22/01/2010
Haïti : réponse à Eva Joly.
On me signale sur Facebook une intervention d'Eva Joly, je suppose que c'est en plénière du parlement européen. L'intervention de Mme Joly, pour généreuse et énergique qu'elle soit, marque son ignorance du dossier, et c'est regrettable. Bien que je partage en grande partie ses conclusions, je dois corriger et compléter celles-ci de la façon suivante :
Mme Joly, dans son intervention, note que dans les années 1970 (c'est-à-dire sous la dictature de Duvalier Jr, dit "Bébé Doc", il faut le rappeler sans pour autant appeler au retour ni de la dictature ni de Duvalier), la république d'Haïti était autosuffisante à 90 % du point de vue alimentaire. Mme Joly en conclut qu'il suffirait de peu pour revenir à cette autosuffisance, et qu'il suffit donc de repenser le modèle de développement agricole que nous voulons aider en Haïti.
Or il se trouve que depuis les années 1970 évoquées par Eva Joly, la population haïtienne a doublé. Il est donc logique que la même quantité de production alimentaire aboutisse à une autosuffisance divisée par deux.
Cela étant, certains marchés alimentaires (comme le riz) ont été profondément désorganisés par l'importation en Haïti de produits extérieurs (américains surtout) subventionnés, moins chers au détail que les productions locales (!).
Il faut pour être honnête bien considérer que les fautes de la communauté internationale ne sont pas la première cause de la misère haïtienne : sa première cause, c'est la démographie. Il y avait en effet avant 1790 moins de 600 000 habitants dans ce qui allait devenir Haïti. Il y en a aujourd'hui près de douze millions, soit vingt fois plus. Si l'on rapportait le même coefficient de croissance démographique, il y aurait, dans la seule France métropolitaine, 450 millions d'habitants. On voit bien que cette explosion démographique, dans un territoire comparable à celui de la Belgique, fortement accidenté et dont une part notable des plaines cultivables est inévitablement rongée par l'urbanisation, ne pouvait se faire sans dégâts.
Notons d'ailleurs qu'aux douze millions que j'évoquais plus haut, il faudrait ajouter environ quatre autres millions d'expatriés, la "diaspora", dispersée pour un quart aux États-Unis, un autre quart en République Dominicaine, et une moitié éparpillée au Canada, en Amérique Latine (y compris les DOM) et en Europe, cette diaspora rapporte un milliard de dollars en invisibles au pays chaque année, soit environ un quart du PIB.
Il est vrai que la France et les USA (ces derniers ont occupé et vampirisé le pays de 1915 à 1934) doivent rembourser ce qui a été perçu abusivement par eux depuis l'indépendance, ce serait justice (moins ce qui a été réalisé, comme une longue route créée et offerte par la France dans les années 1970 et depuis lors entretenue par elle).
Mais ce sera insuffisant car, de toute évidence, la production locale ne pourra plus jamais faire face aux besoins locaux, sauf à passer aux méthodes de production intensive pratiquées en Europe et aux USA, et je ne crois pas que ce soit ce résultat-là que Mme Joly évoque lorsqu'elle parle de réflexion sur le modèle de développement. En fait, il faudrait accepter dans les pays développés une plus grande immigration haïtienne, qui fournisse plus de liquidités au pays, lui permettant de se passer de son autre grande source d'invisibles, le trafic de drogue, qui s'est développé dès la fin de l'ère Duvalier. Progressivement, Haïti pourrait ainsi développer une économie de services qui paraît être son meilleur salut.
Cela étant, on pourrait, sans arriver à l'extrémité d'une immigration dont on voit bien qu'aucun pays développé n'acceptera d'y recourir, aider au moins l'agriculture locale à être un peu plus rentable, d'une part en cessant de subventionner nos propres produits (c'est là une mesure de justice qui ne concerne pas qu'Haïti), d'autre part en y favorisant l'implantation, déjà consistante, du commerce équitable.
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20/01/2010
Obama se trompe sur Haïti.
Barack Obama est en train de commettre à la fois une erreur et une faute en Haïti.
L'erreur est factuelle : quand il explique qu'Haïti fait partie du bassin géographique des États-Unis, il se trompe. Haïti est un pays d'Amérique Latine, par toutes ses fibres, en même temps que d'Afrique par bien de ses traits culturels. Comme l'a rappelé en son temps le regretté Césaire, c'est d'Haïti qu'est parti Bolivar, le libérateur de l'Amérique Latine. Haïti a été la matrice de l'émancipation de toute cette partie des Amériques.
Même du point de vue de la diaspora, les États-Unis sont minoritaires : il y a, aux États-Unis, un peu plus d'un million d'Haïtiens (ils iraient volontiers tous là-bas, mais les Américains les rejettent suffisamment à la mer pour que ce chiffre n'augmente guère), il y en a un autre million en République Dominicaine hispanophone (qui partage l'île d'Haïti ou de Saint-Domingue avec la République d'Haïti), au moins cent ou deux cent mille au Canada (majoritairement au Québec, et francophones), et près de deux autres millions disséminés un peu partout, en particulier en Amérique Latine (au moins trente mille en Guadeloupe) et en Europe (plusieurs dizaines de milliers en France métropolitaine). Au passage, je signale que cette diaspora envoie chaque année environ un quart du PIB en invisibles en Haïti, soit environ un milliard de dollars.
Donc une erreur, qui est destinée à légitimer la domination, qui est une faute.
Obama a déjà laissé faire un coup d'état au Costa Rica dans des conditions qu'un vrai homme de démocratie n'aurait pas tolérées. Le voici qui, à propos d'Haïti, se vautre dans l'idée de domination. Les États-Unis veulent prouver au monde et à eux-mêmes qu'ils ne sont pas finis. Comment ? En écrasant le pauvre petit peuple haïtien. On a les victoires qu'on peut, mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, et surtout, cette décision brutale achève de dévoiler la vraie nature du pouvoir d'Obama : il n'est pas la libération (en particulier celle des noirs), mais la domination, la domination par l'Amérique, encore et toujours le projet impérial.
L'Amérique veut retrouver et prouver son "leadership" en piétinant Haïti, sous prétexte d'intervention humanitaire, c'est exactement ce qu'Obama a dit.
Et d'ailleurs, pour ceux qui douteraient de la vraie nature de l'intervention américaine, qu'on ne s'y trompe pas : les soldats US envoyés là-bas sont blancs, bien blancs, caricaturalement blancs, pour que l'on sache bien qui est le maître. Obama se fait là le valet de la domination raciale, le principe de la domination blanche américaine a déjà été organisé en Haïti par les démocrates américains dans les années 1910.
Pourquoi est-ce une faute ?
Parce que le nationalisme haïtien est le plus ancien des Amériques après celui des États-Unis. Parce que les 15 000 morts de l'occupation américaine du XXe siècle ont laissé des traces de sang dans les esprits, même chez ceux qui ne savent rien de l'Histoire, autant que la colonisation française.
Parce que surtout, la vraie nature de l'intervention américaine se dévoilera tôt ou tard aux esprits les plus naïfs, et qu'alors, Obama sera aussi impopulaire que les dirigeants américains qui l'ont précédé.
Oui, décidément, nous pouvons nous dire que l'Amérique est incorrigible. Nous nous le disions lorsque les débats parlementaires sur la nouvelle Sécurité Sociale US rejetaient toute idée de structure publique et organisaient la domination de la nouvelle Sécu par les opérateurs vénaux privés, et lorsque le vote final imposait (grâce si j'ose dire à un sénateur démocrate !) que pas un sou d'argent public ne financerait l'avortement... Nous nous le disions lorsque le silence de Washington sur la situation du Costa Rica réveillait les souvenirs de la Banana & Fruit Republic.
Nous nous le disons aujourd'hui à propos d'Haïti.
Or c'est une faute, parce que les Américains eux-mêmes ne veulent plus entendre parler de cet esprit de domination, on les "possède" aujourd'hui par le mensonge de l'humanitaire, mais ils finiront par y voir clair. Et même ceux qui applaudissent aujourd'hui le retour du "leadership" (un "America is back" reaganien qui ne dit pas son nom) s'en mordront les doigts demain, car on ne peut pas sacrifier l'opinion publique internationale au nom de l'opinion publique intérieure. Désormais, pour les grands pays qui rayonnent dans le monde, ce sont les mêmes.
Obama, loup à la geule enfarinée ?
L'intervention américaine en Haïti a lieu, par une curieuse coïncidence, quelques jours à peine après les ratonnades anti-noirs de Sicile. Si l'on voit aujourd'hui les soldats blancs descendre d'avion pour s'emparer de la plus ancienne république noire du monde, on va se trouver assez vite gêné. Après tout, Obama est aussi blanc que noir, il y a en lui un Janus plus ou moins ensommeillé. La carte du vote Obama de 2008 montrait clairement que la question raciale avait été centrale dans le scrutin. Y a-t-il eu une usurpation, Obama est-il un blanc qui s'est, comme le loup de la fable de La Fontaine, enfariné la gueule pour pénétrer dans la bergerie ? espérons que non.
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15/01/2010
Haïti en grande souffrance (message émis de là-bas).
Ma sœur, qui vit en Haïti et dont de nombreuses connaissances ont perdu leur maison, sans parler de ceux dont elle n'a pas de nouvelles, et de ceux qui n'avaient déjà rien d'autre qu'un toit, me demande de transmettre ce message (Internet est dans cet affreux événement une planche de salut et un moyen extraordinaire de transmission d'info) d'une de ses amies :
HAITI EN GRANDE SOUFFRANCE !
mercredi 13 janvier
Le Père Maurice, monfortain français, rescapé d’un quartier ravagé, témoigne :
« C'est terrible! La vie s'est arrêtée à la capitale !
Le jardin d'enfant est détruit comme tous les autres édifices de la zone. Il y a des absents chez nos confrères montfortains, 8 séminaristes manquent à l'appel, écrasés dans leur minibus au moment où ils allaient quitter le séminaire, l'étage s'est affaissé sur le parking, chez les soeurs de la Sagesse de Carrefour... partout ! Mamie Jean (la directrice) et les siens ont eu juste le temps de se sauver dès les premiers signes du séisme, ils sont comme tout le monde, dans la rue, les gens n’osent plus rentrer chez eux par peur des répliques.
L'archevêque de Port-au-Prince est parmi les cadavres avec son vicaire général... la ville est détruite ! Il y a des morts par milliers !
Depuis hier soir je n'arrête pas de pleurer, je pleure avec ceux qui pleurent !
Merci pour l'amitié et la solidarité ! »
Maurice
Aidons les dans l’urgence à ressouder des parcelles de vie.
Pour être solidaire, on peut envoyer un chèque à l’ordre de Association Roger Riou / Haïti
67, rue du Ranelagh 75016 Paris, (accompagné d’une enveloppe avec adresse et timbre pour reçu fiscal).
Les dons seront envoyés rapidement au Père Maurice, sans intermédiaire.
Merci pour chaque geste d’amitié,
Francine Fritel
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07/11/2009
Faut-il reconstruire le mur de Berlin ?
La commémoration de la chute du mur de Berlin sonne étrangement au moment même où le parti du président français (l'UMP) est jumelé avec le Parti Communiste chinois, celui-là même qui, en 1989, l'année de la chute du Mur, a réprimé durement les mouvements étudiants de la place Tian an Men à Pékin. On pourrait considérer bien sûr que, d'une part, ce choix révèle la vraie nature soixante-huitarde du président : après avoir exprimé son intention de "jouir sans entrave", le voici maoïste... mais d'autre part, on n'a pas envie de réduire la problématique de la chute du Mur à des considérations polémiques, car elle a eu un effet bien plus considérable.
1989 : l'année du bicentenaire de la Révolution française
La chute du Mur ne s'est pas faite en un jour, elle a été l'aboutissement de nombreux mois de crissements et de craquements qui, peu à peu, déchiraient et déboitaient le monde bâti par les soviétiques depuis la seconde guerre mondiale. La Pologne avait longtemps fait preuve d'insoumission, puis ce furent les Hongrois qui décidèrent d'ouvrir leur frontière avec l'Autriche. Aussitôt, des Est-Allemands, des Tchèques, des Hongrois mêmes, et d'autres, votèrent avec leurs pieds en passant à l'ouest. Il y eut des trains entiers qui, partant d'Autriche, arrivaient en Allemagne encore dite de l'Ouest (la RFA, opposée à la RDA). L'effondrement semble avoir été presque voulu par Gorbatchev, comme une purge salutaire, et on ne peut pas s'empêcher de faire un rapprochement entre celui-ci et le personnage extraordinaire interprété par Kusturica dans le passionnant film de Christian Carion "L'affaire Farewell".
Pendant que ce monde s'effritait et périssait, la France préparait les fastes du bicentenaire de la Révolution française. On enregistrait des émissions plus ou moins inspirées (je me souviens d'un procès de Louis XVI où Fouquier-Tinville était curieusement interprété par Jean-Édern Hallier, plus flamboyant que jamais), des documentaires, on se préparait à rouvrir pour la énième fois le dossier de la Terreur, pouvait-on distinguer les deux phases de la Révolution, 1789 et 1793, ou fallait-il considérer que la Révolution, dans toutes ses phases, était, selon l'expression de Clemenceau, "un bloc" ?
Le clou des festivités était évidemment prévu pour le 14 juillet 1989, commémoration de la prise de la Bastille par les Parisiens. On annonçait un défilé de haut vol créatif sur les Champs-Élysées, Jack Lang au faîte de sa gloire se trouvait aux manettes, on allait voir ce qu'on allait voir. Et j'avoue que j'ai été profondément déçu. Je ne suis pas du tout sensible à ce que fait Découflé, j'ai trouvé son défilé emphatique et ridicule, comme d'ailleurs l'ensemble des manifestations dont j'ai été le témoin. C'est que, dans toute cette affaire, un mot manquait : révolution.
La Révolution française, mère de toutes les révolutions jusqu'en 1989
Bien que la guerre d'indépendance américaine soit considérée comme une révolution selon les catégories anciennes, la vraie révolution, celle qui a fait rêver le monde, celle qui a théorisé le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, celle qui a renversé les féodalités européennes et imposé partout l'état-civil et le droit notarial unifié, c'est la Révolution française. Celle qui a guillotiné le roi et tué définitivement le père, c'est la Révolution française. Celle qui a aboli l'esclavage, c'est la Révolution française. Celle qui a proclamé l'égalité des citoyens devant la loi, c'est la Révolution française.
Nombreux sont les révolutionnaires du XXe siècle qui sont venus recueillir les idées révolutionnaires au creuset parisien, quel que soit leur pays, en particulier russes et chinois. Et comme un écho de la Révolution française, ceux qui ne trouvaient pas leur bonheur en potassant 1789 et 1793 le dénichaient en étudiant 1871 et la Commune de Paris. L'Internationale, chant français écrit par un Français (Eugène Pottier) pour le monde entier, était certes traduite, mais apprise en français dans le monde entier, après 1917.
Le plus terrible d'ailleurs, de ce point de vue-là, a été quand, place Tian an Men, on a vu des étudiants chinois fiers de résister au pouvoir sur un chant révolutionnaire français, la Marseillaise, quand en face d'eux, le pouvoir se réclamait d'un autre chant révolutionnaire français, l'Internationale. On pouvait presque retrouver là l'écho de ce que Lamartine dit un jour à des ultras de 1848 : "Votre drapeau rouge n'a fait que le tour du Champ de Mars, quand le drapeau tricolore a fait le tour du monde", en somme la même opposition se trouvait à des milliers de kilomètres de là, dans une société qui ne savait de la France que ce que les manuels révolutionnaires en disaient. Ce fut le tragique pinacle de l'influence idéologique française dans le monde, un chant du cygne : avec la chute du Mur, l'idée révolutionnaire, Danton, Robespierre, Marat, Clément, Sorel, toute cette cohorte de saints rouges, était appelée à sombrer dans l'oubli.
Nous n'en étions pas conscients alors, mais la fin de l'Union Soviétique, qui se profilait, annonçait la fin du prestige de nos idées, la fin de leur capacité dynamique à agir sur le monde.
Qu'avons-nous à dire au monde ?
Ce qui est tragique, c'est que le bébé s'est noyé dans l'eau du bain quand on a jeté le bébé avec l'eau du bain. Car dans les idées révolutionnaires brusquement démonétisées, il y avait des principes utiles pour organiser le monde, et surtout l'idée fondamentale que le peuple peut faire pièce aux puissants, qu'il peut leur tenir la dragée haute.
Et depuis ce temps, des idées, nous n'en avons plus, l'anglais règne partout, l'éthique publique a disparu au profit de la logique mercantile, inégalitaire et communautaire, qui se pare du beau nom de modernité et qui n'est que la dilatation des habitudes anglo-saxonnes à l'échelle d'un modèle mondial qui se voudrait universel. Cette société dominée par l'argent, c'est la leur depuis des siècles. Elle véhicule son cortège de misère et de soumission.
Et nous, nous pataugeons dans un débat sur l'"identité française" qui est forcément impossible, car l'identité française, notre esprit commun, est justement de n'avoir pas d'esprit national (pas de "Volksgeist"), mais une conceptualisation du monde, la Raison, de Pierre Abailard à Voltaire en passant par Thomas d'Aquin et Descartes. La France, c'est le français, notre langue, une méthode intellectuelle, ouverte à qui veut bien s'y intéresser. Notre identité, c'est de distinguer le public du privé, le sacré du profane, le politique du commercial, l'État de la Société civile. Notre identité, ce sont trois mots : Liberté, égalité, fraternité.
14:52 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : international, commémorations, mur de berlin, brelin, tian an men, chine, allemagne, rda, rfa, révolution française, internationale, marseillaise, gorbatchev | | del.icio.us | | Digg | Facebook
16/04/2009
"Let's make money !" ou l'organisation perverse de l'argent mondial.
Du flouze, de l'artiche, de l'oseille, de l'osier, des picaillons, des sous, de la fraîche, du pognon, de la monnaie, du pèse, c'est fou ce qu'il existe de noms pour désigner l'argent en français... Le film "let's make money" s'adresse à ceux à qui leur banquier a déclaré, d'un air gourmand : "il faut que votre argent travaille".
Ah oui ? il faut qu'il travaille ?
Le film montre des systèmes de prédation et de captation de l'argent produit pas les pays pauvres, au profit des spéculateurs (et des fonds de pension) des pays développés, mais ce n'est pas sa partie la plus fouillée. En revanche, l'explication d'un ministre du Burkina Faso est beaucoup plus explicite : son pays cultive énormément (trop pour la terre, apparemment) de coton. Ce coton, cueilli et nettoyé par la main, est de grande qualité. Mais il n'est pas compétitif, en raison des subventions des États-Unis à leurs propres producteurs, il est donc vendu à bas prix sur le marché international. Donc le Burkina a besoin de prêts des organisations internationales pour subsister. Autrement dit, alors que si les subventions américaines étaient supprimées, le pays "gagnerait" environ 80 milliards de Francs CFA (je pense que c'est environ 120 millions d'Euros), il en emprunte 20 milliards par an, qui viennent grossir sa dette. Le système est destiné à l'affaiblissement et à l'asservissement des pays pauvres. Let's make money ? Mais gardons surtout le pouvoir.
On voit aussi l'extravagante bulle immobilière espagnole, des projets immobiliers pharaoniques destinés seulement à lever des fonds sur les marchés financiers, et qui laissent des montagnes de béton vide.
On voit un personnage qui se présente lui-même comme un "chacal" et c'est tellement énorme qu'on hésite à croire que ce soit un vrai. Ce qu'il dit est l'exposé très exact de la théorie du complot, sauf que c'est un acteur direct et cynique qui l'expose, et on se dit que c'est tellement énorme, vraiment, que ce ne peut être un vrai. De ce fait, le film prend une autre dimension, et on se demande si ce n'est pas une fiction plutôt qu'on reportage à la manière de "Nous resterons sur terre".
Et ça se termine sur les paradis fiscaux, îles anglo-normandes en tête.
On comprend bien que le système aboutit à concentrer toujours plus les richesses mondiales.
On comprend aussi qu'il y a des gens en embuscade, ceux qui ont des liquidités en réserve, et qui, en prédateurs, attendent le moment où les États auront épongé les dettes des grands groupes industriels et financiers mondiaux, et où les actions de ces groupes seront encore à un cours bas, pour les racheter massivement et faire une culbute monstrueuse... Y parviendront-ils ? Espérons que non.
En tout cas, je suis content d'avoir ouvert le nouveau compte de ma société au Crédit Coopératif, une banque qui n'est pas cotée en bourse, qui d'ailleurs n'investit pas en bourse, et qui d'ailleurs n'investit que dans des projets solidaires, responsables et durables.
20:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : international, économie, cinéma, banques | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Sri-Lanka : silence, on meurt.
Depuis une dizaine de jours, le parvis des Droits de l'Homme, au Trocédro, à Paris, est continuellement occupé par des centaines de personnes (apparemment des Sri-Lankais) soutenant les Tigres Tamouls. Pourquoi en ce moment ? Parce que l'armée sri-lankaise mène une offensive contre les séparatistes tamouls.
L'île de Sri-Lanka, autrefois Ceylan, est divisée en deux ethnies : d'un côté les Cinghalais (dont le nom est lié à Ceylan) au pouvoir, de l'autre les Tamouls. Chacune des deux ethnies réclame le statut d'autochtone et accuse l'autre d'être venue d'ailleurs.
Les Tamouls que j'ai interrogés au Trocadéro sont très remontés contre ce qu'on nomme la "communauté internationale". De fait, alors que, selon eux, cinq mille personnes ont été tuées depuis le début de l'offensive gouvernementale, et alors qu'ils accusent l'armée d'utiliser des bombes au phosphore, le gouvernement français et le gouvernement anglais viennent de publier un communiqué accusant les forces tamoules de se servir des populations civiles comme de bouclier humain.
Toutes les guerres sont stupides et cruelles, il m'a paru nécessaire de dire un mot de ce qui se passe, dont on n'entend guère parler.
11:44 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : international, sri-lanka, tamouls | | del.icio.us | | Digg | Facebook
13/04/2009
Obama : voix des rêves oubliés, chagrin d'un songe.
Nous avions fait un rêve.
Nous avions fait le rêve que l'élection d'Obama ne serait pas que la première d'un non-blanc dans un pays qui pratiquait encore activement la ségrégation raciale voici à peine quarante ans. Nous avions fait le rêve qu'il serait aussi le président qui bousculerait les structures financières de ce pays qui l'ont conduit au gouffre.
Mais non.
Déjà, voici quelques jours, j'apprenais avec amertume que pour l'élection d'Obama, le Parti Démocrate américain avait "fiché" 220 millions d'Américains, pratiquement tous les adultes.
Puis peu à peu le bilan du G20 a révélé que les États-Unis, fidèles à eux-mêmes, choisissaient de changer les normes comptables plutôt que d'améliorer la vertu de leurs institutions financières. Le mensonge permet de se faire croire que tout va pouvoir reprendre comme avant. Sauf que... sauf que la réalité finit toujours par l'emporter comme le fait très justement remarquer Marc Vasseur dans son article du jour.
Alors ? ils vont gagner du temps, autant de temps qu'ils le pourront : le système n'a pas d'autre solution que lui-même, il n'a pas de plan B. S'il tombe, il tombe. Tant qu'il se trouvera des étais, de plus en plus artificiels, de plus en plus mensongers, ils les utilisera pour faire croire qu'il tient debout. Le système est droit dans ses bottes. S'il tombe, ce sera tout d'un bloc, avec d'autant plus de fracas.
(EDIT : je m'aperçois que j'ai oublié de préciser que c'est à Châteaubriant que j'emprunte la formule "voix des rêves oubliés, chagrin d'un songe", qui m'a toujours évoqué comme les vestiges d'une illusion).
11:42 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : international, états-unis, obama, wall-street, g20 | | del.icio.us | | Digg | Facebook
25/03/2009
Épurations ethniques.
Il y a quelsue chose que je ne comprends pas : quand il s'agit de circulation de produits fabriqués, il est interdit d'organiser tout ce qui pourrait aboutir à une forme de différenciation entre les produits nationaux et les produits européens. Les produits des vingt-quatre autres pays européens doivent être traités à égalité complète avec ceux du nôtre, sous peine d'accusation de protectionnisme et de discrimination. L'arrêt Boosman (un footballeur belge) a d'ailleurs étendu ce principe à certains contrats de travail. Mais on laisse les Flamands belges interdire à quiconque n'est pas flamand (et comment décide-t-on qu'on est flamand ? en exhibant un certificat d'arianité ?) d'acheter de la terre en Flandre. Cette discrimination-là est infiniment plus honteuse que l'autre, mais... on laisse faire. C'est douloureusement aberrant.
Les Italiens, eux, semblent avoir la même fringante énergie que leur pape allemand : ils veulent prohiber les classes comptant plus d'un tiers d'enfants d'immigrés. Ils ont déjà fiché leurs tsiganes. Bref, Mussolusconi regorge d'idées chouetes et personne ne dit rien.
Enfin, hors d'Europe, sur le rivage de l'Asie, les Israéliens se distinguent : fantaisies joyeuses de tee-shirts de l'armée et toutes sortes de révélations sur la façon dont l'armée (encore elle) a mené son offensive à Gaza sous la houlette d'un ministre de la défense (Barack sans Obama) qui, venu de la gauche, fait alliance avec l'extrême droite. Et voilà que de facétieux militants de ladite extrême droite organisent un pique-nique pour expliquer qu'au fond, les Arabes Israéliens feraient des Palestiniens présentables, cependant que des territoires aujourd'hui palestiniens mais peuplés de colons israéliens juifs pourraient intégrer Israël, comme ça on pourrait rester entre soi, entre juifs, en Israël.
Franchement, on a connu de meilleures époques.
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15/02/2009
Il faudrait supprimer l'OTAN.
À quoi sert l'OTAN ?
À donner une étiquette aux soldats occidentaux présents en Afghanistan.
À défendre l'Europe.
À matérialiser et pérenniser le leadership américain.
Franchement, la création de l'OTAN, après la guerre de 1939, pouvait avoir un sens, c'était le temps où Churchill disait qu'"un rideau de fer s'est abattu sur l'Europe", les pays d'Europe de l'Ouest émergeaient difficilement de la guerre, tous détruits et ravagés par les bombardements et les occupations. Du Royaume-Uni victime du Blitz à l'Italie dévastée par l'offensive des Alliés en 1943, en passant par l'Allemagne pilonnée d'un tapis de bombes, l'Europe était exsangue.
Les États-Unis, en ce temps-là, se portaient bien, leur économie était florissante, largement nourrie par la reconstruction des pays victimes de la guerre.
Très bien, soixante ans plus tard, les pays européens sont reconstruits, l'Europe de l'Est n'existe plus, elle fait partie de la même "maison européenne" (selon l'expression de Gorbatchev) que l'ancien Ouest, on ne voit plus guère à quoi sert l'OTAN.
Ah si : à pallier l'insuffisance des politiques de défense européennes.
Car au lieu de nous laisser défendre par d'autres, ce que nous devrions vouloir, c'est que l'Europe assume elle-même sa défense. Vaste programme.
09:04 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : international, europe | | del.icio.us | | Digg | Facebook
01/02/2009
Israël : ça pourrait être encore pire.
Contrairement à Siné (que j'ai soutenu par ailleurs), je ne suis pas anti-israélien par principe. Comme beaucoup de gens, je souhaite qu'Israël et la Palestine vivent en paix, deux États souverains et voisins.
En revanche, comme beaucoup de gens aussi, j'ai été scandalisé par la façon dont les troupes israéliennes ont mené l'affaire de Gaza, et l'impunité permanente dont jouit cet État est profondément choquante.
Mais si Kadima et les Travaillistes ont eu la dent dure (dans un contexte électoral qui ne leur était pas favorable), il faut savoir que l'arrivée au pouvoir de leurs adversaires de droite et nationalistes serait une promesse de bien plus grande tragédie.
La faiblesse historique des intentions de vote pour les Travaillistes d'Ehud Barak qui vient pourtant de conduire l'opération de Gaza, démontre une société où les déchirements sont plus à vif que jamais entre les partisans de la paix et ceux de la guerre. Vivement la paix.
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21/01/2009
La piraterie en Somalie et les gendarmes du monde.
La piraterie en Somalie donne l'occasion inédite d'une police des mers multinationale. La liste des pays dont les flottes patrouillent ne cesse de s'allonger. Aucune hiérarchie entre les nations, une gestion autonome de chacune des forces engagées, voici une formule qui tranche singulièrement avec l'ancien mythe d'un "gendarme du monde". Regrettons cependant que, s'agissant d'une action qui ne crée aucune polémique internationale, l'ONU ne trouve pas là le moment de jouer son rôle.
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05/11/2008
Distancés par la Chine, les États-Unis vont s'intéresser de très près à l'Afrique.
J'ai rendu compte voici déjà plusieurs semaines de l'ouvrage paru chez Grasset, la Chinafrique, qui étudie avec soin l'implantation de la Chine en Afrique depuis plusieurs années, sur fond de retrait de la France à bout de souffle.
À n'en pas douter, l'élection d'un fils de Kenyan à la tête des États-Unis va donner une impulsion nouvelle aux appétits des entreprises américaines en Afrique. Reste à souhaiter qu'Obama ne joue pas là une partition trop cynique et qu'il n'utilise pas sa position pour affaiblir le continent où est né son père.
Par ailleurs, nous avons à défendre en Afrique à la fois la francophonie et le pluralisme linguistique, puisque l'anglais comme le français ont tendance à éradiquer les vieux parlers autochtones africains.
17:26 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : international, afrique, chine, chinafrique, obama, états-unis, présidentielle américaine 2008 | | del.icio.us | | Digg | Facebook
31/10/2008
"Ils nous vendront la corde pour les pendre".
C'est Lénine qui le prophétisait : "Ils nous vendront la corde pour les pendre", signifiant par là que la vénalité inhérente au capitalisme conduirait à sa perte et à la victoire du socialisme soviétique. Il s'est trompé, c'est la vénalité qui a fini par avoir raison, en Union soviétique même, du modèle lénino-stalinien. Mais en regardant l'excellent reportage de Patrick Chauvel, hier soir, dans l'émission "Envoyé spécial", consacré à la rébellion musulmane du sud de la Thaïlande, je me faisais la réflexion des pouvoirs qui, de l'extérieur et en sous-main, financent ce genre de mouvements sécessionnistes. Et bien sûr, on est forcé de penser à ceux qui utilisent leur part de la rente pétrolière à subventionner et organiser ces groupes de guerriers.
Et voilà : c'est parfois en achetant notre pétrole que nous nourrissons des meurtriers. Sachons-le : chaque fois que nous achetons un litre d'essence, chaque fois que nous consommons un peu de pétrole, chaque fois que nous prenons un sac en plastique à la caisse d'un supermarché, nous sommes dans le risque statistique, en nourrissant les rentiers du pétrole, d'alimenter avec eux les ennemis de la paix et de la laïcité.
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07/10/2008
Le temps des voeux pieux.
Il est très flagrant, ces jours-ci, alors que la bourrasque financière s'abat sur l'Europe, de voir, d'entendre, de lire, toutes sortes de déclarations de principe des grands états, à peu près dans l'esprit du "plus jamais ça" qui a suivi la Ie guerre mondiale.
C'est à qui s'en donnera le plus à coeur joie pour appeler à moraliser les marchés, à sanctionner les indélicats...
Mais que diable n'ont-ils fait tout ça avant, alors qu'ils savaient ?
Décidément, leurs trop beaux sanglots ne sont que des larmes de crocodiles.
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03/10/2008
Tonneau des Danaïdes.
300 milliards en janvier, 600 milliards en septembre, pourquoi pas 1200 milliards en décembre ? C'est comme une drogue, une fois qu'on a mis le doigt dans l'engrenage, impossible de s'arrêter.
Le Canard Enchaîné signale cette semaine un cas semblable qui serait celui de la Caisse d'Épargne, laquelle a pompé 3,2 milliards en janvier et se trouverait en nécessité du double, soit 6,5 milliards.
Diable !
Cela s'appelle une croissance exponentielle, non ? Et si le puits n'a pas de fond ? Et si demain il s'agissait de 1200 milliards et de 13 milliards, puis de 2400 milliards et de 26 milliards ? Qui sait ? Engloutir ainsi des trésors sans connaître la profondeur du trou, est-ce une bonne idée ?
À votre avis ?
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01/10/2008
Crise financière : l'illusion d'une illusion.
J'ai écrit que le Plan Paulson était en quelque sorte un emplâtre sur une jambe de bois. Aussitôt volée de bois vert décernée contre mon hérésie par un spécialiste en la matière, L'Hérétique, et un diplôme de suicidaire galonné décerné par le Dr Ginisty. Je lis aujourd'hui un article d'hier de l'excellent blog "Les coulisses de Bruxelles" sur la nationalisation "provisoire" de Fortis par les autorités de feu le Benelux, avec l'idée que, bien entendu, cette nationalisation n'est que transitoire, le temps que les marchés "reprennent leurs esprits".
Ce ne serait donc que cela ? une crise d'hystérie collective ? Une brutale illusion ? Les marchés financiers auraient des vapeurs et, le temps de jeter un peu d'eau froide sur la machine, tout rentrerait dans l'ordre ?
Mais alors, L'Hérétique et Ginisty auraient raison. Argh.
Mais non, ils ont tort. Le réseau Alcibiade, tout d'abord, a étayé (dans les commentaires) mon affirmation profane par celle d'un spécialiste dénommé Rubini, dont j'invite à consulter l'opinion ici. Ensuite, Frédéric Lefèvre-Naré (à ne pas confondre avec le liberticide Frédéric Lefebvre, il y a soi dit en passant des avantages à porter un nom rare comme Torchet, on s'y trouve rarement en mauvaise compagnie), Frédéric Lefèvre-Naré, donc, ayant observé que nous étions lui, Christophe Ginsty et moi des non-spécialistes, et que nous devions conséquemment faire preuve de modestie, je lui ai rétorqué amicalement que, vu que ce sont les spécialistes qui ont fichu le système par terre, il était peut-être temps de s'adresser à d'autres...
La crise actuelle est affaire de bon sens. Comme je l'ai écrit voici plusieurs jours, "on ne peut pas indéfiniment traire la même vache sans lui faire produire des veaux de temps à autre". C'est un problème d'adéquation de la production à la richesse.
On y trouve la conjugaison d'une bulle financière monstrueuse, d'un appauvrissement des habitants du pays le plus riche du monde (dû entre autres à la baisse du dollar), de l'incurie d'un système destiné à produire de l'argent coûte que coûte, de la financiarisation de l'économie qui en découle, et d'une pure et simple surchauffe.
La surchauffe est une phase de croissance économique aiguë, violente, démesurée, un emballement de la machine, qui conduit toujours à la dépression.
Or le monde vient de traverser une période de surchauffe, matérialisée par la frénésie du cours des matières premières, par un taux de croissance mondiale très fort, qui ne pouvait que déstabiliser les rouages de l'économie de notre planète (ce qui n'est que le moindre de ses inconvénients avec la déforestation, la pollution, la détérioration de notre planète et de notre avenir). Après la surchauffe, la dépression.
On comprend bien que les gouvernements européens cherchent à éviter la panique, mais doivent-ils pour autant mentir ?
La crise n'est pas que financière, c'est une dépression économique profonde, il n'y aura pas de retour des marchés au statu quo ante (et hanté). C'est pourquoi il est illusoire de prétendre empêcher le système financier de s'écrouler : ce serait impossible.
Il faut laisser l'offensive de l'ouragan se déployer et intervenir seulement au moment où elle faiblira. Tout ce qui sera fait entre-temps sera perdu.
Et pour éviter la panique, on peut aussi choisir mieux sa banque, merci Quitterie, et aller consulter la note des Amis de la Terre. Évidemment, choisir sa banque paraît un luxe, beaucoup de gens se contentent de l'établissement qui veut bien d'eux, mais c'est moins vrai qu'il ne semble et, pour ceux qui peuvent, cela devient une double responsabilité.
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30/09/2008
L'échec du plan Paulson est une bonne nouvelle.
Il faut laisser le système financier s'effondrer. Il y a à cela plusieurs raisons.
La première est d'ordre moral : le système financier a commis une faute, il s'est arrogé une puissance excessive, il s'est voulu le maître, puis il a mésusé de sa puissance. Il s'est trompé, il a commis des fautes impardonnables qui sont pour beaucoup dans l'effondrement actuel. Il n'existe donc aucune raison de sauver le système financier mondial.
Laissons-le s'effondrer puis, si besoin est, recontruisons-en un autre avec ce qui sera resté de solide dans la débâcle.
Mes lecteurs vont me trouver sévère, voire glacial, au regard des conséquences de ce que j'appelle de mes voeux : l'implosion. Ils vont, comme la presse, la télé, comme Paulson, comme tant d'autres, trouver qu'"on ne peut pas laisser faire". Mais si. On peut. Et je dirais même plus : on doit.
En janvier, j'écrivais que le plan de relance de l'économie américaine ne servirait à rien d'autre qu'à cramer 300 milliards de dollars. Dans un premier temps, les 300 milliards ont paru efficaces, puis la réalité s'est remanifestée, en pire. Dépenser 700 milliards de plus n'aurait été qu'une folie supplémentaire : on n'arrête pas la mer avec les mains.
Le système financier est un jeu d'apparences, de confiances croisées, de paris sur du papier, du papier rédigé avec du vent. Une fois que le masque du papier a révélé le vent, l'ouragan se lève.
Et le voici, l'ouragan, il monte, il souffle, il tonne, il jette des éclairs. Il approche.
Qui a lu "Typhon" de Joseph Conrad sait qu'il ne sert à rien de marcher contre le cyclone : il faut au contraire se laisser porter par lui, se lier à lui, c'est ainsi qu'on le traverse en limitant les pertes. Laissons le cyclone passer. C'est après qu'il faudra réinjecter de l'argent dans tout ça, pas avant, encore moins pendant.
La guerre en Irak a coûté au moins 1500 milliards de dollars aux États-Unis. 1500 milliards de dollars, c'est à peu près le coût de la crise des subprimes. Ces 1500 milliards ont cruellement manqué à l'économie américaine, de là l'étendue de la crise.
Qu'on se le dise et qu'on se le redise : il n'y a pas de prospérité dans la guerre, pas de bonheur, pas même de destin. Dans la guerre il n'y a, comme disait Chrchill, que "du sang et des larmes".
Cette crise qui s'ouvre, nul ne peut en prévoir l'étendue ni la fin. C'est pourquoi il est illusoire de vouloir dépenser de l'argent qui n'existe pas pour sauver des entreprises qui n'existent plus.
Au lieu de nationaliser des banques, le gouvernement américain ferait mieux de nationaliser les fonds de pension. D'une part, parce que la logique purement rapace qui les a mus porte une lourde responsabilités dans l'implosion du système, en ayant découplé la logique financière de la logique industrielle, d'autre part parce qu'on n'ose pas imaginer le nombre de retraités américains que l'effondrement du système financier peut priver de ressources.
Cet argent-là serait utilement dépensé et d'ailleurs, cette nationalisation-là devrait coûter tout juste un Euro symbolique.
Et quand je pense qu'au milieu du cyclone, alors que le bateau fait eau de toute part, l'urgence absolue, LA priorité du gouvernement français, c'est de faire passer son funeste projet Hadopi au forceps, au nez et à la barbe de l'Europe... il y a de quoi se la prendre et se la mordre.
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18/09/2008
L'Amérique se cherche-t-elle un nouveau modèle de croissance ?
François Bayrou le rappelait lors de l'Université de rentrée des Démocrates, les États-Unis ont opéré, dans les années 1970-80 un revirement profond de leur modèle de croissance : jusque-là, c'est par la classe moyenne que l'essor se nourrissait, par l'accession du grand nombre à une consommation abondante, et donc par un modèle fondé sur un enrichissement des modestes. Avec le reaganisme, l'inégalité est devenu le moteur de la croissance. Bayrou en concluait : "méfions-nous car, voyez-vous, ça marche ! ce système marche !"
Ah bon ?
Est-ce si sûr ?
La crise actuelle n'est-elle pas au contraire le fruit de l'accentuation des inégalités depuis 25 ans ? Le fait que l'on évoque sans cesse la crise de 1929 (et non pas celle de 1973) n'est-il pas significatif du fait qu'inconsciemment, nous savons que c'est parce que le pouvoir américain est revenu sur de nombreuses réformes du "new deal" de Roosevelt qu'aujourd'hui les États-Unis sont plus fragiles qu'hier ?
La croissance par l'inégalité s'est accompagnée d'un développement faramineux des nouvelles technologies de l'information. Le moteur de la croissance, dans le dernier quart de siècle, ce fut l'informatique, puis ce qu'on appelait au début en France (vers 1986-7) les "autoroutes de l'information", l'Internet. Or le modèle américain, comme Cendrars le montre très bien dans son roman "L'Or", est fondé sur la logique des filons, on trouve un filon, tout le monde se précipite, on exploite le filon, on l'use jusqu'à la corde, jusqu'au-delà de l'épuisement, puis on passe à un autre filon. Et le filon informatique est tari, il porte encore une croissance, certes, mais insuffisante pour devenir le moteur d'une économie. Il est en vitesse de croisière. Il faut donc trouver un autre filon.
Pour certains, c'est la guerre. La logique de la guerre en Irak est en effet très keynésienne, du point de vue américain : par la dépense publique, on relance la croissance. La recherche militaire peut servir à toute l'économie, Internet est là pour le prouver, et donc non seulement la fabrication d'armes nourrit des ouvriers, mais la reherche des industries d'armement propose l'avenir. C'est la logique de Bush et celle de McCain. en fait, c'est un échec, car rien n'en est sorti de solide cette fois-ci.
L'autre hypothèse que l'on rencontre, c'est l'économie durable, l'économie écologique. Là, les gisements de croissance sont énormes et les industriels américains, paraît-il, déjà tout prêts, dans les starting-blocks.
Seulement, cette économie-là nécessite des revirements culturels profonds de l'Amérique. Elle est incompatible avec McCain, incompatible avec le tout-pétrole, avec en fait tout ce qui s'est dit et pensé dans les milieux américains depuis déjà de nombreuses années.
La croissance par l'écologie, si elle voit le jour, signifiera donc une nouvelle mutation en profondeur de l'éthique sociale, sans doute un retour vers l'idée d'égalité, de développement par le grand nombre. La crise actuelle solde peut-être la période précédente, ce n'est peut-être qu'une épouvantable purge avant un rebond qui sera salutaire dans tous les sens du terme, et que les Américains, ont le voit bien, identifient clairement avec Obama.
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17/09/2008
"La Chinafrique", de Serge Michel et Paolo Woods.
Hier soir, un certain nombre de colistiers d'"Ensemble pour un Paris Démocrate" se sont réunis au café "Alter-Mundi", dans le 11e arrondissement de Paris. J'y ai bu un whisky-coca où le coca était un (b)reizh cola équita, Quitterie a choisi un vin blanc bio (du cheverny) et, au mur, il y avait une affiche stigmatisant le pillage de l'Afrique par l'Europe. Le livre que je vais décrire ici donnera matière à une nouvelle affiche, déjà plus grosse que l'autre : stigmatisons le pillage de l'Afrique par la Chine. Quoique.
Serge Michel et Paulo Woods ont fait un travail de journalistes de terrain, ils se décrivent dans les rues, dans les forêts, dans les ports, de l'Afrique. Ils entendent les petits enfants africains mendier en interpellant les passants en mandarin (càd en chinois). Ils dialoguent avec des ministres guinéens. Ils constatent la mise en exploitation de la forêt du bassin du Congo, la deuxième du monde après l'Amazonie, pourtant protégée moyennant financement de l'État américain. Ils déjeunent d'un couscous chez un Tunisien en Chine. Bref, ils vont là où ils pourront recueillir des info de première main.
Le premier constat est logique : les pays africains, lassés des exigences démocratiques que leur imposent de plus en plus la France et l'Europe, se tournent vers une puissance qui, comme autrefois la France, ne met pas les yeux dans leurs affaires politiques, et leur fournit armes et équipements publics, et juteuses commissions.
L'implantation massive de la Chine n'est toutefois pas sans avantages réels pour l'Afrique : alors que l'Europe et les États-Unis se contentent souvent d'emporter les matières premières pour les transformer chez eux, la Chine fait des efforts supplémentaires. L'exemple est celui de la bauxite. La Guinée regorge de ce minerai qui est essentiel pour l'aluminium, mais n'a jamais été capable de le transformer elle-même, faute d'une suffisante production domestique d'électricité. Les compagnies européennes expliquent que la construction de barrages n'est pas leur métier et végètent dans leurs pantoufles commerciales. La Chine, elle, à l'ancienne, comme dans les années 1960, a une capacité de mobilisation politico-administrative qui lui permet de proposer des barrages, les installations liées, les usines etc. Qui s'empare donc de la bauxite guinéenne ? La Chine. Et la Guinée y gagne de nouveaux moyens de production d'énergie et des emplois pour ses ressortissants.
On voit là un double mécanisme politique et commercial où le dynamisme chinois fait merveille, cependant que l'absence de démocratie de ce pays est un atout dans un continent où la démocratie est minoritaire.
Il existe un troisième mécanisme, au fond plus classique : les normes internationales imposent de plus en plus aux pays africains le recours à des marchés publics pour leurs équipements majeurs. Dans ces marchés publics, les Chinois gagnent, parce que leur personnel est moins exigeant, par exemple. Donc de nouveau, le dynamisme commercial.
Résultat : la Chine est devenu le deuxième partenaire commercial de l'Afrique, dépassant la France.
On peut lire ce livre pour découvrir l'Afrique nouvelle, engagée dans les processus de la croissance des puissances émergentes. On peut d'autant plus le lire qu'on ne sait pas ce que tout cela va devenir dans la crise qui s'annonce et dont on ne connaît encore ni la profondeur, ni l'étendue, ni la durée.
(Grasset)
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16/09/2008
La troisième tour du World Trade Center s'est effondrée.
Lorsqu'un ouragan terrible dévasta la Bretagne, mi-octobre 1987, des forêts entières furent réduites à néant, les résineux tombèrent les premiers, et avec eux une myriade d'espèces forestières de toutes les natures et de toutes les tailles. Quelques mois plus tôt, en me promenant dans des bois que je connaissais bien, un spécialiste, qui s'y promenait avec moi, me montrait les signes d'un affaiblissement qui, peu à peu, gagnait le tronc de ces arbres et qui finirait par les tuer. Selon lui, l'origine du mal se situait dans la sécheresse de 1976 et dans le fait que, par la suite, rien n'avait été fait pour panser les plaies. L'ouragan s'abattit sur des végétaux qui lentement, imperceptiblement, périclitaient. Ce fut un carnage.
L'ouragan qui depuis un an dévaste la finance américaine est semblable à celui dont les Bretons se souviennent : il frappe des organismes qui, lentement, cuvaient la grande meurtrissure de l'effondrement des "tours jumelles" et de la paralysie du principal centre financier mondial. Il faut se souvenir des mois, longs mois, qu'il fallut à Wall Street pour retrouver un fonctionnement normal malgré le traumatisme et la cicatrice béante de "ground zero". De longs mois à retisser la toile financière, des efforts pour faire repousser des billets verts dans la poussière sale et amiantée des vestiges des tours.
La titrisation des créances douteuses que l'on englobe sous le vocable des "subprimes" relève de cette logique de reconstruction, de réinvention de la richesse à partir du néant.
Qu'on ne s'y trompe pas : la crise avait commencé dès avant le 11 septembre. C'était comme une perte de substance, une fuite de gaz, que le 11 septembre a transformée en déflagration, en implosion. Par la suite, les artifices et les efforts, conjugués aux effrayantes dépenses de guerre, ont permis aux États-Unis de retrouver une croissance apparente. Mais les artifices finissent toujours par se dévoiler, par se payer cash. C'est ce qui arrive avec la faillite de Lehman Brothers, celle masquée de Merryll Lynch, acteurs historiques de la finance américaine et mondiale, et le séisme qui ébranle de proche en proche tout l'édifice financier international. Cash. Ce qui se cache se paie cash, on ne peut pas indéfiniment jouer à cache-cash.
Nous devrions nous réjouir (un peu jaune tout de même) de ces faillites : ceux qui affirment que l'argent ne doit pas être le roi du monde y trouvent une approbation, mais plus encore, nous qui dénoncions la financiarisation de l'économie, nous avons là la preuve la plus flagrante que nous avions raison : la titrisation est le degré un de la financiarisation et l'effondrement du système des subprimes est la démonstration grandeur nature de la folie inhumaine de cette financiarisation qui, tôt ou tard, aboutit au drame, parce qu'elle tente de faire faire indéfiniment des petits au même petit tas de billets verts. La multiplication des pains, ça a peut-être existé, mais on n'en est pas sûr et, de toutes façons, on n'a pas vu ça depuis près de 2000 ans, alors il faut admettre qu'on est toujours rattrapé par la valeur réelle des choses et qu'on ne peut pas indéfiniment traire la même vache sans lui faire faire des veaux de temps à autre.
Les réactions en chaîne ne sont pas terminées : les entreprises en première ligne se battent pour ne pas avoir à inscrire trop de dépréciation d'actifs, mais une fois qu'elles ont atteint leur point de rupture, elles deviennent elles-mêmes des actifs à déprécier, dépréciation qui pèse dans les comptes d'autres entreprises qui, à leur tour, en sont fragilisées, et ainsi de suite.
700 milliards de dollars de dépréciation ont déjà été constatés, dit-on, et il y en a encore au moins autant à révéler.
L'État américain a pris, avec Fanny et Fred, plusieurs centaines de milliards à sa charge, qui s'ajoutent aux centaines de milliards de dollars du déficit déjà programmé. Viendra-t-il un temps où l'État américain lui-même ne pourra plus mettre au pot ? C'est possible. Et c'est ce genre d'engrenages qui, à la suite de la participation de la France à la guerre d'indépendance américaine, a produit la Révolution française.
Or étant donné les pratiques de plus en plus cruelles, inégalitaires, népotiques et corrompues du pouvoir américain, il y a de quoi s'interroger sur la santé de la démocratie américaine.
À suivre de près, donc.
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