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28/10/2009

Frais bancaires : tant va l'autruche à l'eau...

La bataille fait rage pour la présidence du conseil européen : l'étoile de Tony Blair pâlit quand celle de Jean-Claude Juncker s'allume. Bien sûr, voir écarter l'un des coupables de la faute irakienne (Blair) ne peut pas ne pas nous réjouir, mais tout de même, constatons-le : les deux impétrants sont des émanations du même lobby : celui de la banque. Voir Juncker monter en puissance alors même que la vraie affaire Clearstream a donné lieu à un procès dont le vrai sujet Clearstream était absent a quelque chose d'ironique. Franchement, un troisième larron ne serait pas mal venu.

Car sur les banques, la nausée de cesse de monter.

Un article de Sylvain Lapoix (j'en profite pour rectifier mea culpa une source précédente où j'ai attribué au site Marianne2.fr ce qui était l'article d'un blogueur associé de ce site, Laurent Pinsolle, fustigeant les conditions usuraires d'une nouvelle carte bancaire) détaille les méfaits de Dexia en particulier et de groupes bancaires en général, qui ont multiplié les toxicités à tous les échelons de leurs relations financières avec les collectivités locales. Certaines s'en sortent grâce au piston. D'autres, n'en doutons pas, plongeront. Écœurant.

Enfin, le numéro du "Canard Enchaîné" d'aujourd'hui indique la réponse des banquiers aux accusations d'usure qu'ils subissent : les frais d'incident de compte ne sont pas des majorations d'agios, mais correspondent à la rémunération d'un travail réel : celui de déterminer au cas par cas s'il faut ou non rejeter la dépense faite par carte.

Il fallait y penser.

Voyons donc les chiffres et mettons que la jeune femme en charge de mon compte dans cette banque dont je n'ai plus envie d'écrire le nom mais qui a motivé mes notes précédentes, mettons donc qu'elle gagne 3000 Euros par mois, disons pour 150 heures par mois, soit environ 20 Euros de l'heure. Eh bien, en me prélevant 23 Euros par jour en septembre, cette jeune femme (quelle fascination !) a consacré une heure entière de son temps de travail, chaque jour, rien que pour évaluer s'il fallait ou non rejeter ma carte bancaire pour une dépense de 5,90 Euros ou (quelle folie !) de 11,60 Euros. Allons, ce n'est pas sérieux.

Ce n'est d'ailleurs pas ce qu'a dit la cour de Cassation en février 2008. Je cite :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse d'épargne et de prévoyance des pays de la Loire (la banque) a accordé à M. X..., titulaire d'un compte de dépôt, une autorisation de découvert à concurrence d'un certain montant ; que M. X..., assigné en paiement du solde débiteur de son compte, a demandé reconventionnellement le remboursement des "frais de forçage" prélevés sur son compte à l'occasion de chaque opération effectuée au delà du découvert autorisé, au moyen de la carte bancaire dont il était titulaire et, à titre subsidiaire, a fait valoir qu'ils auraient dû être inclus dans le calcul du taux effectif global (TEG) ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt, après avoir énoncé que sont exclus de l'assiette du TEG les frais divers qui n'ont pas la nature d'un complément d'intérêts déguisés et qui couvrent des frais d'enregistrement comptable des opérations qui rémunèrent un service, retient que ces "frais de forçage", qui sont exigibles lors de chaque incident, sont distincts de l'opération de crédit proprement dite que constitue le découvert, et qu'ils constituent la rémunération d'un service offert par la banque pour permettre d'honorer une transaction ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la rémunération d'une telle prestation n'est pas indépendante de l'opération de crédit complémentaire résultant de l'enregistrement comptable d'une transaction excédant le découvert autorisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés"

Pour ceux qui ne maîtrisent pas le jargon juridique, disons que le client d'une banque a demandé le remboursement des "frais de forçage" (les 23 Euros pas jour dont j'ai parlé plus haut), que la cour d'appel lui a refusé ce remboursement en considérant que les frais de forçage sont distincts de l'opération de prêt que constitue le découvert en compte bancaire, et que la cour de Cassation a cassé la décision de la cour d'appel en stipulant explicitement que les frais de forçages et autres frais liés doivent faire partie du Taux Effectif Global (TEG) qui est celui qu'il faut examiner pour déterminer s'il y a ou non usure et donc obligation de remboursement (voire de sanction pénale).

Disons donc que, face à la décision de la cour de Cassation, les banques ont choisi la politique de l'autruche. Et que les pouvoirs publics ne se pressent pas de tuer l'autruche aux œufs d'or.

Pourtant, l'obstination des banques françaises est plusieurs fois contreproductive. Outre qu'elle tue à petit feu la poule aux œufs d'or que sont les clients, elle expose nos banques à l'agacement de leurs concurrentes européennes, ce qui ne serait rien, et surtout à l'accusation de concurrence déloyale, car en laissant les banques se vautrer dans les pratiques abusives, les autorités françaises leur accordent un net avantage commercial indirect, qui finira bien par être condamné à l'échelon européen, ce qui vaudra alors condamnation lourde aussi bien de l'État français que des banques, qui subiront de très lourdes amendes.

Mais je le répète : sans attendre que nos élites daignent s'intéresser à nous, chacun a lapossibilité de contribuer à son niveau à la justice, d'une part bien sûr en changeant de banque, et d'autre part en réclamant les "frais de forçage" à son banquier, dès lors que, joints aux agios, leur total dépasse le seuil de l'usure. N'attendons pas.

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