07/02/2015
"Les imbéciles qui sont nés quelque part"
En prononçant le mot "Apartheid", le premier ministre Valls a commis une grave faute contre la République. Il a sous-entendu un système de ségrégation ethnique. Le but qu'il visait devrait faire honte à ceux de ses amis qui se pensent humanistes : il s'agit d'ethniciser la Société française en empruntant le toboggan fatal - et sans retour - des statistiques dites "ethniques". S'il n'y a pas de crime contre l'humanité, il y a bien un crime contre l'humanisme.
À chaque fois que ces sujets reviennent sur le tapis (et ils y sont fâcheusement revenus à une accablante nuée de reprises depuis une dizaine d'années au moins), je repense à ma chère grand-mère, Diane. Elle était née au Pérou d'un père belge et d'une mère britannique en 1903, elle avait passé toute son adolescence au Japon de 1913 à 1921, elle s'était mariée en Chine en 1926 avec un Français. Elle avait été baptisée catholique, ses deux parents l'étaient aussi, mais les parents de sa mère avaient été élevés dans la religion juive avant de se convertir à l'anglicanisme. Dans quelle case ethnique serait-elle entrée ?
Vigny, lui, a écrit : "On est toujours du pays de son enfance". Quelle case ethnique résulte de cet aphorisme ? C'est beau, de se sentir breton, corse, basque, berrichon, kabyle, berbère, loubavitch, sépharade, lapon, galicien, tonkinois, masaï, mais si cela devient une prison, si cela devient obligatoire, c'est épouvantable. L'embrigadement dans la sombre troupe (selon l'expression de Brassens) des "imbéciles qui sont nés quelque part", très peu pour moi. Crosse en l'air !
Notre particularité historique, à nous citoyens de la République Française, est justement que cette république ne se définit que comme une assemblée des citoyens et si chacun est invité à s'adonner à ses goûts intellectuels, philosophiques et culturels comme il l'entend, la république ne connaît rien de ces activités annexes. Elle ne connaît que les citoyens dans l'exercice de leur citoyenneté, si bien qu'il me semble qu'il serait judicieux de débattre moins de ce qui n'entre pas dans la citoyenneté (par exemple l'origine ethnique) et plus de ce qui en fait partie. En somme, soyons constructifs.
(L'enluminure qui illustre cet article est issue des Très Riches Heures du duc de Berry, un duc qui, comme son nom ne l'indique pas, n'était pas très berrichon).
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Commentaires
@Hervé,
Wow, j'aime beaucoup ce billet, énormément.
Il y aurait tant à développer, ne serait-ce ce que comment l'aphorisme de Vigny si actuel pourrait etre interprété de nos jours au 21ès?
Quel peut donc etre le pays de son enfance? Comment se construit un etre humain? Quelles influences géographiques climatologiques et culturelles y participent ?
Parce que concrètement ne vois pas beaucoup de différence entre un corse ou un basque^^^.
Je me souviens avoir déposé un lien il y a longtemps sur un billet en rapport avec le redécoupage territorial, et m'etre énervée dès que je sentais les sottises identitaires affleurer.
Sinon, il est vrai que nombreux sont ceux qui trouvent confortable de puiser dans l'histoire ou pour construire leur propre mythe, ou essayer de faire vivre un semblant d'unité qu'ils mettent eux-meme en danger ou les deux à la fois: démarches suicidaires.
Bonne soirée Hervé
Écrit par : Martine | 08/02/2015
Ce texte n'est pas contradictoire avec ceux où je réclame justice pour la Bretagne, une Bretagne à 5 départements, Loire-Atlantique incluse.
Écrit par : Hervé Torchet | 08/02/2015
Allons Hervé, ne soyez pas sur la défensive ainsi.
Vous savez bien ce que j'en pense, pour une fois que je passe pour vous complimenter, étayer et ouvrir le débat...
C'est décourageant!
Écrit par : Martine | 08/02/2015
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