Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/12/2009

Les écolos écoblanchissent-ils l'industrie nucléaire ?

Je suis allé voir hier "La Sainte-Victoire", un film assez moyen, et surtout un énième clin d'œil du sarkozysme en faveur du vote vert lors des prochaines élections régionales, la présence de Clavier, ami personnel du président, y signe l'intention élyséenne, cependant que les seuls purs du film, en contrepoint d'une gauche véreuse tenue par les intérêts économiques qui savent utiliser des moyens très en-deçà de la ceinture, sont les Verts.

Cet appui du pouvoir de l'argent à ceux qui sont supposés s'en prendre à lui est évidemment suspect. C'est donc l'occasion de réfléchir à ce que devient en ce moment l'écologie politique en France. On y trouvera, bien entendu, l'écho de l'article que j'ai écrit sur un sujet connexe.

Des liens croisés mais pas assumés avec l'industrie nucléaire

Dans les années 1970, des combats comme celui contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff, en Bretagne, ont structuré l'engagement écologique en France. Les coups d'éclat de Greenpeace contre les déchets radioactifs, et contre le site d'essais nucléaire de Mururoa (on se rappelle l'affaire du Rainbow Warrior), les réseaux emblématiques comme Sortir du Nucléaire, ont été autant de jalons sur un chemin qui se poursuit en principe aujourd'hui encore. Les mauvaises langues grinçaient évidemment que les réseaux écolos étaient sans doute financés par l'argent du pétrole, pour s'en prendre aussi invariablement au nucléaire, et aussi rarement aux installations pétrolières, qui ne sont pourtant pas moins polluantes (on le voit bien aujourd'hui).

C'est le réchauffement climatique, on le comprend bien, qui a changé la donne : face à la menace multiple de fonte des glaciers, de montée des océans, de bouleversements des écosystèmes, l'urgence absolue s'est peu à peu imposée : il faut réduire notre consommation de pétrole, un constat qui arrange bien l'industrie nucléaire.

Le vote d'une résolution au parlement européen sur les perspectives du sommet de Copenhague a été le premier signal d'alarme remarqué sur un éventuel rapprochement des écologistes et du nucléaire. En effet, un amendement de la droite a introduit la référence à l'énergie nucléaire comme solution contre le réchauffement climatique. Les Verts français, dès que cet événement a fait du bruit, ont indiqué qu'ayant eu le choix entre laisser voter sans eux une résolution sur une question qui leur tient à cœur (la motion serait même passée sans leur suffrages...) et s'y opposer alors qu'ils avaient tout fait pour qu'elle soit adoptée, ont, en conscience, préféré voter la motion incluant la référence au nucléaire.

Pris par surprise ? Peut-être.

Mais est-on surpris de trouver parmi les signataires de l'"Ultimatum climatique", plateforme médiatique en vue de Copenhague, Nicolas Hulot, et parmi les soutiens de celui-ci, l'EDF (dont le président est d'ailleurs depuis peu un proche du président Sarkozy) ? L'EDF soutient Hulot quand celui-ci, en 2007, fait signer aux trois principaux candidats à l'élection présidentielle un texte qui prévoit la taxation de l'utilisation des ressources fossiles, le pétrole au premier chef. Mais lorsque le parlement français vote ladite taxe carbone, surprise, l'EDF n'est pas taxée... Est-ce vraiment une surprise ?

Bien entendu, on pourrait observer que le tramway, grande idée des écolos français, roule à l'électricité. Il se trouve qu'Alstom, qui produit de nombreux tramways français, est installé à Valenciennes, la ville de Jean-Louis Borloo, ministre ... de l'Environnement.

Je signale au passage une anecdote : lorsqu'en l'an 2000 nous cherchions un candidat pour incarner une liste UDF aux municipales de 2001 à Paris (contre l'avis de Marielle de Sarnez qui avait déjà traité avec l'UMP ou le RPR d'alors), Borloo s'était aimablement dévoué pour venir animer un dîner dans le XIIIe arrondissement, où nous étions un nombre assez proche des 511 élus parisiens d'alors pour pouvoir prétendre avoir la base humaines des listes en question. Borloo est venu, a parlé, nous l'avons applaudi. Et puis, surprise, il n'a plus été candidat, mais, comme par hasard, le tramway a fait son apparition dans tous les programmes électoraux des municipales suivantes, et Borloo est devenu directeur de la campagne présidentielle de Bayrou en 2002, et nous, il nous a laissés en carafe, merci l'artiste. Fermons la parenthèse, on aura noté au passage la promotion de l'économie de sa ville à travers le tramway.

Copenhague : le nucléaire contre le pétrole ?

EDF, l'électricité, le nucléaire civil, voici le nucléaire militaire : le négociateur de la France au sommet de Copenhague n'est autre qu'un personnage d'ailleurs sympathique, Brice Lalonde, un ami de Borloo et ancien ministre de l'environnement comme lui. Brice Lalonde, ministre, un jour, s'est baigné dans les eaux du lagon de Mururoa pour expliquer qu'il n'y avait aucun inconvénient environnemental à avoir fait là les essais nucléaires souterrains. Il n'y a pas de meilleure façon de soutenir un lobby. Brice Lalonde est un ami du nucléaire. Et, n'en doutons pas, il saura s'en souvenir.

Car si j'en crois l'un des textes mis en lien plus haut (celui du Grappe), le protocole de Kyoto excluait formellement l'énergie nucléaire comme solution contre le réchauffement climatique. Si la question se pose de nouveau lors du sommet de Copenhague, si une entourloupe vient contraindre la France à entériner le recours au nucléaire comme moyen de lutte contre le réchauffement climatique, croyez bien que, la larme à l'œil, la France se fera une raison en ne s'opposant pas à un texte qui, certes, contredit des engagements fondamentaux de la lutte pour l'environnement, mais qui est si important par ailleurs... Snif, on en pleure déjà.

Le camp du nucléaire est donc défini, au moins pour la France (je suppose que chaque pays a ses hommes-clefs dans ce sens). Voyons celui du pétrole.

Lorsqu'a éclaté la crise de Dubaï, plusieurs voix se sont interrogées : y avait-il une menace sous-jacente des pétroliers en vue du sommet de Copenhague ? La puissance financière des états du Golfe arabo-persique est telle que ses toussotements peuvent fragiliser l'édifice convalescent de l'argent mondial.

Et puis est venue l'affaire du "Climategate", un piratage effrayant, soit dit en passant, de paquets entiers de mails privés échangés par des scientifiques spécialistes des instances les plus représentatives de la réflexion sur l'évolution du climat (l'une des source du GIEC, l'organe de réflexion mondial sur le climat). Ces mails révélaient que certains scientifiques les plus en vue du GIEC avaient l'habitude de faire ce qu'un grand poète a nommé le "mentir vrai", c'est-à-dire corriger les données pour rendre leur résultat plus spectaculaire, voire peut-être, qu'ils étaient allés jusqu'à éliminer des données importantes qui ne correspondaient pas au schéma de la théorie de la cause principalement humaine (via l'effet de serre) du réchauffement climatique constaté au XXe siècle. Et quand on a creusé dans ce "Climategate", qu'a-t-on trouvé ? du pétrole, ou plutôt la trace des pétroliers.

Nucléaire contre pétrole, le vieux débat ressurgit donc. Or tout ceci serait sans importance s'il n'y avait pas la question criante du climat.

Y a-t-il encore un doute sur l'évolution possible du climat dans les décennies prochaines ?

J'ai lu grâce au site du Point la partie présentée comme la plus cruciale du rapport du GIEC de 2007. C'est un texte très alambiqué, à tendance jargonnante, ce qui n'est pas bon signe. Je crois avoir trouvé dans ses périphrases et ses conditionnels les éléments les plus significatifs, que j'ai indiqués dans un commentaire à mon précédent article donné plus haut en lien. Je me permets de reprendre ces conclusions de lecture telles quelles :

- il y a une coïncidence étroite entre les périodes chaudes de l'histoire de la planète terre, d'une part, et le taux de certains gaz (carbone et méthane en particulier) dans l'atmosphère, d'autre part.

- or comme l'effet de serre a été démontré par un scientifique (français) voici près de deux siècles, il est logique d'établir un lien entre le réchauffement climatique rapide observé au XXe siècle et l'augmentation de la production de ces gaz par l'activité humaine dans ce même siècle et le précédent.

C'est d'ailleurs sur cette base que j'avais trouvé le film présenté par Al Gore très convaincant lorsque je l'ai vu l'an dernier.

- les observations les plus fiables sur la composition de l'atmosphère terrestre sont liées à la calotte glaciaire et ne remontent pas au-delà de 650 000 ans.

- pour les périodes antérieures, les estimations sont faites par des moyens indirects, liées notamment aux fossiles, et à la nature des faune et flore retrouvées.

- les observations prennent en compte ce qui est connu de l'évolution géologique et du rayonnement solaire.

- il y a eu dans les derniers millénaires des périodes de réchauffement parfois très vif, comme de glaciation, mais les scientifiques, compte tenu des données qu'ils utilisent, considèrent que ces poussées dans un sens ou dans l'autre doivent n'avoir pas été homogènes. Autrement dit, la température globale à la surface de la planète n'aurait pas augmenté, tandis qu'elle aurait augmenté ici et diminué là, presque par compensation. La particularité, selon eux, du réchauffement récent est d'affecter toute la planète à la fois.

Cependant, outre les très nombreuses précautions oratoires prises par les rédacteurs qui multiplient les conditionnels, il y a des circonstances importantes qui ne trouvent pas de place dans l'explication globale du climat proposée :

- il y a déjà eu, dans l'histoire terrestre, des périodes de réchauffement global aussi rapide qu'en ce moment.

- il y a déjà eu des périodes où la surconcentration de gaz à effet de serre a suivi de loin le réchauffement et ne l'a pas précédé.

- enfin, chacun qui connaît les administrations sait que les conclusions d'un rapport sont toujours faites avant qu'il ne soit rédigé.

En fait, ce qui manque à ce rapport, c'est la simple démonstration quantitative que l'effet de serre suffit à expliquer l'intensité du réchauffement climatique. Le fait que ce réchauffement ait été prédit ne me paraît finalement pas une indication suffisante en termes scientifiques, j'ai vainement cherché les chiffres preuves, ils existent sans doute.

Il faut reconnaître que la très grande unanimité des milieux scientifiques concernés ne laisse pas beaucoup de place au doute ni à l'éventualité d'une fraude massive. Et cependant, on dit que les dernières observations connues (le dernier rapport du GIEC date de 2007 sur des données forcément antérieures) pourraient contredire la théorie du réchauffement. Il y aurait donc, chez les scientifiques, une forme de réflexe pavlovien qui les conduirait à continuer à prédire le réchauffement, alors que celui-ci est un peu moins probable qu'auparavant.

Donc il n'y a pas de doute que le réchauffement a eu lieu, il y en a un petit sur sa cause et sur l'évolution future du climat. Il n'y en a pas sur la nécessité de réduire notre consommation d'énergies fossiles, et d'économies en général. Reste à partager équitablement le fardeau des économies d'énergie.

La dimension politique planétaire

Quand on a un parc de cinquante hectares, on peut créer un dépotoir personnel à un kilomètre de la maison. Ca ne se voit pas, on n'y pense pas, et le risque que cela ait un inconvénient dans les décennies proches est faible. Quand on a un jardinet de cent mètre carrés, si on y déverse les ordures de la maison, c'est sale, malsain et dangereux, ça se voit tout de suite. La promiscuité d'une humanité de plus de sept milliards d'habitants de la planète est le simple raisonnement qui démontre la nécesité de gérer mieux nos filières de vie, de production et de consommation, de changer l'organisation de notre société. Le recours au GIEC, puis au protocole de Kyoto, a eu l'inconvénient grave de fausser le raisonnement en y incluant des données géostratégiques et politiques, qui ont fait que la lutte pour le climat, au lieu d'être un outil d'amélioration du monde, est devenu un moyen d'accroître les inégalités planétaires.

C'est contre quoi les manifestants de Copenhague sont venus s'insurger publiquement en réclamant l'égalité dans la lutte pour le climat. Il faut dire que le président Obama a fait dire qu'il ne signerait pas un texte qui ne fixe pas une obligation de limite de production de gaz à effet de serre par les pays en développement. De ce fait, Copenhague risque d'être le lieu où sera figée définitivement la répartition des richesses dans le monde. Et l'Amérique réclame la part du lion.

Le fait que la Russie soit très dépendante de ses exportations de pétrole n'a bien entendu aucun rapport avec la mobilisation des États-Unis pour le climat. Le fait que les pays émergents prennent de plus en plus de parts de marché non plus. C'est évident. Nous sommes-nous trompés sur Obama ?

De l'écologie politique aux politiciens à casaque verte

Moustaki, ces jours derniers, s'est "payé" Daniel Cohn-Bendit, qu'il accuse de carriérisme. L'impression que donne l'écologie politique, en France, ces temps derniers, est en fait de s'être piquée au jeu du pouvoir. Le pouvoir est une drogue. Tous ceux qui font ou ont fait de la politique ont, à un moment ou un autre, proclamé qu'ils le faisaient pour des motifs plus grands qu'eux, pour LA cause. Hélas, sans exception, lorsqu'ils ont cédé au compromis pour obtenir le pouvoir, ils ont ensuite oublié la Cause. Le mécanisme décrit pour la gauche dans le film "La Sainte-Victoire" mentionné au début du présent article ne connaît aucune exception.

Dès lors que les écologistes "professionnels" auront, pour accéder au pouvoir, accepté le soutien de ceux dont l'activité même contredit les principes les plus intimement liés à leurs convictions, n'ayons aucun doute que, dans l'exercice du pouvoir, en cas de conflit, l'avantage ira aux soutiens financiers et non pas aux convictions affichées. C'est la règle universelle. Les Verts-EE disent vouloir la présidence de plusieurs régions, certes, mais si c'est pour gérer celles-ci comme les autres partis politiques le font, quel est l'intérêt ? Où est l'avantage ?

Aujourd'hui, c'est de bonne guerre, l'UMP applique le vieux principe de base : si j'ai plusieurs adversaires, mon intérêt est de soutenir le plus faible d'entre eux. Au nom de cette loi de la stratégie, Claude Goasguen, lors des meetings pour sauver le stade Jean Bouin, dit "Nos amis les Verts" (lui, l'ancien d'Occident). Au nom de ce même principe, L'Oréal, EDF et TF1 financent Hulot.

Au nom de ce même principe, si un vaste camion de pompier s'immobilise sur le côté de l'Assemblée Nationale après avoir dû en longer inévitablement les murs surveillés par des policiers, si ce camion prend le temps de stabiliser son assiette (grâce sans doute à des vérins), puis de déployer sa grande échelle (oh, que ça prend du temps, même pour quelques mètres), eh bien les policiers de garde à l'Assemblée, curieusement, ne vont pas voir les militants de Greenpeace avant que ceux-ci soient sur le toit de l'Assemblée, bien en vue. Et la droite va s'emporter contre d'autres militants de Greenpeace qui ont réussi à s'infiltrer dans les tribunes et qui tentent d'envahir les travées. Les vrais opposants, ce sont les Verts-EE, et non pas la vieille gauche empêtrée dans le fric, voilà l'évidence. Au nom de ce même principe, une semaine à peine après l'invasion de l'Assemblée, les cadres de Greenpeace seront reçus personnellement (et avec photos) par le président de la république. Si cela n'est pas de la pub, qu'est-ce qui le sera ?

D'un côté le soutien politique, de l'autre l'argent des consortiums, les Verts-EE ont peut-être vendu l'âme de l'écologie politique au diable. Dommage pour les petits producteurs bio, pour les ouvriers de toujours de la cause écologique, qui pourraient bien se retrouver cocus au nom des intérêts supérieurs de la conquête du pouvoir par les huiles du mouvement écologiste.

La vraie solution contre le réchauffement

Je ne suis pas un écologiste, ce n'est pas mon chemin, j'ai longtemps été favorable au nucléaire contre le pétrole, mais il me semble que ces deux moyens sont désormais également disqualifiés : ce dont nous avons besoin, ce n'est pas de l'EDF, mais que chacun puisse produire son électricité lui-même, ce qui l'incitera évidemment à en faire usage avec plus de discernement. Que les copropriétés installent des panneaux photovoltaIques sur les immeubles, que les gens en placent sur leur maison, qu'on leur prête de quoi le faire, en se remboursant sur l'énergie produite.

Il ne s'agit pas d'augmenter la production globale, mais plutôt de favoriser le bascul vers un mode de production plus sain, à échelle humaine.

C'est cette organisation-là de notre société qu'il faut repenser et révolutionner. Et cela n'a aucun rapport avec aucun vote.