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31/10/2007

"Chat et souris" de Ray Cooney : pleurer de rire.

Le théâtre de la Michodière, à Paris, près de l'Opéra, a été aménagé dans les années 1920. Il était comme le second domicile de l'auteur Édouard Bourdet. On y créait aussi du Guitry et des pièces d'un auteur dont le nom n'est conservé (avec d'ailleurs étonnement) que par ceux qui se souviennent d'"Au théâtre ce soir" : Louis Verneuil. Pierre Fresnay y a joué en compagnie d'Yvonne Printemps qui avait quitté Guitry pour lui. Tout le boulevard a défilé là depuis près de quatre-vingts ans (et même avant en vérité).
 
J'arrive en avance. Il y a, en guise de barmaid, une jolie jeune femme, l'air méditerranéen, le teint chaud, de très longs cheveux bouclés et blondis, une poitrine opulente (un peu trop), de longues mains et le regard entreprenant. En commandant un Perrier sage, j'apprends qu'elle vient de sortir de l'école de théâtre de la Ville de Paris. On voyait bien qu'elle était trop mignonne pour vouloir devenir barmaid de théâtre. Elle fait un bruit de théâtre en comptant des Euros, elle fait tinter des pièces de monnaie qui, dans un théâtre, son forcément des pièces de théâtre... Et cette jeune femme qui jongle avec des pièces de théâtre,c'est beau.
 
Je l'interroge sur ses goûts, elle répond qu'elle n'est pas en situation de faire la difficile. Des castings ? Son agent lui en propose, mais pas assez pour son goût. Elle va en demander plus. Elle est décidément très jolie, avec une fossette au menton, et n'aura aucun mal à se caser.
 
Il est temps que je gagne ma place. Sur un coup de tête, à cinq heures, j'ai appelé : restait-il des places ? Deux, me disait la fille au téléphone : une au deuxième balcon (donc tout en haut, au poulailler) à 8 Euros, et l'autre, à l'orchestre, pour 44 Euros, mais au premier rang. Diable, au premier rang ! Tant pis, j'accepte.
 
Or ma place est non seulement au premier rang mais au milieu du premier rang, je suis sur les genoux des acteurs (ou presque). J'éteins mon portable, la musique commence, la lumière baisse et le rideau se lève. 
 
Internet, c'est bien connu, est l'antre des pervers sexuels ; ce lieu-commun va permettre à un bigame de (espère-t-il) éviter que le fils et la fille qu'il a eus avec ses deux femmes ne se rencontrent, ne dévoilent sa double vie et, finalement, ne couchent ensemble. Bien entendu, ils se sont découverts par Internet, habitent l'un à Ivry, l'autre à Montreuil (le père est chauffeur de taxi, ce doit être rudement rentable pour payer tout ça) et se sont rapprochés parce qu'ils portent le même patronyme (Martin), parce que leurs pères respectifs se prénomment Jean et qu'ils sont tous les deux taxis. Ébahis par tant de coïncidences mais ne soupçonnant rien, les deux naïfs tourtereaux internautes, âgés de 16 et 15 ans, doivent se rencontrer aujourd'hui chez sa mère à elle. Et le double père va tout faire pour éviter le pire.
 
Dans le domaine du vaudeville, Francis Perrin et Jean-Luc Moreau sont des rolls. La pièce est admirable de tout ce qu'ils ont ôté à son texte pour le remplacer par la magie de l'acteur.
 
J'ai toujours pensé qu'un acteur comique était quelqu'un qui devait jouir de connaître le secret des tours, comme un prestidigitateur. Il sait, lui, le carton-pâte, les coulisses poussiéreuses, le mince couloir qui sépare le décor du mur, bref, le dessous des cartes, et tout son rôle consiste dans l'illusion. C'est un magicien. Et vraiment, on peut remercier les acteurs et les comédiens de tant de talent, de tant d'efforts, de bonds, de sursauts, de gestes millimétrés, de sueur, car rire est un plaisir sans limite.
 
Et ce ballet classique des portes qui claquent en rythme, des acteurs qui plongent sous des canapés ou dans des placards, ces gestes évasifs, ces regards perdus, cette mauvaise foi inusable, ces mensonges entassés sans ménagement, tout cela fait un spectacle hilarant. Le public pleure de rire de la première à la dernière minute. Aux dires d'une actrice avec qui j'ai bu un verre après, ce week-end, les gens se croyaient à guignol, hurlaient, criaient "hou... hou...!" Ce soir était plus calme, juste un océan de rire. Mais grisés par leur extravagant week-end et revenant de leur jour de repos, les acteurs ont trouvé la salle moins bonne et poussive. Assis à ma place, ils l'auraient trouvée délirante ; tout est relatif.
 
Les deux actrices qui accompagnent les comédiens que je viens de citer sont parfaites. Bunny Godillot était jeune première voici trente ans à l'époque d'"Au théâtre ce soir" et a joué bien des pièces pour la télévision.
 
Cécile Magnet préfère en général des sujets plus graves et des spectacles plus ambitieux. Je la connais depuis qu'elle était étudiante dans la classe de Michel Bouquet au Conservatoire. Elle a joué avec éclectisme "le garçon d'appartement" de Lauzier en 1981, puis "Vive les femme" d'après Reiser, a fait une série pour la télévision ("Hôtel de Police" où ele a succédé à Corinne Touzet), puis des téléfilms, notamment un Jeanne d'Arc de très bonne tenue qui s'appuyait sur les minutes du procès de la Pucelle (qu'elle interprétait), elle a hélas été choisie pour un "François Villon" fleuve qui l'a éloignée pour un très long tournage mais qui n'a finalement jamais été diffusé. Elle a joué Frédérick pendant huit mois avec Belmondo et une pièce beaucoup plus grave sur les hormones de croissance et quelques mauvaises actions de politiques, voici quelques années au théâtre Hébertot. Elle fait par ailleurs des choses de plus en plus ambitieuses qui réclament la nourriture du "boulevard".
 
La jeune première se nomme Huet des Aunay. J'ai oublié son prénom. Une blonde absolument ravissante, tendre à souhait, de grands yeux bleus, de jolies jambes sous sa minijupe, et un jeu entièrement juste. On l'enlèverait avant le troisième acte. Elle est confrontée à un jeune premier un peu grimaçant. Un faux vieillard acrobate couronne le tout et ça tonitrue de bout en bout. Rire devrait être remboursé par la Sécu.

01:25 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Cher Hervé,

De tels billets sont un délice : ils me projettent au coeur de l'action d'une pièce de théâtre dont vous nous dites l'essentiel et dont je perçois sans peine le comique de situation ; et en même temps je fantasme sur la poitrine de X*** et les jambes de Murielle Huet des Auny.... La lecture est ainsi plus chargée d'émotion que le spectacle lui même et, au surplus, elle ne coûte rien, ni argent, ni fatigue... Pour un provincial comme moi, quelle chance !

Bien cordialement

Écrit par : André-Yves Bourgès | 31/10/2007

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