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17/11/2007

Ouvriers non-délocalisables.

Les ouvriers n'en finissent pas de choquer notre société policée, citadine, bureaucratisée. Ils semblent les vestiges d'un temps ancien, celui des "ouvriers et paysans" du "chant des partisans".
 
Eh oui, il n'y a pas si longtemps, le peuple de l'Europe, c'étaient les ouvriers et les paysans.
 
Les paysans, il en allait ainsi depuis huit mille ans, depuis la révolution néolithique (enfin, ce que les historiens actuels ont laissé de cette théorie). Les ouvriers, depuis le Moyen Âge peut-être, depuis la révolution industrielle à coup sûr.
 
Le point commun des deux branches de ce peuple-là ? La rudesse, la combattivité, un mélange d'individualisme et de solidarité féroces.
 
L'exode rural, à la fin des années 1950, a sonné le glas du peuple campagnard. La mondialisation, la robotisation et les délocalisations ont enterré le peuple ouvrier. Tout le peuple est donc envahi et occupé par une nouvelle Rome : les employés. Toute ? Non. Car un village armoricain résiste victorieusement à l'envahisseur.
 
Armoricain ?
 
Eh oui : Le Reste, l'homme de la CGT, et Morvan, celui de la CFDT, ne sont-ils pas des descendants de ces Bretons qui, par cohortes entières, ont quitté leur patrie au XIXe siècle pour venir bâtir le train à Paris ? Patrick Braouézec, le maire de Saint-Denis, n'a-t-il pas préfacé, voici quelques années, l'album intitulé "Bretons de Paris" ? C'est bien dans cette banlieue nord-est qu'ils se sont installés, les Bretons du train et leurs descendants.
 
Et ils restent, les derniers ouvriers.
 
On pourrait tout délocaliser, jusqu'aux fabriques de charentaises, eux resteraient, les cheminots : sauf dans une histoire de Raymond Devos, il est rare que le train de Paris à Caen passe par Sète et que celui de Lyon à Nantes passe par Changhaï.
 
Ils le savent bien, ils savent que leurs parents ou leurs arrière-grands-parents ont joué un rôle fort dans l'affaiblissement de l'occupation nazie dans les années 1940. Ils savent la blessure qu'inflige à un pays l'arrêt de ses trains. Ils en profitent. D'autant plus qu'ils n'ont pas l'impression d'être les agresseurs : on veut leur infliger trente mois de travail en plus dans une carrière de quatre cent cinquante mois, et ils se rebiffent.
 
Comment leur donner tort si l'on écoute l'argument que, alors que la retraite peut s'élever à 75% du salaire, elle culmine à 65% pour eux ? Faudra-t-il donc compenser l'allongement de la durée de cotisation par une amélioration du taux de pension ? Mais alors où sera l'économie recherchée par les pouvoirs publics ?
 
Pis encore : on dit qu'au mieux, l'économie procurée par le dispositif initial du gouvernement (en fait déjà abandonné) donnait 200 millions d'Euros d'économie ; on dit aussi qu'un jour de grève coûte 7 milliards d'Euros (soit trente-cinq années d'économie). Alors, si l'on comprend bien, la façon dont le gouvernement s'y est pris a déjà coûté (4x35 années d'économie =) cent quarante années de l'économie initialement envisagée. Putain, quels cons, comme dirait l'autre.
 
Tout ça est de la mauvaise politique. On ne réforme pas les retraites segment par segment : il faut remettre tout à plat, sauf à susciter l'impression d'injustice et, aussitôt, la réaction violente des intéressés. En vérité, s'il y a des privilèges, s'il existe des injustices réelles (et il y en a, j'en connais, chacun en connaît), il faut faire ce que Jean-François Kahn a nommé une "nuit du 4 août" par référence à la nuit du 4 au 5 août 1789 où fut décidée l'abolition des privilèges.
 
On croit souvent que ces privilèges n'étaient qu'à la noblesse, mais c'est faux : privilèges des "corporations" de métiers (aujourd'hui ordres des avocats, des médecins, des architectes et autres, on trouvait des métiers fleuris comme "mireurs d'oeufs", et la "nouvelle vague" en 1958 s'est faite contre une logique strictement corporatiste du métier cinématographique où, pour devenir réalisateur, il fallait être coopté, je connais un cinéaste renommé dont le premier film a pour cette raison été signé par un autre, bref...), privilèges des corps de villes, privilèges de juridiction de toutes natures, privilèges fiscaux des institutions d'église, monopoles marchands, vénalité des offices, tout était lié dans un filet d'entraves jeté sur la société. Tout cela, en deux cent dix-huit ans, a repoussé. Il faut donc moissonner l'ivraie.
 
Et si on pouvait en profiter pour rendre un peu de liberté à la Bretagne, ce ne serait pas une mauvaise idée. 

16:15 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : politique, MoDem, Bayrou, Sarkozy, retraites, grèves | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

je soutiens les Cheminots non pas parce que mon fils est rentré à la force du poignet à la sncf et est un jeune cheminot.Toute retraite avant était payé 75 % du brut avec 37.5 annuités.On a fait passer les foctionnaires à 40 annuités en restant à 75%.Aucun salaire de la fonction publique hiors bonification ne dépasse 75 % du brut.Les Militaires sont restés à 75% pour 37.5 annuités mais le pire vient des Députés qui touchent le maximum au bout de 22.5 annuités.Peu de gens montent au créneau pour dénoncer ça en tout cas aucun Députés.Au bal des copains tout le monde dansent le même tango.La sncf donne à un Cheminot au maxi 88% de 75 %.Tout le monde doit etre au même niveau et il faut faire jouer la pénibilité des 3x8 en leur ouvrant des relevés de service annuel ce qu'il leur permettrait de partir à 60 ans avec une retaite décente.Que l'on commence à mieux redistribuer les richesses du Pays.La dette de 1200 milliards d'euros s'est creusée depuis 1981 et tout le monde est responsable,plus la droite que la gauche si on étudie la courbe de plus prés.Et puis c'est vrai beaucoup de cheminots ont résisté et je pense à la gare de Lyon dans la ville de Lyon. Bon mais ça c'est mon problème personnel. Pierre

Écrit par : ulm pierre | 17/11/2007

Pour des Etats généraux, pour une assemblée Constituante, pour une nouvelle nuit du 4 août, pour une nouvelle fête de la Fédération... Pour, pour, pour ! Pour tout ce qui nous fera enfin sortir de la glu, de la mouise, de la poisse, du dégoût de soi et du mépris des autres ! Jamais l'expression "quand les Français ne s'aimaient pas" ne se sera jamais aussi bien appliquée à une époque de notre histoire que le temps présent.

Bien cordialement

Écrit par : André-Yves Bourgès | 17/11/2007

Billet trés instructif, merci Hervé

Écrit par : Guillaume A | 18/11/2007

à ulm Pierre
Quelle gare Pierre ? Perrache ou les Brotteaux à l'époque de la Résistance ?
Un jour il faudra que tu me fasses un billet sur tout ce que tu sais de la Résistance à Lyon par tes parents : car on connaît les grands noms mais ceux de l'ombre m'intéressent...
Dans les anciens locaux de Barbie, où se trouve le musée de la Résistance tout un mur de photos leur est consacré dans une salle où j'ai régulièrement des réunions...

Écrit par : Rosa | 18/11/2007

Toujours à Pierre : non ce n'est pas que ton problème personnel....

Écrit par : Rosa | 18/11/2007

@Rosa

Je parlai de Lyon Perrache.Papa ayant suivi le Général de Gaulle à la 1°DFL dés le début,Maman ayant été arrétée bêtement par la milice de peau de lapin,j'ai baigné dans la Résistance que j'écris tjs avec une majuscule.C'est vrai qu'il y a la belle mélodie d'Anna Marly reprise par Joseph Kessel:Ami,entends-tu mais aussi le chant des Déportés repris par la Magnifique Joan Baez et je citerai 4 vers:


Loin dans l'infini s'étendent
Les grands prés marécageux
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux



Pierre

Écrit par : ulm | 19/11/2007

Merci Pierre
billet à ce sujet à l'occasion d'une rencontre de ce week-end...

Écrit par : Rosa | 19/11/2007

Heureux les gens du Modem qui croient qu'on peut faire des omelettes sans casser des oeufs ...

Écrit par : Xav. | 19/11/2007

Les commentaires sont fermés.