04/04/2009
"Nulle part terre promise" : nulle part sans ailleurs.
Voici en quelques semaines le troisième film que je vois sur le même sujet : l'odyssée des clandestins venus d'Asie tenter leur chance en Europe. Le premier, volontairement décalé, était celui du vétéran Costa-Gavras, "Eden à l'ouest". Le deuxième, triste à mourir, et qui a fait heureusement couler de l'encre, était le remarquable "Welcome" de Philippe Lioret. Le troisième est plus discret, sorti dans quelques salles seulement : "Nulle part terre promise", d'Emmanuel Finkiel, avec en particulier Elsa Amiel qui sous certains angles a un faux air entêtant de Sandrine Kiberlain.
"Eden à l'ouest" voyait l'immigration clandestine sous l'angle des parasites et d'une société européenne réduite à ses propres apparences et à ses propres mensonges. "Welcome" s'attachait à ceux qui aident les fugitifs et à ceux qui les dénoncent. "Nulle part terre promise" est encore plus radical dans son approche cinématographique : peu de dialogue, un tournage en numérique s'attardant longuement sur des situations hyperréalistes, effrayantes. C'est notre humanité.
L'angle d'approche est à la fois plus large et plus serré encore, focalisée sur trois parcours : celui d'une étudiante (Elsa Amiel), celui d'un émigré accompagné de son fils, et celui d'un "col blanc" français envoyé par sa boîte, d'abord délocaliser son usine en France (quasi-émeute des ouvriers, très en écho de la réalité actuelle) puis la relocaliser en Hongrie, Hongrie où l'étudiante circule avec une caméra DV constamment allumée et braquée sur le visage des gens. Le père et son fils, eux, passent de soute en camion, traversent les frontières sans être vus, et finissent au bord de la Manche, là où se termine le film de Lioret, face à l'Angleterre.
Plus serré, donc, sur ces échantillons humains souvent muets, très mobilisés par un but chacun à la fois. Plus large, l'angle, aussi, parce que le sujet réel du film est la mondialisation : des ouvriers d'Asie Mineure viennent clandestinement travailler en Europe de l'ouest pendant que les entreprises françaises transfèrent le travail en Europe de l'est. L'étudiante est en Hongrie et son voyage doit se poursuivre à Londres, où elle pourra se rendre facilement bien qu'on lui vole son sac, cependant que les clandestins vont tenter d'y aller en parcourant le tunnel sous la Manche à pied.
C'est notre époque, celle en tout cas d'avant la crise. Sur quoi va-t-elle déboucher ?
Sur rien. Sur la même chose qu'avant, sur des gens qui cherchent ailleurs ce qu'ils ne trouvent pas chez eux et qui, pour la plupart, ne finissent nulle part, un nulle part sans ailleurs.
19:12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, cinéma, emmanuel finkiel, elsa amiel, kiberlain, immigration, clandestins, hongrie, calais, sangatte | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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