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23/04/2008

"Je rêve" et "La fleur à la bouche" : Pirandello.

Luigi Pirandello est l'un des auteurs les plus acides, et même les plus amers, de tout le théâtre italien. Il eut une vie plutôt malheureuse, du moins sa vie personnelle, et il semble parfois qu'il ait fait payer ses malheurs à ses personnages.
 
Les deux pièces rassemblées au petit théâtre Le Funambule de Montmartre, à l'angle de la rue des Saules et de de la rue Francoeur, sont traversées de la même inquiétude sur le rapport des hommes et des femmes et sur la nature des femmes prises en général. Personne n'est vraiment gâté, personne n'est beau, personne n'a de chance, il n'existe qu'une vie au fond accablante. C'est la conclusion qui sert de trame à cette assemblage.
 
Heureusement, le spectacle est moins morose.
 
Il se déroule sur une scène étroite, enveloppée de rideaux rouges et noirs qui évoquent le théâtre de guignol et qui confère un aspect velouté aux deux actes (un par pièce) qui s'y jouent.
 
Églantine Guittard est à l'origine du projet. Jeune actrice d'origine en partie italienne, elle aurait voulu traduire elle-même la pièce, mais outre que Pirandello écrivait en sicilien, il est encore sous exclusivité chez Gallimard. Elle a donc pris la traduction Gallimard et a bien fait, car la traduction est extrêmement élégante.
 
Elle s'est en tout cas placée elle-même dans l'écrin de cette scène dépouillée, posée sur un canapé noir, dès la première lueur du spectacle.
 
On s'attendrait presque à la découvrir en chemise de nuit, tant le début de la première pièce est empreint de sensualité et tout tiède de l'odeur des draps d'un couple qui se donne entièrement à la passion amoureuse. Il y a quelque chose de torride dans les deux ou trois courtes premières scènes qui pourraient même bénéficier d'un éclairage rougeoyant de crépuscule pour en renforcer la moiteur. Cela étant, le message passe tel quel.
 
Ensuite se produit la métamorphose : cette femme qui aime se révèle (à elle-même également) au fond plus attachée aux choses matérielles qu'à celles du coeur. Il suffit d'un beau collier de perles dans une vitrine et d'un ancien amant qui rentre du lointain, les poches pleines, pour changer tout et briser l'éphémère engouement amoureux.
 
On a envie de penser, à cet instant, que Pirandello est profondément misogyne.
 
Et cette impression est renforcée par la très habile transition qui conduit à la deuxième pièce, laquelle commence par une diatribe assez virulente contre la nature féminine (envisagée, là encore, comme une généralité).
 
Mais justement, le propos de cette deuxième pièce est tout autre et révèle à son tour la vraie raison de l'agacement de Pirandello contre les femmes : la maladie de la sienne, la douleur qu'on ne veut pas infliger comme si elle était contagieuse, un mélange de folie et de délicatesse qui se dégage de cette deuxième partie du spectacle.
 
Ludovic Schoendoerffer trouve là - et de loin - le meilleur rôle dans lequel je l'aie vu jusqu'ici.
 
Et pourtant, je les ai tous vus.
 
Il faut dire que c'est mon cousin, mon copain d'enfance. Son premier rôle, il l'a joué dans un spectacle de magie qu'on a fait ensemble quand j'avais dix ans...
 
Je l'ai vu dans une adaptation des "Lettres Persanes" de Montesquieu, puis au cinéma dans des films de son père (Le Crabe Tambour qui lui est dédié et où il a dix ans, Dien Bien Phu) et de son frère (Agents secrets, Truands). Je l'ai vu dans des films de Mocky, dans Demon Lover d'Olivier Assayas (pour lequel il a monté les marches du festival de Cannes), dans Le Frère du Guerrier de Jolivet avec Vincent Lindon. Eh bien, c'est la première fois que je le vois comme ça. Un acteur est né.
 
Shakespearien, trouvant l'ambiguïté d'un Docteur Knock, la démence vénéneuse d'un Taxi Driver adepte du soliloque, quelque chose de flamboyant et d'inquiétant, le regard égaré et décidé, le geste sûr, le ricanement effrayant, il tient son personnage et, après avoir goûté l'orange amère avec Églantine Guittard, on essuie le gros grain d'une tempête tropicale avec Ludovic Schoendoerffer. On en ressort décoiffé et heureux, avec l'envie d'y retourner.

31/10/2007

"Chat et souris" de Ray Cooney : pleurer de rire.

Le théâtre de la Michodière, à Paris, près de l'Opéra, a été aménagé dans les années 1920. Il était comme le second domicile de l'auteur Édouard Bourdet. On y créait aussi du Guitry et des pièces d'un auteur dont le nom n'est conservé (avec d'ailleurs étonnement) que par ceux qui se souviennent d'"Au théâtre ce soir" : Louis Verneuil. Pierre Fresnay y a joué en compagnie d'Yvonne Printemps qui avait quitté Guitry pour lui. Tout le boulevard a défilé là depuis près de quatre-vingts ans (et même avant en vérité).
 
J'arrive en avance. Il y a, en guise de barmaid, une jolie jeune femme, l'air méditerranéen, le teint chaud, de très longs cheveux bouclés et blondis, une poitrine opulente (un peu trop), de longues mains et le regard entreprenant. En commandant un Perrier sage, j'apprends qu'elle vient de sortir de l'école de théâtre de la Ville de Paris. On voyait bien qu'elle était trop mignonne pour vouloir devenir barmaid de théâtre. Elle fait un bruit de théâtre en comptant des Euros, elle fait tinter des pièces de monnaie qui, dans un théâtre, son forcément des pièces de théâtre... Et cette jeune femme qui jongle avec des pièces de théâtre,c'est beau.
 
Je l'interroge sur ses goûts, elle répond qu'elle n'est pas en situation de faire la difficile. Des castings ? Son agent lui en propose, mais pas assez pour son goût. Elle va en demander plus. Elle est décidément très jolie, avec une fossette au menton, et n'aura aucun mal à se caser.
 
Il est temps que je gagne ma place. Sur un coup de tête, à cinq heures, j'ai appelé : restait-il des places ? Deux, me disait la fille au téléphone : une au deuxième balcon (donc tout en haut, au poulailler) à 8 Euros, et l'autre, à l'orchestre, pour 44 Euros, mais au premier rang. Diable, au premier rang ! Tant pis, j'accepte.
 
Or ma place est non seulement au premier rang mais au milieu du premier rang, je suis sur les genoux des acteurs (ou presque). J'éteins mon portable, la musique commence, la lumière baisse et le rideau se lève. 
 
Internet, c'est bien connu, est l'antre des pervers sexuels ; ce lieu-commun va permettre à un bigame de (espère-t-il) éviter que le fils et la fille qu'il a eus avec ses deux femmes ne se rencontrent, ne dévoilent sa double vie et, finalement, ne couchent ensemble. Bien entendu, ils se sont découverts par Internet, habitent l'un à Ivry, l'autre à Montreuil (le père est chauffeur de taxi, ce doit être rudement rentable pour payer tout ça) et se sont rapprochés parce qu'ils portent le même patronyme (Martin), parce que leurs pères respectifs se prénomment Jean et qu'ils sont tous les deux taxis. Ébahis par tant de coïncidences mais ne soupçonnant rien, les deux naïfs tourtereaux internautes, âgés de 16 et 15 ans, doivent se rencontrer aujourd'hui chez sa mère à elle. Et le double père va tout faire pour éviter le pire.
 
Dans le domaine du vaudeville, Francis Perrin et Jean-Luc Moreau sont des rolls. La pièce est admirable de tout ce qu'ils ont ôté à son texte pour le remplacer par la magie de l'acteur.
 
J'ai toujours pensé qu'un acteur comique était quelqu'un qui devait jouir de connaître le secret des tours, comme un prestidigitateur. Il sait, lui, le carton-pâte, les coulisses poussiéreuses, le mince couloir qui sépare le décor du mur, bref, le dessous des cartes, et tout son rôle consiste dans l'illusion. C'est un magicien. Et vraiment, on peut remercier les acteurs et les comédiens de tant de talent, de tant d'efforts, de bonds, de sursauts, de gestes millimétrés, de sueur, car rire est un plaisir sans limite.
 
Et ce ballet classique des portes qui claquent en rythme, des acteurs qui plongent sous des canapés ou dans des placards, ces gestes évasifs, ces regards perdus, cette mauvaise foi inusable, ces mensonges entassés sans ménagement, tout cela fait un spectacle hilarant. Le public pleure de rire de la première à la dernière minute. Aux dires d'une actrice avec qui j'ai bu un verre après, ce week-end, les gens se croyaient à guignol, hurlaient, criaient "hou... hou...!" Ce soir était plus calme, juste un océan de rire. Mais grisés par leur extravagant week-end et revenant de leur jour de repos, les acteurs ont trouvé la salle moins bonne et poussive. Assis à ma place, ils l'auraient trouvée délirante ; tout est relatif.
 
Les deux actrices qui accompagnent les comédiens que je viens de citer sont parfaites. Bunny Godillot était jeune première voici trente ans à l'époque d'"Au théâtre ce soir" et a joué bien des pièces pour la télévision.
 
Cécile Magnet préfère en général des sujets plus graves et des spectacles plus ambitieux. Je la connais depuis qu'elle était étudiante dans la classe de Michel Bouquet au Conservatoire. Elle a joué avec éclectisme "le garçon d'appartement" de Lauzier en 1981, puis "Vive les femme" d'après Reiser, a fait une série pour la télévision ("Hôtel de Police" où ele a succédé à Corinne Touzet), puis des téléfilms, notamment un Jeanne d'Arc de très bonne tenue qui s'appuyait sur les minutes du procès de la Pucelle (qu'elle interprétait), elle a hélas été choisie pour un "François Villon" fleuve qui l'a éloignée pour un très long tournage mais qui n'a finalement jamais été diffusé. Elle a joué Frédérick pendant huit mois avec Belmondo et une pièce beaucoup plus grave sur les hormones de croissance et quelques mauvaises actions de politiques, voici quelques années au théâtre Hébertot. Elle fait par ailleurs des choses de plus en plus ambitieuses qui réclament la nourriture du "boulevard".
 
La jeune première se nomme Huet des Aunay. J'ai oublié son prénom. Une blonde absolument ravissante, tendre à souhait, de grands yeux bleus, de jolies jambes sous sa minijupe, et un jeu entièrement juste. On l'enlèverait avant le troisième acte. Elle est confrontée à un jeune premier un peu grimaçant. Un faux vieillard acrobate couronne le tout et ça tonitrue de bout en bout. Rire devrait être remboursé par la Sécu.

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22/07/2007

Sacha Guitry, tout contre la morale ?

Guitry succède à Feydeau. Quand l’étoile du second pâlit, celle du premier se lève. Le second pratique un théâtre du mouvement, du sursaut, de l’exclamation ; le premier, une mélodie du langage. Le second explose, le premier pétille.

Tous deux parlent de la même société, celle où les hommes sont aisés, où il fait partie de leur statut social d’avoir une maîtresse, où d’ailleurs on se passe et repasse la maîtresse en question d’un homme arrivé à l’autre, cependant que l’épouse que tous deux ont par ailleurs doit rester ignorante (au moins officiellement) de cette seconde vie.

Chez Feydeau, on s’aime souvent ; chez Guitry; on jouit plutôt.

La façon dont Guitry se joue alors de la morale est souvent délectable, jouissive elle aussi, délicieusement impertinente. Il n’existe aucune métaphysique dans son théâtre et toute règle de la société se résume à un adversaire à vaincre.

Peut-on dire pourtant que Sacha Guitry soit tout entier contre la morale ? Peut-être. Et cependant, son film, «Le roman d’un tricheur», tout en traversant un océan d’immoralités et d’injustices de toutes natures, finit de la façon la plus honnêtement morale, d’une façon quasi-hollywoodienne, comme si son auteur avait su en le faisant qu’il devenait le premier cinéaste du monde à réaliser un film entièrement gouverner par la narration de son personnage principal, la célèbre «voix off», celle de Guitry lui-même bien entendu.

Et dans «Mon père avait raison», écrit en songeant à son père l’acteur Lucien Guitry, Sacha énonce sur la vie familiale des vérités qui n’ont rien d’immoral non plus.

Alors... il faut croire qu’il y a tout de même une justice chez lui, même s’il a subi une cruelle injustice à la Libération de la France. Son théâtre suivant perd en allégresse, en vitesse, sans gagner en vraie moralité, car la morale de Guitry, la vraie, c’est le public. «Debureau», qu’il a filmé, est l’un de ses rares textes que l’on peut vraiment lire et où il proclame sa grande ambition pour son art. Il l’a honoré. Il a payé avec soin sa dette originelle, celle que tout acteur ou auteur a dès le début de sa carrière envers le public. Il n’y a jamais manqué.

Et puis, pour moi qui suis ancien élève du lycée Janson, à Paris, je sais qu’il a soigneusement honoré une autre dette : lorsqu’il a été exclu du lycée, dans les années 1890, il est parti sans rédiger sa punition, cent lignes. Quand on a fêté le cinquantenaire de Janson, en 1934, il fut choisi comme invité d’honneur de la cérémonie. Il s’en étonna, s’en amusa même, n’ayant séjourné qu’à peine trois mois dans les vieux murs. Et cependant, il accepta et rédigea un beau discours : on lui avait dit qu’il ne reviendrait au lycée que quand il aurait fait ses cent lignes et ce discours tint en ... cent lignes.

19:14 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture, théâtre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

19/05/2007

La Brinvilliers, mon spectacle du jour.

Le nom du Chat Noir est associé à un cabaret montmartrois qui, de la fin du XIXe siècle aux années 1920, incarna la folle vie parisienne. On en trouve trace, par exemple, dans une chanson que quelques-uns ont fredonnée sans doute :
 
Je cherche fortune
Tout autour du Chat Noir
Et au clair de la lune
À Montmartre le soir
 
Ce nom a été repris par un café situé à l'angle de la rue Jean-Pierre Timbaud et de la rue de Saint-Maur, dans le XIe arrondissement de Paris, au nord de la Bastille, juste à côté d'une vaste et alléchante librairie.
 
Le café, pour aller au bout de son projet, a installé dans sa cave une petite salle de spectacle (trente ou quarante places) où se succèdent des animations et des créations de plusieurs natures artistiques.
 
Comme je l'avais annoncé hier, je suis allé cet après-midi y assister à la courte (55 minutes) pièce intitulée "La Brinvilliers, marquise et empoisonneuse".
 
L'auteur, Frank Bertrand, a signé d'autres ouvrages, comme une biographie de Jackie Kennedy coécrite avec Jacqueline Monsigny (dont ma génération se souvient pour une émission de télévision du début des années 1970, La Piste aux Étoiles).
 
Il a préparé une biographie d'Armande Béjart (l'épouse de Molière) qu'il s'apprête, je crois à faire paraître, et dont la pièce est une sorte d'écho.
 
L'idée de base est simple : demain, la Brinvilliers sera exécutée ; ce soir, un confesseur vient entendre ses aveux en vue du pardon céleste.
 
Pour ceux qui ont oublié leur Histoire des meurtres et assassinats à travers les siècles en dix volumes, je rappelle que la marquise de Brinvilliers, liée à la célèbre affaire des poisons qui a secoué la cour du roi Louis XIV à la fin du XVIIe siècle, a elle-même empoisonné successivement son père, ses frères, ses quinze domestiques, bref, un peu tout ce qui lui passait sous la main.
 
Empoisonnement à l'arsenic, très discret.
 
Bien entendu, la confession se mue en joyeuse immoralité, le prêtre s'avère particulièrement douteux, jusqu'à même un véritable coup de théâtre qui permet de terminer sur les chapeaux de roues. En somme, la morale n'est pas là où on la cherche et, selon l'expression même du prêtre (un peu halluciné il est vrai), la meurtrière est "une sainte".
 
C'était la première, les voix ont tremblé pendant trente secondes mais ensuite, dans un décor minimaliste et des costumes allusifs (ambiance un peu off-broadway), je me suis laissé porter.
 
Il n'y aura, a priori, que trois autres représentations (sauf succès qu'on espère) dont une samedi prochain, même heure. 

23:05 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

18/05/2007

Demain soir, SOS copains.

Demain aprèm à 17h, je vais voir un petit spectacle joué par un copain.
 
C'est à Paris, 76, rue Jean-Pierre Timbaud dans le 11e, au "Chat noir" : "La Brinvilliers, marquise et empoisonneuse" de Franck Bertrand avec Annick Le Goff et Ludovic Schoendoerffer. L'entrée est au prix raisonnable de 10 Euros.
 
Message en passant.
 
Les autres séances sont les 26 mai, 9 et 16 juin.

22:20 | Lien permanent | Tags : théâtre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook