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03/09/2009

"Non ma fille, tu n'iras pas danser", Breizh atao contre Hadopi.

Connaissez-vous le lac de Guerlédan ? C'est l'un des sites les plus spectaculaires de Bretagne, dans les sommets de ce pays peu montagneux. J'ai participé à un chantier de fouilles archéologiques durant deux morceaux d'été, il y a vingt-cinq ans, non loin du lac, plus haut. Nous examinions ce qu'on appelle couramment un dolmen, en fait une sépulture néolithique à entrée latérale, avec hublot. L'endroit était charmant, l'équipe bigarrée et joyeuse, et il y avait une jolie fille. Bref, un bon moment.

Nous dormions dans l'école désaffectée de la petite commune de Caurel, au bord d'une voie romaine devenue la Nationale 164, la route du centre, la route des crêtes, en Bretagne. En contre-bas, à plusieurs dizaines de mètres, s'étendait le long et silencieux lac de Guerlédan. En vérité, ce n'est pas un lac. Ce fut d'abord un tronçon du canal reliant Nantes à Brest décidé par Napoléon, dont la création a occupé toute la première moitié du XIXe siècle. Après la première guerre mondiale, la fonction du canal a perdu son importance et un ingénieur a eu l'idée d'un barrage hydroélectrique, le lac de Guerlédan est la retenue d'eau de ce barrage.

En face de Caurel se dresse l'un des sommets véritables de la Bretagne : la colline Sainte-Tréphine, au sommet de laquelle Tréphine, l'épouse du roi Cheval, Marc Conomor (un personnage attribué au VIe siècle et supposé l'oeil des Mérovingiens en Armorique), aurait été assassinée par son mari. Elle ressuscita comme Sainte Quitterie, c'est une époque où les femmes maltraitées bénéficiaient de l'indulgence divine... Bref, celle colline Sainte-Tréphine est un site formidable de l'âge du bronze, un piton abrupt de trois côtés, auquel on accède par le quatrième, une pente également rude. Le camp fortifié du sommet est protégé par une triple rangée de rocher sphériques énormes. Dès qu'un assaillant s'essayait à escalader la pente, les défenseurs se jetaient sur les rochers avec des leviers et faisaient dévaler la pente à ces énormes boules de bowling qui devaient écraser les guerriers adverses à qui mieux-mieux.

Du haut de Sainte-Tréphine, par un à-pic, on domine le lac de Guerlédan de plus de cent mètres. Avant le lac, le sommet culminait à cent cinquante ou deux cents mètres au-dessus du fond du val.

La dernière enquête de la célèbre capitaine de police de Quimper Mary Lester, personnage du romancier Jean Failler, se déroule au bord du lac de Guerlédan.

Et toute la première heure du film s'y passe aussi, dans un manoir au bord du lac quand celui-ci n'est encore que le canal, tout près d'une écluse. À vrai dire, on fait aussi une escapade près du lac de Brennilis, on passe d'une centrale hydroélectrique à la première centrale nucléaire pionnière de l'énergie atomique...

C'est pour la bonne cause : une scène de conte qui rassemble une foule de costumes folkloriques de toutes les parties de la Bretagne pour une danse traditionnelle, une scène de toute beauté, formidablement filmée.

Chiara Mastroianni impériale

Le personnage central du film est une femme qui a passé la trentaine, une rebelle qui n'ose pas aller au bout de sa rébellion, une femme habitée par le mal-être, le mal de vivre, qui n'a pas supporté l'adultère dont elle est victime. Son divorce réveille le mal-être qui s'était estompé en elle, elle plaque tout et rejette tout avec une évidente souffrance.

La dépression est d'ailleurs l'un des thèmes récurrents de l'oeuvre de Christophe Honoré, on la trouve en particulier dans son film Dans Paris, en 2006, où Romain Duris fait une grosse déprime dans un film triste.

L'autre sujet récurrent, c'est la pulsion freudienne. Elle était très à vif dans "Ma mère", en 2004, l'un des films les plus malsains et désagréables que j'aie vus, malgré la peau soyeuse d'Emma de Caunes.

Logiquement, la cible de l'agressivité que lui donne sa dépression est la famille qui entroure le personnage interprété avec une grande sincérité par Chiara Mastronianni. Ils ont tous tort, tout le temps. Ils la jugent, ils interviennent dans sa vie, ils font tout à sa place. Elle étouffe, en quête de paix et de liberté.

Et ils sont tous parfaits dans leur rôle, très justes de bour en bout, la mère Marie-Christine Barrault, la soeur Marina Foïs, le frère Julien Honoré, dans cette belle Bretagne filmée sans manière, avec la simplicité du regard familier.

Pour elle, et c'est vrai, personne ne peut vivre sa vie à sa place, et si elle ne peut pas se satisfaire du confort tiède de la vie bourgeoise, ils doivent accepter qu'elle soit en perpétuelle recherche d'autre chose, en fait une inquiétude liée à sa souffrance, plus qu'une vraie envie de liberté consciente et raisonnée.

Engagés contre Hadopi

Le film est un véritable nid d'anti-Hadopi : Christophe Honoré, Chiara Mastronianni, Louis Garrel, ont signé au printemps le manifeste qui rejetait l'Hadopi et appelait à une réflexion sur la rémunération des auteurs.

Espérons que le public aimera leur beau film sur la vie, sur la Bretagne, sur la famille, sur les racines, et sur les contes de bonnes femmes.

Commentaires

Merci Hervé . Ton billet donne envie de voir ce film. Et j'avais adoré le précédente film de Christophe Honoré la belle personne adaptation de la Princesse de Clèves . Et Chiara a une beauté émouvante comme l'était celle de ces deux géniteurs.

Écrit par : juste milieu | 04/09/2009

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