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15/12/2012

Mettre fin aux guerres civiles

Au lendemain de la tuerie sanglante du Connecticut, qui a laissé une vingtaine d'enfants et presque une dizaine d'adultes sur le tapis, il est de bon ton de railler l'Amérique et son culte des armes à feu, et, de ce fait, de s'en prendre à Barack Obama qui n'a pas osé s'attaquer au lobby des armes. Soyons honnête : les USA n'ont pas encore fini d'abolir la torture, ils y sont même récemment revenus en force, ils n'ont même pas fini d'abolir la peine de mort, alors, leur demander de renoncer au bon vieux "Smith, Wesson and I", c'est aller trop vite. On ne demande pas à un dinosaure de jouer de la harpe.

Les Etats-Unis sont le pays dit libre où 1% de la population est enfermé en prison, un pour cent, une proportion dix fois supérieure à celle de la France. Et avec ce 1% en prison, constate-t-on que ce soit un pays plus sûr ? Eh bien non, c'est l'inverse, car une société dont les pouvoirs publics usent massivement de violence est une société où la violence est légitime. Donc la possession d'une arme à feu aussi. Et le meurtre en découle.

On dit que 47% des Américains en détiennent au moins une. En France, ne sous-estimons pas le chiffre : tous les chasseurs ont au moins un fusil chez eux, les policiers souvent leur arme de service, comme les gendarmes et de nombreux militaires, et puis, depuis les dernières guerres balkaniques, il paraît que c'est devenu facile de se procurer une kalach. Mais en France, quand on tue trente personnes par balle à Marseille et autant en Corse en une année, cela fait la une des journaux et tourne en boucle à la télévision. Aux Etats-Unis, ce bilan se fait dans une seule école et en une seule journée, et il y a là-bas plus de trente mille morts par balle et par an, dans une véritable atmosphère de guerre civile permanente, émaillée d'attentats terroristes, de lynchages, de crapuleries, de vendettas, et d'ignominies en tous genres. C'est en considérant ce bilan américain-là qu'il faut tout de même raison garder en analysant la société française comme se trouvant en état de guerre civile larvée. Mutatis mutandis, je le fais pourtant. Voici pourquoi.

Les haines sourdes

Je suis assez gêné par la nouvelle attaque lancée par le site d'info Médiapart, cette fois contre M. Cahuzac, actuel ministre du budget, à qui il est reproché, pêle-mêle, d'être à la fois riche et de gauche, d'imposer des sacrifices aux plus pauvres, d'avoir ou d'avoir eu un compte non déclaté en Suisse et/ou à Singapour, d'avoir été le porte-parole à l'Assemblée Nationale des laboratoires pharmaceutiques. Bref, dans un instant, on lui reprochera d'avoir une petite bite (ce qu'il lui sera évidemment facile de démentir) et de porter une perruque (faute professionnelle pour un chirurgien esthétique spécialisé dans l'implant capillaire).

Au fond, Médiapart fait son travail en enquêtant à partir d'une dénonciation (que l'on devine très désintéressée) et en recoupant des informations, puis en les présentant à l'appréciation de l'opinion publique. Disons tout de suite qu'il y a un point sur lequel je suis d'accord avec Médiapart : l'ouverture d'une enquête s'impose dès la fin de la procédure d'examen de la loi de finances.

Mais imaginer une personne qui aurait conservé chez le notaire pendant plus de dix ans une bande-son qui aurait été enregistrée par mégarde à cause d'un rappel malencontreux et involontaire d'un téléphone portable (au fait, comment était-il, celui de Cahuzac, à l'époque, n'avait-il pas un rabat pour se protéger de cette fausse manip ?), cette simple idée d'un corbeau qui, avec patience et délectation, attend le jour et l'heure où sa révélation pourra faire le plus de mal à l'auteur malheureux du coup de fil, et où, par conséquent, il pourra lui-même en tirer le plus de profit, j'avoue que je crois toucher là du doigt l'un des fonds de l'abjection, et que le journaliste qui, même pour faire son métier, se rendrait complice de cette infâmie ne recevrait qu'assez peu de mon estime, pour ne pas dire plus. Comme disait je ne sais plus qui, il faut économiser son mépris, le nombre des nécessiteux allant sans cesse croissant.

Mais le pire, c'est que cette bande ne prouve rien. En elle-même, elle ne prouve rien. Du moins, ce qu'on nous en a diffusé ne prouve-t-il rien. Jusqu'ici, il n'y a rien. Rien d'autre qu'une épouse qui a confié ses intérêts à la sœur d'un putschiste virulemment opposé au ministre en question. Rien qu'un élu UMP opposé au même ministre dans sa propre ville de Villeneuve-sur-Lot et qui pourrait être le fabricant détenteur de la bande invoquée en preuve contre le ministre. Et puis, ce que dit le "Canard", un mystérieux autre corbeau qui, lui, détiendrait le numéro du compte à Singapour et que l'on pourrait joindre en téléphonant ... en Roumanie.

Alors, comme on n'a rien, on ressort les laboratoires pharmaceutiques, le lobbying, tout ce qui a bien marché dans les époques précédentes, notamment contre Mme Bachelot. Seulement voilà, de toute cette boue, de toutes ces bagarres, nous sommes fatigués. Parce que pendant ce temps-là, pendant que nous jetons le fumier au visage, le bateau coule, la France fait eau de toutes parts.

En finir avec la stigmatisation

Même "Marianne" se lance dans l'invective contre François Hollande, non pas tout le journal, mais sa une et son pricnipal dossier. Sa faute ? Avoir oublié qu'il fallait s'en prendre à la finance. Certes, mais à laquelle ? A la BNP ou à Goldman-Sachs ? Et en cassant la première, ne renforçons-nous pas le second ? Nos banques françaises ont ensemble une dette supérieure à 220 % de notre PIB, soit plus de deux fois celle de l'Etat. Est-il encore besoin de les enfoncer un peu plus ?

Cela étant, je suis assez circonspect sur le mécanisme de contrôle des banques par la BCE mis en place cette semaine, car comme la BCE est dirigée par un ancien de Goldman-Sachs, je ne suis pas certain que nous n'ayons pas livré les clefs de la bergerie au loup. Espérons que non.

De toutes façons, et quoi qu'il arrive, ce dont nous avons besoin, ce n'est pas de nous disputer, mais que chacun fasse ce qu'il a à faire, que chacun entreprenne s'il le peut, que chacun ait l'exigence du travail bien fait s'il en a, et que les pouvoirs publics veillent à limiter le gaspillage de nos forces communes, celui de notre argent public au premier chef, et à libérer nos entreprises pour qu'elles puissent embaucher le plus possible. De cette façon, et de cette façon seulement, nous pourrons mettre fin aux scandales qui nous accablent et dont la dénonciation ne sert plus qu'à nous enfoncer dans la dépression collective. Revoyons la "Fille du Puisatier" de Pagnol, que chacun fasse les concessions nécessaires, et tous ensemble, nous recommencerons à avancer.

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