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20/12/2012

Depardieu, Danton et la patrie perdue

C'est Danton qui a dit "On n'emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers". Or Danton, Gérard Depardieu l'a incarné à l'époque où il voulait faire plaisir à un pouvoir de gauche. Je dis qu'il l'a incarné, car interprété serait un abus de langage, Depardieu n'a interprété aucun des rôles qu'il a tenus à l'écran. Depardieu, ce n'est pas un acteur, c'est une nature.

Une nature comme la sienne, le cinéma français en a connu une peu avant la sienne, c'était celle de Jean Gabin, que l'on disait patron incontesté du cinéma français, comme aujourd'hui on dit que Depardieu est le patron. Gabin crevait l'écran, il le disait lui-même, il se plantait devant la caméra et il ouvrait grand ses yeux bleus et sa forte gueule. Gabin mourut en 1976. Pendant quelques années, les patrons furent Belmondo et Delon. Puis dès le début des années 1980, Depardiue s'imposa, et depuis trente ans, le patron, c'est lui. Hélas, la comparaison s'arrête là.

Chaque fois que l'on voyait Gabin à l'écran, on savait que, le 6 juin 1944, il était dans l'une des péniches du débarquement sur une plage de Normandie. On disait même que c'était là que ses cheveux avaient blanchi, en une nuit. Qu'il le veuille ou non, Gabin, homme de droite, rigoriste dans sa vie personnelle, modèle des vertus moyennes, éleveur de chevaux, incarnait le redressement de la patrie battue, il incarnait le souffle patriotique. Hélas, de Depardieu, on ne peut pas dire autant.

Depardieu incarne les baby-boomers, jouisseurs, férocement égoïstes, vénaux dès que l'occasion s'en présente. Et si l'on considère sa filmographie, il nous faut prendre un air navré, n'en déplaise à Fabrice Luchini. Bien sûr, il y a quelques films du début, des années 1970, mais la plupart de ses rôles ne sont plus regardables, son jeu singulier (qui n'est pas un jeu, mais l'expression de sa nature) a vieilli, le charme est rompu. Heureusement, il y a les trois chefs-d'œuvres de Francis Veber. Mais tout le reste est une bouillie infâme. Il a massacré le Cyrano de Rostand, dont il a fait un rustre et une brute épaisse, alors que c'est un savant et un malicieux. Il a écrabouillé Jean Valjean dans l'une des innombrables bouses de Josée Dayan, la réalisatrice dont le nom est synonyme d'incontinence. C'est un bien triste patron pour le cinéma, et quand on se rappelle que les amis de Gabin, étaient des acteurs aussi fins, humains et inspirés que Lino Ventura ou Bernard Blier, on va tourner les yeux autour de Depardieu pour chercher en vain une semblable escorte.

Enfin, il faut le dire, le fait qu'il soit devenu sarkozyste (pour des raisons strictement vénales) ne peut être écarté de son départ pour l'étranger, car d'autres sarkozystes font ou ont fait comme lui. Quand Sarkozy était au pouvoir, nous disions qu'il incarnait l'anti-France, car en chaque occasion qui lui fut donnée, il sacrifia un intérêt français, avec pour seul alibi parfois une préoccupation vénale. Aujourd'hui, de ce penchant pour l'anti-France, nous avons la preuve. Cet homme et ses amis haïssent la France, en général pour des raisons d'argent et d'intérêt personnel, mais parfois pour des motifs encore plus vils.

François Bayrou confiait qu'il était frappé que l'électorat de droite, si longtemps attaché au patriotisme, prenne si fort fait et cause pour Depardieu contre l'intérêt général, au motif, donc, qu'il est légitime de se cantonner à un égoïsme intégral. Pour toute cette partie de l'opinion, la patrie compte désormais moins que l'argent. Le patron du cinéma français est là comme un guide vers l'obscurité, alors que son prédécesseur incarnait au contraire le chemin noble.

Bien sûr, la patrie n'est plus une notion facile. Si l'Europe est une "fédération d'Etats-Nations" (selon le mot heureux de Jacques Delors), l'expression de la patrie et du patriotisme dans ce cadre reste à définir, d'autant plus que l'Europe ne se dote pas toujours de tous les moyens nécessaires à sa propre indépendance.

Souhaitons que le départ du patron du cinéma français (qui consacre sa déchéance artistique déjà notable auparavant) fasse la place à une nouvelle génération qui puisse proposer aux spectateurs des valeurs positives où les mots d'intérêt général, de bien public et même de patriotisme retrouvent une place sans laquelle nous allons de malheur en malheur, au lieu d'échafauder ensemble.

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15/12/2012

Mettre fin aux guerres civiles

Au lendemain de la tuerie sanglante du Connecticut, qui a laissé une vingtaine d'enfants et presque une dizaine d'adultes sur le tapis, il est de bon ton de railler l'Amérique et son culte des armes à feu, et, de ce fait, de s'en prendre à Barack Obama qui n'a pas osé s'attaquer au lobby des armes. Soyons honnête : les USA n'ont pas encore fini d'abolir la torture, ils y sont même récemment revenus en force, ils n'ont même pas fini d'abolir la peine de mort, alors, leur demander de renoncer au bon vieux "Smith, Wesson and I", c'est aller trop vite. On ne demande pas à un dinosaure de jouer de la harpe.

Les Etats-Unis sont le pays dit libre où 1% de la population est enfermé en prison, un pour cent, une proportion dix fois supérieure à celle de la France. Et avec ce 1% en prison, constate-t-on que ce soit un pays plus sûr ? Eh bien non, c'est l'inverse, car une société dont les pouvoirs publics usent massivement de violence est une société où la violence est légitime. Donc la possession d'une arme à feu aussi. Et le meurtre en découle.

On dit que 47% des Américains en détiennent au moins une. En France, ne sous-estimons pas le chiffre : tous les chasseurs ont au moins un fusil chez eux, les policiers souvent leur arme de service, comme les gendarmes et de nombreux militaires, et puis, depuis les dernières guerres balkaniques, il paraît que c'est devenu facile de se procurer une kalach. Mais en France, quand on tue trente personnes par balle à Marseille et autant en Corse en une année, cela fait la une des journaux et tourne en boucle à la télévision. Aux Etats-Unis, ce bilan se fait dans une seule école et en une seule journée, et il y a là-bas plus de trente mille morts par balle et par an, dans une véritable atmosphère de guerre civile permanente, émaillée d'attentats terroristes, de lynchages, de crapuleries, de vendettas, et d'ignominies en tous genres. C'est en considérant ce bilan américain-là qu'il faut tout de même raison garder en analysant la société française comme se trouvant en état de guerre civile larvée. Mutatis mutandis, je le fais pourtant. Voici pourquoi.

Les haines sourdes

Je suis assez gêné par la nouvelle attaque lancée par le site d'info Médiapart, cette fois contre M. Cahuzac, actuel ministre du budget, à qui il est reproché, pêle-mêle, d'être à la fois riche et de gauche, d'imposer des sacrifices aux plus pauvres, d'avoir ou d'avoir eu un compte non déclaté en Suisse et/ou à Singapour, d'avoir été le porte-parole à l'Assemblée Nationale des laboratoires pharmaceutiques. Bref, dans un instant, on lui reprochera d'avoir une petite bite (ce qu'il lui sera évidemment facile de démentir) et de porter une perruque (faute professionnelle pour un chirurgien esthétique spécialisé dans l'implant capillaire).

Au fond, Médiapart fait son travail en enquêtant à partir d'une dénonciation (que l'on devine très désintéressée) et en recoupant des informations, puis en les présentant à l'appréciation de l'opinion publique. Disons tout de suite qu'il y a un point sur lequel je suis d'accord avec Médiapart : l'ouverture d'une enquête s'impose dès la fin de la procédure d'examen de la loi de finances.

Mais imaginer une personne qui aurait conservé chez le notaire pendant plus de dix ans une bande-son qui aurait été enregistrée par mégarde à cause d'un rappel malencontreux et involontaire d'un téléphone portable (au fait, comment était-il, celui de Cahuzac, à l'époque, n'avait-il pas un rabat pour se protéger de cette fausse manip ?), cette simple idée d'un corbeau qui, avec patience et délectation, attend le jour et l'heure où sa révélation pourra faire le plus de mal à l'auteur malheureux du coup de fil, et où, par conséquent, il pourra lui-même en tirer le plus de profit, j'avoue que je crois toucher là du doigt l'un des fonds de l'abjection, et que le journaliste qui, même pour faire son métier, se rendrait complice de cette infâmie ne recevrait qu'assez peu de mon estime, pour ne pas dire plus. Comme disait je ne sais plus qui, il faut économiser son mépris, le nombre des nécessiteux allant sans cesse croissant.

Mais le pire, c'est que cette bande ne prouve rien. En elle-même, elle ne prouve rien. Du moins, ce qu'on nous en a diffusé ne prouve-t-il rien. Jusqu'ici, il n'y a rien. Rien d'autre qu'une épouse qui a confié ses intérêts à la sœur d'un putschiste virulemment opposé au ministre en question. Rien qu'un élu UMP opposé au même ministre dans sa propre ville de Villeneuve-sur-Lot et qui pourrait être le fabricant détenteur de la bande invoquée en preuve contre le ministre. Et puis, ce que dit le "Canard", un mystérieux autre corbeau qui, lui, détiendrait le numéro du compte à Singapour et que l'on pourrait joindre en téléphonant ... en Roumanie.

Alors, comme on n'a rien, on ressort les laboratoires pharmaceutiques, le lobbying, tout ce qui a bien marché dans les époques précédentes, notamment contre Mme Bachelot. Seulement voilà, de toute cette boue, de toutes ces bagarres, nous sommes fatigués. Parce que pendant ce temps-là, pendant que nous jetons le fumier au visage, le bateau coule, la France fait eau de toutes parts.

En finir avec la stigmatisation

Même "Marianne" se lance dans l'invective contre François Hollande, non pas tout le journal, mais sa une et son pricnipal dossier. Sa faute ? Avoir oublié qu'il fallait s'en prendre à la finance. Certes, mais à laquelle ? A la BNP ou à Goldman-Sachs ? Et en cassant la première, ne renforçons-nous pas le second ? Nos banques françaises ont ensemble une dette supérieure à 220 % de notre PIB, soit plus de deux fois celle de l'Etat. Est-il encore besoin de les enfoncer un peu plus ?

Cela étant, je suis assez circonspect sur le mécanisme de contrôle des banques par la BCE mis en place cette semaine, car comme la BCE est dirigée par un ancien de Goldman-Sachs, je ne suis pas certain que nous n'ayons pas livré les clefs de la bergerie au loup. Espérons que non.

De toutes façons, et quoi qu'il arrive, ce dont nous avons besoin, ce n'est pas de nous disputer, mais que chacun fasse ce qu'il a à faire, que chacun entreprenne s'il le peut, que chacun ait l'exigence du travail bien fait s'il en a, et que les pouvoirs publics veillent à limiter le gaspillage de nos forces communes, celui de notre argent public au premier chef, et à libérer nos entreprises pour qu'elles puissent embaucher le plus possible. De cette façon, et de cette façon seulement, nous pourrons mettre fin aux scandales qui nous accablent et dont la dénonciation ne sert plus qu'à nous enfoncer dans la dépression collective. Revoyons la "Fille du Puisatier" de Pagnol, que chacun fasse les concessions nécessaires, et tous ensemble, nous recommencerons à avancer.

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05/12/2012

Notre-Dame des Landes : la légitime suspicion

Dans les années 1970, le Crédit Agricole devint et fut la première banque mondiale. A cette époque, nos dirigeants parlaient de notre terre arable comme de notre "pétrole vert". Trente ans plus tard, nous nous sommes assoupis dans le confort trompeur de la Politique Agricole Commune de l'Europe qui a permis à des pays moins étendus que nous et moins bien dotés par la nature que le nôtre de nous devancer dans ce domaine où toute notre Histoire devrait converger pour faire de nous d'imbattables champions. Je dis toute notre Histoire, mais le grand historien Braudel a bien démontré que depuis que la France est France, elle a toujours été déficitaire dans l'aliment préféré des Français : le blé. Toujours, sauf depuis le développement sur nos sols de l'agriculture intensive après la Seconde Guerre Mondiale.

Aujourd'hui, nous exportons et, ce qui est grave, nous produisons tant que nous jetons la moitié de ce que nous produisons. Pétrole vert, qualité des terroirs et des produits, autosuffisance, gâchis, voilà ce qui doit guider notre réflexion au moment d'envisager un projet dont le premier effet est de supprimer près de deux mille hectares de terre exploitable, deux mille hectares de notre pétrole vert, prometteur de tant de raffinements et de savoir-faire gourmand.

Deux mille hectares, ce sont vingt millions de mètres carrés, quatre mille mètres sur cinq mille, quatre kilomètres sur cinq, soit environ le cinquième de la superficie de la Ville de Paris, qu'il s'agit d'effacer d'un trait de plume. Sur deux mille hactares, on peut planter des dizaines de milliers d'arbres, ou produire deux mille tonnes de blé de faible rendement mais de qualté supérieure, ou ramasser des tombereaux entiers de grenouilles à faire rissoler dans la poêle avec du beurre (salé au sel de Guérande).

Ces deux mille hectares, ces arbres, ce blé, ces grenouilles, ce sel de Guérande, et tout le reste, on nous propose de le remplacer par des pistes d'aéroport et sans doute une ville-champignon de bureaux, de parkings, de hideux espaces paysagés et de galeries commerciales. Voyons pourquoi.

Le rôle de Jean-Marc Ayrault

J'ai été très frappé d'entendre ou de lire que le projet Notre-Dame des Landes, qui date du début des années 1960, et qui avait été enterré par la suite, avait été exhumé en 1999. Pourquoi ? Parce qu'alors, M. Ayrault était président du groupe PS de l'Assemblée Nationale depuis deux ans seulement. Tout se passe donc comme si ce maire de Nantes portait une responsabilité toute particulière dans la résurrection de ce projet, comme si toute la carrière de M. Ayrault ne visait plus, finalement, qu'à cet objectif de l'aéroport fatal, comme si, pour lui, l'arrivée à Matignon avait pour premier effet (et donc pour premier but) de garantir la réalisation de cette infrastructure à laquelle il porte désormais un attachement de nature narcissique. La récente affaire de Florange a assez démontré que M. Ayrault était maire de Nantes avant d'être premier ministre, il y a là à mon avis une source grave de conflits d'intérêts, certes pas universelle dans son activité, mais pour le sujet qui nous occupe, manifeste (et néfaste par principe).

J'ajoute que, de mon point de vue, M. Ayrault a un autre grave défaut, qui est de nier l'histoire bretonne de Nantes et de son département, dont le nom de localités comme le Temple-de-Bretagne ou Vigneux-de-Bretagne est pourtant assez explicite. Cette haine de la Bretagne ne serait rien en elle-même si le pojet Notre-Dame des Landes n'avait pas pour première victime la Bretagne justement, à laquelle M. Ayrault semble vouer une haine décidément aussi polymorphe que tenace.

La mort inéluctable des petits aérodromes bretons

Il existe deux aéroports à moins de cent kilomètres de Nantes : celui de Rennes et celui d'Angers. Le premier fonctionne à la moitié de ses capacités, celui d'Angers entre dix et quinze pour cent. Il y a, en Bretagne, cinq autres aéroports capables de recevoir des lignes régulières : Lorient, Quimper, Brest, Lannion et Saint-Brieuc. Toutes ces destinations sont vouées à la mort si Notre-Dame des Landes voit le jour. C'est d'ailleurs ce qu'a constaté un défenseur du projet, Michel Urvoy, du journal Ouest-France. Donc l'argument de la création d'emplois, évoqué pour la création de NDDL, tombe de lui-même : il s'agit en fait d'enlever des emplois dans les territoires pour les concentrer à Nantes. Cette politique a un autre nom : "pousse-toi de là que je m'y mette". Elle est symptomatique du mépris qu'ont nos grands élus de nos territoires.

Rien n'est sûr, me direz-vous. Mais si. Voici le scénario programmé par le concessinnaire en puissance de NDDL : il faudra environ un milliard d'Euros, in fine, pour construire le nouvel aéroport, ses hangars, son parc hôtelier, ses bureaux, ses parkings, et toutes ses extravagances prévisibles. Quand on se sera aperçu que cet équipement ne peut être rentable en l'état de la circulation aérienne, que croyez-vous que l'on fera ? Qu'on le fermera ? Non, car cela serait avouer qu'on s'est trompé et que, depuis le début, toute cette vaste tromperie était sue pour sa vraie nature corrompue. Donc on dira "Mais au fait, vos petits aéroports, là, vous n'en faites pas grand chose, on va les fermer". Et le tour sera joué. Plus de Paris-Quimper, plus de Paris-Lorient, plus de Paris-Saint-Brieuc et plus non plus forcément de Londres-Quimper, de Londres-Lorient, ni de Londres-Saint-Brieuc.

Vinci, récidiviste du pillage des ressources publiques

L'affaire est d'autant plus suspecte que l'entreprise qui la porte est une récidiviste du pillage : l'entreprise Vinci, dont François Bayrou rappelait ce matin qu'il a été lui le seul dans toute la classe politique à dénoncer l'acquisition à prix cassés du joyau que représentaient les compagnies d'autoroutes en 2005, dont les milliards de bénéfices annuels seraient aujourd'hui bien utiles pour réduire la dette de l'Etat. Oui, Vinci et le personnel politique sont coresponsables de cette ignominie. Et c'est ce même Vinci et ce même personnel politique qui viennent, la mine enfarinée, nous expliquer benoîtement qu'il faut leur faire confiance et que le projet NDDL est écologiquement fructueux et économiquement sain. Ce même Vinci qui embauche l'un après l'autre les hauts fonctionnaires qui ont eu à valider l'opération au cours de leur carrière administrative...

MOUAHAHAHAHAHAHAHAAAAAAAAA !!!!!!!!!!

Dépêchons-nous d'en rire de peur d'avoir à en pleurer.

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02/12/2012

Sciences Po : les pratiques mafieuses du PS

Depuis la publication du PV provisoire de la réunion du Conseil d'Administration de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP) et l'article arrogant et superficiel de l'hebdomadaire "Marianne" (qui nous a habitués à beaucoup mieux), la vérité se dévoile à Sciences Po pour ce qu'elle est : une chasse à l'homme doublée d'une chasse aux sorcières, empruntant des méthodes mafieuses à des fins d'ailleurs louches.

On ne me verra pas défendre feu Richard Descoings avec autant de ferveur que Jean-Claude Casanova le fait, j'ai été inquiet de son choix de renoncer à la culture générale dans le recrutement de ses étudiants, qui faisait écho à la décision sarkozyste de supprimer l'histoire-géo en classe de terminale scientifique. Tout cela me paraissait militer pour la barbarie et l'amnésie ambiantes, qui font le lit des extrêmes (mais peut-être était-ce le but recherché sinon par Descoings, du moins par Sarkozy).

L'histoire de Descoings

Il faut revenir sur les conditions de la nomination de Richard Descoings. Elle date de 1996. Alors, Alain Juppé est premier ministre et François Bayrou ministre de l'Éducation Nationale, ministre de tutelle de l'établissement selon le statut (de nature législative) élaboré dans l'immédiat après-guerre. Avant d'atterrir à Sciences Po, Descoings passa par deux cabinets ministériels, ceux de MM. Lang et Charasse. Il se trouve qu'en 1996, Jacques Chirac, récemment élu président de la République, a quelque obligation envers le camp mitterrandien qui l'a aidé à accéder à l'Élysée et qui continue à le protéger au Conseil Constitutionnel en garantissant son immunité judiciaire. Or MM. Lang et Charasse font partie de ces mitterrandiens, je crois que M. Charasse siège même au Conseil Constitutionnel. La nomination de Descoings à la tête de Sciences Po, voulue par M. Juppé, est entérinée par M. Bayrou, dont les relations avec le président Chirac ne sont pas alors au beau fixe. Sans doute l'intervention d'Alain Lancelot et de Michel Pébereau l'aide-t-elle à cette décision.

Des éléments de l'histoire de Michel Pébereau

Selon ce qu'il a dit, M. Pébereau a été approché vers 1987 par François Goguel, un très grand politologue français, pour lui succéder à la tête de l'Institut d'Études Politiques de Paris (IEP) la structure pédagogique de l'ensemble formé avec la FNSP. A cette époque, M. Pébereau, déjà président de la banque BNP, soutient Raymond Barre (comme François Bayrou) pour l'élection présidentielle de 1988, Barre étant lui-même professeur à Sciences Po et c'est lui qui a nommé Lancelot directeur.

Il se trouve que dans le même temps, l'État décide de se défaire de plusieurs des installations vétustes des services centraux de ses ministères, dont celle du ministère du Logement ou de l'Équipement (j'écris de mémoire), qui se trouve dans le XVIe arrondissement, non loin de la Seine, en contrebas de la colline de Passy. Le ministre, Pierre Méhaignerie, veille sur la vente du grand terrain qui doit rapporter d'utiles liquidités à l'État. Et c'est la filiale de promotion immobilière de la banque de M. Pébereau qui obtient le marché.

Mais il se trouve que ce terrain se trouve à Paris, dans la ville dont M. Chirac est le maire. Lorsque celui-ci est défait en 1988 à l'élection présidentielle, il entreprend donc de mettre tous les bâtons possibles dans les roues de M. Pébereau. Dans le même temps, un comité d'élus et de riverains s'oppose à une vaste construction Porte Maillot, à l'autre bout du même arrondissement, dont on dit que le contrat signé avec des promoteurs canadiens a contribué à financer la campagne présidentielle de M. Chirac. Les deux batailles locales font rage et s'enveniment si bien que M. Chirac doit renoncer à son projet Porte Maillot et que l'opération du ministère qui devait rapporter des millions à la BNP lui en coûte plusieurs dizaines de millions (de Francs à l'époque). C'est donc sans surprise que l'on trouve M. Pébereau dans le camp de M. Balladur en 1995 alors même qu'entre-temps, Raymond Barre a fait la paix avec M. Chirac qu'il soutient.

Par la suite, la guerre se poursuit pour M. Pébereau en la personne de la Société Générale, banque étiquetée chiraquienne à laquelle la BNP mène une guerre sans merci. Et j'avoue que lorsque l'on a appris que le frère de Jérôme Kerviel a travaillé à la BNP, j'ai fait partie des gens qui ont cru un instant à la thèse du complot lorsque l'affaire qui a ébranlé la Société Générale est apparue au grand jour.

Et finalement, retrouver M. Pébereau parmi les sarkozystes de 2011 avec Gérard Carreyrou (ami en son vivant de Pierre Bérégovoy) ne pouvait plus surprendre, même si cela pouvait contrarier, voire révolter, étant donné les pratiques politiques honteuses dudit Sarkozy.

Mais revenons à nos moutons

Le rôle de Mme Fioraso

J'ai lu attentivement le PV que le site de l'hebdomadaire "Marianne" a heureusement mis en ligne. Je ne partage pas du tout le sentiment des journalistes de "Marianne" qui ont écrit à son propos et qui en ont rendu compte. En réalité, dans cette affaire, le PS emploie des méthodes mafieuses pour n'avoir pas à ouvrir un débat de fond. Le débat de fond serait de réfléchir à la nature de Sciences Po, que les dernières évolutions font muer (d'une façon irréversible ?), débat qu'il y aurait à ouvrir publiquement et ouvertement. Les méthodes mafieuses consistent à ne pas ouvrir ce débat, mais à utiliser des procédures d'aspect judiciaire pour des problèmes qui ne le sont pas, ce qui suppose que l'on ne cherche pas à guérir le mal, mais à en profiter. Voyons-les.

Dans leur article, les journalistes de "Marianne" affirment que Mme Fioraso n'a jamais mis les pieds à Sciences Po. Il se trouve que ce n'est pas ce que dit sa fiche Wikipedia, qui indique que Mme Fioraso a enseigné à Sciences Po Paris tout récemment, en 2011, donc sous la houlette de Descoings. Par ailleurs, adjointe au maire de Grenoble chargée de l'enseignement supérieur, elle a forcément eu à connaître des évolutions de l'IEP de Grenoble et donc des relations de celui-ci avec Paris.

Or il se trouve que parmi les députés qui ont reçu MM. Pébereau et Casanova à l'Assemblée Nationale, voici quelques jours, plusieurs femmes qui se plaignaient de la non-féminisation de la direction de Sciences Po dans son ensemble se réclamaient ... de Sciences Po Grenoble. Comme par hasard.

C'est donc après sa nomination comme ministre de l'Enseignement supérieur en juin que Mme Fioraso a encouragé une enquête de la cour des Comptes (commencée, elle aussi, en juin). Et pendant tout l'été et le début de l'automne, Mme Fioraso a demandé à la FNSP (en la personne de son représentant légal, le président) de surseoir à la désignation d'un nouveau directeur, en attendant les conclusions de la cour des Comptes (ce faisant, Mme Fioraso ne tenait aucun compte de la présomption d'innocence et préjugeait d'une culpabilité qu'elle organisait par ailleurs en spectacle futur).

En septembre, la cour devait rendre son rapport, Mme Fioraso demanda à Sciences Po de remettre une réunion destinée à désigner le nouveau directeur, ce qui fut fait. Mais pendant ce temps, les fuites commencèrent, et il est admis, selon M. Casanova, que ces fuites du premier rapport de la cour des Comptes ne pouvaient provenir que de la cour elle-même ou ... du cabinet de Mme la ministre de l'Enseignement supérieur, Mme Fioraso.

Or les fuites déstabilisaient l'établissement. Et l'on notait que sur les vingt-quatre candidats au poste de directeur de Sciences Po, quatre émanaient ... de la cour des Comptes. Un autre était le politologue Dominique Reynié. Celui-ci parut incarner d'abord une ligne sarkozyste, traditionnelle pour lui qui dirigeait par ailleurs la Fondation pour l'Innovation Politique, une institution née de l'UMP et d'abord financée par celle-ci avant de l'être par le gouvernement (dans une proportion écrasante, non moins de 80% apparemment). Il apparut ensuite que M. Reynié, se mettant au service du nouveau gouvernement, pouvait chercher là un moyen d'une nouvelle virginité, mobile tellement noble et désintéressé qu'il en ferait pleurer. En tout état de cause, M. Reynié ne peut être considéré comme indépendant dans cette affaire.

Mme Fioraso avait donc tendu son piège : via M. Reynié, elle entretenait l'agitation à Sciences Po et entravait la nomination d'un directeur pour susciter l'impression d'enlisement, tout en distillant des informations sur le rapport de la cour des Comptes (dont les conclusions ne sont pas indiscutables). Finalement, las d'attendre une publication d'un rapport qui était à chaque fois retardée par la cour (pour les raisons que l'on devine) mais dont une main mal intentionnée ne cessait de laisser filtrer les mauvaises feuilles dans la presse, la FNSP prit ses responsabilités et désigna un candidat au poste de directeur, que Mme Fioraso, selon le piège qu'elle avait tendu, put refuser, au mépris de toutes les traditions et alors même que le candidat proposé n'était pas une seule fois mis en cause par le rapport de la cour des Comptes.

La volonté d'étatisation

M. Casanova, dans le PV publié par "Marianne", relève un fait qui a totalement échappé aux journalistes de cet hebdomadaire, tout occupés à crier avec les loups du lynchage. La cour des Comptes a considéré que Sciences Po relevait du statut des associations sans but lucratif et beaucoup d'irrégularités supposées reposent sur ce postulat. Or ce postulat est parfaitement discutable et cette définition ou qualification juridique échappe entièrement à la cour des Comptes, elle relève en dernier ressort sans doute du tribunal des Conflits. En tout état de cause, il faut entendre ce que dit M. Casanova lorsqu'il explique que cette qualification d'association à but non lucratif n'a jamais été évoquée pour Sciences Po dont le statut sui generis est de nature législative (donc supérieur aux décisions de la cour des Comptes auxquelles il doit s'imposer).

Le reste des irrégularités échappe aux décisions du conseil d'administration. En revanche, les orientations stratégiques qui sont visées par les adversaires de l'équipe actuelle de Sciences Po sont revendiquées par un homme dont la moralité me paraît peu discutable, le politologue Olivier Duhamal, qui a grandi en terreau centriste avant de passer au Parti Socialiste.

Donc la montagne judiciaire accouchera d'une souris, ce que chacun de bonne foi peut prévoir, et ce qui devrait faire réfléchir ceux qui crient avec les loups.

Il faut enfin en venir aux "logements de fonction" attribués dans des conditions opaques. L'hebdomadaire "Marianne" a donc si peu d'arguments pour s'abaisser à des accusations aussi mesquines et floues ? Allons, n'y a-t-il pas, parmi les dirigeants de "Marianne" quelqu'un qui a, lui aussi, bénéficié d'un logement dit "social" alors qu'il était journaliste ? Soyons sérieux.

La vérité est politique. Ce qui est reproché, à juste titre, à Descoings, ce sont ses accointances avec le pouvoir sarkozyste. Le reste est sans intérêt. Aller plus loin, c'est laisser supposer que l'on ne veut pas modifier les pratiques de Sciences Po, mais s'en emparer, s'emparer des salaires mirobolants, s'emparer de ces logements de fonction qui font toujours tellement baver dans les chaumières, s'emparer du pouvoir. Et si, en dénonçant la non-féminisation de Sciences Po, on n'allait pas finalement jusqu'à laisser percer une obscure homophobie à l'encontre de Descoings ? Et si, en invoquant sans cesse Sciences Po Grenoble, on ne préparait pas une tentative de prise de pouvoir de Mme Fioraso sur l'institution ? Cela expliquerait tout.

En réalité, il faut cesser ces mises en cause judiciaires qui ne reposent sur rien, rétablir quelques procédures comme cela est proposé par le conseil de la FNSP et pacifier la situation sans réclamer aucune tête.

Ensuite, il faut ouvrir un débat public sur le statut de Sciences Po, en collaboration avec les actuelles instances, et en cessant de brailler comme des gorets.

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