Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2012-12 | Page d'accueil | 2013-02 »

18/01/2013

De la guerre juste

Il faudrait peut-être relire ce qu'a écrit un Algérien d'avant la lettre, Saint Augustin, sur la guerre juste, avant d'examiner en quoi l'entrée de la France dans le conflit du Sahara est devenue aussi inévitable que courageuse.

Pour un chrétien, se battre n'allait pas de soi. Le Christ a dit, paraît-il, que si on frappe la joue droite d'un chrétien, il doit tendre la joue gauche. Saint Augustin, chrétien d'Afrique du Nord et Père de l'Eglise catholique, trouva cependant des arguments pour permettre aux chrétiens de se battre comme tout le monde, hélas.

Cela étant, la France, république laïque, n'a pas à se poser des questions qui touchent à ce débat moral et religieux. Si elle intervient au Mali, c'est d'abord pour des raisons humaines qui n'échappent à personne et selon une légalité irréprochable, de cette légalité qui relève plus de César que de Dieu (s'il existe). Le mouvement Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) a été considérablement renforcé en armements par une autre intervention militaire française, en Libye cette fois-là, et il aurait été honteux de laisser le Mali payer les pots cassés des conséquences d'un coup de force libyen dont il n'était pas partie prenante.

Ce pays est l'un des plus pauvres du monde, pauvre au point qu'il lui est difficile d'entretenir une armée suffisante pour résister à une troupe de mercenaires bien armés et nombreux, dont un certain nombre provient des troupes de Kadhafi ou a pris ses armements dans les arsenaux du défunt régime libyen au moment de sa chute. La prise du Nord du Mali par Aqmi n'a donc posé qu'assez peu de problèmes et rencontré assez peu de résistances. Il en est résulté l'instauration d'une loi religieuse dont chacun constate qu'elle est incompatoble avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. De ce fait, la poursuite de l'assaut d'Aqmi vers Bamako n'était plus un simple coup de force de guerre civile, mais une marche vers l'établissement d'un régime en infraction avec les règles internationales communes, ce que nous n'aurions pas dû tolérer dans d'autres Etats, mais que nous pouvions ici arrêter. La demande des autorités maliennes ne posait donc aucun problème, d'autant moins qu'elle était appuyée par l'ensemble des gouvernements de la région, tous inquiets d'un risque de déstabilisation générale. Il n'échappe d'ailleurs à personne que, à partir de Bamako, la route du Sénégal et de la Gambie est ouverte et ces deux états en situation vulnérable, ce qui pourrait enclencher une application de la théorie des dominos.

Enfin, il y a déjà trop longtemps que nos pouvoirs occidentaux toléraient une dégradation de la sécurité dans le Sahara. Tôt ou tard, nous y serions allés. Il vaut mieux tôt que tard.

Cela étant, l'entrée en guerre de la France aux côtés du Mali ne se fait pas sans problèmes. D'abord, si nous payions nos matières premières un peu plus cher au Mali, il pourrait se défendre mieux. Certains ont aussi taxé l'initiative française d'isolée, mais je trouve au contraire qu'il vaut mieux que l'Occident n'apparaisse pas d'un bloc, ce qui encouragerait les suppôts de la théorie du choc des civilisations. D'autres se sont inquiétés d'une éventuelle évolution post-coloniale. Ils ont raison d'appeler à la vigilance sur ce point, mais il faut reconnaître un point historique dans cette affaire : pacifier le Sahara, nous, Français, au temps colonial, nous avons déjà eu à le faire, et cela nous a pris des années, de très longues années, et même des décennies, si bien qu'il est difficile de prévoir la fin de la présence du contingent français sur la terre malienne.

Par ailleurs, la porosité des frontières rend inévitables à terme des interventions au Niger, en Mauritanie, voire dans le sud de la Libye, et une coordination inflexible avec les autorités algériennes. Tout ceci nécessitera de gros moyens et une planification très lourde.

Deux réflexions enfin :

- en sacrifiant l'agent de la DGSE captif en Mauritanie, la France a prouvé sa détermination. En ne reculant pas devant la mort d'au moins trente otages sur son sol, l'Algérie a prouvé que la valeur d'un otage n'était pas très élevée ces jours-ci. Si ces événements tragiques pouvaient persuader les brigands d'Aqmi que d'autres prises d'otages ne les sauveront pas des balles et ne leur rapporteront pas un sou, ce sont sans doute des dizaines, voire des centaines de vies qui seraient protégées désormais et le double sacrifice en Somalie et en Algérie n'aurait pas été vain.

- on dit partout que notre supposé "ami" le Qatar finance Aqmi. Que ne le prouve-t-on, que ne met-on cet Etat définitivement hors la loi et que ne l'inscrit-on définitivement sur la liste des Etats terroristes ? Cela paraît être le minimum désormais.

19:09 | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

15/01/2013

Les forces et failles du projet de loi "mariage homo"

J'ai lu le projet de loi "ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe" (c'est son intitulé officiel, et non le "mariage pour tous", qui est le slogan) sur le site de l'Assemblée Nationale.

Je n'ai pas procédé à un examen minutieux article par article des nombreux amendements des textes actuels qu'il contient. Peut-être quelqu'un aura-t-il ou a-t-il eu ce courage. Je vais me contenter ici des grandes lignes, qui suffisent à justifier des commentaires.

Il peut être divisé en trois portions : l'article 1 traite du mariage des couples homosexuels. La suite est hors sujet et concerne la filiation, en deux morceaux : d'abord l'adoption, ensuite la suppression des mots "père" et "mère" du Code Civil et de divers autres codes ou textes compétents. Voyons donc ces trois aspects.

L'instauration du mariage entre personnes de même sexe

On comprend bien que les homosexuels vivent encore des situations sociales qui ne sont pas faciles, que la société reste sourdement hostile à nombre d'entre eux dans la vie de tous les jours. On comprend aussi que ceux mêmes qui ne souhaitent pas user du droit de se marier considèrent que le refus d'ouvrir ce droit soit en lui-même une manifestation d'homophobie, d'abord parce que ce n'est pas toujours faux, ensuite parce que tout un chacun a droit aux réactions épidermiques. On comprend enfin que François Hollande, qui avait introduit cette disposition dans ses promesses présidentielles, ait envie de tenir lesdites promesses.

J'avoue que, personnellement, je préférerais, comme François Bayrou, Alain Juppé et VGE, une solution "douce", avec cérémonie en mairie ouvrant les mêmes droits civils aux couples homosexuels qu'aux autres, mais ne recourant pas au mot mariage, car cela contribue à une pente de confusion mentale dont il sera question un peu plus loin.

Cela étant, dans la mesure où il s'agit de l'intitulé de la loi, il faut dire que les dispositions de l'article 1 sont, dans l'ensemble, cohérentes avec l'objet de la loi. Je ne vois pas où (ce que l'on dit) il y aurait suppression de la prohibition de l'inceste. Si elle se cachait quelque part, il faudrait y remédier. Je suis plus réservé sur l'alinéa créant un chapitre IVbis du livre I du Code Civil. Je vois bien qu'on cherche à profiter de la loi pour introduire en droit français une notion du droit privé international, mais, pour une raison que je n'arrive pas à cerner, je sens qu'il y a un loup caché dans ces quelques lignes. D'ailleurs, si le mariage homo est interdit dans le pays d'origine d'un étranger qui vient se marier en France, je ne vois pas en quoi une disposition du droit français suffirait à rendre son mariage en France légal pour le monde entier, y compris et surtout dans son propre pays. Il me semble qu'il serait moins risqué d'écrire tout simplement que "le fait que le mariage ne soit pas ouvert aux personnes de même sexe dans le pays d'origine de personnes de nationalité étrangère ne peut faire obstacle à leur mariage en France". Cela serait plus modeste et plus exact, sans se lancer dans de glissantes digressions.

L'adoption

En eux-mêmes, les alinéas consacrés à l'adoption par les couples homosexuels ne posent qu'un problème de principe, mais en les lisant, on se dit, comme pour la suite, qu'il s'agit d'un texte bâclé. On a voulu aller trop vite. En fait, ce qu'il faut, c'est une vraie réforme du droit de la filiation, une mise à jour en profondeur des principes et de leurs applications, et il faut que cela se fasse dans le consensus, après un long travail collectif.

La suppression des mots "père" et "mère"

Je trouve extrêmement disproportionnée la suppression des mots "père" et "mère" du Code Civil. Je trouve d'ailleurs qu'elle se fait en massacrant la langue française, ce qui n'est jamais bon signe. Dans l'esprit, il s'agit d'indifférencier les parents, puisqu'il peut y avoir deux pères légaux et non plus un père et une mère. Seulement voilà, un père et une mère, cela n'a qu'un sens. Si l'on veut remplacer "père et mère" par "les parents", on tombe dans l'imprécision. Car "les parents", cela peut désigner aussi bien "père et mère", que "la parentèle", c'est-à-dire les oncles, les cousins, les grands-parents, une foule assez large parfois. Donc, pour chasser cette confusion, on va expulser aussi du Code Civil les parents dans le sens de la parentèle et on va les remplacer par une circonlocution affreuse : les "personnes unies par un lien de parenté". Hou que cela est lourd.

En vérité, il n'y a aucune raison de chasser les parents sous prétexte que les personnes titulaires de l'autorité parentale pourraient être désormais des personnes du même sexe. Il serait infiniment plus simple, plutôt que de remplacer "le père et la mère" par l'obscur "les parents" et "le père ou la mère" par "l'un des parents", d'ajouter après "le père et la mère" "ou toute personne titulaire de l'autorité parentale" et le tour serait joué. Cela aurait d'ailleurs l'avantage d'englober toutes les situations où l'autorité parentale est détachée de la filiation biologique.

Enfin, il faut en venir à cette question de la filiation biologique. Les homosexuels n'ont pas compris que l'on mette tant l'accent sur cet aspect de la question, il faut donc l'expliquer. On sait, par le cas des enfants nés sous X, que l'accès à la filiation biologique est un droit essentiel de l'enfant, que cela fait partie de son intérêt le plus immédiat et le plus pressant. Or dans un couple homosexuel, compte tenu des connaissances scientifiques actuelles et prévisibles pour le moment, s'il ne faut pas toujours un père et une père pour faire un enfant, il faut en tout cas un spermatozoïde et un ovule. Or dans un couple de personnes du même sexe, on trouvera facilement l'un des deux ingrédients, mais pas l'autre, qu'il faudra chercher à l'extérieur du couple. Il ne pourra pas y avoir plus d'un parent sur deux qui soit parent biologique de l'enfant. Il y aura une filiation biologique extérieure au couple titulaire de l'autorité parentale. Cette filiation biologique, l'accès à cette origine, doit être protégé pour l'enfant et il semble que la rédaction actuelle du projet de loi vise, au contraire, à l'effacer. C'est cela qui a fait le dialogue de sourds autour de cette question.

J'ajoute qu'il serait logique, en cas de divorce, que la garde de l'enfant soit toujours donnée au parent biologique, mais on voit que cette question va être épineuse et qu'il est impossible de la traiter à la va-vite.

Maintenant, il faut le dire, on se demande ce que viennent faire, dans un projet de loi "ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe", toutes ces dispositions relatives à la filiation, d'autant plus que comme on n'a pas voulu consulter le comité d'éthique (dont c'est pourtant la fonction première), on se hasarde en pleine aventure juridique.

Voilà donc ce que j'en pense : la majorité peut sans doute se considérer mandatée pour "ouvrir le mariage aux couples de personnes du même sexe". Il y a nécessité de trouver une formule garantissant les mêmes droits que le mariage pour les couples homos, l'idéal étant de ne pas nommer cette formule mariage mais par exemple union. Je trouve que l'alinéa créant le chapitre IVbis devrait être libellé comme je l'ai dit plus haut. Je trouve que tout ce qui a trait à la filiation (y compris l'adoption) devrait être renvoyé à une réforme globale du droit de la filiation, qui serait faite en prenant son temps, en consultant toutes les familles politiques, toutes les écoles de pensée, toutes les opinions philosophiques ou religieuses, bref, en prenant son temps et en se libérant des carcans idéologiques pour trouver un équilibre qui traduise et accompagne l'état actuel de notre société.

23:46 | Lien permanent | Commentaires (5) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook