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18/04/2009

Hadopi : pourquoi il y a un dialogue de sourds entre certains pro et les anti.

Le débat est biaisé. Le dispositif Hadopi, voulu par les organismes collecteurs de droits d'auteurs français, peut faire l'objet de plusieurs lectures. D'une façon brute, c'est une institution dédoublée (la Haute Autorité dite Hadopi et la Commission chargée de la répression) et une procédure, la riposte graduée, consistant en une succession de mails et de courriers pouvant déboucher sur la suspension de l'accès à l'Internet, avec cependant l'obligation de continuer à payer son abonnement.

Il faut comprendre que les sommes en jeu sont colossales, le chiffre d'affaires du cinéma en salles dépasse le milliard d'Euros en France, à quoi s'ajoutent les droits de retransmission à la télévision, la vente de DVD, la VOD (video à la demande), la location, le chiffre d'affaires de la musique est plus important encore, multipliant les supports. L'ampleur des sommes fait que les règles de la démocratie pèsent peu, trop peu.

Face aux mastodontes de la distribution cinématographique et musicale, plusieurs types d'acteurs sont en jeu.

D'une part, bien sûr, le consommateur final. Et c'est là qu'il faut tout de même signaler une verte incohérence des pro-Hadopi, du moins de gens comme Tavernier ou d'autres : ce sont les mêmes qui ont à juste titre préconisé la dépénalisation de la consommation (pas du trafic) de drogue et qui, en ce moment, préconisent la pénalisation de la consommation finale de produits culturels. C'est donc plus grave de pirater un film que d'acheter une dose de cocaïne à un dealer qui n'est que l'une des têtes des milliers de milliards d'Euros de chiffre d'affaires mondial du trafic de drogue ? Ce n'est pas sérieux.

Bien sûr, parmi les interlocuteurs du client final, il y a aussi des organisations mafieuses, mais il n'y a pas que ça, loin de là, et l'un des très graves inconvénients du dispositif Hadopi, c'est de jeter tout le monde dans le même sac : la p2p (peer-to-peer, transmission par voie électronique) entre copains (ou associatif) et l'exploitation commerciale illégale des produits culturels.

Ce que des gens comme Tavernier veulent combattre, ce sont les groupes mafieux qui détournent les films pour une exploitation, certes gratuite pour le consommateur final, mais qui leur rapporte beaucoup à eux, tant par le téléchargement que par le streaming. Leur ennemi, c'est The Pirate Bay, par exemple, puisque ce site fait apparemment des millions avec des produits culturels sans rémunérer les auteurs.

Mais le p2p concerne surtout les échanges entre particuliers, la copie privée par Internet, les réseaux associatifs, qui sont la sève de l'Internet, sans lesquels Internet n'aurait jamais existé, puisque ses inventeurs auraient exigé des royalties.

On a donc d'un côté des auteurs et des institutions qui veulent combattre plusieurs types d'ennemis et qui, pour le faire, s'en prennent indistinctement au consommateur final, à vous, à moi, au pauvre gamin qui n'a pas les moyens de se payer un film ou un disque, et de l'autre, plusieurs types de consommateurs aussi.

Il y a, d'abord, ceux qui profitent de l'aubaine : c'est gratos sur Internet, j'y vais, et je m'en goinfre. Il y a aussi ceux pour qui Internet est un moyen de contestation sociale, un moyen de remettre en cause la civilisation de l'argent. Ce sont les pirates au sens romantique du terme, les révoltés de l'injustice sociale, qui utilisent Internet comme cheval de Troie pour tenter d'abolir la monétisation de l'économie.

Et c'est là encore une contradiction forte pour des personnages comme Tavernier, lui qui, dans "Le juge et l'assassin", chantait si fort la louange de la Commune de Paris, alors qu'il se trouve désormais clairement dans le camp de l'argent.

Il faut dire que parmi ses combats, il y a aussi celui des droits d'auteur et de ce qu'on nomme le "final cut", c'est-à-dire le droit de décider quand le film est terminé, quand le montage est définitif (pour les éditeurs, c'est le "bon à tirer"). Ce débat est illustré récemment par son film tourné aux États-Unis. Dans ce pays, c'est le producteurs, et même parfois le diffuseur, qui a le "final cut". Pour quelqu'un comme Tavernier, défendre les droits d'auteur, c'est défendre la paternité de l'oeuvre d'art cinématographique, et la notion d'oeuvre d'art cinématographique par opposition à l'entertainment américain.

Certes, on le comprend bien, mais cela vaut-il pour autant que l'on piétine les droits de la défense, que l'on prenne en otage l'internaute, que l'on justifie le flicage et le filtrage sur Internet ?

Je doute qu'il y ait réfléchi et je voudrais qu'un débat public soit organisé sur ce point entre lui ou d'autres que je crois de bonne foi, et par exemple le producteur Paulo Branco, qui semble avoir bien mieux compris que, dans cette affaire, on se trompe de débat, ou plutôt les loups majors se sont déguisés en agneaux Tavernier.

Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ces majors ne se sont pas organisées pour monter des sites équivalents à ceux qu'elles combattent. Si ça rapporte tant que ça, c'est vraiment absurde.

Ou, mieux encore, "il you can't beat them, join them". C'est probablement ce qui finira par arriver.

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