebond possible de Le Pen, si l'on peut imaginer que Mélenchon parvienne à égaler le relatif record de Georges Marchais en 1981 (15,3%, mais je crois perso qu'il est dans une bulle sondagière), on sent que Bayrou en a encore sous le pied, aussi bien parmi l'électorat de droite que parmi l'électorat de centre gauche. Il y a en effet un enjeu dans l'enjeu.
Si l'enjeu global du scrutin est l'élimination finale de Sarkozy, il y a un enjeu intermédiaire qui causerait un grand soulagement : l'élimination de Sarkozy dès le premier tour. Or pour qu'elle ait lieu, il n'existe qu'une solution satisfaisante, l'électorat le sent bien : pousser Bayrou. C'est ce qui fera sans doute une bonne partie de sa dynamique de fin de campagne.
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Commentaires
Comment croire Monsieur Bayrou qui prône le "made in France" mais qui a signé tous les traités européens libre-échangistes ?... Comment le croire sachant que l'UDF prônait un certain protectionnisme lors des européennes de 2004 et que quelques années plus tard, F. Bayrou condamnait cette doctrine ?...
Écrit par : L'indépendant | 15/03/2012
Je reste toujours étonné du score élevé du président sortant dans ces sondages. Il est quasiment au même niveau qu'en 2007.
(Exemple en mars 2007: Au premier tour, Nicolas Sarkozy arrive toujours en tête à 29% (+1). Il devance Ségolène Royal à 26% (=) et François Bayrou 22% (=). http://www.liberation.fr/politiques/010122920-sondage-bayrou-accroit-son-avance-sur-sarkozy-au-second-tour)
Cela signifie donc que pour son électorat, les 5 ans qui viennent de se passer n'ont pas existé. Je trouve ça fascinant. Le réel? Ça n'existe pas!
Mais la situation est toutefois bien telle que tu la décris, avec finesse. Au fond, une stratégie peinarde des deux principaux candidats (ou des principaux partis, plutôt). Le deuxième tour ne ressemblera pas à ça. Le président sortant se battra jusqu'au bout, fidèle à son proverbe fétiche: il n'est jamais trop tard pour mal faire.
Écrit par : Eric | 15/03/2012
Très bon billet, merci.
Mais cette campagne me laisse sans voix.
Faut-il considérer que le pays n'est pas mur pour sortir du bipartisme? Comment les gens peuvent-ils oublier le bilan de Sarkozy? Comment peuvent-ils prendre au sérieux Hollande?
Pourtant je ne trouve pas que Bayrou ait fait d'erreur: il est le seul à ne pas prendre les électeurs pour des idiots, à ne pas faire de promesses intenables.
Franchement décevant tout ça...
Quant à l'attitude des médias, elle est tout simplement révoltante.
Écrit par : Pierre67 | 18/03/2012
@ Pierre
Il y a des gens qui pensent que les électeurs sont comme une foule et qu'une foule, quelle que soit l'intelligence de ses membres, a l'intelligence d'un enfant de 3 ans. Plus on est au centre, moins on s'adresse à cet enfant de 3 ans, c'est culturel.
Écrit par : Hervé Torchet | 18/03/2012
Certes, Hervé. Et cela fait un bout de temps que je ne me fais plus d'illusions sur grand-chose. Mais après 5 années de Sarkozy et vu la situation actuelle, si difficile, je pensais qu'une démarche comme celle de Bayrou, associée à un sacré boulot de fond sur le programme, quand-même, pouvait tout laminer.
Écrit par : Pierre67 | 18/03/2012
@ Pierre
Ne te fie pas aux apparences : la partie n'est pas encore jouée. La seule certitude reste que Sarko a perdu mais Hollande n'a pas encore gagné, il y a marge de forte progression encore pour Bayrou.
Écrit par : Hervé Torchet | 18/03/2012
Le matraquage médiatique autour de Hollande, Sarkozy, Mélenchon et dans une moindre mesure LePen ainsi que l'évitement de Bayrou - quel organe a relayé correctement le discours de Strasbourg par exemple? - me font fortement douter mais je veux y croire.
Écrit par : Pierre67 | 18/03/2012
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