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06/01/2016

La France vers un régime autoritaire ?

Le président Hollande a annoncé au Congrès, le 14 novembre dernier, une double constitutionnalisation : celle de l'état d'urgence, à peu près dans les termes actuels de la loi de 1955, et celle du principe de déchéance de nationalité pour les binationaux, cette dernière restriction étant destinée à ne pas ouvrir de cas d'apatridie, mais désignant en fait les binationaux issus de l'immigration en provenance d'Afrique du Nord comme tous coupables potentiels, et tous de nationalité française incomplète.

L'interdiction faite aux États de créer des apatrides par déchéance de nationalité est l'une des utopies anti-hitlériennes de l'après-guerre : Hitler avait usé et abusé de la déchéance de nationalité, celle-ci se voyait donc associée à raison à l'infamie hitlérienne et au mécanisme juridique et politique des chambres à gaz. Déchoir quelqu'un de sa dignité aboutissait à lui ôter un élément crucial de sa dignité d'être humain, quels qu'aient été les traités chargés d'organiser la prise en charge des apatrides. La déclaration universelle des droits de l'Homme de l'ONU posa comme principe-clef de l'organisation nouvelle du monde la prohibition de la possibilité pour les États de priver leurs nationaux de nationalité. Il y eut une convention de l'ONU en 1961, que la France, encore empêtrée dans la guerre d'Algérie, signa mais ne ratifia pas et une convention européenne, dans le cadre du Conseil de l'Europe, conclue en novembre 1997 et signée par la France en 2000 (mais jamais ratifiée non plus) qui posait que "Tout homme a droit à une nationalité".

On le voit donc, la lutte contre l'apatridie et contre le principe de la déchéance de nationalité est de la même nature que la lutte pour l'abolition de la peine de mort : il s'agit d'un progrès de civilisation. Et c'est contre ce progrès de civilisation que, pour une raison obscure, le président Hollande a décidé de faire légiférer le pouvoir constituant français. En d'autres temps, il en eût été couvert de honte et d'opprobre par la gauche mais celle-ci réagit dans un mélange de confusion et de trouble qui aboutit à un véritable concours Lépine des justifications les plus abjectes du principe de déchéance de nationalité. C'est un véritable tohu-bohu au milieu duquel on croit distinguer trois tendances à gauche : ceux qui suivront M. Hollande à tout prix, ceux qui invoqueront la clause de conscience quoi qu'il arrive, et enfin ceux qui attendent de voir comment le vent tourne et comment leur gamelle s'emplit. In fine, l'on peut envisager que, lâchement, beaucoup d'opposants au principe de déchéance de nationalité s'abstiennent comme Ponce Pilate, ce qui leur permettra de prétendre qu'ils ont eu le courage de ne pas le voter, mais qui n'empêchera pas cette disposition historiquement rétrograde d'entrer dans la constitution, car à droite, l'on aura peut-être le courage de s'abstenir aussi, mais il est improbable que l'on aille au-delà.

Or cette situation d'un troupeau de Ponce-Pilate laissant sacrifier les principes essentiels au nom d'une hypothétique efficacité sécuritaire et militaire, nous la connaissons bien. Le dernier siècle nous en a donné deux fois le spectacle. La première fois, cela aboutit au vote de confiance au maréchal Pétain, la deuxième à l'investiture de de Gaulle après les journées algériennes de mai 1958. Oui, ces élus, chargés de défendre le peuple et l'état de droit, qui courent au sauve-qui-peut, qui jettent les principes éthiques à la Seine, et qui se dépêchent de se débarrasser du pouvoir pour retomber dans leur médiocrité, nous les connaissons. En 1940, ils investirent un pouvoir qui se voulait autoritaire et antirépublicain. En 1958, ils ouvrirent la voie à un régime républicain, dont il ne s'agit pas ici de soupeser qualités et défauts, mais dont la nature autoritaire est bien connue elle aussi.

L'on pourrait remonter à la Deuxième République, qui, au fond, finit un peu de la même façon, dans Cavaignac, puis dans Louis-Napoléon.

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Il est donc légitime de se poser cette question : l'incapacité et la médiocrité manifeste de notre classe politique, puis l'abandon de l'essentiel auquel elle se livre, sont-ils les signes avant-coureurs d'un nouveau passage par la case d'un régime autoritaire ? Nous le saurons bientôt.

26/12/2015

Hollande ne veut que des "Français de souche"

L'extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés français continue à agiter l'internet francophone, autant qu'elle suscite de critiques de la presse étrangère. Parmi les critiques adressées à cette mesure : le fait qu'elle conforte la notion de "Français de souche".

Selon la Constitution de 1958, l'État, ni la loi, ne peuvent faire de distinction entre les Français, ni en fonction de leur origine, ni en fonction de leur race (notion alors rétrospective et destinée à repousser les théories hitlériennes), ni en fonction de leur religion. C'est en raison de cette disposition qui figure dans l'article 1 de la Constitution de 1958, donc parmi les principes les plus généraux et les plus forts, que le gouvernement souhaite donc introduire dans la constitution, à force égale, l'ouverture du cas de déchéance de nationalité aux binationaux se dégradant dans le terrorisme contre la France.

La déchéance de nationalité pour actes de trahison contre la France a été instaurée le 12 novembre 1938 par un décret-loi du gouvernement Daladier, quelques jours à peine après les fâcheux accords de Munich par lesquels les dirigeants français et anglais ont abdiqué tout honneur en cédant aux prétentions hitlériennes qui annonçaient pourtant la guerre sans merci. La déchéance de nationalité n'a pas été appliquée par ce gouvernement Daladier, mais par le régime de fait du maréchal Pétain, en particulier contre le général de Gaulle, dès juin 1940. On s'en est servi aussi pour annuler la naturalisation des très nombreux juifs allemands que l'Allemagne avait rendus apatrides et qui avaient cru pouvoir se ranger sous la protection de la France. Pétain avait promis de protéger les juifs français contre les nazis. Sa prétendue protection ne s'étendait pas aux naturalisés, dont beaucoup, rendus à l'Allemagne, finirent dans les Camps de la Mort. On comprend que, depuis cette époque, la déchéance de nationalité ait fait figure de spectre dans le droit français et, compte-tenu de ce précédent épouvantable, c'était bien le moins.

Le général de Gaulle, lorsqu'il fut confronté au terrorisme de l'OAS, ne procéda à aucune déchéance de nationalité, mais fit prononcer des peines de "bannissement", en pratique une interdiction de séjour sur le territoire français, qui fut levée au bout de quelques années par la loi d'amnistie et que le droit international prohibe désormais.

La déchéance, toujours pour actes contre l'État et contre la France, est réapparue beaucoup plus tard, dans les années 1990. Elle a été réservée aux naturalisés par une loi de 1996. La logique était alors qu'en accomplissant un acte de terrorisme contre la France, le naturalisé récent (moins de dix ou quinze ans) prouvait qu'il avait fait une fausse demande de naturalisation et qu'il ne souhaitait pas réellement devenir français. La déchéance de nationalité revenait alors à l'annulation de la naturalisation. En près de vingt ans, il existe très peu de cas où cette loi ait été appliquée.

Le nouveau principe consisterait à permettre la déchéance de nationalité de personnes nées françaises, de parents français, ayant étudié en France et en français, et n'ayant jamais vécu qu'en France. Ces personnes n'encourraient cette peine que par la circonstance particulière de disposer d'une deuxième nationalité, ce qui, de fait, les placerait en situation d'inégalité avec les Français n'en ayant qu'une.

En soi, on peut considérer que cette ouverture nouvelle n'est qu'une peine supplémentaire, une parmi d'autres, et même, selon des auteurs d'habitude mieux inspirés, qu'elle rétablit une égalité en ouvrant à une nouvelle catégorie la déchéance. Mais Laurent de Boissieu se trompe sur un point qui est crucial : la réforme voulue par Hollande ne rend pas tous les Français égaux devant la déchéance, celle-ci n'est pas encourue, comme il l'affirme "quel que soit le mode d'acquisition de la nationalité", puisque 95% de Français, qui n'ont qu'une nationalité, n'y sont pas exposés et que eux aussi ont acquis la nationalité française par la naissance, tout comme les binationaux désormais menacés. Il y a donc un sophisme dans le raisonnement de l'ami Laurent, excusable, mais qu'il faut souligner.

En réalité, il faut relire ce qui a été écrit en 2010 par l'excellent Robert Badinter (où l'on retrouve un Bayrou plus offensif qu'aujourd'hui) qui est que la loi doit être la même pour tous. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dit explicitement : "La loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse". Or en soumettant deux Français ayant acquis la nationalité française de la même façon (par la naissance) à un régime différent, il est évident que le projet Hollande, comme naguère le projet Sarkozy, crée une inégalité, une discrimination, incompatible avec le principe énoncé par la Déclaration de 1789. C'est pourquoi Jack Lang avait noté dès 2010 qu'il faudrait modifier la Constitution pour appliquer la réforme voulue par Sarkozy et aujourd'hui reprise par Hollande. À n'en pas douter, la réforme constitutionnelle annoncée pour introduire l'état d'urgence dans la Constitution n'est que le rideau de fumée de cette infamie fondamentale qui consiste à constitutionnaliser la plus choquante des infractions aux principes fondateurs de notre République. C'est à pleurer et à crier. Or ce n'est pas tout.

Car si nous trouvons dans le jeune arbre vénéneux porté par Hollande la trace de la mauvaise graine de Sarkozy, il faut ajouter aussitôt que ce n'est pas par hasard. Car dès le mois de février, Hollande a donné le signal de ce choix qui va faire mourir la Ve République : il l'a donné lorsque, devant le CRIF, il a employé les mots "Français de souche", devenus si chargés de sens haineux, menaçants et discriminatoires depuis quelques années. Le fait qu'il l'ait prononcé devant le CRIF, et tout le contexte que nous connaissons, finissent par faire naître un affreux soupçon : qu'il y ait, dans la mesure voulue par Hollande, une intention de brimade contre les musulmans français, désormais tous suspects, même si la loi ne permet de jeter dans la déchéance (quel mot) que ceux qui disposent d'une seconde nationalité et que ceux qui seront condamnés pour terrorisme. Faut-il rappeler qu'un ancien Premier ministre israélien, Itzhak Shamir, dans sa jeunesse, avait été parmi les "terroristes" de l'hôtel King David ? Ah ce mot de terrorisme... Et souvenons-nous de l'émir Abd-el-Kader et de sa seconde vie. Qu'aurions-nous fait si nous nous étions privés de lui après la première ?

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Enfin, une fois que la brèche sera ouverte, nos dirigeants pourront se vautrer tout à fait dans la fange, et étendre à leur guise la "déchéance" pour pouvoir en faire ce qu'ils veulent. Oui, désormais, nous n'en doutons plus : ce qu'ils veulent, Sarkozy, Hollande, et quelques autres, c'est réserver la France au seul bon Français, celui qu'aiment aussi les Le Pen, le "Français de souche".

Salauds.

28/09/2015

Le général de Gaulle était-il raciste ?

L'eurodéputée Nadine Morano, tête de liste de la droite dans la région Alsace-Champagne-Lorraine, a énoncé deux assertions polémiques samedi soir lors de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché".

Première assertion : "La France est un pays de race blanche", ce qui s'oppose à la perspective d'une "France musulmane" à l'éventualité de laquelle Mme Morano se refuse. Race blanche, cela signifierait donc chrétien. Cela me rappelle un morceau parmi les meilleurs du dialogue de "Rabbi Jacob" : "Bien blanc, et catholique comme tout le monde". L'assertion de Mme Morano relève donc de la façon dont on exprimait les préjugés racistes il y a plus de quarante ans. Et tant pis pour les Albanais et pour la majorité des Bosniaques, qui sont tout à fait blancs au sens où Mme Morano l'entend, et cependant musulmans. Pour ceux-là, sans doute, il y aura des HLM très bien à Bergen-Belsen ou à Auschwitz, puisque, n'ayant pas le droit de devenir français selon elle, ils n'ont non plus pas celui de rester européens, les Européens étant entièrement assimilés les uns aux autres par l'heureux principe de la construction européenne.

Encore faudrait-il que ce mot de "race blanche" ait un sens. La langue et la science ont évolué depuis plusieurs décennies. Dans les années 1950, quelqu'un d'aussi peu susceptible d'être taxé de racisme que Pierre Mendès France, lorsqu'il vantait son lait offert à boire à la cantine à tous les petits écoliers scolarisés, n'hésitait pas à parler de "l'amélioration de la race" à propos de ces enfants mieux nourris qu'avant. Le mot race acceptait plusieurs sens plus ou moins voisins, et c'est bien en niant le programme eugéniste et raciste d'Adolf Hitler que les constituants de 1958 ont inscrit le mot race dans la Constitution de la Ve République, pour aussitôt le verrouiller par un définitif "sans distinction de race". Ce texte, que le général de Gaulle a inspiré et adopté, souligne que la France ne fait pas le tri entre ses enfants en fonction des attributs en général associés à la race, comme la couleur de peau.

Mais aujourd'hui, nous n'exprimons plus ces différences ainsi. Il n'y a qu'une race humaine. Il y a certes des différences entre les humains, voire entre les groupes d'humains, mais le degré élevé de différence entre les humains induit par le mot race a disparu du vocabulaire des scientifiques et de la tête de ceux de nos concitoyens qui, jouissant de plus d'un neurone, ne méritent pas que des humoristes soulignent leur nullité par des substantifs aussi explicites que mérités.

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Deuxième assertion : "le général de Gaulle le disait". Ah ? il le disait ? Enfin, soyons précis, il l'a dit ou, encore plus précis, il l'a peut-être dit. La citation qui fait croire à Mme Morano qu'elle est autorisée à proférer des âneries est tirée d'un livre où Alain Peyrefitte relate une conversation où, en 1959, le général de Gaulle lui aurait précisé sa pensée raciale : "C'est bien qu'il y ait des Français aux yeux bridés, des Français noirs, mais cela ne doit pas devenir la majorité, la France est un pays peuplé d'Européens de race blanche, de racine grecque et romaine et judéo-chrétienne". Ouf, le général de Gaulle n'aurait pas rouvert les chambres à gaz, c'est déjà cela.

Maintenant, Peyrefitte a-t-il entendu ce qu'il voulait entendre ? A-t-il transcrit les propos du Général comme ils lui plaisaient ? Les a-t-il purement et simplement inventés ? Qui peut le savoir ? Il s'agissait d'une conversation privée.

Rappelons qu'à cette époque, de Gaulle se préparait à libérer l'Afrique francophone de son statut colonial et qu'il se battait contre les extrémistes qui voulaient garder une Algérie française avec deux statuts citoyens distincts, l'un pour les "Européens" (y compris les juifs d'origine locale depuis le décret Crémieux), l'autre pour les "Indigènes". La citation prêtée par Peyrefitte à de Gaulle justifiait le retour de la France à elle-même, à son parcours de vieille nation enfin libérée des oripeaux déformants du colonialisme, ce qui est une façon d'interpréter ce que de Gaulle a dit pendant la guerre de 1939-45 dans son fameux discours de Dakar où il promettait l'émancipation à l'Afrique, la fin du statut colonial.

Et il est vrai que l'un des arguments employés par les fantassins du gaullisme contre le principe de l'Algérie française rejoint subrepticement les propos de Mme Morano : que ferions-nous d'une Algérie française introduisant 40 millions de Musulmans dans le jeu politique et social français ? L'argument utilisé alors dans un sens l'est maintenant dans l'autre. Or cet argument a-t-il jamais été utilisé par de Gaulle ? Tout cela ne serait-il qu'une sorte de "légende urbaine" flottant autour du gaullisme et à laquelle de Gaulle lui-même fût étranger ? Peut-être.

Comment interpréter la répression très violente des mouvements sociaux de Guadeloupe dans les années 1960, sous l'autorité du Général ? Répression raciale ? Retour d'esprit colonial ? Ou réaction à des mouvements que le vieux chef d'État jugeait inspirés par l'étranger et par la CIA ? Qui peut en juger ? N'est-ce pas là le mystère définitivement opaque de l'esprit humain ?

Seulement voilà, il n'y a pas que la citation de Peyrefitte, il y en a d'autres que l'on prête au Général, comme celle où il réfute l'idée d'habiter un jour "Colombey les Deux Mosquées". Est-elle plus vraie ou plus fausse que l'autre ? Je l'ignore. Je n'ai pas connu de Gaulle. Mais ce que je sais est qu'il y a un mouvement profond et actif de propagation de ces affirmations pour ancrer le fantôme du Général dans l'islamophobie la plus primaire. On lit très régulièrement des messages, diffusés sur internet, qui accréditent peu à peu, par la méthode de la distillation, cette idée d'un Général se méfiant de l'islam et redoutant de le voir s'imposer en France. Rumeur innocente, bien entendu, et dont l'effet politique est tout aussi innocent, cela va de soi.

Or il y a un moment-clé dans le deuxième mandat présidentiel de de Gaulle, c'est 1967. Ce moment-clé, c'est sa réaction à la "guerre des Six Jours". On s'en souvient, le Général qualifia alors Israël de "peuple d'élite, dominateur et sûr de lui". Sur la suite des événements et de la stratégie gaullienne, les interprétations varient. Les chevènementistes, tout récemment, ont donné leur lecture des faits : le Général condamnait l'occupation de la Cisjordanie par Israël, qui lui paraissait conduire nécessairement à des exactions et à des formes d'abus que nous avons tous, en effet, constatés depuis en particulier la seconde Intifada. De l'autre côté, il y avait, parmi ceux qui revendiquaient le plus fort l'étiquette de gaulliste, un courant lié intimement à Israël, qu'incarnait Charles Pasqua. Peu avant sa mort, Pasqua a rappelé que, le jour de la mort de de Gaulle, il se trouvait en Israël.

L'assertion de Mme Morano, et peut-être avant elle la citation énoncée par Peyrefitte, appartiennent à cette aile farouchement pro-israélienne de la mouvance gaulliste, une aile de faucon liée aux plus faucons de l'État d'Israël, à ceux qui souhaitent un "choc des civilisations" où la puissance des armées occidentales ouvrirait une nouvelle Croisade contre toute forme d'islam.

Son but est donc simple et clair : agiter le fantasme de la peur de l'islam pour susciter des réflexes de haine enclenchant l'engrenage de la violence. Rien que pour cela, Mme Morano devrait être exclue de tout parti se réclamant de la République Française.

07/09/2015

Réfugiés : l'impasse syrienne

Une photo bouleversante a soulevé une vague légitime d'émotion dans le monde et a imposé à tous le principe de l'accueil des Syriens qui fuient leur pays vers l'Europe. La confusion de vocabulaire qui entoure leur fuite montre toute la douloureuse ambiguïté de la situation : tantôt on parle de migrants, tantôt de réfugiés. C'est qu'à l'instar des Arméniens de l'après 1915, il semble que les Syriens évadés ne puissent cultiver aucun espoir de rentrer jamais chez eux. L'avenir syrien est bloqué. Ce blocage est d'ailleurs l'un des terreaux sur lesquels prospère l'organisation État Islamique.

Rappelons-nous la dernière campagne présidentielle française et la vague d'indignation qu'avait soulevée chez nous la photo du Bachar El Assad reçu avec cordialité par Nicolas Sarkozy à l'Élysée à Paris. Étant donné l'atmosphère sanglante et atroce qui entoure le régime syrien, il était logique, et conforme aux promesses implicites de la campagne, que la France fasse tout ce qu'elle peut pour faire tomber M. Assad. De là la décision de bombarder Damas.

Mais il y avait eu l'erreur libyenne commise par la précédente majorité et il parut tout à coup que nous allions faire à Damas la même faute historique que celle qui a été commise à Tripoli. Puis les autorités russes manifestèrent leur volonté intraitable de conserver leur base militaire en Syrie, qui était le meilleur garant de l'avenir du régime de M. Assad.

Du coup, si Assad ne pouvait tomber, il fallait se concentrer sur son principal adversaire, l'EI, dont les exactions, en particulier contre les minorités religieuses, se multipliaient.

Aujourd'hui, nous en sommes là : impossibilité de faire tomber Assad, nécessité d'abattre l'EI, alliance avec les Kurdes et attitude plus qu'ambiguë de la Turquie. Pour la Turquie, la présence russe à sa frontière sud est un échec historique multiséculaire, et la perspective d'une indépendance kurde représenterait un retour en arrière par rapport au conflit de 1921-22 que la toute jeune république kémaliste emporta contre les Occidentaux.

On retrouve décidément "l'Orient compliqué" dont parlait de Gaulle.

Il ne fait pas de doute que nous viendrons à bout de l'EI. Cela se fera avec patience, en asséchant d'abord une à une ses sources de financement. Ce qu'il faudrait bombarder, ce sont ses installations pétrolières, soit dit en passant. Une fois le fruit mûr, il faudra le cueillir.

Mais nous ne pouvons franchir deux lignes jaunes : la première serait que les Occidentaux interviennent eux-mêmes sur le terrain, car cela reviendrait à rouvrir la question coloniale et envenimerait le conflit pour au moins des décennies, la deuxième serait de se montrer trop gourmand. M. Assad a gagné, hélas, le droit au maintien pour une génération.

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Et de ce fait, il est évident que nous ne pourrons pas renvoyer en Syrie des gens qui risqueraient d'y être massacrés et torturés par un régime qui n'est, objectivement, pas acceptable. La confusion sémantique entre réfugiés et migrants a donc tout son sens, elle traduit la réalité. À l'instar des Arméniens d'autrefois, ces réfugiés syriens, chrétiens ou non, sont bel et bien des migrants.

(photo : merci Wikipedia)

05/12/2008

De Gaulle, relève-toi, ils sont devenus fous !

Ici Périgueux, les gaullistes parlent aux gaullistes,

Les chefs qui, depuis de nombreux mois, sont à la tête de l'UMP, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force de l'argent, financière et politique, de l'ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les billets verts, les complices, la tactique des grandes puissances qui nous font reculer. Ce sont les billets verts, les complices, la tactique des grandes puissances qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France gaulliste. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France gaulliste n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste prestige derrière elle. Elle peut faire bloc avec le MoDem, qui tient la barre et continue la lutte. Elle peut, comme le MoDem, utiliser sans limites l'immense industrie de l'Internet.

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis sarkozystes. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique des apparatchiks, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, Daniel Garrigue, actuellement dans le maquis à Périgueux (et au standard de l'Assemblée Nationale), j'invite les cadres et les militants UMP qui se trouvent en territoire libre ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries politiques qui se trouvent en territoire libre ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française gaulliste ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Périgueux.

(Qu'il soit ici rendu hommage au courage de ce député, Daniel Garrigue, qui quitte l'UMP).

06/05/2008

Il y a cinquante ans : mai 1958.

En organisant le vote ultime de la loi sur les OGM le 13 mai, le gouvernement a choisi de toute évidence un texte suffisamment polémique et visible pour jeter un rideau de fumée sur la question qui n'aurait pas manqué de se poser ce jour-là, pour le cinquantième anniversaire de mai 1958 : 1958 fut-il un coup d'état ?
 
Dans le petit bureau que je partageais avec lui dans la mairie du XVIe arrondissement, le vieux préfet Bolotte en parlait parfois. Il avait été secrétaire général de la préfecture d'Alger pendant cette période, pendant la bataille d'Alger et les événements de mai 1958. C'est lui-même, disait-il, qui avait adressé au directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur de l'époque la liste des personnalités qu'il fallait faire arrêter pour déjouer le complot que, d'Alger, on avait dévoilé.
 
Le directeur de cabinet en question se nommait Michel Poniatowski, il fut lui-même plus tard ministre de l'Intérieur (que l'on surnommait, d'après Goasguen, le "flingueur" à ce poste, mais ceci est une autre histoire, comme on dit).
 
Bref, Poniatowski, dans la nuit de mai 1958, dérangea le préfet de police en personne et dans son lit. Il lui remit la liste en mains propres. On ne pouvait faire plus confidentiel. Un bon préfet de police sait alors (surtout à cette époque de guerre où l'on plaçait facilement les gens "à la sûreté", pour un oui ou pour un non) faire soustraire ce genre de personnages sans bruit et sans fuite.
 
On attendit cependant le matin pour les cueillir.
 
Et bien entendu, au matin, les oiseaux s'étaient tous envolés.
 
Bolotte, agacé encore quarante ans plus tard (il y a dix ans de ça), grommelait que ce n'était pas la faute de Poniatowski. Il désignait le préfet. Or ce préfet sans lequel, selon lui, toute l'affaire de mai 1958 n'aurait pu réussir puisqu'il avait permis aux comploteurs de se sauver, c'était ... Maurice Papon.
 
Hum.
 
Laurent Joffrin a fait une très bonne émission pour France 5 voici deux ou trois ans, pour tenter d'éclaircir l'affaire du 13 mai 1958. Il concluait au complot, qu'on ne peut désigner autrement que par le nom d'un coup d'état (qui n'était pas encore "permanent" selon l'expression ultérieure de Mitterrand), mais son analyse sur le rôle joué par de Gaulle lui-même était pleine de nuances et d'intelligence, puisqu'il est apparu clairement que de Gaulle n'avait ni dirigé ni même commandité les événements qui avaient abouti à son retour au pouvoir et qui sont en quelque sorte le péché originel de la Ve république.
 
Il m'a paru utile de faire escale dans cet autre mois de mai en 8. Pourquoi ? Parce que, de mon point de vue, 1958 constitue une césure bien plus profonde dans notre histoire contemporaine que 1968. La séquence 1957-1960 constitue le point d'orgue, l'aboutissement, d'un mouvement qui a mis fin à huit mille ans de notre histoire. C'est la dernière grande vague d'exode rural, le moment à partir duquel la sève qui monte dans l'arbre France n'est plus paysanne. Les paysans vivent encore, leur société demeure, en apparence intacte, mais en fait déjà morte, puisqu'elle ne se reproduit plus chez elle, qu'elle n'aura pas de successeurs. Et se met en place le spectacle d'une paysannerie de vieux que j'ai connue encore active dans les années 1970-80, et qui, à son tour, s'éteint en ce moment.
 
Dans cette période aussi, les combattants de la Grande Guerre, qui s'était achevée quarante ans plus tôt, commencèrent à partir à la retraite, ils cessèrent de former les gros bataillons de la population active salariée.
 
Et puis en 1957, Sacha Guitry, qui avait connu tous les grands artistes de Paris quand Paris était ... Paris, Guitry donc s'éteignit aussi, comme un symbole, un vestige. Et toujours dans ce même esprit d'un temps révolu, comme 1900 mourait, comme 1914 partait à la retraite, c'était tout le XIXe siècle qui se trouvait terminé d'un coup par l'extinction (symbolique elle aussi) de la question des nationalités dans le traité de Rome instituant la communauté européenne.
 
Et puis 1958, ou 1957-60, c'est le moment où tous les chenapans de 1968 entraient au lycée. Leur culture, patiemment, montait un à un les degrès vers l'âge adulte et vers cette prise de pouvoir tonitruante qu'ils ont faite en se décrétant maoïstes.
 
Maoïstes ?
 
Maintenant, du fond de leurs fauteuils ils signent des pétitions pour la liberté du Tibet...
 
Il ne leur reste donc rien de leur maoïsme ?
 
Mais si : la bicyclette, le Vélib' ! 

00:49 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, histoire, de gaulle, ogm, 1958 | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook