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30/03/2008

Maritain sur le Liban : la suite et fin.

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Au Vatican, on attache une grande importance aux relations ainsi nouées avec le Liban, et on compte sur la situation exceptionnelle de ce pays, seul pays chrétien parmi les pays arabes, pour permettre au Saint-Siège d'exercer indirectement une influence protectrice à l'égard des chrétiens de Syrie et du Levant. C'est ce que m'a dit Monseigneur Tardini, et ce que le pape n'a pas manqué de souligner devant M. Frangié quand il l'a reçu. L'échange de lettres a été précédé d'assurances verbales données par M. Frangié, après des discussions assez chaudes avec Monseigneur Tardini, quant à l'exercice du culte au Liban, au respect des oeuvres et des écoles catholiques, à la liberté d'action des évêques ; il paraît probable que dans le document écrit ces assurances ont été mentionnées dans une formule assez vague pour ne pas mettre le gouvernement libanais dans l'embarras vis à vis des musulmans.
 
Les considérations que je viens d'indiquer font que le Vatican, tout en déclarant qu'il n'est jamais pressé, a une certaine hâte de profiter des circonstances et d'arriver à l'établissement de relations diplomatiques. Monseigneur Tardini insiste beaucoup sur l'intérêt que nous-mêmes avons de notre côté à établir sans tarder des relations diplomatiques normales avec l'État libanais. "Vous me demandez d'aller lentement", me disait-il après m'avoir assuré qu'on ne nous devancerait pas, "et moi je vous demande d'aller vite".
 
Ni Monseigneur Tardini ni le pape, auquel j'avais déjà parlé de la question il y a quelques semaines, ne mettent en doute le lien étroit qui unit au Liban les intérêts de la France et ceux du christianisme. Ils tiennent beaucoup au maintien et au développement de nos positions culturelles. Je suis persuadé que si nous savons prendre les devants, et recourir à des initiatives nouvelles, en particulier dans l'ordre de l'enseignement (d'une part enseignement technique, d'autre part culture supérieure) surtout si ces initiatives sont catholiques, et seulement aidées et facilitées par le gouvernement français, la politique culturelle que vous indiquez dans votre lettre pourra nous faire regagner dans un autre ordre ce que nous avons perdu, et au-delà ; il est clair d'autre part que l'appui du Saint-Siège serait acquis à une telle politique culturelle.
 
C'est sur cette importance essentielle de l'action culturelle française et la nouvelle réalisation qu'elle permettra de notre mission traditionnelle de protection de la chértienté au Levant que je compte insister dans l'entretien que j'aurai prochainement avec le pape. Je serai heureux de savoir si à votre avis il conviendrait plus tard comme je le crois, de presser l'argumentation appuyée sur des principes jusqu'à demander que nous soyons consultés lorsqu'il s'agira de désigner un nonce. Il ne semble guère que celui-ci puisse être un Français, mais ce serait une raison de plus pour avoir voix au chapitre.
 
Je pense comme vous que le Saint-Siège profitera des circonstances pour asseoir de plus en plus fermement son autorité sur les rites orientaux. C'est aussi l'opinion du cardinal Tappouni et le cardinal Tisserant semble aller nettement dans ce sens.
 
Le cardinal Tappouni sera retenu à Rome jusque vers la moitié ou la fin de juin par ses travaux à la Congrégation orientale (codification du droit canonique oriental). Je lui ai fait part de votre suggestion et il sera heureux d'aller à Paris, sans doute au début de juillet. Il est visible que l'idée de ce voyage lui fait grand plaisir. Il voudrait ensuite s'embarquer à Marseille pour Beyrouth. Et il n'est pas difficile de comprendre que si le gouvernement français mettait à sa disposition un bâtiment de guerre pour le retour comme il l'a fait pour l'aller, le cardinal en concevrait beaucoup de joie. Ce serait d'ailleurs d'excellente politique. Un navire de guerre français ramenant le cardinal au Liban produirait là-bas, me semble-t-il, une impression utile et profonde.
 
Veuillez agréer, mon cher ambassadeur et ami, l'expression de mes sentiments cordialement et fidèlement dévoués.
 
Jacques Maritain 

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