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09/02/2015

Le FN, notre pulsion mortifère

Une bulle historique éclate. C'est la bulle de la dette. Depuis quarante ans, nous avons feint de croire qu'il y avait seulement une crise, puis des crises, après lesquelles tout rentrerait dans l'ordre. Depuis quarante ans, nos sociétés se mentent.

Lorsqu'en 1973 se termina le cycle des Trente Glorieuses, lorsque les matières premières cessèrent pour toujours de représenter une quantité négligeable de la Valeur Ajoutée que nous produisions, nous aurions dû réagir avec l'esprit du marché, en répercutant intégralement cette réalité. De cette façon, nous aurions purgé ce que la hausse brutale du prix de l'énergie avait d'excessif et nous aurions engagé nos systèmes économiques dans des cercles vertueux de croissance raisonnable.

Hélas, pour des raisons politiques liées à la guerre froide, mais aussi par illusion ou par paresse, nous avons préféré le doux mensonge de "la crise", état provisoire. En fait, nous avons enclenché des mécanismes historiques dont la réalité se dévoile jour après jour, tous basés sur la fiction (alors que le marché a besoin de comportements rationnels et non faussés pour fonctionner) et sur des inégalités croissantes.

Le principe de l'inégalité est de constituer un centre et des périphéries. Le centre est un sommet, une concentration, une focalisation, une cristallisation, et les périphéries sont les inverses de tout cela. Pour en faire une synthèse rapide, en France, nous avons deux types de périphéries, qui se regardent en chiens de faïence : les "quartiers", ce qu'autrefois on nommait avec crainte les "faubourgs", d'un côté et, de l'autre, les campagnes, les petites localités. La distance n'est pas la même, mais dans un cas comme dans l'autre, on vit à mille lieues des instances de pouvoir, comme dans une autre dimension.

Éloigné de la puissance publique, on y subit aussi l'érosion du service public. L'inégalité se matérialise là de sa façon la plus directe : quand on a de l'argent et que l'on vit au centre-ville, on a l'autorité publique à portée de la main, des écoles efficaces comme s'il en pleuvait, des réseaux économiques, sociaux, culturels, tous les moyens de se passionner, mais si l'on vit dans une périphérie proche ou lointaine, on est considéré avec condescendance, commisération, sarcasme ou dédain, et l'on ramasse les miettes que l'on est généreusement autorisé à grappiller.

J'ai lu ce soir parmi les commentaires du vote qui a eu lieu hier dans le Doubs : "Le FN joint les exaspérés et les désespérés". Jolie formule. Si je voulais la pousser au bout, j'ajouterais que pour les désespérés, le FN est l'arme d'une pulsion suicidaire, tandis que pour les exaspérés, il est l'arme d'une pulsion meurtrière. Pour les premiers, la haine de soi, pour les seconds, la haine tout court.

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La bulle qui éclate est une correction très lourde des comptes économiques, sociaux, humains, et cela se fait à l'échelle d'une planète désormais interconnectée et mondialisée. La correction signifie un retour très désagréable à la réalité. Le réflexe défensif est naturel, et la pulsion mortifère logique. Il faut savoir y résister, mais les marchands de peur, d'illusion, de révolution sanguinaire, de religion rétrograde, sont tous là qui hurlent à la mort comme des loups ravagés par la gale de la haine. Il est urgent de croire au sursaut.

(Tableau de Pieter Claez, 1597-1661)

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