13/02/2007
Au sénat, là où s'asseyait Victor Hugo.
Victor Hugo fut créé pair de France sous la monarchie de Juillet. C'est l'époque où "ver de terre amoureux d'une étoile", il se laissait tenter par les beautés blondes du régime.
C'est aussi à peu près l'époque où l'échec sonore de ses "Burgraves" (les "barbus graves" selon les critiques railleuses du temps) annonçait la fin de la période flamboyante du théâtre romantique.
C'est enfin le moment où, comble d'embourgeoisement, il fut reçu à l'Académie française (et pourtant, il écrivait enragé, mais en privé, "Les quarante fauteuils et le trône au milieu").
À cette même période se place l'une des anecdotes à la fois les plus drôles et les moins glorieuses de sa vie : il eut l'idée gourmande d'une jolie femme mariée à un autre. Il invita donc la dame en question à une conversation très privée dans un boudoir, sur un divan.
Or voici que le cocu s'offusqua de ses cornes. L'adultère, en ce temps-là, était un délit civil, certes, mais surtout un délit pénal. Le commissaire de police requis se déplaça ainsi que les témoins utiles, et voici tout ce beau monde qui fait irruption dans le boudoir.
Aussitôt, Hugo bondit comme un diable, tout échevelé et effaré, il se drappe dans son immunité parlementaire et glapit :
- Je suis le pair de France ! Je suis le pair de France !
Et, se rhabillant, il s'enfuit en criant encore :
- Je suis le pair de France !
Le lendemain, son ami Lamartine se gausse de lui à la une du "Bien public" :
- La France est élastique, on s'y relève de tout, même d'un canapé.
Hélas, l'infortunée adultère, elle, ne put échapper aux foudres de la justice. Farouche inégalité qu'Hugo ne chercha pas un instant à réparer et qui reste l'un de ses rares déshonneurs.
Heureusement, il s'est racheté depuis, ô combien.
La chambre des pairs de la monarchie de Juillet est l'actuel sénat. La place de Victor Hugo y est signalée par une plaque.
Comme la France est le pays qui compte autant de musées que de fromages (ce qui n'est pas peu dire) et autant de commémorations que de saints du calendrier, on aurait pu en faire autant pour celle de Lamartine à l'Assemblée, ou pour celle de quelques autres plumes un jour ceintes d'écharpes tricolores.
Mais Hugo reste le père de la république, à jamais pair de France et à jamais père de la république.
Et si l'on aimerait bien parfois (ne fût-ce que pour la qualité des débats qui souvent écorchent nos oreilles) voir plus de bon(ne)s écrivain(e)s hanter les bancs parlementaires, si l'on aimerait bien retrouver la diversité des esprits de la France dans un milieu devenu très uniforme, aucun, c'est sûr, ne pourra jamais dévisser la petite plaque de laiton, témoin de l'ère de Victor Hugo, que l'on trouve en examinant son pupitre dans le velours du palais du Luxembourg, à l'ombre de Marie de Médicis, quand on a la fantaisie de s'y promener.
Et en ressortant, on se rappellera que la dorure et l'embourgeoisement n'ont pas réussi à empêcher le génie d'écrire plus tard "Les Misérables". Libre.
16:30 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : histoire, auteurs | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Très jubilatoire votre billet...
J'aime surtout votre conclusion...
De toute façon les bons écrivains français ne courent pas non plus les librairies
Écrit par : Rosa | 13/02/2007
Votre conclusion à vous est pessimiste mais ... vraie.
Écrit par : Hervé Torchet | 13/02/2007
Mr Torchet, j'aime bcp votre style littéraire et je tenais à vous le dire... Je soutiens Quitterie Delmas dans sa conquête législative. @bientôt
voici mon email: michael.sotto@hotmail.fr
Écrit par : Michaël | 13/02/2007
Mr Torchet accepteriez vous de lire un premier jet ddes deux premiers chapitres de mon roman?
Écrit par : Michaël | 13/02/2007
Merci de votre visite et de vos compliments.
Écrit par : Hervé Torchet | 13/02/2007
Je vous indique mon adresse sur votre BAL.
Écrit par : Hervé Torchet | 13/02/2007
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