Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/05/2008

Il y a cinquante ans : mai 1958.

En organisant le vote ultime de la loi sur les OGM le 13 mai, le gouvernement a choisi de toute évidence un texte suffisamment polémique et visible pour jeter un rideau de fumée sur la question qui n'aurait pas manqué de se poser ce jour-là, pour le cinquantième anniversaire de mai 1958 : 1958 fut-il un coup d'état ?
 
Dans le petit bureau que je partageais avec lui dans la mairie du XVIe arrondissement, le vieux préfet Bolotte en parlait parfois. Il avait été secrétaire général de la préfecture d'Alger pendant cette période, pendant la bataille d'Alger et les événements de mai 1958. C'est lui-même, disait-il, qui avait adressé au directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur de l'époque la liste des personnalités qu'il fallait faire arrêter pour déjouer le complot que, d'Alger, on avait dévoilé.
 
Le directeur de cabinet en question se nommait Michel Poniatowski, il fut lui-même plus tard ministre de l'Intérieur (que l'on surnommait, d'après Goasguen, le "flingueur" à ce poste, mais ceci est une autre histoire, comme on dit).
 
Bref, Poniatowski, dans la nuit de mai 1958, dérangea le préfet de police en personne et dans son lit. Il lui remit la liste en mains propres. On ne pouvait faire plus confidentiel. Un bon préfet de police sait alors (surtout à cette époque de guerre où l'on plaçait facilement les gens "à la sûreté", pour un oui ou pour un non) faire soustraire ce genre de personnages sans bruit et sans fuite.
 
On attendit cependant le matin pour les cueillir.
 
Et bien entendu, au matin, les oiseaux s'étaient tous envolés.
 
Bolotte, agacé encore quarante ans plus tard (il y a dix ans de ça), grommelait que ce n'était pas la faute de Poniatowski. Il désignait le préfet. Or ce préfet sans lequel, selon lui, toute l'affaire de mai 1958 n'aurait pu réussir puisqu'il avait permis aux comploteurs de se sauver, c'était ... Maurice Papon.
 
Hum.
 
Laurent Joffrin a fait une très bonne émission pour France 5 voici deux ou trois ans, pour tenter d'éclaircir l'affaire du 13 mai 1958. Il concluait au complot, qu'on ne peut désigner autrement que par le nom d'un coup d'état (qui n'était pas encore "permanent" selon l'expression ultérieure de Mitterrand), mais son analyse sur le rôle joué par de Gaulle lui-même était pleine de nuances et d'intelligence, puisqu'il est apparu clairement que de Gaulle n'avait ni dirigé ni même commandité les événements qui avaient abouti à son retour au pouvoir et qui sont en quelque sorte le péché originel de la Ve république.
 
Il m'a paru utile de faire escale dans cet autre mois de mai en 8. Pourquoi ? Parce que, de mon point de vue, 1958 constitue une césure bien plus profonde dans notre histoire contemporaine que 1968. La séquence 1957-1960 constitue le point d'orgue, l'aboutissement, d'un mouvement qui a mis fin à huit mille ans de notre histoire. C'est la dernière grande vague d'exode rural, le moment à partir duquel la sève qui monte dans l'arbre France n'est plus paysanne. Les paysans vivent encore, leur société demeure, en apparence intacte, mais en fait déjà morte, puisqu'elle ne se reproduit plus chez elle, qu'elle n'aura pas de successeurs. Et se met en place le spectacle d'une paysannerie de vieux que j'ai connue encore active dans les années 1970-80, et qui, à son tour, s'éteint en ce moment.
 
Dans cette période aussi, les combattants de la Grande Guerre, qui s'était achevée quarante ans plus tôt, commencèrent à partir à la retraite, ils cessèrent de former les gros bataillons de la population active salariée.
 
Et puis en 1957, Sacha Guitry, qui avait connu tous les grands artistes de Paris quand Paris était ... Paris, Guitry donc s'éteignit aussi, comme un symbole, un vestige. Et toujours dans ce même esprit d'un temps révolu, comme 1900 mourait, comme 1914 partait à la retraite, c'était tout le XIXe siècle qui se trouvait terminé d'un coup par l'extinction (symbolique elle aussi) de la question des nationalités dans le traité de Rome instituant la communauté européenne.
 
Et puis 1958, ou 1957-60, c'est le moment où tous les chenapans de 1968 entraient au lycée. Leur culture, patiemment, montait un à un les degrès vers l'âge adulte et vers cette prise de pouvoir tonitruante qu'ils ont faite en se décrétant maoïstes.
 
Maoïstes ?
 
Maintenant, du fond de leurs fauteuils ils signent des pétitions pour la liberté du Tibet...
 
Il ne leur reste donc rien de leur maoïsme ?
 
Mais si : la bicyclette, le Vélib' ! 

00:49 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, histoire, de gaulle, ogm, 1958 | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook