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22/02/2013
Economie : le retour des dépensiers ?
Les drogues, c'est bien connu : au début, on en prend pour être bien ; ensuite, pour ne pas être mal. Cette seconde phase se nomme la dépendance. Nos économies occidentales, celle de la France en particulier, sont devenues dépendantes de la dépense publique. Chacun sait pourtant quelle pente la dépendance suit et quelle est son issue, toujours fatale, sauf désintoxication. Voilà où nous en sommes : le péril ou la phase de désintox.
Bien sûr, cela fait mal. Bien sûr, toutes les petites cellules du corps social, habituées à leur dose quotidienne de dépense publique, couinent et se tordent sur elles-mêmes. Bien sûr, les organes souffrent. Tout cela est le résultat et l'expression ordinaire et normale d'une dépendance. Et les maillons les plus faibles crient qu'il faut arrêter, repiquer à la gnôle, à la drogue. Demander à quelqu'un comme Borloo si l'économie française doit continuer sa désintox revient à l'envoyer lui-même chez un psy. Et on ne parle pas des extrêmes, tous avides de démagogie et de promesses faramineuses.
Pourtant, il faut le dire, la France est loin d'avoir atteint un échelon suffisant de désintox. Le cap a pourtant été fixé par François Hollande d'une façon claire, mais le gouvernement Ayrault a décidé de torpiller les engagements vertueux du candidat Hollande.
Il l'a fait d'abord en misant tout sur l'augmentation de la fiscalité. La séquence des exercices 2011 et 2012 a démontré de la façon la plus manifeste que la diminution de la dépense publique ne pèse pas sur l'activité, tandis que l'augmentation des prélèvements obligatoires fait plonger l'économie. Dans les deux cas, on vise à équilibrer les comptes publics, mais on le fait avec un impact très différent sur la conjoncture. Diminuer la dépense publique donne confiance aux acteurs privés de l'économie, c'est bon pour la consommation et pour l'investissement. Augmenter la fiscalité sur les entreprises ou sur les tranches les plus élevées gèle l'investissement, l'augmenter sur les classes moyennes ou modestes pèse sur la consommation. La seule solution neutre ou vertueuse est de diminuer la dépense publique.
Encore faut-il le faire à bon escient. Et là, on ne peut que constater la mauvaise volonté de l'Etat, dont les administrations se débrouillent toujours pour proposer des économies insupportables : sous la RGPP sarkozyste, c'étaient des professeurs et des policiers en moins, sous le gouvernement Ayrault, cela peut devenir les dépenses d'intervention sociale comme les allocations familiales, par exemple. Mais jamais on ne nous annonce d'économies dans l'organisation logistique des administrations d'Etat, alors que c'est là qu'il faut couper, et non pas dans les dépenses de terrain, en particulier pas dans les dépenses les plus sensibles. Quand on voit le gouvernement Ayrault "geler" 300 millions de crédits de la Recherche (en dépit des promesses judicieuses sur ce point du candidat Hollande), on ne peut qu'être alarmé.
C'est pour d'autres raisons que les institutions internationales penchent désormais pour un assouplissement des politiques de rigueur. Disons-le tout de go : ces raisons sont toutes mauvaises. En vérité, dans le contexte actuel de guerre des monnaies et de guerre de la dette, la sagesse budgétaire est la meilleure option, celle qui promet le plus pour l'avenir, et il ne fait aucun doute que le gouvernement actuel, en reportant à la Saint-Glin-Glin la première étape de la décélération de l'endettement public, rend un très mauvais service à la France et qu'il joue un bien mauvais tour au président Hollande.
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16/02/2013
La France et ses binômes
Depuis les deux derniers siècles, la France n'a pratiquement connu que deux doctrines diplomatiques : celle de Talleyrand d'abord, légèrement amendée par Aristide Briand, celle de de Gaulle ensuite, dont nous connaissons aujourd'hui les suites.
Dans le système Talleyrand-Briand, notre sécurité extérieure repose sur notre alliance avec l'Angleterre. Au nom de cette alliance, nous avons refusé que la scission des Pays-Bas rejoigne la France en 1831 et nous avons fait naître la Belgique. Au nom de cette alliance, nous avons combattu de 1853 à 1856 en Crimée dans l'une des guerres affreuses qui ont préfiguré la boucherie de quatorze-dix-huit. Et s'il y eut parfois des tensions dans le développement des empires coloniaux dans le troisième quart du XIXe siècle, l'Entente Cordiale dissipa les nuages et prépara l'alliance de la Grande Guerre.
Pour Briand, la clef est le système de Locarno. Et curieusement, pour cet homme si fort engagé dans la séparation des églises et de l'Etat, l'idée que l'appui anglais et le système des traités européens permettait à la France de retrouver son rôle traditionnel et multiséculaire : "Gesta Dei per francos".
L'alliance faillit aller plus loin en 1940, où l'on parla de fusion des deux Etats. Elle jeta ses derniers feux dans l'erreur du débarquement de Suez en 1956.
Dans la doctrine gaullienne, le renversement d'alliance est complet : l'Angleterre vouée aux gémonies et l'Allemagne l'ami fidèle dans la paix des braves, un ami que l'on espère évidemment cantonné au rôle d'un Poulidor européen, un éternel second.
Or c'est justement là que le système de l'alliance durable et quasi-automatique joue un rôle très paradoxal et sulfureux dans nos deux derniers siècles. Car à chaque nouveau départ : en 1815, en 1918, en 1963, la France est plus grande que le partenaire auquel elle lie son sort, elle a plus d'influence, plus de poids, plus de reconnaissance, plus de prestige. Et à chaque fois, dans la période d'alliance préférentielle, le partenaire privilégié la rejoint et la dépasse. Tout se passe comme si la doctrine de politique extérieure devenait aussi la ligne directrice de l'action publique intérieure, et comme si l'alliance vidait la France de sa substance par un jeu de vases communicants ... à sens unique.
Nous le voyons particulièrement aujourd'hui dans notre relation avec notre voisin allemand, qui relève plus de la sujétion que de l'alliance. Bientôt, on nous demandera de payer tribut, si ce n'est déjà fait. Et il est significatif que, dans la bouche de la très grande majorité des tenants de la construction européenne, l'admiration de l'efficacité allemande tienne lieu de doctrine quant à l'avenir de l'Union. Or on voit bien l'inconvénient d'une puissance seule dominante dans un système d'esprit mutualiste. Ce sujet devra guider notre réflexion sur l'avenir de notre doctrine extérieure.
Par ailleurs, s'il est vrai que nous ne pouvons ressusciter ce que l'échec de Suez a révélé inepte, qui est la solution coloniale, il ne fait aucun doute en revanche qu'en Afrique et dans une partie de l'Asie, les liens affectifs et historiques tissés entre les deux principales puissances coloniales d'autrefois et leurs anciens colonisés peuvent jouer un rôle dans la solution de difficultés particulières et aiguës, comme on vient de le voir au Mali.
La construction de notre diplomatie sur trois axes est donc désormais logique : la Francophonie (un Francophone sur huit ou neuf seulement habite la France métropolitaine, berceau de sa langue), l'Union européenne comme une fédération d'Etats-nations (selon le mot de Delors), et pour un certain nombre de sujets particuliers, le tandem franco-britannique.
Il est évident que les Britanniques peuvent jouer un rôle mineur seulement dans les questions de la Francophonie, qu'ils veulent en jouer un encore plus mineur dans les développements européens. Il est tout aussi évident que la fédération d'Etats-nations devrait avoir pour but entre autres la coordination des intérêts diplomatiques de ses membres et que ce qui existe avec la monnaie au profit de l'Allemagne devrait exister dans d'autres domaines au profit de la France, ce qui semble moins apparent ces derniers temps.
Enfin, l'alliance germano-britannique constatée récemment pour imposer une diminution du montant du budget européen, si elle recouvre une logique politique (le Parti Populaire Européen, au pouvoir dans ces deux pays), n'ouvre guère de perspective sur le développement harmonieux de l'Europe. Il semble donc que, sous des couverts très souriants, la construction européenne traverse l'une des crises les plus graves de son histoire. Les optimistes se consolent en espérant que ce forfait donnera l'occasion au Parlemnt européen de s'exprimer et de prouver à la fois son existence et son utilité à quinze mois du renouvellement de sa composition. Comme disent les Britanniques, "wait and see".
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