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16/08/2007

France/USA : je t’aime, moi non plus ?

« Le voyage de M. Perrichont » semble fournir une explication toute prête à la difficulté des relations qu’entretiennent la France et les Etats-Unis d’Amérique depuis plus de deux cents ans : nous adorons toujours les gens à qui nous avons rendu service, parce que nous y trouvons occasion de vanité et d’autosatisfaction, tandis que nous ne pardonnons jamais à ceux qui nous ont aidé et dont la simple idée réveille la détresse que l’on a subie avant leur secours et l’humiliation que représente la situation de secouru.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Français sont partagés entre un réflexe d’ingratitude et une admiration envieuse quand ils pensent à l’Amérique. Sardou chante « Si les Ricains n’étaient pas là, vous seriez tous en Germanie » cependant qu’on entend partout décrier l’arrogance et l’hégémonisme américains. On chante Lafayette, on déplore qu’il n’ait pas accepté l’offre qui lui était faite de l’adoption du français comme langue officielle des Etats-Unis naissants, et pourtant on regrette que Napoléon ait vendu la Louisiane. On s’inquiète de l’invasion de nos anciennes colonies africaines par les intérêts américains, cependant qu’on trouve plus chic de jargonner dans un sabir d’anglais qui n’est même pas le langage bizarre qu’utilisent les institutions internationales en guise de langue de Shakespeare. Bref, la France marche à côté de ses chaussures dès qu’il est question de l’Amérique, à peu près de la même façon qu’autrefois de l’Angleterre.

Au milieu de ces contradictions, quelques moments se détachent. Parmi ceux-ci, la séance du Conseil de Sécurité des Nations-Unies où, en 2003, la France opposa son véto à l’emploi de la force internationale pour achever le régime moribond du vieux dictateur Saddam Hussein.

Ce fut l’heure de gloire de Dominique de Villepin, son quart d’heure de célébrité. Et la France quasi-unanime approuva le choix qu’il exprima alors au nom du président Chirac : nous savions que les arguments employés par l’administration Bush pour justifier l’intervention en Irak n’étaient que des mensonges, comme cela fut avoué depuis lors par plusieurs des intéressés américains eux-mêmes.

J’ai moi-même approuvé la décision de refuser la collaboration au mensonge.

Pourtant, une erreur capitale a été commise par notre ministre des Affaires étrangères ce jour-là : il n’a pas tenté de s’adresser au peuple américain, ou plutôt, il a donné l’impression que le peuple français était désormais hostile au peuple américain, en n’employant aucune des nuances indispensables pour dissocier la nation américaine de ses dirigeants.

Cette faute n’est pas apparue à beaucoup. Pourtant, dans les conversations privées, on entendait presque toujours ce distinguo.

Or c’est cette erreur qui a occasionné les réflexes anti-français aux Etats-Unis à l’époque.

On voit bien que c’est pour remédier à cet inconvénient la stratégie du président Sarkozy, ces derniers jours, a plus visé l’opinion publique américaine que les autorités actuelles des Etats-Unis. Bien sûr, il a aussi remercié ses commanditaires, mais il a véritablement fait un effort pour rappeler en France les supposées hordes de touristes américains capables de consommer nos illustres produits de toutes natures ; et, outre-Atlantique même, d’encourager le retour aux produits français. En somme, le but est de contribuer pour quelques fractions de point supplémentaires à la croissance du PIB français.

Pourquoi pas, après tout ? Peut-on critiquer un effort qui semble louable ?

Oui.

Oui, car il a trente ans de retard. Encourager la consommation américaine de productions françaises comme si l’affaire de 2003 était seule cause de son ralentissement est une erreur : dès avant le 11 septembre 2001, les Américains venaient moins nombreux en France et notre part de marché en Amérique même se comprimait. Pour une cause politique ? Pas du tout : parce que l’Amérique évolue, que ses priorités changent, certes (ce qui pourrait se corriger), mais aussi et surtout parce que les Etats-Unis, tout puissants qu’ils demeurent, ne sont pas un pays en bonne santé. La croissance économique y est, depuis près d’une décennie, artificielle.

Par conséquent, jouer les VRP de luxe en Nouvelle-Angleterre est une erreur d’analyse. Certes, il n’est pas mauvais de rappeler que les Français n’ont jamais détesté collectivement les citoyens américains, mais outre que c’est au prix du rapprochement avec une administration discréditée dans sa propre population, c’est surtout un formidable coup d’épée dans l’eau : ce n’est pas comme ça que l’on pourra relancer la production française.

L’enfer est pavé de bonnes intentions. On croyait que jamais le nom de Sarkozy ne pourrait rejoindre le nombre de celles-ci. Eh bien, tout arrive…

Voici donc que s’éloigne la perspective d’un point supplémentaire de croissance pour notre pays. Le chiffre très faible annoncé mardi pour la croissance du PIB au deuxième trimestre fait douter qu’il y ait jamais eu d’effet Sarkozy sur le moral des ménages et sur le dynamisme de l’économie. Demain, à cet égard, ressemblera fort à hier. Avis de tempête pour l’UMP et ses valets.

Commentaires

Excellente analyse Hervé !

Écrit par : Laurent | 16/08/2007

Trés bonne analyse avec une réserve sur la fin, je pense que la croissance de notre pays et sa santé économique passe d'abord par ses partenaires européens avant de passer par celle des américains.

De toute évidence, la croissance est en berne et la crise boursière ne va pas améliorer les choses.

Il risque, en effet, d'y avoir des difficultés économique et sociale.

On verra si les mesures nouvellement mises en place auront un effet positif, ce dont je doute.

Cordialement.

Écrit par : Guillaume A | 16/08/2007

Attention, vouloir faire de la France une réplique des USA façon années 60 serait une grossière erreur politique surtout que nous n'avons ni de Hoover, ni de Kessinger à la française pour tenir le pays.

Aujourd'hui les states payent cash en dollars les choix d'hier.

Écrit par : David Bourgeois | 16/08/2007

Je ne suis pas tout à fait en accord avec le début de ton analyse.

L'anti américanisme chez les intellectuels français prend corps à travers les réflexions sur le consumérisme, le libéralisme et la médiatisation des sociétés occidentales, dont les Etats-Unis sont le parfait exemple décomplexé et non sur une ingratitude de secouru. Chez les historiens sur des réserves quand au traitement réservé aux territoires et peuples secourus (bombardements inutiles de certaines villes). Chez les scientifiques sur leur usage de la bombe atomique et de technologies qui pourraient être la fin de l'homme. Chez les politiques sur leur volonté d'hégémonie. Ce qui n'empêchait d'ailleurs pas nos intellectuels de porter aux nues la culture underground américaine, nos scientifiques de partir travailler dans des labos américains, aux historiens de les encenser comme alliés historiques.

Cependant, dans la population française dans sa grande majorité, l'anti-américanisme était loin d'être une pensée majoritaire. Le modèle américain étendait son influence dans la musique, le design, le cinéma, la nourriture, la mode... dans de nombreux domaines de la culture populaire. J'ai organisé il y a pas mal d'années, le pôle culturel intitulé "style des années 40, de la paix à la paix" du cinquantenaire du débarquement en Normandie. L'influence et l'imagerie américaine était présente dans tous les domaines.

Pour le reste de ton analyse je la trouve remarquable.

Écrit par : Nef | 17/08/2007

Les commentaires sont fermés.