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30/11/2010
Wikileaks : encore des questions
Les Guignols de l'Info, ce soir sur Canal Plus, ont assez bien résumé l'opinion générale qui se dégage sur le contenu du mégascoop qui paraît avoir accouché de la plus petite souris du monde.
On annonçait en Wikileaks une révolution à l'échelle de la promesse d'Internet, la levée de certains secrets particulièrement dérangeants, du saignant, du vrai, enfin. Et l'on vit à très petit débit, loin du format mégabitté de l'Internet actuel, en somme à peu près au rythme de l'Internet de 1997, défiler des textes au format d'un déroulant de télex, dans lesquels l'énergie de quelques grands journaux et du site Owni.fr ne parvint pas à faire émerger l'ombre d'une révélation vraiment embarrassante pour les États-Unis et leurs principaux alliés, l'info la plus marquante étant au contraire de nature à conforter l'ambition américaine d'implanter un bouclier anti-missiles iraniens sur le sol européen (faire payer les industries d'armement américaines par les Européens est encore une des trouvailles des dirigeants américains pour se sortir de la crise à nos dépens, stratégie d'ailleurs folle et suicdaire).
Sur la forme, d'abord, il faut noter que le matériel diplomatique n'est pas destiné à tout le monde. Il a ses experts, ses codes, ses règles. Comme tout document de cuisine interne, il est surtout lisible par les "cuisiniers". Pour les autres, il est facilement imbitable.
Ensuite, la hiérarchisation des documents qui les accompagne ("confidentiel", "secret défense") ne dit pas grand chose sur le réel caractère de ces documents : ont-ils été chiffrés au départ ? Le "chiffre" ou "cryptage" est un passage du texte à la moulinette d'un encodeur qui rend le texte en principe indéchiffrable sans la clef de décodage. Les dépêches vraiment importantes des diplomates sont systématiquement codées, parfois selon des codes dont la sécurité est très éprouvée. Les documents qui ne sont pas codés sont en général considérés comme rematiivement anodins. Il ne faut pas oublier que les services diplomatiques ont affaire depuis longtemps à une espèce particulière de "pirates" qu'on appelle des espions, et que le jeu consiste pour eux à établir une gradation dans la qualité de ce qu'ils envoient de façon à faire courir le moindre risque aux info les plus importantes, et parfois, comme les guignols l'ont suggéré, à transmettre de fausses info sous les vraies pour faire endosser des mensonges par l'adversaire ou par l'opinion.
Les comptes-rendus d'entretiens formels à huis clos sont la matière la plus traditionnelle des dépêches de fond adressées par les missions diplomatiques à leurs gouvernements respectifs. La capacité pour un diplomate de synthétiser toutes les nuances de la pensée de son ou de ses interlocuteurs est le vrai sel du métier. On trouve sans surprise de ces comptes-rendus dans le petit débit de Wikileaks. En vérité, les info qui y sont contenues n'ont rien de secret jusqu'ici. Les postitions exprimées par exemple par Levitte sont celles officiellement de la France d'aujourd'hui.
Évidemment, les observations personnelles sur des personnages comme Mme Merkel donnent l'occasion à la presse d'inventer un caractère sulfureux à ces documents qui, il faut le dire, n'en ont guère, ils ne dépassent pas le niveau d'un numéro déjà passé du "Canard Enchaîné", l'humour en moins.
La diffusion confuse des documents, par divers biais, ajoute encore à l'impression de tromperie.
La question qui se pose maintenant est de savoir si Wikileaks en a sous le pied, si M. Assange est au contraire à fond. De savoir s'il a renoncé au pire et au meilleur. La perspective d'un mandat d'arrêt international l'a-t-elle effrayé ? Fait-il au contraire monter la pression ? Négocie-t-il ? Pourquoi ? Et avec qui ? Est-il manipulé ? Et par qui ?
Force est en tout cas de constater que la dérision s'est emparée du sujet et que, désormais, Wikileaks est une sorte de synonyme de M. de La Palice, une sorte de Jerry Lewis du renseignement. Triste fin de partie ?
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25/11/2010
République des Blogs : les fantômes du Pachyderme.
Depuis que je sais par Dagrouik qu'Éric (qui se reconnaîtra) s'est replié sur Tours, je mâchonne l'interrogation ultime : à quoi sert d'être blogueur ? À quoi ça sert ? À perdre son temps ? À se faire des ennemis ? À s'aliéner les éventuels employeurs ? On voit à quel point l'existence est difficile pour ceux qui n'abandonnent pas pas et on comprend ceux qui, comme Quitterie, ont préféré se mettre en retrait : prudence.
Il faut le dire : les blogueurs ont repris à leur compte les utopies du journalisme, ce qu'il y avait en tout cas d'utopie dans le journalisme. Et les difficultés des blogueurs reflètent assez bien, je crois, celles du journalisme.
Le plus significatif, au fond, était peut-être l'absence de celui qui m'a formellement invité. Je me suis rendu à cette XLVIe RDB sur l'invitation de Jules de Diner's Room. Or Jules n'y vint pas, non plus d'ailleurs que l'excellent Eolas. Je n'avais plus participé à la RDB depuis six mois et je crois que les seuls blogueurs communs y étaient Sébastien des Jours et des Nuits et Dagrouik. J'y ai fait la connaissance de Vogelsong et de quelques autres. J'y ai appris qu'Alternative Libérale, fantôme d'un fantôme, comptait se rapprocher du Nouveau Centre. Diable !
Le plus étonnant, comme un écho au Nom des Gens, film que je n'ai pas l'intention d'aller voir, m'a paru être la jospinite aiguë qui, en pleine paix, a éclaté dans le ciel calme des blogueurs enkaratchisés.
Jospin ? Diable ! Vu ce que Delanoë fait à Paris, j'ai peine à croire qu'on puisse ériger le jospinisme en bannière.
Mais il faut croire que, parmi les soutiens de DSK, il y a ceux qui ruminent depuis huit ans leur défaite au premier tour de la présidentielle du 21 avril.
- Pourquoi n'as-tu pas voté pour lui ? m'ont-ils interpellé.
Oh, en 1995, j'ai voté Chirac aux deux tours, trop content d'écarter Balladur, Pasqua, Sarkozy et leur clique du pouvoir. En 2002, j'ai voté Bayrou au premier tour. Au second, pour pouvoir voter Jospin, encore eût-il fallu que Jospin il y eût. Or de Jospin, il n'y avait plus.
De toutes façons, la ligne de Jospin était trop pro-américaine, pas assez indépendante.
Mais tout cela est de l'histoire ancienne.
Il est vrai que Royal, Aubry, DSK, étaient tous trois ministres de Jospin... Les morts enterrent les morts, comme on dit. N'empêche, c'était étrange, ce vol de jospinistes en escadrille, Maïté et Martin (qui reconnaîtront s'ils lisent cette page) en première ligne.
Voilà, que dire d'autre de cette RDB qui fond comme neige au soleil ? Que j'ai bien aimé le débat avec Dagrouik, avec Vogelsong, que j'ai eu plaisir à revoir le social-démocrate inoxydable Abadinte, et quelques autres, mais que, décidément, on envie ceux qui profitent du maigre système d'internet, car on s'y sent un peu Vox clamans in deserto.
03:30 | Lien permanent | Commentaires (4) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
19/11/2010
Karachigate : un rappel crucial
Je me permets de donner de nouveau un article que j'avais publié ici même en mai 2007 sur Patrice Molle et Hervé Morin, qui vient en complément de celui indiqué sur Twitter par @tlanoy.
On y voit aussi les liens malsains établis entre Goasguen et Delanoë, qui expliquent sans doute pourquoi Delanoë s'est si mal conduit contre le MoDem en mars 2008.
Bonne lecture :
Un mot sur Patrice Molle, directeur de cabinet du ministre de la Défense.
puissante des admlnistrations centrales de la Ville.
13:46 | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
17/11/2010
Le centre, indépendant et libre.
Je suis un peu abasourdi : il paraît que des ministres centristes considèrent comme une brimade d'avoir été blackboulés du nouveau gouvernement. Franchement, pour moi, ce qui serait une brimade, ce serait de faire partie d'un gouvernement aux côtés de Brice Hortefeux, seul ministre de la république française à avoir jamais été condamné pour des propos racistes.
Et d'ailleurs, après l'incitation à la haine ethnique, sinon raciale, faite par le président de la république contre les Tziganes cet été, je trouve impensable qu'on ait pu se porter candidat à devenir son premier ministre. Le paradoxe, dans ce domaine, est que celui qui s'est le plus ouvertement insurgé contre le dérapage présidentiel, c'est celui qui vient d'être reconduit comme premier ministre... Toius ceux qui auraient dû l'ouvrir pour protester se sont tus, parce que tous savaient que leur place dans le nouveau gouvernement dépendait de celui qui avait bavé. Pour paraphraser Churchill, ils avaient le choix entre le déshonneur et la guerre, eh bien, finalement, beaucoup d'entre eux ont eu à la fois le déshonneur et la guerre, en particulier certains autoprocalmés centristes qui se sont copieusement tus et dont aucun n'a spontanément démissionné. Tant pis pour eux.
Voilà maintenant que ces centristes sont devant le Rubicon. Nous verrons bien ce qu'ils feront la semaine prochaine : combien d'entre eux oseront refuser de voter la confiance au gouvernement ? C'est là qu'il faut saluer, quand même, chez Bayrou, la stratégie de la cohérence, il n'a jamais voté la confiance à un gouvernement depuis 2007 (et même avant).
Cela étant dit, voici quelques réflexions qui me sont venues.
La bulle verte a-t-elle commencé à éclater ?
Depuis le début, je trouvais assez cocasse le vocable de "croissance verte", qui est un évident oxymore : les Verts sont pour la décroissance. Que serait une croissance décroissante ? À peu près ce qu'est une vie morte ou une journée nocturne. Le concept de croissance verte est vide ou plutôt il est dissimulateur. Ce qui est plus grave, c'est qu'il soit le germe d'une "bulle' comparable à la bulle internet qui a éclaté en 2000, ou comme la bulle immobilière américaine qui a éclaté en 2007-2008.
Or c'est l'opinion d'Oliver Stone. Vous allez me dire que je ne cite pas là un grand spécialiste de la Tribune, mais dans son récent film Wall Street 2, Stone fait dire au vieux requin Gekko, que l'économie verte est la prochaine bulle, et qu'il est malin d'y investir (sous-entendu : pour profiter de la hausse irrationnelle avant de sortir discrètement juste avant l'explosion). Et je dois dire que cette phrase, pour ceux qui se trouvaient dans la salle du cinéma en même temps que moi, a résonné très fort, avec la puissance de l'évidence. Au fond, quand on a vu le gouvernement céder au lobbying de l'EDF et amputer gravement le prix de rachat de l'énergie photovoltaïque, c'est bien une bulle qui a éclaté : la courbe d'achat de panneaux photvoltaïque était vertigineusement ascendante. La voici sans doute brisée.
Et en politique, la bulle écolo de 2008 a-t-elle commencé à éclater ? Peut-être. En tout cas, je ne voterai pas pour Mme Joly. elle donne des leçons à tout le monde, mais sa meilleure amie, qu'elle a faite députée européenne, est la juge d'instruction qui a clos le dossier Boulin, dont tout le monde sait qu'il reposait sur une instruction baclée, mensongère, truquée. Quand on veut donner des leçons, il faut commencer par balayer devant sa porte.
Du reste, la prise de contrôle de l'écologie par l'appareil vert ne peut aboutir qu'à renvoyer l'écologie politique à ses anciennes erreurs.
Il y a évidemment un regret à avoir pour ceux qui ont cru à l'utopie de la coopérative. Seulement, il me semble qu'il y a deux raisons au moins qui font que le repli prévisible de l'écologie en termes de résultats électoraux peut avoir des effets utiles.
La première c'est que les verts font de telles contorsions pour conserver le socle électoral acquis par la campagne européenne, qu'on en a mal pour eux. ce n'est pas bon de se mentir pour obtenir les faveurs du public. en vérité, les électeurs sont prêts à pardonner à peu près tout aux candidats, à excuser voire à gober à peu près toutes les opinions, toutes les convictions, pourvu qu'ils aient la conviction que les candidats sont sincères, qu'ils pensent ce qu'ils disent, même si ce qu'ils disent est énorme. Dès lors que l'électorat a l'impression que le candidat n'est plus sincère, il le jette.
La rétraction des verts leur permettrait de retrouver leur sincérité.
La deuxième raison, c'est le concept même de coopérative, ou du moins l'image qui en transparaît actuellement.
Bien entendu, une entité qui serait entièrement informelle, un réseau de réseaux qui n'aurait ni centre ni sommet, ni objectif électoral ni expression centralisée, mais seulement des circuits de formation et de circulation de l'opinion, une sorte de vague qui se lèverait en houle quand, de ses profondeurs, monterait l'indignation ou l'enthousiasme, ce pourrait être bien. Il y aurait à cela deux conditions : ne pas se laisser enfermer dans la voix de la populace (les "tricoteuses" de la Terreur) et maintenir l'absence de structure institutionnelle.
À partir du moment où l'institutionnel se mêle au réseau, il y a forcément un grain de sable dans la mécanique, parce que l'institutionnel sans la représentativité, c'est dangereux. De Gaulle, en 1969, avait eu l'idée de remplacer le Sénat par une nouvelle institution qui qui regrouperait le Sénat avec le Conseil Économique et Social. Cette institution aurait eu un grand poids dans la République. Inconvénient : elle aurait incarné la fin de l'un des principes les plus importants de la Révolution française : la fin des corporations.
Sous l'Ancien Régime, les corporations bridaient l'émancipation des individus et le développement de la Société. elles formaient un écran étanche entre le pouvoir politique et les gens. Elles décidaient à la place (et de la place) de chacun. Conférer un rôle institutionnel aux réseaux et aux ONG, c'est revenir à la logique des corporations, c'est dangereux.
Je n'irai pas jusqu'à relever que l'organisation de la Société par les réseaux était la pyramide fasciste au XXe siècle, car ce serait excessif, mais je crois que rappeler ce fait historique souligne la part de risque qui réside dans le rapprochement trop fort entre les réseaux et la logique institutionnelle (sans parler d'ailleurs des risques évidents de conflits d'intérêt). Chacun chez soi, comme on dit, et les vaches seront bien gardées. Gardées, d'ailleurs, par la vigilance des réseaux de la Société civile, particulièrement nécessaires à notre époque où le pouvoir politique, en raison d'une erreur manifeste, est devenu bien trop concentré.
Cette erreur, c'est l'inversion du calendrier, qui a entraîné une profonde confusion des pouvoirs, et finalement, le triomphe des principes contre lesquels la Ve république a été fondée.
Le retour des partis politiques
La séquence qui vient de s'achever par la reconduction de françois Fillon à Matignon a traduit et matérialisé un réel affaiblissement de la fonction présidentielle. Talleyrand a dit ou écrit un jour : "Tout ce qui est excessif est insignifiant". Aujourd'hui, il dirait plutôt : "Tout ce quie est excessif est contreproductif". La stratégie de l'hyperprésidence a affaibli considérablement la présidence, parce qu'elle a échoué.
En symétrique, le maintien de Fillon a été voulu et décidé par le contingent parlementaire de la majorité. Ce sont les députés et sénateurs qui ont plébiscité Fillon et qui l'ont imposé au président de la république, à charge pour ce dernier de "se soumettre ou de se démettre", comme on a dit en d'autre temps. Or se soumettre, c'est aussi se démettre. Il avait le choix entre le déshonneur et la guerre, la soumission et la démission, il s'est soumis et il sera probablement démis par la prochaine élection présidentielle. Enfermé dans l'étreinte asphyxiante de Fillon ("ce monstre doucereux qui dévore en caressant", a écrit en d'autres temps Robespierre), il va à l'abattoir et Fillon, à peu près comme Barre en 1981, guigne déjà vers l'élection présidentielle siuivante, 2017. À moins que, dès 2012...
En face, le Parti Socialiste a repris le contrôle. Exit les trublions, Frêche est mort, Royal s'est soumise, il reste les croque-morts, vivant fantôme de la SFIO, la main déjà posée sur la porte du pouvoir.
De Gaulle avait conçu l'élection présidentielle comme une rencontre d'un homme (ou d'une femme) devant la France et devant l'Histoire. Finalement, avec l'inversion du calendrier et le regroupement des suffrages présidentiel et législatif, la présidentielle n'est plus que la première étape de la désignation de la majorité parlementaire. De là le fait qu'en défintivie, ce sont les partis politiques qui ont repris les commandes, car les législatives sont leur scrutin naturel.
On a donc fini d'enterrer de Gaulle.
Et, de ce point de vue, le plus gaullien des candidats est aujourd'hui Bayrou, Il désteste tant les partis politiques qu'il a tué tous ceux qu'il a présidés et/ou créés. C'est un serial killer de partis. La tâche présidentielle, pour lui, se complique de la reprise en main de l'élection par des logiques strictement partisanes, reprise en mains d'ailleurs très parfaitement incarnée par la prise de contrôle d'EE par l'appareil des Verts.
Les institutions triomphent.
Une fois de plus, c'est Barre qui avaut raison : il disait "un seul mandat". On élit le président de la République pour un mandat non renouvelable, ce qui lui évite de s'obnubiler sur sa réélection. Et il maintenait le septennat, ce qui détachait définitivement et décisivement le président de la logique partisane. À chacun son rôle.
Ainsi libéré, le chef de l'État peut évoluer dans son milieu naturel, l'Histoire, et tutoyer sa chère concubine, la France.
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