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14/02/2008

Municipales parisiennes : quelques vérités.

À Paris, le MoDem n'a pas eu l'intention de gagner. Dès l'origine, il était évident que les dirigeants du Mouvement Démocrate parisien n'avaient d'autre idée en tête que de faire des listes susceptibles de fusionner avec celles du maire Bertrand Delanoë au second tour.
 
La médiocrité des intentions de vote recueillies par Marielle de Sarnez pour le moment (autour de 8 ou 9 %) handicape-t-elle ce projet ? Peut-être pas. En revanche, elle matérialise un peu plus encore le reflux du vote obtenu par Bayrou à Paris en avril dernier (plus de 20 %) et même aux législatives de juin (plus de 10 %).
 
Il faut dire qu'en plaçant sa candidature résolument "au centre" comme en témoigne le récent reportage de la TéléLibre, Marielle tourne délibérément le dos à la ligne de François Bayrou, qui se dit "démocrate" et n'accepte que ce vocable à l'exclusion de tout autre.
 
Repliée sur une identité politique qui n'existe plus, Marielle ne peut donc prétendre ni à l'électorat nouveau, ni à l'électorat ancien, il ne lui reste que l'électorat "captif", l'électorat par défaut. De là les 8 ou 9 %.
 
Pourtant, il aurait fallu faire plus et mieux, la ville en a besoin.
 
La séquence qui se refermera le 16 mars a commencé ... en 1995, après dix-huit ans de mandats Chirac. Alors, Jacques Chirac s'étant fait élire président de la république grâce à une campagne toute en énergie, il fallut lui choisir un successeur. Chirac consulta. Juppé avait choisi de se replier sur Bordeaux, il ne restait que deux prétendants sérieux à la succession du nouveau président : Jean Tibéri, premier adjoint sortant et maire de l'arrondissement qui élisait Chirac depuis des années, le Ve, et Jacques Toubon. Chirac arbitra : Tibéri deviendrait maire.
 
C'était un choix logique : après Juppé (adjoint aux finances), Tibéri était le principal auxiliaire de Chirac pour les affaires parisiennes. De surcroît, il ne pouvait prétendre à plus d'envergure que celle de maire (tout le monde le soulignait avec goguenardise), ce qui le rendait rassurant : il ne serait pas un rival.
 
Jacques Toubon, comme lot de consolation, entra au gouvernement. Mais il n'accepta jamais, en fait, d'avoir été écarté de la mairie. Commença alors une guérilla, qui culmina en 1997, et qui aboutit à la perte de la ville par le RPR en 2001.
 
Il faut se souvenir de l'atmosphère qui régnait alors : tous pourris, Tibéri en tête. Son nom devenait synonyme de toutes les prévarications, car il ne se passait pas un jour sans que le "Canard Enchaîné" ou d'autres organes de presse ne révélât une affaire scabreuse, d'autant plus qu'en s'emparant d'une demi-douzaine d'arrondissements en 1995, la gauche y avait trouvé de nombreux marécages. Conspué en stéréo sur sa droite et sur sa gauche, Tibéri encaissait. Et peu à peu, tout cela devint indécent, nauséabond.
 
C'est à ce degré d'indécence (qui évoque celui auquel parvient Sarkozy par d'autres moyens) que les Parisiens ont voulu mettre fin en élisant Bertrand Delanoë en 2001. Le candidat du PS n'avait pas un mauvais programme, un mélange de changement dans la forme et de continuité dans le fond, qu'il portait en adoptant un profil modeste et sobre. L'électorat centriste, écoeuré par le marigot post-chiraquien (qui s'était divisé en deux branches pour consommer son malheur à coup sûr), se reporta sur les listes Delanoë.
 
C'était une charnière dans l'Histoire de Paris. Il n'était pas logique que l'UDF d'alors se tût dans cet événement. C'est la vision que je défendis. En vain. On m'écarta seulement des nouvelles listes fusionnées avec les futurs perdants.
 
Aujourd'hui, Delanoë a honoré l'essentiel du contrat qu'il avait passé avec les Parisiens : il a fait taire les désordres, il a rendu leur ville respectable (à l'aune tout au moins de la norme française qui est discutable). Il lui a même rendu un peu du lustre auquel ils sont sensibles : les grandes opérations de com ont produit l'image d'une ville créative, capable de rayonner de nouveau.
 
Et cependant (et c'est là qu'il eût fallu attaquer), il n'a changé que très peu de choses dans ce qui constitue l'essentiel de toute action politique : la gouvernance de la ville.
 
Il n'est pas normal, par exemple, que lorsque des travaux dans une école vont être rapportés devant le Conseil de Paris, le projet de délibération transmis aux conseillers et au public ne mentionne pas le montant des travaux. Comment veut-on que les gens puissent se rendre sur place, mesurer l'opportunité des travaux et leur rapport qualité/prix ?
 
Il n'est pas normal qu'à l'ère de l'informatique, il faille au moins quinze jours pour obtenir des dossiers de permis de construire en cours de validité.
 
Il n'est pas normal qu'on traite tant d'affaires en si peu de temps au conseil de Paris.
 
Et je passe sur les montants réels des travaux, en particulier dans les écoles, car l'amélioration des coûts (invraisemblables) doit y être qualifiée d'anecdotique.
 
En vérité, la gouvernance de la Ville de Paris a très peu changé.
 
Chirac a trouvé en 1977 une administration organisée sur un principe préfectoral, opaque et hiérarchique (il n'y a pas eu de maire de Paris pendant près de deux siècles). Il a endossé les habitudes locales, et plus encore lorsqu'en 1983 la loi PLM lui a donné de nombreuses compétences dont son administration ne bénéficiait pas jusque-là. On a beaucoup évoqué l'évaporation financière, que l'on a mise sur le compte de la gestion politique, mais en fait, les pratiques douteuses existaient déjà sous le régime antérieur, et bien plus encore. Chirac a modelé ce qu'il a pu ou voulu à sa convenance sans remettre en cause un système dont les implications sont très vastes et lui échappaient largement.
 
Traditionnellement, c'est sur l'attribution des logements de la Ville que les élus se rattrapaient, et c'est justement de la commission d'attribution des logements de la ville que Jean Tibéri fut président de 1971 à 1995.
 
Delanoë, entrant en fonctions, a certainement découvert l'ampleur de la situation. Ceux qui lui veulent du bien estiment qu'il a fait de son mieux pour, pas à pas, améliorer les choses. J'ai beaucoup regretté, pour ma part, qu'il n'ait pas plus pris barre sur son (ou ses) administration(s) et que, de ce fait, ce soit toujours l'administration de la ville qui assume l'essentiel du pouvoir institutionnel et budgétaire à Paris, avec toutes les hypothèques qu'on suppose.
 
L'administration n'est pas uniformément mauvaise, j'ai travaillé avec les services des sports, très compétents, dévoués et engagés pour le service public. Mais la superstructure administrative constitue un vrai pouvoir dans la ville, ou plutôt le vrai pouvoir, et ce n'est pas démocratique, ce n'est pas conforme à notre engagement que Bayrou qualifierait de "démocrate".
 
Je regrette qu'on ne se soit pas engagé sur le chemin de cette vérité-là, qui eût été fécond en utilité et en suffrages. 

Commentaires

Merci pour ces éclairages toujours très intéressants.

Si je comprends bien, quels que soient les résultats des 9 et 16 mars, rien ne changera vraiment.

Écrit par : Oaz | 14/02/2008

Le provincial que je suis a lu avec beaucoup d'interet ce billet. Magnifiquement écrit, et qui donne un réel éclairage sur le scrutin parisien. Avec en filigramme une réalité : la France reste un pays "droite - gauche". Les gaullistes (dont je suis) ou les centristes démocrates auront du mal à exister, et c'est pas forcément joyeux.

Merci de ce billet Hervé, plein de vérité et d'un certain bon sens, réaliste même s'il est dur. Et bonne soirée

Écrit par : Falconhill | 14/02/2008

@ OAz

Les choses peuvent changer pas à pas. Éric Azière (qui défend l'alliance avec Delanoë) m'a indiqué qu'il avait fallu cinq ans (!) à Delanoë pour "conquérir" la RIVP (Régie Immobilière de la Ville de Paris, qui gère de nombreux logements sociaux). S'il y a donc une véritable volonté, la patience permet d'infléchir les réalités. Affaire à suivre donc.

Ce que je veux dire en ce domaine, c'est qu'en mettant la pression sur Delanoë, eh bien dans l'hypothèse où il est sincère, ça l'aurait aidé dans son bras de fer avec l'administration, et dans l'hypothèse où il ne l'est pas, ça aurait contribué à le contraindre à l'être ;-)

@ Falconhill

Personne ne conteste qu'il y ait des sensibilités de droite et de gauche, mais c'est l'adéquation des structures politiques à ces sensibilités qui est contestée à juste titre par Bayrou. Le gaullisme est l'exemple même d'une sensibilité irréductible à la polarisation.

Écrit par : Hervé Torchet | 14/02/2008

@Hervé
Tant que la Fédé parisienne sera le joujou de certains (et de certaines), on patinera encore. Mais je pense sincèrement que le choix de soutenir Delanoe est le meilleur et le plus logique tant pour nos électeurs parisiens que pour le MODEM. Reste ensuite à Quitterie à prendre la Fédé et à bâtir l'avenir du Modem parisien sur de nouvelles bases. Nous sommes nombreux à le souhaiter et à savoir ce défi possible à relever.

Écrit par : bertin | 15/02/2008

qui des verts ou du modem sera l'allié indispensable de delanoé?le choix ne sera pas seulement dicté par
l'enjeu de ces municipales mais par l'objectif de devenir le chef du PS et le candidat de ce parti à la présidentielle de 2012!
-choisir les verts:
avantages:delanoé les a déjà pratiqués;leurs électeurs le soutiendraient dès le premier tour de 2012.
inconvénient:ils peuvent devenir de plus en plus gênants pour gouverner paris.
-choisir le modem:
avantage:tout heureux d'être au pouvoir il sera moins remuant que les verts.
inconvénients:des électeurs modem voteront panafieu au second tour;il y aura un candidat modem à la
présidentielle.

Écrit par : fischer | 15/02/2008

Hervé : sans doute pour ça que certains themes de la campagne présidentielle m'ont séduit chez votre candidat ;-)

Bon courage

Écrit par : Falconhill | 15/02/2008

Merci Hervé pour ce billet et je fus, comme toi, de ceux qui ont refusé, en 2001, la compromission avec Séguin.

Je suis d'accord avec le commentaire de Fischer sauf sur un point, je ne crois pas que les électeurs MoDem voteront PANAFIEU au second tour.

Mais il est vrai que DELANOE, en perspective du congrés du PS, risque de préférer les verts au MoDem car une telle alliance (PS MoDem) ne se fera pas sans fissures chez les socialistes et leus alliés du premier tour.

C'est pour cela que nous sommes, à mon avis, condamnés à faire un score à deux chiffres, sinon, nous ne pourrons pas nous maintenir et DELANOE aura une majorité électorale suffisante avec les Verts.

Dans mon arrondissement, faisant partie de la liste, l'accueil est trés encourageant.

Alors, plus que trois semaines pour chercher les voix une à une.

Écrit par : Guillaume A | 15/02/2008

Je crois important que, si nous participons à une majorité municipale avec Delanoë, ce que je crois au moins probable, il faudra que ce soit sur un mode de concertation approfondie pour produire une pratique sereine et confiante, sans tension.

@ Christophe Bertin

Il serait bon qu'Éric Azière passe la barre des 10% en particulier. ;-)

Écrit par : Hervé Torchet | 15/02/2008

Une question technique : à Paris, les barres à 5 et 10%, elles sont sur le résultat global ou par arrondissement ?

Écrit par : Oaz | 15/02/2008

@ OAz

Par arrondissement.

Écrit par : Hervé Torchet | 15/02/2008

je n'ai pas dit que "les"électeurs du modem voteront panafieu au second tour mais"des"électeurs du modem;surtout si delanoé s'allie avec les verts,il est à parier que panafieu recherchera l'alliance du modem!
ce qui peut aussi détourner delanoé d'une alliance avec le modem c'est une pression des communistes:non pas directement à paris mais dans d'autres communes où le PS a besoin d'une alliance avec le PC pour l'emporter.

Écrit par : fischer | 15/02/2008

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