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07/01/2015

Il n'y a que les petits hommes qui craignent les petits dessins

Je n'étais pas souvent d'accord avec Charlie Hebdo. Au moment de la publication des caricatures du prophète Mahomet qui ont valu à l'hebdomadaire la longue traque qui vient d'aboutir tragiquement, j'ai désapprouvé cette publication qui me paraissait jeter de l'huile sur le feu de l'amalgame entre islam et terrorisme. Quelques années plus tard, j'ai exprimé une très vive indignation contre l'éviction dont le dessinateur Siné était victime de la part de l'équipe dirigeante de Charlie (ils se sont heureusement réconciliés depuis). Et, plus récemment, j'ai trouvé que de nombreuses unes provocatrices de Charlie ne pouvaient réjouir que les frontistes et les adversaires les plus haineux et les plus caricaturaux de l'islam, et que l'hebdomadaire emplissait ses caisses en flattant les instincts les plus bas d'une partie de notre population.

Mais voilà : si je désapprouvais, je n'aurais jamais souhaité la mort d'aucun auteur ni d'aucun salarié de Charlie Hebdo. La liberté d'expression est une conquête parmi les plus précieuses de la société occidentale contemporaine et je partage entièrement la profession de foi du "Figaro" de Beaumarchais qu'il m'est arrivé souvent de rappeler : "je leur dirais qu'il n'y a que les petits hommes qui craignent les petits écrits et que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur".

Ce soir, je suis partagé. Je n'aimais pas les dessins de Cabu, ni dans Charlie, ni dans le Canard Enchaîné, je n'aimais pas tellement l'acharnement de Charb, qui virait parfois à la monomanie, mais j'avais de la tendresse pour les grivoiseries de Wolinski et j'adorais l'esprit très corrosif de Tignous. J'aimais les uns, pas les autres, aucun d'entre eux ne méritait de mourir au nom d'une folie. Aucun d'entre eux ne méritait le sort que des salauds leur ont réservé aujourd'hui. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il leur est arrivé trop souvent de jouer avec le feu et de contribuer à entretenir les confusions et les amalgames, je ne peux pas m'empêcher de penser que, consentants ou non, conscients ou non, leur ligne éditoriale a jeté de l'huile sur le feu de la bêtise haineuse au lieu d'éveiller la conscience et l'intelligence, mais quoique j'en pense, c'était leur droit, c'est notre droit à tous, le plus imprescriptible, la liberté d'expression, et même si je ne peux pas m'empêcher de penser qu'à force de jouer avec le feu, on finit parfois par se brûler, j'éprouve une indignation rageuse et profonde contre la barbarie de leur assassinat et une compassion intense pour leurs familles et pour celles des policiers qui sont victimes d'un devoir que nous devons assumer.

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