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26/03/2007

Pauvre Corneille.

Pierre Corneille, j'adore.

Ses trois principales tragédies, "Le Cid", "Horace" et ... (laquelle, déjà ?), sont des sommets que j'escalade avec délectation.

J'ai déjà oublié pourquoi on avait été si discret à célébrer l'an dernier le quatrième centenaire de sa naissance. Détail : ces stupidités politiques passent, le talent reste.

Ah, le "va, je ne te hais point", la tirade d'Horace sur la grandeur du combat et sa réponse de Curiace ("Nous serons les miroirs d'une vertu bien rare, Mais votre fermeté tient un peu du barbare..."), ce sont des morceaux que j'aimerais avoir écrits.

Corneille est un élève des Jésuites. Son vers célèbre d'"Horace" ("Rome, unique objet de mon ressentiment") est-il la trace chez lui de ce qui fera plus tard l'anticléricalisme de Voltaire, autre élève des fils de Loyola ?

Corneille est un Normand. Comme Flaubert et Maupassant, il glisse autant de réalité que possible dans ses oeuvres.

Corneille est un auteur puissant, puis un auteur décadent, et enfin un auteur trop vieux.

Puissant, il l'est jusqu'à l'extrême dans Horace et le Cid. Le verbe y est percutant et l'action débridée. L'épopée y affleure à tout instant ("nous partîmes cinq cents et par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port" dit autant avec aussi peu de mots que certains vers de la "Legende des Siècles" de Victor Hugo).

C'est notre plume la plus énergique avant Hugo. Corneille cultive d'ailleurs la force et c'est ce qui l'a rendu récemment suspect de je ne sais quel crime intellectuel dont les nouveaux inquisiteurs sont friands.

Au faîte de sa gloire, il peut protéger le retour de Molière à Paris. C'est l'époque où il courtise la Du Parc avec les vers les plus maladroits de tout notre arsenal galant (chantés par Brassens, qui leur a inventé une réponse cocasse) :

"Marquise, si mon visage
Vous paraît un peu vieux
Dites-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux".

Décadent, il le devient presque dès l'apparition de Racine, son cadet d'une génération entière.

Trop vieux, il l'est à la soixantaine. C'est l'époque où la jeune équipe de Boileau le pousse vers la retraite. En 1666 et 1667, Corneille produit successivement deux pièces : "Agésilas" et "Attila". Boileau s'écrie : "Après l'Agésilas, hélas ; mais après l'Attila, holà !". C'est le four.

Or Corneille s'éternise. On a prétendu qu'il collaborait avec Molière, avec lequel il avait fait alliance quelques années plus tôt. On a dit aussi qu'il s'était soumis à la censure linguistique de Boileau comme Molière, Racine et La Fontaine.

Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'au bout de cette trop longue agonie artistique, c'est tout de même Boileau qui intervient auprès de Louis XIV pour obtenir une pension au vieux maître aux abois. Coup de pied de l'âne ? Peut-être.

Mais Corneille, en mourant en 1684, peut en tout cas songer que son Cid, pourtant inspiré d'une pièce espagnole, traversera les siècles et les océans. La postérité le vengera.

Or la postérité et le public sont deux consolations inusables pour les gens de théâtre et de littérature.

21:15 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Polyeucte ? (proposition de réponse à "laquelle, déjà ?")

Écrit par : fuligineuse | 28/03/2007

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