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28/10/2009

Frais bancaires : tant va l'autruche à l'eau...

La bataille fait rage pour la présidence du conseil européen : l'étoile de Tony Blair pâlit quand celle de Jean-Claude Juncker s'allume. Bien sûr, voir écarter l'un des coupables de la faute irakienne (Blair) ne peut pas ne pas nous réjouir, mais tout de même, constatons-le : les deux impétrants sont des émanations du même lobby : celui de la banque. Voir Juncker monter en puissance alors même que la vraie affaire Clearstream a donné lieu à un procès dont le vrai sujet Clearstream était absent a quelque chose d'ironique. Franchement, un troisième larron ne serait pas mal venu.

Car sur les banques, la nausée de cesse de monter.

Un article de Sylvain Lapoix (j'en profite pour rectifier mea culpa une source précédente où j'ai attribué au site Marianne2.fr ce qui était l'article d'un blogueur associé de ce site, Laurent Pinsolle, fustigeant les conditions usuraires d'une nouvelle carte bancaire) détaille les méfaits de Dexia en particulier et de groupes bancaires en général, qui ont multiplié les toxicités à tous les échelons de leurs relations financières avec les collectivités locales. Certaines s'en sortent grâce au piston. D'autres, n'en doutons pas, plongeront. Écœurant.

Enfin, le numéro du "Canard Enchaîné" d'aujourd'hui indique la réponse des banquiers aux accusations d'usure qu'ils subissent : les frais d'incident de compte ne sont pas des majorations d'agios, mais correspondent à la rémunération d'un travail réel : celui de déterminer au cas par cas s'il faut ou non rejeter la dépense faite par carte.

Il fallait y penser.

Voyons donc les chiffres et mettons que la jeune femme en charge de mon compte dans cette banque dont je n'ai plus envie d'écrire le nom mais qui a motivé mes notes précédentes, mettons donc qu'elle gagne 3000 Euros par mois, disons pour 150 heures par mois, soit environ 20 Euros de l'heure. Eh bien, en me prélevant 23 Euros par jour en septembre, cette jeune femme (quelle fascination !) a consacré une heure entière de son temps de travail, chaque jour, rien que pour évaluer s'il fallait ou non rejeter ma carte bancaire pour une dépense de 5,90 Euros ou (quelle folie !) de 11,60 Euros. Allons, ce n'est pas sérieux.

Ce n'est d'ailleurs pas ce qu'a dit la cour de Cassation en février 2008. Je cite :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse d'épargne et de prévoyance des pays de la Loire (la banque) a accordé à M. X..., titulaire d'un compte de dépôt, une autorisation de découvert à concurrence d'un certain montant ; que M. X..., assigné en paiement du solde débiteur de son compte, a demandé reconventionnellement le remboursement des "frais de forçage" prélevés sur son compte à l'occasion de chaque opération effectuée au delà du découvert autorisé, au moyen de la carte bancaire dont il était titulaire et, à titre subsidiaire, a fait valoir qu'ils auraient dû être inclus dans le calcul du taux effectif global (TEG) ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt, après avoir énoncé que sont exclus de l'assiette du TEG les frais divers qui n'ont pas la nature d'un complément d'intérêts déguisés et qui couvrent des frais d'enregistrement comptable des opérations qui rémunèrent un service, retient que ces "frais de forçage", qui sont exigibles lors de chaque incident, sont distincts de l'opération de crédit proprement dite que constitue le découvert, et qu'ils constituent la rémunération d'un service offert par la banque pour permettre d'honorer une transaction ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la rémunération d'une telle prestation n'est pas indépendante de l'opération de crédit complémentaire résultant de l'enregistrement comptable d'une transaction excédant le découvert autorisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés"

Pour ceux qui ne maîtrisent pas le jargon juridique, disons que le client d'une banque a demandé le remboursement des "frais de forçage" (les 23 Euros pas jour dont j'ai parlé plus haut), que la cour d'appel lui a refusé ce remboursement en considérant que les frais de forçage sont distincts de l'opération de prêt que constitue le découvert en compte bancaire, et que la cour de Cassation a cassé la décision de la cour d'appel en stipulant explicitement que les frais de forçages et autres frais liés doivent faire partie du Taux Effectif Global (TEG) qui est celui qu'il faut examiner pour déterminer s'il y a ou non usure et donc obligation de remboursement (voire de sanction pénale).

Disons donc que, face à la décision de la cour de Cassation, les banques ont choisi la politique de l'autruche. Et que les pouvoirs publics ne se pressent pas de tuer l'autruche aux œufs d'or.

Pourtant, l'obstination des banques françaises est plusieurs fois contreproductive. Outre qu'elle tue à petit feu la poule aux œufs d'or que sont les clients, elle expose nos banques à l'agacement de leurs concurrentes européennes, ce qui ne serait rien, et surtout à l'accusation de concurrence déloyale, car en laissant les banques se vautrer dans les pratiques abusives, les autorités françaises leur accordent un net avantage commercial indirect, qui finira bien par être condamné à l'échelon européen, ce qui vaudra alors condamnation lourde aussi bien de l'État français que des banques, qui subiront de très lourdes amendes.

Mais je le répète : sans attendre que nos élites daignent s'intéresser à nous, chacun a lapossibilité de contribuer à son niveau à la justice, d'une part bien sûr en changeant de banque, et d'autre part en réclamant les "frais de forçage" à son banquier, dès lors que, joints aux agios, leur total dépasse le seuil de l'usure. N'attendons pas.

25/10/2009

Calculez vos agios et faites sauter la banque.

Dans mes deux articles précédents, je relatais comment ma banque, qui est pourtant supposée mutualiste, m'avait imposé des pénalités de dépassement de découvert en compte qui amenaient les intérêts perçus pour ces découverts jusqu'à plusieurs dizaines de fois le taux de l'usure, et j'évoquais une communication importante du magazine 60 sur ce sujet, réclamant la prise en compte d'une décision de la cour de Cassation de février 2008 qui indique que l'ensemble des frais relatifs aux découverts en compte doit être inclus dans ce qu'on nomme (depuis une directive européenne) le taux effectif global (TEG) du prêt personnel que constitue le découvert en compte courant.

Le groupe socialiste de l'Assemblée Nationale, à l'instigation de Didier Migaud (président de la commission des finances de l'Assemblée), a d'ailleurs tenté de faire passer une taxe sur le bénéfice des banques cette semaine, et l'on a vu deux députés de droite voter pour leur amendement, mais on a maintenant l'habitude de ces pseudo-coups de théâtre parlementaires destinés à noyer le poisson et à faire croire que les députés s'agitent vraiment pour notre intérêt. Voici comment chacun de nous peut, sans attendre les politiques, à son niveau, ramener les banques à la justice, et même peut-être, faire sauter la banque.

Le taux de l'usure, une protection du faible contestée, et donc contournée

Lorsqu'une personne prête de l'argent à une autre, elle peut pratiquer ce qu'on nomme un taux d'intérêt, qui est une majoration de la somme qu'on devra lui rendre, majoration en général proportionnelle au temps qui s'écoulera jusqu'au remboursement du prêt (il existe aussi des taux d'intérêt fixés d'avance et forfaitaires). La chose ne va d'ailleurs pas d'elle-même : au Moyen Âge, en Europe, le prêt à intérêt est interdit et il se crée des méthodes extrêmement complexes qui ont permis de contourner peu à peu cette interdiction. Dans le monde musulman, l'interdiction donne une raison d'être aux communautés juives, à qui l'interdiction ne s'applique pas.

Avec les siècles, cependant, les taux d'intérêt s'imposent en Europe, et le Code Napoléon, en 1804, n'a pas d'état d'âme à instituer un principe de "dommages et intérêts" qui les rend naturels, consubstantiels à toute somme due.

Et partout en Europe, selon des modalités diverses, l'emprunteur est protégé contre les abus du prêteur, soit qu'un taux de l'usure réglementaire soit fixé par une insitution publique, soit que la justice ait le pouvoir de corriger les excès. Le taux de l'usure est celui  à partir duquel on considère que le taux d'intérêt imposé à l'emprunteur est abusif, c'est une disposition qui entre dans le cadre des principes de protection du faible contre l'abus de position dominante du fort, protection du faible contre les pratiques léonines. En France, c'est la Banque de France qui fixe le taux de l'usure, une fois par trimestre, selon des modalités assez complexes.

Ce dispositif réglementaire est d'ailleurs contesté : pour les uns, il est trop complexe et ne protège pas assez les consommateurs. Pour les autres (les banquiers), c'est un gêneur d'emprunter en rond, il bride la croissance, et doit donc être écarté, il a d'ailleurs été supprimé pour les entreprises sans dommage apparent. Et un organisme privé (l'Adie) spécialisé dans le microcrédit fait valoir que dans son domaine d'activité, le seuil de l'usure est un frein considérable, car il rend les prêts trop peu rentables pour le prêteur. C'est ainsi que, sous couvert des meilleures intentions, on risque de mettre en péril un dispositif de protection du faible, un de plus. Car si l'on laisse le marché s'autoréguler sous le contrôle du juge, on oublie que les faibles et fauchés sont aussi ceux qui ont le moins de faculté de s'adresser à la justice pour se faire rembourser des sommes, peu élevées en elles-mêmes, mais qui mettent en danger leur solvabilité personnelle.

Réagir aux abus

Comme beaucoup l'ont noté, l'un des paradoxes de la crise financière récente, c'est qu'alors que les banques se financent à des taux extrêmement avantageux, le taux d'intérêt des prêts aux particuliers, lui, a eu plutôt tendance à augmenter, les banques consument la chandelle par les deux bouts, en somme.

Et on prend conscience que les taux d'intérêt ne sont pas eux-mêmes la seule définition possible du coût réel d'un prêt : une directive européenne de février 2008 a défini le Taux Effectif Global (TEG) et aussitôt, la cour de Cassation, dans un arrêt du 5 février 2008, a décidé que l'ensemble des frais relatifs aux découverts en compte devait être intégré au TEG, ce qui justifie l'intervention récente de l'organisation 60 que j'ai déjà citée. Dans une certaine mesure, l'intiative des socialistes (pour taxer les profits des banques) peut d'ailleurs être considérée comme une diversion destinée à étouffer le vrai scandale que constitue le niveau extravagant des frais pratiqués par les banquiers. (EDIT : Je vois d'ailleurs un article de Marianne2.fr sur un sujet très proche).

Il appartient donc à chacun d'entre nous de réagir à son niveau, avec ses propres moyens. Voici comment.

Le taux de l'usure est en général entre 20 et 25 % pour les découverts en compte courant des particuliers. Calculez votre niveau moyen de découvert. Faites-le, d'abord, "à la louche" sur le dernier trimestre. Si vous avez une autorisation de découvert de 500 Euros, voyez si vous dépassez souvent le seuil des 1000 Euros, et sinon, estimez que votre découvert moyen sera plus ou moins proche de son autorisation. Rappelons que les pénalités s'appliquent à la fois pour un dépassement du seuil et si vous n'avez pas ramené votre compte à l'équilibre au moins une fois dans le mois (selon le régime général, il existe des conventions de découvert qui créent des régimes particuliers, en principe favorables à l'emprunteur).

Mettons que vous ayez 700 ou 800 Euros de découvert moyen. Le taux de l'usure, sur un trimestre, sera d'un quart (un trimestre est le quart d'une année) de 20 %, soit 5 %. 5 % de 700 Euros font 35 Euros. Recensez ensuite l'ensemble des frais afférents à votre découvert : incidents de compte, lettres de rappel, pénalités, et bien sûr les agios. Si leur total dépasse les 40 Euros, vous avez une chance raisonnable de pouvoir considérer que votre banque pratique un TEG supérieur au taux de l'usure. Et vous pouvez réclamer le remboursement de ce qu'elle a trop perçu.

Comme le souligne l'un des articles que j'ai mis en lien, la banque peut même être condamnée à une amende de 45 000 Euros si ses taux sont particulièrement abusifs. La mienne, celle que je quitte (le Crédit Agricole) avec un taux de plusleurs dizaines de fois celui de l'usure, mériterait certainement cette condamnation.

Et maintenant, si vous voyez que les surfacturations sont consistantes cette année, faites le calcul pour les deux précédentes, car vous pouvez en principe réclamer sur les trois dernières années. Imaginez que dix millions de particuliers réclament chacun 100 Euros par an (ce qui n'est pas beaucoup : une dizaine ou une quinzaine d'incidents de compte par an), cela fait un milliard par an, trois milliards en trois ans. Imaginez que les mêmes 10 millions réclament 300 Euros pas an, ce sont 9 milliards pour les trois dernières années... Imaginez aussi que 22 000 comptes aient subi des excès pénalement répréhensibles (là encore, le chiffre est faible), ce sont encore 3 milliards, un par an. Or le Crédit Agricole a des centaines de milliers de comptes en portefeuille. Imaginez des centaines de milliers d'abus, la banque saute. Vous pleurerez ?

En tout cas, vous aurez pu récupérer votre argent, ce qui sera une façon de relancer la croissance mille fois plus saine que de laisser la bride sur le cou des banquiers dont chacun connaît désormais la profonde irresponsabilité.

24/10/2009

Les réactions du Crédit Agricole et d'autres lecteurs de mon blog.

Suis-je enfin devenu un vrai blogueur ?

Il y trente-trois mois que j'ai ouvert ce blog, c'était en janvier 2007, à l'image de Quitterie, dans une fièvre de découverte du poids de l'Internet dans le débat public et dans la circulation de l'information. Depuis sa création, mon blog m'a ressemblé : éclectique, inégal, éparpillé, mais en même temps dédié, parfois bavard, parfois elliptique, mélangeant les réminiscences et les commentaires, et découvrant peu à peu, étape par étape, ce qui pouvait devenir son vrai ton, son vrai sujet.

Brassens disait à un jeune chanteur : "Tu verras, au début, tu ne pourras parler que de toi, et puis ..."

Les événements récents me donnent à penser que la première phase est terminée, ce qui ne signifie d'ailleurs pas que je vais cesser de parler de moi, mais que la portée de mon blog va changer. C'est pourquoi je suis heureux d'être définitivement débarrassé de l'étiquette militante.

En fait, mon blog est désormais lu par ceux qu'il concerne.

Le Crédit Agricole demande une sorte de droit de réponse.

Dans mon article de mercredi soir, j'évoquais le véritable cas d'école que constituait l'amas de frais bancaires qui s'était abattu sur moi dans le dernier trimestre, et en particulier en septembre. Pour mémoire, je rappelle que j'ai subi, ce mois-là, pour des dépenses par carte bancaire de 1381 Euros le montant extravagant de 496 Euros de "frais d'opérations sur compte débiteur". Ces 500 Euros (ou presque) ont dû représenter au moins 60 % de la position débitrice moyenne du compte ce mois-là. Or 60 % en un mois, multplié par douze, ne font pas moins de 720 % de frais, un TEG (taux effectif global) de 720 % par an, plus de trente fois le taux dit de "l'usure" (pour mémoire, la définitiion de l'usure et de l'usurier par Wikipedia).

Il se trouve que le directeur de l'agence de Pont-l'Abbé, concernée, a lu cette note sur mon blog.

Voilà, ç'aurait pu ne jamais arriver, ma note aurait pu glisser aux oubliettes, "vox clamans in deserto", mais l'impact a été presque rapide : cet après-midi, après que la position du compte est redevenue positive, un homme se présentant comme le directeur de l'agence m'a téléphoné sur mon portable. J'étais au cinéma, mais le film n'était pas fameux (je n'en parlerai donc pas), j'ai donc discuté avec M. le directeur.

Il me disait "c'est vrai, j'ai vérifié, vos chiffres sont exacts, mais je trouve qu'il aurait été plus honnête que vous précisiez que nous vous en avons rendu 190 Euros".

Mes chiffres sont exacts, pas les siens : ce sont 196,64 Euros qui m'ont été restitués. Je ne savais pas à quoi correspondait la ligne comptable "remboursement sur facturation" que j'avais trouvée en consultant mon compte sur Internet. J'ai cru que c'était un trop-perçu d'une note d'électricité. Rien ne m'avait informé de cette remise gracieuse bancaire, alors même que j'ai opté pour l'utilisation de la fonction Internet de mon compte, et que je sais que mon agence a mon adresse mail, la demoiselle SG qui surveillait mon compte récemment encore a eu l'amabilité de répondre à l'un des mails que je lui ai adressés et qui, de fait, nécessitait réponse, ce qui n'est pas toujours le cas.

Quoi qu'il en soit, on peut déplorer que M. le directeur n'ait pas noté qu'Internet est là, justement, pour permettre le débat public et les droits de réponse en direct : que n'a-t-il déposé un commentaire sur mon blog ?

Je reprends donc mon calcul en lui donnant acte des 196,64 Euros restitués. Il ne reste, si j'ose dire, en septembre, "que" 300 Euros de frais sur des dépenses de 1381 Euros, et sur une position débitrice moyenne qui doit tourner autour de 700 ou 800 Euros. Par rapport aux dépenses, les frais se montent encore à plus de 20 %. Par rapport à la dette, ils ne tournent plus "que" autour de 40 %, ce qui, rapporté à douze mois, atteint le niveau de "seulement" 480 %, guère plus d'une vingtaine de fois le taux de l'usure. Quel progrès !

M. le directeur me signalait aussi qu'il aurait été possible à la banque de rejeter les dépenses émises par ma carte bancaire. C'est vrai, mais avec un taux de vingt fois l'usure, pourquoi l'aurait-elle fait, puisqu'elle me savait solvable ? Si elle avait été de bonne foi, elle m'aurait proposé ce qu'on nomme une "convention de découvert" provisoire, plafonnant les frais.

Enfin, M. le directeur, en porte-parole zélé de son organisation, m'indiqua que ces frais figuraient en toutes lettres dans le règlement de la banque. Ah, le règlement ! Courteline, à moi ! le règlement...

Quand les règlements sont stupides ou illégaux, faut-il les appliquer ? Euh, ben oui, M'sieur, dit le simple ou le paresseux.

Mais non.

Il y a quelque part dans les lois de l'État français l'obligation pour les agents publics de désobéir à un ordre manifestement illégal. En vérité, cette obligation pèse sur tous les salariés, chacun étant un citoyen en plus d'un employé.

Or à 720 % de TEG, on a jugé à Pont-l'Abbé que le règlement devait être illégal, mais pas à 480 %. Dommage.

Allons, me direz-vous, ce règlement est-il si illégal que cela ? Eh bien, j'ai découvert avec amusement que, mercredi, les "grands esprits" s'étaient "rencontrés" comme on dit, on lit sur le site 20 minutes :

«Leurs taux frôle l'usure». Marie-Jeanne Husset, directrice de «60 millions de consommateurs» demande des comptes aux banques françaises.

Le même jour, le "Canard Enchaîné" expliquait à la une : "les banques gagnent plus en prêtant moins".

Hélas, l'affaire du fils à papa a tout effacé ce jour-là, et l'utile campagne contre les taux usuraires pratiqués par les banques est tombée aux oubliettes. Dommage.

Et maintenant, interrogez autour de vous : est-ce que votre banque n'aurait pas subitement été plus coulante sur les chèques et les cartes sans provision ? Ce micro-trottoir vous enseignera rapidement : bien sûr que oui, les banques ont laissé filer pour prélever plus de frais et, ainsi, rembourser plus vite l'État. Malin. Sauf que... et si les gens suivent la jurisprudence de la Cour de Cassation et réclament les frais trop perçus ? Crrrrrac. Imaginez que vous réclamiez tous les frais perçus par votre banque, qui dépassent le taux de l'usure, sur les trois dernières années. Eh bien, vous feriez un touché-coulé, bien pire que la crise financière de l'an dernier.

Voilà qui, sans doute, justifiait un contre-feu puissant et le désistement de Junior, fils du président de la République Bananière Française, de sa fumeuse candidature à la présidence de l'EPAD.

Le stade Jean Bouin vivra

Deuxième occasion qui m'a permis de toucher du doigt que mon blog avait changé de nature (en fait, chronologiquement, c'était avant, mais peu importe) : la matinée de dimanche où, au stade Jean Bouin, nous avons manifesté contre Ubu-Delanoë qui veut chasser les scolaires pour faire du fric.

Lorsque je suis arrivé au stade, l'adjoint au maire du 16e chargé des sports, Yves Hervouet des Forges, m'a prié de monter dans la tribune, parmi les élus et les invités d'honneur. "Merci de ce que tu as fait avec ton blog". Je trouvais un peu surréaliste d'être ainsi accueilli non pas par Yves que je connais depuis longtemps et que je tutoie chaleureusement, mais par l'UMP, puisque sur mon blog, je dénonce la collusion de la municipalité de gauche parisienne et d'hommes d'affaires proches du pouvoir sarkozyste.

La surprise fut encore plus grande quelques instants plus tard, lorsque je me fus assis : mon voisin de gauche se présenta à moi et, lorsque je commençai à répondre "je suis l'ancien adj...", je n'eus pas le temps de terminer ce mot : "C'est vous qui avez fait les vidéos !", et je vis que tout le monde avait vu mes vidéos, et lu mon blog. C'était étonnant : la droite affectait de n'y voir que les attaques contre Delanoë sans prendre la mesure de ce que j'accusais, mais c'était surtout la première fois que je mesurais en direct l'impact d'un blog, et surtout de mon blog. Je dois reconnaître que c'était excitant.

Je vis d'ailleurs monter dans la tribune Serge Federbusch, animateur du site Delanopolis, et désormais proche de la Gauche Moderne, donc du pouvoir sarkozyste, qui était lui aussi très chaleureux. Sa note que je mets en lien me réconcilierait plutôt avec Delanoë en me brouillant avec Delanopolis, et rend encore moins compréhensible l'attitude de la municipalité à Jean Bouin, car en définitive, il s'agit là de favoriser la promotion privée (ailleurs brimée par Delanoë si l'on en croit Federbusch) au détriment des scolaires de l'enseignement public.

Quoi qu'il en soit, il y a eu un déclic dans cet océan de louanges et d'affection : c'est quand j'ai sorti ma caméra vidéo de ma poche et commencé à filmer ce que je voyais autour de moi. Par réflexe, j'étais redevenu blogueur. Il fallut un petit moment pour que ma caméra fût remarquée, mais dès qu'elle le fut, il y eut subitement une effervescence, on repoussa des gens dans la tribune, il fallait faire de la place pour les gens portant des écharpes, bref, j'étais moins bienvenu (c'est si effrayant, une caméra d'Internet...).

Alors, sagement, j'ai offert de quitter la tribune et je suis redescendu sur la piste, avec les autres caméras et les autres appareils de photo, dans mon camp.

Blogueur ? Journaliste ?

Encore quelque temps avant la matinée de Jean Bouin, j'étais allé à Bayeux pour le prix Bayeux - Calvados du correspondant de guerre. Il se trouve que le président était cette année un de mes cousins, Patrick Chauvel, vétéran de ce métier dangereux qu'il exerce depuis quarante ans, depuis le Viêtnam.

Patrick est une légende dans son métier, originellement celui de photographe de guerre, il a obtenu le prix américain qui est juste en deçà du Pulitzer, voici déjà une trentaine d'années. Je me souviens de ses retours du Liban, au début de la guerre, en 1975-76, il racontait cette guerre folle où les gens, rentrant du bureau, sortaient une kalachnikoff d'un placard et entreprenaient de se tirer dessus entre voisins de palier, puis d'un immeuble à l'autre. Le nom magique de cette époque était l'hôtel Commodore où étaient rassemblés les correspondants de guerre, et lorsque quinze ans plus tard, j'ai été raccompagné du mariage du Libanais Antoine Basbous par le journaliste Olivier Mazerolle, celui-ci parlait encore de cet hôtel Commodore, avec une étrange nostalgie. Entre-temps, j'étais moi-même allé au Liban dans une année dangereuse, en 1986.

Patrick, donc, présidait cette année le festival, un festival malin, puisque Bayeux est un théâtre de guerre (le Débarquement en 1944), et puisqu'y est conservé l'un des tout premiers reportages de guerre : la Tapisserie de Bayeux, qui relate la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. Jean-Léonce Dupont, sénateur (Nouveau Centre) du Calvados et ancien maire de Bayeux, créateur du prix, est d'ailleurs, paraît-il, un ancien prof.

Il y a déjà longtemps que j'entends Patrick et ses collègues se plaindre à juste titre que leur métier n'est pas considéré, qu'une photo de guerre, si exceptionnelle soit-elle, n'atteindra jamais le millième de la valeur de celle du cul d'une starlette du moment attrapée par un paparazzi. Mais après des décennies de difficultés, la crise est forcément à un paroxysme, en raison de la crise qui frappe la presse et les médias.

Je l'interroge donc (en pestant de n'avoir pas ma caméra avec moi et en regrettant de n'avoir pas l'excellent Éric pour surenchérir sur mes questions) sur l'émergence de l'Internet, sur l'effondrement de la presse dite traditionnelle. Et Patrick, qui à vrai dire a croisé des dangers bien plus épouvantables que la chute de la presse dans sa vie (blessé plusieurs fois, notamment au Cambodge en 1973 et laissé pour mort à Panama en 1989), me répond que les nouvelles technologies ne changent pas le fond du métier. "Bien sûr, la presse a un tournant serré à négocier, certains ne s'en relèveront pas, mais..." mais l'info continuera, parce que les journalistes sont là pour témoigner.

Je n'ai pas encore lu, à ce moment-là, l'article signalé par le même Éric aujourd'hui sur l'évolution de la nature des blogueurs aux États-Unis, paradoxal contre-point de la note d'Éric aujourd'hui sur le surclassement des blogueurs par les twitters (j'ai un autre cousin twitter en vue, mais sous pseudo, chhttt).

Au passage, avec les journalistes de guerre, on voit pourquoi l'occident ne peut pas gagner la guerre en Afghanistan : il y faudrait au moins un million d'hommes sur le terrain, et encore : le soldat américain, avec ses trente kilos de barda, auxquels s'ajoutent son casque et divers accessoires, ne peut pas rivaliser avec les bergers afghans, tireurs d'élite, connaissant le terrain mieux encore que leur poche, et bénéficiant partout de caches. Ces bergers tuent un homme à 400 mètres avec un vieux fusil (sans lunette) qu'ils enfouissent aussitôt dans le sable, avant de s'éloigner au milieu du bêlement de leur troupeau. Pendant ce temps, les compagnons du soldat tué avisent la hiérarchie qui, plusieurs heures plus tard, envoie mille hommes sur le terrain, des hélicoptères, parfois bombarde à tort et à travers, cependant que le berger est déjà loin, au calme, insaisissable, innombrable.

Et aujourd'hui, puisque je suis peu à peu gagné par la logique et les réflexes du blogueur, je dois avouer que ces témoignages de journalistes, ces réflexions sur l'évolution de l'information, sur la place des blogueurs dont certains, à force d'en vivre, peuvent être qualifiés de journalistes, me semblent prendre un poids et un sens plus grands.

C'est vrai, au fond, qu'un blog est un média, un vrai. Et je commence seulement à découvrir la perspective du mien.

22/10/2009

Comment je paie 420 % d'agios par an.

J'ai un compte personnel au Crédit Agricole de Pont-l'Abbé, dans le Finistère, en Bretagne. Il m'arrive d'être là-bas à découvert et je veille à peu près à ce que ce découvert ne s'éternise pas, mais il est arrivé que je dépasse le délai de 30 jours avant de combler le découvert, c'est arrivé le mois dernier, et je n'ai pas encore terminé de le faire (il me manque encore 208 Euros et quelques centimes). Quand le délai est dépassé, toute dépense, même dans le cadre du découvert habituellement autorisé, est considérée comme irrégulière.

En septembre, j'ai remis 2600 Euros sur ce compte, j'ai une vie modeste (et je ne suis pas salarié), et j'ai dépensé 1381,92 Euros avec ma carte bancaire Eurocard.

Chaque jour, ou presque, on m'a prélevé des pénalités pour l'usage de cette carte, alors même que le solde était constamment croissant (ou le découvert constamment réduit). Voici la liste de ces prélèvements opérés par la banque :

01/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
02/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
03/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
04/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
07/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
08/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
09/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
10/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
11/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
14/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
15/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
16/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
17/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
18/09 **2 Frais Ope S/compte Debiteur   - 15,52
21/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
22/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
23/09 **2 Frais Ope S/compte Debiteur   - 15,52
24/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
25/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
28/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
29/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
30/09 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28

Le total de ces frais, pour septembre, et pour des dépenses inférieures à 1400 Euros, s'élève à 496,64 Euros, près de 500. Autrement dit, en un seul mois, par le fait des pénalités, on m'a prélevé plus de 35 % de mes dépenses, ces prélèvements concernent lesdites dépenses, puisque sanctionnent l'usage de la carte. C'est faramineux.

Dans le même temps, j'ai déposé des chèques et reçu des virements sur le même compte, à hauteur de 2600 Euros. Dépensant à peine plus de la moitié de ce que je reçois, je me considère plutôt honnête avec ma banque, et d'ailleurs, le découvert est pratiquement éteint aujourd'hui, et j'ai décidé de fermer ce compte pour en ouvrir un autre ailleurs (au Crédit Coopératif où est le compte de ma société, qui, lui, n'est pas à découvert).

Certaines séquences sont édifiantes :

28/08 **3 Frais Ope S/compte Debiteur   - 23,28
28/08 Carte Ratp 27/08/09                      - 11,60
28/08 Carte Gaumont Marigna 27/08/09   - 10,20
27/08 Carte Bo-Zinc 26/08/09                  - 16,00

J'ai trois opérations jugées irrégulières sur le compte (on est là fin août). Le total des dépenses est de 37,80 Euros, on me prélève 23,28 Euros de frais pour ces trois cartes (un film au cinéma, un carnet de tickets de métro et un déjeuner de prix raisonnable). Les frais sont donc de 61 % des dépenses, c'est ahurissant.

Parfois, on me prélève 7,76 Euros pour une dépense par carte de 5,90 Euros, le mot "usure" est encore trop faible.

Et finalement, les agios du trimestre tombent : 21 Euros. J'ai 21 Euros d'agios, et... 775,88 Euros de pénalités pour usage de la carte aux mauvais moments, soit plus de trente fois les agios. Sans les pénalités de septembre, le compte serait (légèrement) à flot depuis longtemps.

Bon, je vois les rieurs qui vont s'amuser, mais en vérité, le nombre des dépenses qu'on ne peut régler que par carte ou par virement automatique ne cesse d'augmenter : essayez de payer votre téléphone, votre Internet, votre gaz, votre électricité, en espèces. Où irez-vous ? Eh bien, ces dépenses sont prises en otages par les pénalités des banquiers.

EDIT : ayant eu un contact téléphonique avec le directeur de mon agence bancaire, j'en rendrai compte dans une note ce vendredi soir.