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07/11/2009

Quitterie alone in Babyloan.

Quand on a une rolls, c'est assez criminel de la laisser au garage ou de l'utiliser pour aller acheter du pain, quand on a un trimaran, c'est dommage de le faire caboter au moteur. Voilà ce que m'inspire le fait que Quitterie ait été seulement la modératrice du débat organisé par Babyloan au Jardin d'Acclimatation, à Paris XVIe, cet après-midi. Faire taire une si jolie voix est un crime affreux. Je trouve qu'elle se laisse trop bouffer par des gens qui ne la respectent pas assez.

Quoi qu'il en soit, la table ronde à laquelle j'ai assisté était d'un grand intérêt, un double intérêt : la compréhension par les créateurs de sites de l'esprit collaboratif et bijectif d'Internet, d'une part, et d'autre part, les principes qui doivent inspirer ces créateurs pour que leurs sites soient bien considérés par les internautes.

Un site institutionnel d'une puissante ONG mondiale (la Croix-Rouge) fournit le contre-exemple : on y trouve des info sur l'ONG, sur ses activités, comme dans un magazine, on y trouve aussi de quoi verser un soutien financier, mais rien, aucune fenêtre, qui permette aux internautes de s'approprier une partie du site, de se constituer eux-même en groupe capable d'assumer une partie des tâches revendiquée par l'ONG. Tout est vertical dans le sens ONG en haut - internaute en bas.

Il faut dire que la grande expertise de Quitterie dans ce domaine a permis de disséquer en quelques phrases le défaut de ce site avec ses cinq interlocuteurs.

Deuxième contre-exemple plus discuté : le site Soliland, qui vend des produits de distribution ordinaire, mais verse une partie du montant des ventes à des ONG. L'évidence du blanchiment que constitue ce processus n'empêche pas le représentant de Danone Communities de minimiser ses défauts en considérant qu'un tel site peut être une incitation pour l'économie traditionnelle à se rapprocher de la philosophie d'Internet. Mais comme le même représentant se fait sèchement rabrouer ensuite par une question de la salle qui fustige les pressions exercées par Danone sur les producteurs français de lait (pressions qui permettent par contrecoup de jeter les producteurs de lait des pays pauvres dans la misère), on voit se dessiner assez clairement la ligne de fracture entre deux conceptions du monde. D'ailleurs, le même représentant, à bout d'argument, s'en sort par une pirouette en montrant un produit créé par l'acclimateur d'Internet en France, et en affirmant qu'Internet n'est qu'un outil, alors que Quitterie a déclaré souvent qu'Internet est bien plus : un art de vivre.

Et c'est elle qui a raison.

Les autres sites présentés entrent plus dans le cadre de l'Internet solidaire : MyCoop, du Crédit Coopératif, Adie.org de l'Adie, Peuplade qui vise à remplacer le bon vieux bistrot d'en bas pour structurer les rencontres de quartier, et bien sûr Babyloan.

J'ai déjà eu l'occasion de parler du crédit coopératif, qui est désormais ma banque.

L'Adie est une association qui existe depuis vingt ans et qui vient de passer au support Internet, ce qui lui a permis de toucher une population bien plus nombreuse qu'auparavant. Son métier est le micro-crédit, en particulier pour les auto-entrepreneurs. La mise en réseau des bénéficiaires de ses prêts paraît être l'un des ses prochains horizons dominants.

Bien entendu, le site le plus directement collaboratif, parmi ceux présentés aujourd'hui, est Babyloan. Son métier est également le micro-crédit, mais avec l'originalité de permettre à des gens qui ont 30 Euros devant eux de prêter ces 30 Euros pour quelques mois à une famille d'un pays pauvre, qui s'en servira pour un investissement crucial. Belle idée, il faut le dire.

Je suis en revanche un peu plus réservé sur l'une des conséquences du salutaire principe de transparence qui anime cette structure : un prêteur, se rendant au Cambodge, a voulu avoir l'adresse de la famille à laquelle il avait prêté (on ne dit pas quelle somme, est-ce 100 Euros ?). On la lui a donnée, ce qui était normal. Il est allé voir ces gens, et il a pu envoyer un mail satisfait, puis montrer des photos.

Subitement, en imaginant les bons Français en vacances dans la ferme cambodgienne, me revenait la vision de ces bourgeoises du XIXe siècle qui prenaient un air béat en considérant "leurs" pauvres. Comme le dit le célèbre "Voyage de M. Perrichont", il n'y a rien de plus satisfaisant pour l'égo que de rendre service à autrui. Et je me rappelle que le XXe siècle est celui qui a remplacé toutes ces charités bourgeoises par des institutions sociales. Alors, quand j'entendais, à la fin de la conférence, les réflexions selon lesquelles le charity business d'Internet va se développer considérablement dans les années qui viennent, j'avoue que j'en ai eu un pincement au cœur.

Car le pays où le charity business est roi, les États-Unis, est aussi celui où l'espérance de vie baisse depuis plusieurs années, où des millions de citoyens ne disposent d'aucune couverture sociale, et où les institutions supposées caritatives sont parmi les adversaires les plus résolus du projet de sécurité sociale poussé par Barack Obama. J'avoue donc que je préférerais que ce business ne se développe pas, mais qu'au contraire, nous ayons, conservions et inventions des institutions sociales dignes de ce nom.

L'avenir d'Internet n'est pas sans risque, et nous devons garder en tête un repère essentiel : l'éthique.

Commentaires

Je pense que le mode participatif et équitable a été souvent abusé pour permettre à certaines personnes de réaliser des profits. Tant que la mentalité ne changera pas, et c'est pas demain la veille, on ne pourra pas prétendre que les pays pauvres sont aidés honnêtement par les pays riches.

Votre exemple de cette personne qui veut connaitre la destination de son don en est un exemple. La charité n'implique aucune exigence, et s'il n'a pas envie de donner alors tant pis.

Écrit par : achille52 | 08/11/2009

Cher Hervé.
Merci pour partager ton retour sur ces Rencontres de Babyloan #2. Cette deuxième édition a ouvert de l'espace pour discuter autour de la solidarité, de l'innovation... et surtout se rencontrer.

C'était donc un lieu de débat... et c'est tant mieux !
Pour autant, je trouve qu'une discussion, si elle a la chance d'être très active sur le moment, se nourrit d'un avant et d'un après. Cool pour l'après : nos blogs permettent de continuer les échanges.
Pour "l'avant", je regrette que les actions web de plusieurs acteurs aient été résumées – le temps du débat « web et solidarité » - à leurs sites internet, eux même résumés à leurs homepages, elles-même résumées par un screenshot. Bref, qu'on ait stigmatisé de soit-disante postures anachroniques chez La Croix Rouge (que je connais) et chez Soliland (que je ne connais pas).

Si je me suis permis d’intervenir dans les critiques unidirectionnelles face à Soliland, c’était biensur pour mesurer des analyses –justes ou fausses – en tout cas rapides.
Sur le fond, je pense sincèrement que la jeune équipe de ce site pose la question des pratiques de RSE chez les distributeurs. Qu’on la juge bonne ou mauvaise, elle interroge… et, en ça, permet d’avoir un référant pour savoir de quel côté on préfère se mettre. Eventuellement de faire évoluer des pratiques vers plus de responsabilités.

Sur le reste du paragraphe où tu reviens sur mon intervention (et je serais sincèrement heureux de continuer cet échange) :
- parler de blanchiment vis-à-vis de Soliland me semble tout à fait abusif. Pourrais-tu développer ton idée ?
- je travaille dans l’équipe danone.communities, incubateur de projets à vocation sociale (nous aidons aujourd’hui des projets au Bangladesh, Cambodge et Sénégal). Je n’ai pas de connaissance sur toutes les problématiques du groupe. Pourrais-tu reformuler la question de la personne qui m’a interpelé ? Il me semble que c’était plus un « chef d’accusation générale » sur la situation du marché du lait en France et d’éleveurs dans des pays du Sud. Dans les deux cas, je reviens vers toi pour essayer d’apporter des éléments de ce que Danone comprend des enjeux.
- « pirouette en montrant un produit créé par l'acclimateur d'Internet en France, et en affirmant qu'Internet n'est qu'un outil » : je regrette de mettre si mal fait comprendre !!! Mon angle est de dire que l’internet comme la responsabilité sociale sont des éléments pervasifs. Je reprenais la position de Rafi Haldjian, papa de France Net et du Nabaztag : l’internet est partout, immanent. Il ne faut pas le chérir comme le veau d’or… mais se réjouir de tout ce qu’on peut faire grâce à lui. Il en va de même pour moi, concernant la responsabilité sociale : ce n’est pas un objet extérieur curieux… mais un élément essentiel qui doit s’imprégner dans nos actions.

Si tu aimes tant l’internet, je te recommande de regarder l’excellent film : « L’internet fait des bulles » et de te rapprocher du mouvement « French Internet / J’aime l’internet » initié par Benjamin Rassat.

Écrit par : Olivier2point0 pour danone.communities | 10/11/2009

@ Olivier

La personne en question a nommément cité Danone pour souligner la contradiction qu'elle voyait dans le fait que, d'un côté, avec Danone Communities, Danone se donne une image sociale et protectrice des petits paysans, notamment dans les pays pauvres, tandis que, de l'autre côté, par sa pression sur les prix du lait en France, Danone affaiblit non seulement les producteurs français, mais par contre-coup les producteurs de lait des pays pauvres que Danone prétend soutenir par ailleurs. Il y a, selon cette personne qui était dans la salle, une réelle et profonde incohérence, et même contradiction, entre le discours et les actes de Danone.

Écrit par : Hervé Torchet | 10/11/2009

D'ailleurs, sur ce thème de l'effet destructeur de la pression à la baisse sur les prix des producteurs, je vous invite à consulter la note de Quitterie d'aujourd'hui.

http://lesjeuneslibres.hautetfort.com/archive/2009/11/10/no-low-cost.html

Écrit par : Hervé Torchet | 10/11/2009

Salut Hervé. Merci pour continuer la discussion.

J'ai essayé de me renseigner sur la position du Groupe Danone sur la problématique du lait, soulevée en France.
# En quelques mots, Danone représente en France 4% de la collecte de lait (vs. laitiers qui font de beaucoup plu gros volumes, ou fromagers qui ont besoin de 10x plus de litres de laits au kg de produit fini ; à noter 1kg yaourt =1l de lait)
# En ce qui concerne, plus particulièrement, la crise actuelle que dénonce les producteurs,
Danone a conscience des difficultés auxquelles les producteurs doivent faire face en raison de l’importance des coûts de production. Danone a toujours été en faveur d'une régulation du marché au niveau européen et/ou français et travaille activement en ce sens. Pour cela nous pensons que le préalable est que des mécanismes permettent de mettre les volumes de lait produits en adéquation avec les besoins du marché. Cela permettra d'envisager la mise en œuvre de mécanismes de prix robustes et durables qui s'appuient sur une vision objective du marché européen, réduisent la volatilité et donnent une bonne visibilité aux producteurs comme aux entreprises.

En ce qui concerne la pression sur les prix, depuis la France, à l'encontre des producteurs des "pays pauvres" : la production de lait et la fabrication de yaourt est relativement locale. Nous n'importons pas de lait des pays du Sud pour commercialiser des yaourts en France. Au contraire d'ailleurs, avec des projets comme la Laiterie du Berger, danone.communities essaye de valoriser le lait des éleveurs Peul, par exemple, au Sénégal. Une vidéo ici : http://www.danonecommunities.com/fr/lalaiterieduberger?detail=more

Qu'en penses-tu ? Est-ce que cela est plus clair ? te parait plus juste ?

Écrit par : Olivier2point0 pour danone.communities | 12/11/2009

Si je comprends bien ce langage légèrement technique, Danone est pour le système des quotas laitiers.

Quelle est la proportion de produits locaux des pays pauvres dans la production vendue par Danone dans ces pays ?

Cela étant, je pense que la question de la salle visait des mécanismes de marché plus que des initiatives particulières.

Écrit par : Hervé Torchet | 12/11/2009

À propos du patron de Danone, Franck Riboud, je vois d'ailleurs qu'il vient d'être épinglé par Alternatives Économiques :

http://lesjeuneslibres.hautetfort.com/archive/2009/11/13/une-lecture-pour-le-week-end-le-supplement-alternatives-econ.html

Écrit par : Hervé Torchet | 13/11/2009

Discussion très intéressante. Le représentant de Danone se vante des projets soutenus par le groupe dans des pays en voie de développement. Est-ce le vrai visage de Danone ? Créer des emplois, la santé, le social, bla-bla-bla ? Cela me fait penser très fortement au marketing de Monsanto.

Je pense que le véritable visage de Danone et le véritable business se trouve plutot en Arabie Saoudite, un film qui commence à circuler fort sur Internet. Tourné par les équipes de France 3, sur un ton informatif et neutre, il est en parfaite contradiction avec le projet Danone Communities. Mécanisation "moderne", désastre écologique, pipeline de lait.
http://www.youtube.com/watch?v=HqXsbaPwZH4

Messieurs, soyez sérieux, arrêtez la communication. Arrêtez le lobbying "social". Arrêtez le bullshit qui ne veut rien dire : "Danone travaille pour la régulation du marché au niveau français et européen...." blablabla

A côté de votre lobbying communicatif "social", vous ne faites que du business "normal".
La laiterie du berger n'est qu'un business normal et n'a rien de révolutionnaire.

Les pays émergents ne sont qu'un relais de croissance normal pour le groupe Danone.
La vraie posture serait de l'assumer. Au lieu d'y voir un projet de communication.

Plusieurs confrères journalistes sont en train de s'intéresser de plus près à ce global washing d'un nouveau genre.

Messieurs, la boite de Pandore est ouverte.

Écrit par : Kamel B. | 13/11/2009

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