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11/06/2008

Laïcité : un peu d'histoire.

J'ai été frappé, ces jours derniers, de lire sous la plume de certains de nos amis une lecture de certains aspects de la laïcité qui contredit la réalité historique de la laïcité en France, ouvrant la question de ce qui caractérise désormais le droit de croire et de ne pas croire.
 
Tahar Houhou par exemple, s'interrogeait sur la sanction pénale subie par un desservant de mosquée (un imam) parce que celui-ci avait célébré un mariage religieux alors que le mariage civil n'avait pas été célébré. Alors voici l'histoire de l'état-civil en France, qui permet de comprendre un peu mieux les enjeux juridiques et sociaux de l'affaire :
 
Au Moyen Âge, la célébration des mariages était le fait de l'Église catholique. Il n'y avait pas encore de protestants et les juifs étaient rares, voire bannis. L'aspect civil des choses ne concernait que la tranche la plus élevée de la population, qui accompagnait la cérémonie religieuse d'un contrat notarié qui prenait effet à la date du mariage religieux.
 
Le XVIe siècle a opéré sur cette réalité une véritable révolution : l'édit de Villers-Cotterêt a purement et simplement nationalisé l'état-civil en prescrivant les formes de la tenue des registres par les desservants des paroisses. C'est à partir de ce jour-là que le mariage a cessé d'être un pur contrat pour entrer dans le domaine à la fois du service public et de l'administration judiciaire : désormais, le juge de l'état des personnes n'est plus seulement celui du droit canon, comme au Moyen Âge, mais celui de l'État, le sénéchal ou président du présidial, à qui a succédé finalement le président du tribunal de grande instance (TGI), justice du roi, puis de la République.
 
Cette dépossession de l'église s'est accélérée quand Louis XIV a prescrit qu'un deuxième exemplaire des registre paroissiaux serait tenu et déposé au greffe du présidial, comme aujourd'hui à celui du TGI.
 
Enfin, la Révolution a ôté la délégation de service public dont bénéficiaient les prêtres pour confier la célébration de l'acte civil, seul reconnu par la Société, à un laïc, officier d'état-civil. J'ai été officier d'état-civil pendant six ans et j'ai célébré 647 mariages, dont une assez faible proportion était suivie par un mariage religieux.
 
L'idée est que l'individu n'est pas entièrement propriétaire de lui-même ni de sa famille. C'est au nom de la même idée que les parents peuvent être déchus de leurs droits parentaux si l'intérêt de l'enfant l'impose.
 
Comme je l'ai répété 647 fois, le mariage est d'abord, et avant tout, une institution de la Société, qui ne devrait avoir aucun rapport, de mon point de vue, avec la religion, car on ne voit guère le rôle d'un dieu dans tout ça.
 
Cependant, il a été prévu que les gens qui le souhaiteraient pourraient continuer à se marier religieusement, un mariage en stuc, à condition expresse que le vrai mariage, civil, ait été célébré antérieurement.
 
Tahar Houhou se demandait ce que la Société avait à voir avec ça et ajoutait que, de son point de vue, si les gens avaient envie de se marier religieusement, et seulement religieusement, on ne voit pas pourquoi la Société les en empêcherait. La réponse, là encore, est historique : le système qu'il préconise, celui où le mariage civil et le mariage religieux coexistent sans se superposer (le mariage religieux valant aussi pour un mariage civil), ce système, donc, existe : c'est celui qui prévaut au Royaume-Uni, un pays qui ne connaît pas la séparation des églises et de l'état.
 
Donc les choses sont claires : une vraie laïcité rend le mariage religieux superfétatoire, purement privé, inopposable en droit civil sauf scories de droit.
 
Et c'est là qu'il faut parler de la tendance la plus récente en matière matrimoniale : la recontractualisation du mariage, l'envie pour les conjoints d'expulser la Société du contrat qu'ils passent entre eux. Cette tendance est l'écho de l'érosion de l'État, son image, son autorité. Elle a ici clairement l'inconvénient de faire peser un poids nouveau sur notre modèle de laïcité, dont on découvre pourtant chaque jour qu'il a fait ses preuves.

01:25 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : laïcité, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

merci pour cette mise en perspective
a part l'approximation un peu simpliste concernant le moyen-age je souscris totalement a cette présentation.
Le mariage comme fait de société et non pas comme contrat privé, même si les légalistes vont bondir, est ce qui se rapproche le plus de ma vision de la société.
merci de ce point de vue

jpm

Écrit par : jpm | 11/06/2008

@ jpm

Le Moyen Âge n'est pas uniforme, parce que le droit varie selon les lieux, mais je donne une synthèse globale. Et l'emprise des juridictions civiles sur le contenu de l'état-civil est pratiquement nul.

Écrit par : Hervé Torchet | 11/06/2008

Les commentaires sont fermés.