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22/11/2012

Hollande veut-il placer son pote Jouyet à la tête de Sciences Po ?

Sciences Po sera-t-il le théâtre de l'implosion idéologique du Parti Socialiste ? On pourrait le croire en examinant le cours récent des événements. Dans cette affaire, on va même jusqu'aux portes d'une chasse aux sorcières sélective, visant feu Richard Descoings, Michel Pébereau, président de l'nstitut d'Etudes Politiques (IEP) de Paris, mais pas Jean-Pierre Jouyet qui vient d'être nommé au conseil d'administration de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP) qui gère l'IEP, les deux premiers ayant, c'est vrai, pactisé avec Nicolas Sarkozy, dont le troisième n'a jamais été que... ministre, ce qui n'est pas rien.

Toutes ces nuances irritantes sont ressorties aujourd'hui de l'audition de Jean-Claude Casanova, président de la FNSP, et de Michel Pébereau, président de l'IEP, par la commission des Affaires Culturelles et de l'Education de l'Assemblée Nationale, une audition dont la vidéo (extrêmement intéressante) est consultable sur le site de l'Assemblée.

Revenons à la source. Sciences Po est propriétaire d'immeubles et de locaux d'une grande valeur dans un quartier chic parisien. Ces immeubles sont possédés et gérés par la FNSP. Dans ces locaux est installé depuis 1945 l'IEP, financé par l'Etat et par les frais de scolarité réclamés aux étudiants (mais on voit bien qu'il y a un financement invisible, constitué de l'usage des immeubles de la FNSP, dont l'invisibilité fausse le regard sur la réalité du financement des activités de l'IEP). La FNSP et l'IEP ont chacun un président, traditionnellement deux personnalités différentes. L'IEP est géré par un directeur, membre de droit du conseil d'admnistration de la FNSP. Les conseils d'administration des deux entités sont composés paritairement de représentants de l'Etat et du privé. L'IEP est présidé par le banquier retraité Michel Pébereau, la FNSP par l'économiste libéral Jean-Claude Casanova.

Le directeur de Sciences Po, Richard Descoings, est mort au printemps dernier dans des conditions spectaculaires, dont on sait aujourd'hui qu'elles sont résultées de trois mois de dégringolade personnelle due à la révélation publique des émoluements très élevés que Descoing s'était fait attribuer par Sciences Po. L'élection présidentielle est passée sur cet événement. En juin et pendant l'été, la Cour des Comptes a réalisé un audit de l'établissement, demandant à la FNSP de ne pas désigner un nouveau directeur avant la fin de cet audit.

Quatre candidats se sont exprimés pour succéder à Descoing, ce sont les deux conseils d'administration, celui de l'IEP et celui de la FNSP, qui devaient procéder non pas à la nomination, mais à la sélection d'un candidat proposé à la désignation, dont le dernier ressort appartient à la ministre de l'Enseignement Supérieur, en ce moment Mme Fioraso. Ayant eu connaissance du résultat des travaux de la cour des Comptes, Sciences Po a procédé au vote et c'est Hervé Crès, jusque-là adjoint de Descoing, qui a emporté la majorité simple au conseil de l'IEP et la majorité qualifiée (les deux tiers) à celui de la FNSP. Le rapport de la cour des Comptes, paru sur ces entrefaites, s'est révélé très dur contre la gestion de Descoings (et par contrecoup celle de MM. Pébereau et Casanova). Ceux-ci ont donc été convoqués par la commission compétente de l'Assemblée Nationale ce matin même, pendant qu'on apprenait que Mme Fioraso rejetait le nom de M. Crès et bloquait ainsi le processus de nomination du successeur de Descoings.

Pourquoi parler d'implosion idéologique ? Parce qu'il semble que l'on assiste à une tentative de nationalisation rampante de Sciences Po, alors même que le président de la République François Hollande se déploie par ailleurs pour exprimer sa volonté d'opter avec résolution pour une conception social-démocrate de la politique de l'Etat.

Sciences Po, une institution hybride

Comme l'a rappelé M. Casanova aujourd'hui, la création de l'IEP après la Seconde Guerre Mondiale est le fruit d'un contrat entre la FNSP et l'Etat. Le patrimoine de la FNSP n'appartient en aucun cas à l'Etat et s'il est vrai que le fonctionnement de l'IEP se fait majoritairement sur fonds publics, on doit tout de même noter que l'établissement échappe au droit commun de l'enseignement supérieur public et que si son directeur est nommé par l'Etat, aucun de ses présidents ne l'est. La fondation reste un acteur de droit privé. De ce point de vue, l'argument de M. Casanova pour écarter certaines procédures de marchés publics me paraît recevable. En tout cas, du moment qu'il est question de ce qui est discutable mais défendable, on ne peut pas parler d'irrégularité flagrante. C'est une question que la justice pourrait trancher. M. Casanova est de bonne foi.

La ministre entend nommer un administrateur provisoire après consultation de MM. Casanova et Pébereau et le quotidien Le Monde annonce et clame que "L'Etat reprend la main". Diable, l'Etat ne reprend pas la main, il la prend. Il s'empare. Il vole.

On nous dit qu'il doit y avoir plus de contrôle de l'Etat. Mais que l'Etat n'a-t-il exercé son contrôe pendant toutes les années de pouvoir de Descoings (nommé, il faut s'en souvenir, sous le gouvernement Juppé en 1996, et qui a donc exercé ses coupables activités pendant les cinq années du gouvernement Jospin sans que celui-ci s'en soit ému) ? Au contraire, à chaque fois que l'on a vu l'Etat s'immiscer, cela a abouti à des irrégularités supplémentaires, comme la mission confiée par Nicolas Sarkozy à Desoings et financée par un circuit inhabituel bien que sur fonds publics. Donc on ne voit pas en quoi le contrôle accru de l'Etat offrirait une meilleure garantie de gestion.

Si, bien sûr : maintenant que M. Jouyet est entré dans le conseil d'administration de la FNSP, une mainmise plus grande de l'Etat permettrait de le propulser à la tête de l'établissement, lui l'ami si proche du président Hollande. C'est simple. Mais alors, je veux bien qu'on tonde feu Descoings et M. Pébereau parce que c'est la libération et qu'ils ont couhé avec l'occupant, certes, faisons-le aussi pour M. Jouyet, pas de discrimination indue, tout le monde à la même toise. Quant à Jean-Claude Casanova, je lui ai moi-même parlé lors du meeting de François Bayrou en février dernier au Palais Omnisport de Paris-Bercy, et croyez-moi, il n'y avait pas beaucoup de sarkozystes dans la salle !

Allons, soyons sérieux, et puisque M. Hollande fait mine de social-démocrate, qu'il se prouve, qu'il laisse Sciences Po vivre sa vie indépendante.

Cela étant, l'évolution récente, très dynamique, de Sciences Po, ne peut manquer de poser la question de l'évolution de la formation des dirigeants de nos administrations et de la préparation de nos énarques. Il semble que, de facto, le dispositif de 1945 soit déjà mort.

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