19/10/2008
Quatre nouvelles observations sur la crise financière et économique.
1 ) Pauvre Caisse d'Épargne
Contrairement à Luc Mandret, je ne suis pas client de l'Écureuil, cet animal pas futé dont on vient de redécouvrir qu'il a pour fâcheuse habitude d'oublier où il planque ses noisettes.
La Caisse d'Épargne est une institution financière quasi-bicentenaire, connue pour sa gestion prudentielle et sa multitude de clients modestes, voire très modestes. C'est presque une banque sociale. Hélas, quelque crâne d'oeuf, on ne sait où, a eu l'idée géniale de lui ôter son produit phare, le monopole du livret A, pour le confier à des établissements qui n'ont rien à faire des petits clients, ce qui devrait à terme porter un coup très dur au livret A ou le reconcentrer sur un établissement spécialisé.
Prévoyant la première évolution et la perte de leur monopole, les dirigeants de la Caisse Nationale des Caisses d'Épargne (CNCE) - il s'agit en fait d'une fédération de caisses locales mutualistes - se sont lancés dans le contraire de leur métier : la spéculation au long-cours. D'après le site Médiapart, relayé par le Canard Enchaîné, l'Écureuil se serait fait carboniser aux États-Unis dans l'affaire des subprimes et diverses autres opérations hasardeuses. Prudemment, il a annoncé se rapprocher d'un autre système mutualiste : la Banque Populaire. Et là-dessus, on lui impute encore 600 millions d'Euros de perte en quelques heures (qui suggèrent au passage que l'Écureuil est bien menacé et qu'il a tenté un banco pour se renflouer).
Il me paraît donc urgent de crier QU'IL FAUT SAUVER LA CAISSE D'ÉPARGNE. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ils n'ont pas tenté leur mutation plutôt vers des activités proches de leur métier initial, comme le micro-crédit. Cela aurait été plus malin que d'enterrer tes noisettes, l'écureuil...
2 ) Pauvre Banque de France
La création d'un organisme qui ressemble à une société d'économie mixte, en partie corporative, en partie étatique, destinée au refinancement des banques, laisse rêveur sur ce qui reste de mission à la Banque de France depuis la créatioin de l'Euro. Vient-on en fait de reprivatiser la Banque de France (nationalisée par Léon Blum) ? Question accessoire : les gouvernements européens ont-ils fait en sorte de court-circuiter la Banque Centrale Européenne ? Et de le faire au profit du marché et des intérêts privés alors que ceux-ci viennent de faire la preuve éclatante de leur incompétence ?
Comme disait Shakespeare, "to die is nothing : to be or not to be, that is the question", mais tout de même...
3 ) Le monde se vautre dans la relance par la consommation
Le plan de sauvetage des banques est un leurre. En fait, il s'agit bel et bien d'un plan massif de relance keynésienne.
Or la relance coordonnée de toutes les économies ocidentales va donner un coup de fouet à la production ... chinoise, alors même que les Chinois n'ont pas déboursé un liard pour la relance, et à la production ... de pétrole, alors que les rentiers du pétrole n'ont pas versé un denier pour la relance. Quelqu'un a le nom du brillant inventeur de cette merveille ?
Accessoirement, l'idée centrale du keynésianisme (une relance provisoire) est explicitement invoquée par nos dirigeants, qui la mêlent à la conviction très libérale que le système va retomber de lui-même sur ses pieds et que les dépenses publiques actuelles ne coûteront donc rien au contribuable. Tout cela est une triste farce. Hélas.
En fait, on établit un système de perfusion permanente des grands groupes industriels, qui seront très heureux de bénéficier de nos impôts pour beurrer leurs tartines de caviar, cependant que nos PME continueront de sombrer. Quel bonheur !
4 ) Qui va sauver l'État ?
Je sais que parmi quelques-uns de nos petits copains libéraux intégraux, il s'en trouve pour souhaiter la mort de l'État ("act local"). Ils ont tort, du moins tant que n'existe pas un gouvernement mondial, un État universel. Car c'est l'effacement des structures étatiques qui produit l'atmosphère guerrière dans laquelle le monde baigne ces temps-ci. Dans le monde des puissances nucléaires, la guerre n'est presque pas possible, mais dans celui de bandes privées qui sont trop modestes pour l'efficacité d'un tir nucléaire, la guerre redevient possible. Autrement, la crise mondiale des institutions mène le monde vers la guerre universelle, non pas des guerres mondiales rangées comme autrefois, mais une guérilla permanente, dont les faibles sont toujours les premires victimes. Donc il faut sauver l'État.
19:12 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : crise financière, économie, caisse d'épargne, banques, luc mandret | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
L'écureuil est casse noisette, il aurait pu faire attention lorsqu'il a placé ses économies :-/
Écrit par : Antonin | 19/10/2008
Le rapprochement de la CE des BP, c'est bien avant la crise.
La CE est parmi les banques qui on restreint le moins l'octroi de prêts.qui m'inquiètes, ce n'est pas celle là.
Il y a au moins une banque française
L'opération de sauvetage bancaire n'est nullement keynésienne : je vois pas de plan d'investissement réels ni d'augmentation radicale des bas salaires ...
Je te préfères en premier supporter de Quitterie qu'en analyste économique
Écrit par : Claudio Pirrone | 19/10/2008
@ Claudio
Tu verras.
Cela dit, moi aussi, je me préfère en fan de Quitterie.
Écrit par : Hervé Torchet | 19/10/2008
@ BCE et Keynes
La BCE ,dont le rôle principal est de lutter contre l'inflation, a une politique monétaire qui est en opposition avec la politique monétaire d'inspiration keynésienne.L'une est restrictive et l'autre est expansive.
Pierre
Écrit par : ulm pierre | 19/10/2008
@ Hervé
oh j'en doute pas :-)
Écrit par : Claudio Pirrone | 19/10/2008
Comme Luc, je suis à la Caisse d'ep...
Sinon, concernant la Chine, son "problème" c'est que sa consommation intérieure est trop faible. Les chinois consomment peu, épargnent beaucoup, refusent de s'endetter. Les prémices d'un nouveau capitalisme? ;-)
Écrit par : eric | 19/10/2008
Tu pourrais parler des solution aussi
David C.
Écrit par : David C. | 20/10/2008
@ Éric
Si les choses empirent, il reste toujours la possibilité d'aller sur la Nef, comme Quitterie.
Écrit par : Hervé Torchet | 20/10/2008
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