15/08/2007
Urbanisme rurbain : l’oubli de la leçon d’Haussmann ?
On constate dans nos campagnes depuis déjà un certain nombre d’années un phénomène d’urbanisation molle qu’on nomme la rurbanisation. Fait de maisons individuelles regroupées en lotissements, il est le phénomène d’agglomération de notre époque.
En Bretagne, il ne s’est pas développé uniformément. Depuis plus d’une décennie, en retard sur d’autres parties de ce territoire, il couvre toute la périphérie quimpéroise, en particulier dans la zone qui sépare Quimper de l’océan.
L’apparition de cette nouvelle population déséquilibre les communautés villageoises anciennes et crée de nouveaux besoins et de nouveaux services. Comme elle se combine avec une urbanisation de résidences secondaires, elle produit des effets considérables et spéciaux en été, lorsque les estivants viennent y grossir les effectifs résidentiels.
Certes, la saison est courte. Cette année, elle n’aura été sensible que lors de la première quinzaine d’août : juillet, froid, pluvieux, fut un désert. Septembre, en principe, proposera une arrière-saison qu’un autre tourisme animera, moins nombreux.
Ces jours-ci, les Belges, Allemands, Franciliens, Nordistes, gens de toutes parts, sont bien là et les routes deviennent des chapelets de pare-chocs embués de vapeurs d’essence, pas encore comme à Biarritz ou à Saint-Tropez, mais tout de même, ça se développe.
Et je suis frappé de constater que ces bouchons qui s’étirent sur des kilomètres n’ont aucune raison d’être ; ils n’ont qu’une cause : la concentration du trafic.
C’est que pour se rendre d’un endroit à un autre, il ne peut être question de trouver un raccourci dans les lotissements : on les a fermés sur eux-mêmes, aucune route ne les traverse en général, ils forment des épis de culs-de-sacs. On constitue donc patiemment, une par une, des communautés autistes, ouvertes par une seule fenêtre sur le monde, calmes c’est vrai, de ce calme très particulier que connaissent les villages isolés, lointains, blottis sur des pentes escarpées et désolées.
Disons simplement que ces lotissements sont des isolats. On est en train, grappe par grappe, groupe par groupe, d’enclaver des populations entières, de les enclaver là où il serait simple de les intégrer car il n’existe aucune raison de les cloisonner.
On doit réfléchir sur ce choix d’urbanisme que je juge personnellement dangereux à terme. On peut en tout cas mesurer de jour en jour à quel point il est absurde pour la fluidité du trafic. Qu’on ne m’objecte pas que c’est destiné à promouvoir les transports en commun en obstruant le passage des véhicules individuels : dans ce genre d’agglomérations, les transports en commun ne sont pas réalistes : la densité de population y est insuffisante pour une rentabilité minimale d’un mode de transport autre qu’individuel, du moins à court-moyen terme. La voiture a ici encore de beaux jours devant elle.
En somme, la situation est, en surface, d’une absurde concentration du trafic et, en profondeur, d’une régression historique qui fait reconstituer partout des cités qui ressemblent à ce qu’était le Paris d’avant Haussmann : un dédale obscur, charmant parfois, malcommode souvent, en tout cas générateur de sociétés murées. On doit y voir l’incurable résurgence d’un tempérament national, celui des Gaulois qui n’aimaient ni les lignes droites ni les trajets simples et auxquels le goût romain des routes rectilignes et des plans orthogonaux parut une simplification hérétique. Je sais que la notion de progrès est relative mais, en ce domaine, j’y crois, et il est dans le camp des Romains, dans le camp d’Haussmann.
N’oublions pas de relier entre elles les cellules humaines ; comme le dirait Quitterie Delmas, n’oublions pas de jeter des passerelles entre les êtres humains.
En Bretagne, il ne s’est pas développé uniformément. Depuis plus d’une décennie, en retard sur d’autres parties de ce territoire, il couvre toute la périphérie quimpéroise, en particulier dans la zone qui sépare Quimper de l’océan.
L’apparition de cette nouvelle population déséquilibre les communautés villageoises anciennes et crée de nouveaux besoins et de nouveaux services. Comme elle se combine avec une urbanisation de résidences secondaires, elle produit des effets considérables et spéciaux en été, lorsque les estivants viennent y grossir les effectifs résidentiels.
Certes, la saison est courte. Cette année, elle n’aura été sensible que lors de la première quinzaine d’août : juillet, froid, pluvieux, fut un désert. Septembre, en principe, proposera une arrière-saison qu’un autre tourisme animera, moins nombreux.
Ces jours-ci, les Belges, Allemands, Franciliens, Nordistes, gens de toutes parts, sont bien là et les routes deviennent des chapelets de pare-chocs embués de vapeurs d’essence, pas encore comme à Biarritz ou à Saint-Tropez, mais tout de même, ça se développe.
Et je suis frappé de constater que ces bouchons qui s’étirent sur des kilomètres n’ont aucune raison d’être ; ils n’ont qu’une cause : la concentration du trafic.
C’est que pour se rendre d’un endroit à un autre, il ne peut être question de trouver un raccourci dans les lotissements : on les a fermés sur eux-mêmes, aucune route ne les traverse en général, ils forment des épis de culs-de-sacs. On constitue donc patiemment, une par une, des communautés autistes, ouvertes par une seule fenêtre sur le monde, calmes c’est vrai, de ce calme très particulier que connaissent les villages isolés, lointains, blottis sur des pentes escarpées et désolées.
Disons simplement que ces lotissements sont des isolats. On est en train, grappe par grappe, groupe par groupe, d’enclaver des populations entières, de les enclaver là où il serait simple de les intégrer car il n’existe aucune raison de les cloisonner.
On doit réfléchir sur ce choix d’urbanisme que je juge personnellement dangereux à terme. On peut en tout cas mesurer de jour en jour à quel point il est absurde pour la fluidité du trafic. Qu’on ne m’objecte pas que c’est destiné à promouvoir les transports en commun en obstruant le passage des véhicules individuels : dans ce genre d’agglomérations, les transports en commun ne sont pas réalistes : la densité de population y est insuffisante pour une rentabilité minimale d’un mode de transport autre qu’individuel, du moins à court-moyen terme. La voiture a ici encore de beaux jours devant elle.
En somme, la situation est, en surface, d’une absurde concentration du trafic et, en profondeur, d’une régression historique qui fait reconstituer partout des cités qui ressemblent à ce qu’était le Paris d’avant Haussmann : un dédale obscur, charmant parfois, malcommode souvent, en tout cas générateur de sociétés murées. On doit y voir l’incurable résurgence d’un tempérament national, celui des Gaulois qui n’aimaient ni les lignes droites ni les trajets simples et auxquels le goût romain des routes rectilignes et des plans orthogonaux parut une simplification hérétique. Je sais que la notion de progrès est relative mais, en ce domaine, j’y crois, et il est dans le camp des Romains, dans le camp d’Haussmann.
N’oublions pas de relier entre elles les cellules humaines ; comme le dirait Quitterie Delmas, n’oublions pas de jeter des passerelles entre les êtres humains.
16:52 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, urbanisme, histoire | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Bonjour Hervé,
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette note.
Comme tu le sais, l'urbanisme m'a toujours préoccupé puisque je suis universitairement et professionnellement parlant ce que l'on appelle un "urbaniste".
Je suis complétement d'accord avec ton propos lorsque tu dénonces le "non sens" des lotissements qui fleurissent aux frontières de nos communes petites ou grandes. Cette erreur urbaine s'est amplifiée dans les années 70. En son temps, Lecorbusier a dénoncé cette hérésie urbaine : je te conseille la lecture "des trois établissements humains".
Ce qu'il y a de plus grave dans cet urbanisme c'est l'influence directe qu'il peut avoir sur l'être humain. Je suis de ceux qui pense que l'environnement urbain joue directement sur le développement de l'individu par conséquent sur ses rapports avec l'autre. Tout se paye casch = émeutes de 2005.
Au delà de la fonction "HABITER" l'habitat et son environnement ont depuis toujours eu un rôle civilisationnel. Aujourd'hui, celui-ci doit impérativement prendre le virage du développement durable mais il faut pour cela que les décideurs politiques et financiers prennent pleinement conscience des conséquences de leurs choix (action = réaction - loi fondamentale de la physique).
- Clein d'oeil à Haussmann, attention à sa vision militaire et politique de la ville.
Je t'informe que je viens de mettre en référence ton blog sur le mien.
Mes amitiés centristes.
David
Écrit par : David Bourgeois | 15/08/2007
@ David
Merci, heureux que nos analyses convergent ; je recomposerai ma page en rentrant à Paris et placerai le lien avec ton blog.
Écrit par : Hervé Torchet | 21/08/2007
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